Typologie nationale des habitats marins benthiques de la Manche, de la Mer du Nord et de l'Atlantique (NatHab-Atl)

L’habitat A2-1 Récifs de moules (moulières) médiolittoraux a été ajouté dans la version 3 (Michez et al., 2019) de la typologie (source de l’ajout N. Michez) avec deux sous-habitats : les Récifs de moules (moulières) sur roches ou blocs médiolittoraux (A2-1.1) et les Récifs de moules (moulières) sur sédiments médiolittoraux (A2-1.2). L’habitat A1-2 regroupe les habitats Bancs de moules intertidaux sur sédiments (P05 dans la version 1 (Michez et al., 2013) puis P07 dans la version 2 (Michez et al., 2015)) et Moulières sur roches et blocs (P06 dans la version 1 puis P08 dans la version 2) issus des versions précédentes de la typologie.

Etage : Médiolittoral
Nature du substrat : Roches et blocs [>10cm] ; Sédiments hétérogènes [fort pourcentage de galet ou coquilles]
Répartition bathymétrique : >0m
Hydrodynamisme : Variable
Salinité : Milieu marin
Température : Variable
Lumière : Système phytal ; Eaux claires
Régime trophique : Mésotrophe

L’habitat A2-1 est présent sur les roches, blocs ou sédiments hétérogènes ou sableux du médiolittoral. Selon le type de substrat, cet habitat sera présent dans des zones relativement exposées (substrat rocheux) ou abritées (substrat meuble). La principale espèce formant l’habitat est Mytilus edulis mais Mytilus galloprovincialis peut éventuellement être présente (ainsi que des hybrides des deux espèces). Les moules se fixent sur le substrat où elles forment des taches éparses puis se développent jusqu’à former un récif formé de strates de moules mortes et vivantes. Les moulières forment un habitat complexe où trouvent refuge un certain nombre d’espèces. La diversité n’y est pas très élevée mais des abondances importantes peuvent y être recensées.

L’habitat A2-1 peut varier selon certains paramètres. Le type de substrat peut varier selon les sites car les récifs peuvent se développer aussi bien sur substrat rocheux que sur substrat meuble. Les moules auront une position épibenthique sur substrat rocheux tandis qu’elles pourront également adopter une position endobenthique sur substrat meuble (Buschbaum et al., 2009). La taille du récif varie selon les conditions hydrodynamiques et en fonction de la disponibilité en substrat. L’espèce caractéristique du récif est majoritairement Mytilus edulis sur les côtes de la Manche puis de la Loire à la Gironde tandis que Mytilus galloprovincialis est principalement observée au Pays Basque et sur les côtes bretonnes. Le golfe Norman-Breton, les côtes de Bretagne sud et les côtes landaises constituent des zones d’hybridation (Biseau et al., 2016 ; Le Mao et al., 2019). Il est à noter que la différenciation à l’œil nu de ces deux espèces est très difficile, y compris à cause de la grande proportion d’hybride, et que l’utilisation de la génomique est généralement nécessaire pour faire la distinction entre M. edulis et M. galloprovincialis (Tagliarolo et al., 2012). Les sous-habitats de niveau trois sont décrits sur leur page INPN respective.

L’habitat est caractérisé par la présence de la moule Mytilus edulis (ou Mytilus galloprovincialis) formant des récifs complexes fixés sur des substrats rocheux ou des sables hétérogènes.

