Typologie nationale des habitats marins benthiques de la Manche, de la Mer du Nord et de l'Atlantique (NatHab-Atl)

L’habitat B1-8 Roches ou blocs infralittoraux en milieu à salinité variable était présent dès la première version de la typologie (Michez et al., 2013) sous la codification R08.09 Roches et blocs infralittoraux en milieu à salinité variable. Le code a ensuite été modifié dans la Version 3 (Michez et al., 2019).

Etage : Infralittoral
Nature du substrat : Roches et blocs [> 64 mm]
Répartition bathymétrique : 0-40 m environ [Dépend de la pénétration de la lumière, ce qui est très variable selon les sites. S’étend jusqu’où l’intensité lumineuse est compatible avec la vie des ma-crophytes photophiles]
Hydrodynamisme : Modéré à fort
Salinité : Euryhalin
Température : Cyclotherme journalier, bimensuel et saisonnier
Lumière : Système phytal, eaux claires ou turbides
Régime trophique : Oligotrophe à eutrophe

Roches ou blocs de la zone infralittorale, retrouvés généralement aux embouchures des systèmes estuariens de la façade Manche - Mer du Nord - Atlantique. L’étage infralittoral s’étend depuis le niveau moyen de basse mer de vives eaux jusqu’à la limite de profondeur où la lumière est insuffisante pour permettre le développement des algues pluricellulaires photophiles. Cette limite inférieure est directement corrélée à la turbidité de l’eau et est très variable d’un site à l’autre ainsi que suivant les saisons. Les fonds rocheux infralittoraux présentent des biocénoses très diverses selon la turbidité, le gradient de salinité, la température et l’exposition à la houle et aux courants. Dans les zones turbides, les roches ou blocs peuvent héberger une biocénose à dominance animale (faune sessile et vagile) tandis que les eaux plus claires sont davantage favorables au développement d’une biocénose à dominance végétale (laminaires et/ou autres algues du type fucales, algues vertes et rouges). De manière générale, les communautés algales et animales fixées sont largement présentes aux embouchures des estuaires, puis diminuent en diversité et en densité vers l’amont.

L’habitat varie selon le type de substrat dur (massif rocheux et/ou blocs plus ou moins grossiers). Le type de biocénose qui colonise les milieux rocheux varie selon la turbidité, la température de l’eau, la profondeur du substrat, le gradient de salinité et la vitesse des courants fluviaux et marins. La topographie du site et la proximité des fonds sédimentaires influent également sur le couvert algal et/ou animal. Les sous-habitats de niveau trois et certains de niveau quatre sont décrits sur leur page INPN respective.

L’habitat B1-8 ne se reconnaît pas par des espèces caractéristiques mais par la bathymétrie et la présence de substrat dur en milieu à salinité variable.

Dans le cadre de cette fiche, les espèces associées ont été définies comme les espèces les plus fréquemment citées dans la littérature pour cet habitat. La liste suivante regroupe les espèces communément retrouvées dans les secteurs polyhalin, mésohalin et oligohalin de cet habitat. Pour le secteur euhalin, se référer aux listes d’espèces associées aux habitats B1-1 Roches ou blocs de la frange infralittorale, B1-2 Champs de blocs de la frange infralittorale, B1-3 Laminaires de l'infralittoral supérieur, B1-4 Laminaires de l'infralittoral inférieur, B1-5 Roches ou blocs infralittoraux à couverture végétale autre que les laminaires, B1-6 Roches ou blocs infralittoraux à dominance animale auxquelles peuvent être ajoutées les espèces citées ici.

Les roches ou blocs infralittoraux étant souvent abrités dans les milieux à salinité variable, la faune et la flore qui les colonisent ne sont généralement pas ou peu contraintes par l’arrachement durant la saison des tempêtes. Les habitats à dominance végétale évoluent selon le recouvrement de macroalgues de type pérennes (laminaires et fucales) et/ou annuelles (algues vertes et rouges).

L’habitat B1-8 peut potentiellement être en contact avec les habitats suivants (liste non-exhaustive) :
En contact supérieur avec les habitats médiolittoraux :
- A1-5 Roches ou blocs médiolittoraux avec fucales en milieu à salinité variable
- A3-3 Sédiments grossiers médiolittoraux en milieu à salinité variable
- A4-2 Sédiments hétérogènes envasés médiolittoraux en milieu à salinité variable
- A5-5 Sables médiolittorales en milieu à salinité variable de la slikke
- A6-3 Vases médiolittorales en milieu à salinité variable de la slikke

En contact de même niveau ou en association avec :
- B3-3 Sables grossiers et graviers infralittoraux en milieu à salinité variable
- B4-2 Sédiments hétérogènes infralittoraux en milieu à salinité variable
- B5-4 Sables mobiles infralittoraux en milieu à salinité variable
- B6-4 Vases infralittorales en milieu à salinité variable

En contact inférieur avec les habitats circalittoraux :
- C1-8 Roches ou blocs circalittoraux en milieu à salinité variable

La confusion est essentiellement d'ordre altitudinal avec les habitats A1-5 Roches ou blocs médiolittoraux avec fucales en milieu à salinité variable et C1-8 Roches ou blocs circalittoraux en milieu à salinité variable. Le relevé des coordonnées GPS couplé aux cartes marines permet de faire la distinction.

