Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats
La typologie adoptée de ces réseaux souterrains a été affinée par rapport au manuel EUR 15 et à Corine Biotopes. Rentrent dans la définition de ce type d’habitat :
- les grottes accessibles à l’homme et peuplées de chauves-souris :
- le réseau de passages et de fissures inaccessibles à l’homme ;
- l’ensemble des microcavités intercommunicantes (dans des éboulis stabilisés…) isolées de la surface par un sol, qui constitue le milieu souterrain superficiel (MSS);
- les aquifères souterrains renfermant des masses d’eau statiques ou courantes.
La découverte du MSS en France est très récente, elle date de 1980. Depuis, celui-ci a été observé dans de nombreuses régions mais se localise principalement dans les zones calcaires fortement karstiques des Pyrénées, des Alpes, du Jura, des Causses du Massif central et de la bordure orientale du Bassin parisien. Il est moins fréquent dans les calcaires peu karstiques tels ceux du centre du Bassin parisien. Il existe aussi localement dans les zones volcaniques du Massif central.
Les réseaux souterrains sont de longueurs très diverses : depuis les galeries obscures de quelques dizaines de mètres, jusqu’aux très grands réseaux complexes à plusieurs niveaux, entrées et avens, tels que le réseau Trombe, de 95 km de développement, le réseau de La-Pierre-Saint-Martin dans les Pyrénées, de 54 km, ou encore le réseau de la dent de Crôle dans les Alpes. Les grottes peuvent se localiser à quelques mètres sous la surface des karsts comme à de grandes profondeurs : 1 342 m à la Pierre-Saint-Martin dans les Pyrénées, 1 600 m au réseau Jean-Bernard et 1 271 m au réseau Berger dans les Alpes. Les grottes proches de la surface peuvent présenter une faune souterraine spécialisée aussi riche et aussi diversifiée que celles des grottes plus profondes.
Ce type d’habitat comprend d’une part des espèces spécialisées d’invertébrés exclusivement souterraines, vivant en milieu terrestre ou aquatique (648 espèces appartenant à 70 ordres), anophthalmes ou microphthalmes, dépigmentées, à faible pouvoir de reproduction, à métabolisme ralenti, et sans rythmes d’activité jour/nuit. Ces espèces sont parfois rares, toujours vulnérables, et sont pour certaines des endémiques strictes ou des fossiles vivants. Cet habitat présente d’autre part des invertébrés (lépidoptères, trichoptères, diptères, etc.) ou des vertébrés n’accomplissant qu’une partie de leur cycle vital dans les grottes. Il s’agit, pour les vertébrés, des chauves-souris et des amphibiens Euproctes. La présence de fossiles vivants s’explique par le maintien sur de très longs pas de temps des conditions microclimatiques régnant à l’intérieur du réseau (10 000 à 20 000 ans pour le MSS, 100 000 ans à des millions d’années pour les habitats terrestres, et dépassant la centaine de millions d’années pour les habitats aquatiques). Ces habitats ont donc servi de refuge pour des espèces disparues de la surface lors de changements climatiques ou de l’effet de la compétition interspécifique. Les espèces (néo) endémiques (telles que les coléoptères Leptodirinées) se sont différenciées suite à une colonisation de cet habitat à une époque récente (et qui se poursuit actuellement). Certaines de ces espèces présentent de fait des proches parents en surface.
Les invertébrés terrestres sont dominés par les coléoptères, en particulier Leptodirinées saprophages (92 espèces en France, 600 en Europe) et Trechinées carnassiers (94 espèces en France, 1 100 dans le monde). Ces espèces ont des aires de répartition très réduites, parfois limitées à une grotte et à son réseau souterrain. Sont également bien représentés en France, les isopodes terrestres (21 espèces), les araignées (33 espèces), les pseudoscorpions (21 espèces), les diplopodes (48 espèces), les collemboles (56 espèces), les diploures Campodés (20 espèces) ainsi que les opilions, les palpigrades, etc.
Les invertébrés aquatiques constituent une faune à haute endémicité, comptant de nombreux fossiles vivants, dominée par les crustacés (230 espèces en France, 2 000 dans le monde), dont les copépodes (60), les amphipodes (36 espèces), les isopodes (29), les syncarides (10), les ostracodes (8), les Hydracarina (32), etc. Présence également de mollusques aquatiques dont les Hydrobiidées (26 espèces). Figure aussi un décapode d’un grand intérêt : Troglocaris inermis.
L’obscurité permanente entraîne l’absence de végétaux chlorophyliens dans l’habitat souterrain strict (zone obscure). Les entrées de grottes, jusqu’à la limite où les derniers photons pénètrent, peuvent toutefois comporter des végétaux supérieurs, des mousses, des algues, des lichens, qui, sauf quelques exceptions ne renferment pas d’espèces spécifiques de cet habitat. Ont été, à titre d’exemple, déjà notés dans ces entrées de grottes : des algues troglophiles rhodophycées (2 espèces), cyanophycées [10 espèces dont une spécifique des très faibles éclairements (Geitleria calcarea)] et xanthophycées (2 espèces), des bryophytes (e.g. Schistostega pannata), des fougères [comme l’Asplénium trichomanès (Asplenium trichomanes)], et des plantes à fleurs sous formes stériles [excepté pour le Géranium herbe-à-Robert (Geranium robertianum) pour lequel ont été trouvées des formes fertiles] de plus en plus rabougries à mesure que l’intensité lumineuse diminue.
Ce type d’habitat est globalement non menacé. Toutefois, les aquifères souterrains sont sensibles aux pollutions accidentelles ou découlant de l’industrialisation, de l’urbanisation et de l’agriculture intensive.
Les carrières, les extractions de matériaux dans les éboulis du MSS, les extractions de granulat dans l’habitat interstitiel des cours d’eau de surface, peuvent localement détruire les habitats. La surfréquentation des grottes, le vandalisme des concrétions peuvent rendre le milieu inapte à la vie des espèces souterraines. La chasse intensive avec des pièges appâtés met en péril certains coléoptères rares, d’autant plus recherchés par les collectionneurs qu’ils sont rares.
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