La liste fournie ne constitue pas une liste exhaustive des espèces associées à cet habitat. Les espèces associées aux récifs de moules médiolittoraux peuvent varier selon que le substrat soit rocheux ou meuble. D’une manière générale, des cirripèdes peuvent vivre fixés sur les moules (ex : Semibalanus balanoides, Chthamalus stellatus, Chthamalus montagui, Austrominius modestus, Balanus crenatus). Si du substrat rocheux est disponible, des gastéropodes peuvent s’y fixer (ex : Nucella lapillus, Patella vulgata). Au sein des moulières pourront être présents le bivalve Lasaea rubra, le polychète Eulalia clavigera, des littorines (ex : Littorina littorea, Littorina saxatilis) et le crabe vert Carcinus maenas. Quelques espèces d’algues peuvent être fixées sur les moules (ex : Palmaria palmata, Corallina officinalis, Nemalion elminthoides, Ceramium shuttlewothianum, Mastocarpus stellatus, Porphyra umbilicalis).
Les polychètes Arenicola marina et Lanice conchilega pourront être observés en milieux sableux accompagnés de Phyllodoce mucosa, Hediste diversicolor, Pygospio elegans ou encore Eteone longa. Les crustacés Corophium volutator et Crangon crangon ainsi que les bivalves Cerastoderma edule et Limecola balthica peuvent aussi potentiellement être observés dans le sédiment.

Lorsque le récif est présent en zone exposée et sur un substrat rocheux, des paquets de moules peuvent parfois être arrachés sous l’action de la houle, favorisant le développement d’autres espèces (ex : balanes) sur le substrat nouvellement disponible. Il s’agit d’un phénomène faisant partie de l’évolution naturelle de l’habitat et qui amène temporairement vers l’habitat A1-3.1.2 Cirripèdes et moules des roches ou blocs médiolittoraux. Cela peut en revanche être responsable d’inexactitude lors de la cartographie de l’habitat.
Les moulières sur sédiments meubles sont parfois éphémères et peuvent être amenées à disparaître si le banc de sable se déplace à cause des conditions hydrodynamiques.

L’habitat A2-1 peut être en contact avec un certain nombre d’habitats (liste non-exhaustive) :
- A1-1 Roches ou blocs supralittoraux : contact supérieur
- A1-2 Roches ou blocs médiolittoraux à dominance algale : contact de même niveau
- A1-3 Roches ou blocs médiolittoraux à dominance animale : contact de même niveau
- A3-2 Sédiments grossiers propres médiolittoraux : contact de même niveau
- A5-2.1 Sables médiolittoraux mobiles propres : contact de même niveau
- A5-2.1 Sables médiolittoraux mobiles propres : contact de même niveau
- A5-4 Sables fins envasés médiolittoraux : contact de même niveau
- B1-1.2.2 Roches ou blocs de la frange infralittorale inférieure à Laminaria digitata : contact inférieur, continuité bathymétrique

L’habitat A2-1 peut potentiellement être confondu avec l’habitat A1-3.1.2 Cirripèdes et moules des roches ou blocs médiolittoraux avec lequel il est en continuité spatiale et/ou temporelle.

Les informations disponibles à propos de la répartition géographique des moulières médiolittorales concernent principalement les moulières sur substrat rocheux (A2-1.1). Ces dernières ont été référencées sur le nord de la France (Meirland, 2016) au niveau de Boulogne-sur-Mer, Wimereux et du Cap Gris Nez. Des moulières sur substrat rocheux sont aussi présentes sur les côtes normandes (baie de l’Orne) et en Bretagne en Baie de Morlaix et aux alentours de Saint-Malo et Dinard (Bounous et al., 2012), en Iroise dans la baie de Douarnenez et sur les côtes des îles du Morbihan. L’habitat est également présent en Vendée (identifié à la pointe d’Arcay en 2010) et à Marennes-Oléron (observations de 1981) ainsi qu’à proximité et dans l’estuaire de la Gironde (Sauriau & Blanchet, 2018)
Peu d’informations sont disponibles concernant les moulières sur sédiments meubles (A2-1.2) à l’exception d’un banc de moules sur sédiments vaseux de taille importante au Croisic et un autre dans l’estuaire de la Seine (Hily & Kerninon, 2012a, 2012b, 2012c). Un banc de moules sur sédiment est également cartographié sur les côtes de Penmarc’h. Des prospections seraient nécessaires pour confirmer ou non leur présence dans ces zones et plus largement sur l’ensemble des régions marines considérées car des lacunes importantes existent.