Les roches ou les blocs en milieu à salinité variable se concentrent majoritairement en Bretagne, au niveau des embouchures de certains estuaires et abers (estuaires du Trieux, du Jaudy, de la Penzé, de l’Odet, du Blavet, de la Vilaine, Rivière d’Etel, aber Wrac’h). Dans l’estuaire du Trieux, ils sont présents tout le long du secteur euhalin. Ils bordent également certains îlots plus en amont, tels que dans l’estuaire de la Rance et du Blavet ainsi que dans le Golfe du Morbihan, à proximité des rivières. Dans le reste de la Manche, l’habitat est visible à la sortie de La Liane, du Canal d’Eu à la Mer et de l’Yères, proche des rives de l’embouchure de la Seine ainsi que dans la Baie des Veys. Dans le Golfe de Gascogne, les roches sont présentes aux embouchures de la Loire, de la Gironde, de la Bidassoa et en fond de baie de Saint-Jean-de-Luz, influencée par la Nivelle. La Bidassoa comprend aussi cet habitat sur les rives du secteur polyhalin. En Bretagne et sur la côte Basque, les suivis de peuplements algaux sont en cours sur la zone médiolittorale dans le cadre de la DCE et d’autres programmes d’étude tel que ECOKELP pour les laminaires. La zone infralittorale est cependant encore mal documentée. Des prospections terrains seraient nécessaires pour identifier les sous-habitats présents sur chaque site rocheux, afin de caractériser leurs distributions spatiales et leur évolution.

Les roches ou blocs à dominance algale représentent un espace multidimensionnel qui accroît la complexité de l’habitat et permet à tout un cortège d’espèces animales et végétales de coexister sur une même surface. En créant de l’espace disponible dans le milieu, les macroalgues peuvent accueillir un grand nombre d’invertébrés benthiques sessiles ou vagiles (mollusques, crustacés, échinodermes, annélides), qui s’y nourrissent de microalgues et macroalgues. Cet espace à forte production biologique sert également de zone de refuge et d’alimentation pour certaines espèces de poissons. Il correspond à un point de chute privilégié pour les larves planctoniques de certaines espèces du benthos, crée des zones d’ombre propices aux espèces sciaphiles et brisent l’énergie des vagues.
L’habitat dominé par une faune épigée peut être soit lié à des conditions non favorables au développement des algues (eaux très turbides), soit au broutage intense de certains invertébrés, surtout les patelles et les oursins, qui peuvent entièrement dénuder un rocher de son tapis algal. Le premier cas est retrouvé en domaines mésohalin et polyhalin des estuaires et le second peut avoir lieu en domaine euhalin.

Au titre de la DHFF (92/43/CEE), cet habitat est inclus dans l’Habitat d’Intérêt Communautaire (HIC) 1170 « Récifs ». Il peut également correspondre à l’HIC 1130 « Estuaires », à l’HIC 1150 « Lagunes côtières » ou à l’HIC 1160 « Grandes criques et baies peu profondes » sous réserve de respect des critères d'identification géomorphologiques et de délimitation physiographiques de l'HIC.

Pour la flore comme pour la faune benthique, le changement global pourrait avoir des conséquences néfastes sur la reproduction et la croissance des espèces sensibles locales et pourrait favoriser le développement d’espèces acclimatées à des eaux plus chaudes.
Les pressions chimiques et biologiques qui s’opèrent sur l’habitat B1-8.1.2 Roches ou blocs infralittoraux en milieu à salinité variable à fucales, algues vertes et rouges tendent à favoriser la colonisation des algues vertes opportunistes fixées au détriment des fucales et des algues rouges (Bajjouk et al., 2015 ; Dion et al., 2009).
Le réchauffement des eaux côtières pourrait fortement influencer la migration des laminaires, des fucales et des algues rouges vers le nord (Derrien-Courtel & Le Gal, 2011 ; Gallon et al., 2014 ; Robuchon, 2014). On assisterait dans un premier temps à un remplacement par des algues opportunistes, puis progressivement à la colonisation d’autres algues pérennes telle que la laminaire introduite Undaria pinnatifida (Bajjouk et al., 2015) qui est adaptée à des eaux plus chaudes et qui présente une grande tolérance aux pollutions organiques et aux variations de salinité (Wacquant et al., 2019).

Latry L., Blanchet H., Derrien S., Le Gal A.

2020

Michez N., Aish A., Hily C., Sauriau P.-G., Derrien-Courtel S., de Casamajor M.-N., Foveau A., Ruellet T., Lozach S., Soulier L., Popovsky J., Blanchet H., Cajeri P., Bajjouk T., Guillaumont B., Grall J., Gentil F., Houbin C., Thiébaut E., 2013. Typologie des habitats marins benthiques français de Manche, de Mer du Nord et d'Atlantique : Version 1. Rapport SPN 2013 - 9, MNHN, Paris, 32 p. (Source)

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