Les moulières agissent comme un substrat dur et offrent des surfaces de fixation supplémentaires pour la faune et la flore sessile, permettant une hausse de la diversité. Cela est notamment vrai pour les moulières sur sédiments meubles qui constituent alors le seul substrat dur du milieu (Buschbaum et al., 2009). Elles offrent également refuges et abris à certaines espèces face à la prédation (Norling & Kautsky, 2007). Les moulières servent également de sources de nourriture pour certaines espèces de crabes (ex : Carcinus maenas), de poissons et d’oiseaux (ex : mouettes, goélands, huitriers-pie, macreuses, eiders) qui se nourrissent directement de moules (Meirland, 2016).
Les récifs de moules sur sédiments meubles jouent un rôle important de stabilisation des sédiments grâce aux denses réseaux que forment leur byssus et constituent donc un frein à l’érosion (Meadows et al., 1998).

Au titre de la DHFF (92/43/CEE), cet habitat est inclus dans l’Habitat d’Intérêt Communautaire (HIC) 1170 « Récifs ». Il peut également correspondre à l’HIC 8330 « Grottes marines submergées ou semi-submergées » sous réserve de respect des critères d'identification (notamment de structure) et à l’HIC 1130 « Estuaires » ou l’HIC 1150 « Lagunes côtières » sous réserve de respect des critères d'identification géomorphologiques et de délimitation physiographiques de l'HIC. Le sous-habitat A2-1.2 (moulières sur sédiments meubles) est également considéré comme un habitat menacé et/ou en déclin par la convention OSPAR (OSPAR Commission, 2015).

Lorsque les moulières sont présentes sur des sédiments meubles dans des zones à faibles courants, l’accumulation de fécès et pseudo-fécès peut être responsable de l’envasement du milieu ce qui peut être responsable de changement d’abondance des espèces d’invertébrés benthiques vivant dans le sédiment (Bajjouk et al., 2015). En France, cela concerne notamment la Bretagne nord, la Normandie et le Nord. La mise en place de bouchots dans le cadre de la mytiliculture pourrait favoriser la formation de récifs sauvages, notamment dans des milieux abrités (Hily & Kerninon, 2012c).

Tauran A., Grall J.

2020

Michez N., Aish A., Hily C., Sauriau P.-G., Derrien-Courtel S., de Casamajor M.-N., Foveau A., Ruellet T., Lozach S., Soulier L., Popovsky J., Blanchet H., Cajeri P., Bajjouk T., Guillaumont B., Grall J., Gentil F., Houbin C., Thiébaut E., 2013. Typologie des habitats marins benthiques français de Manche, de Mer du Nord et d'Atlantique : Version 1. Rapport SPN 2013 - 9, MNHN, Paris, 32 p. (Source)

 Michez N., Bajjouk T., Aish A., Andersen A. C., Ar Gall E., Baffreau A., Blanchet H., Chauvet P., Dauvin J. -C., De Casamajor M.-N., Derrien-Courtel S., Dubois S., Fabri M.-C., Houbin C., Legall L., Menot L., Rolet C., Sauriau P.-G., Thiébaut E., Tourolle J., Van den Beld I., 2015. Typologie des habitats marins benthiques de la Manche, de la Mer du Nord et de l’Atlantique Version 2. Rapport SPN 2015 - 45, MNHN, Paris, 61 p. (Source)

 Michez N., Thiébaut E., Dubois S., Le Gall L., Dauvin J.C., Andersen A. C., Baffreau A., Bajjouk T., Blanchet H., de Bettignies T., de Casamajor M.-N., Derrien-Courtel S., Houbin C., Janson A.L., La Rivière M., Lévèque L., Menot L., Sauriau P.G., Simon N., Viard F., 2019. Typologie des habitats marins benthiques de la Manche, de la Mer du Nord et de l’Atlantique. Version 3. UMS PatriNat, Muséum national d'Histoire naturelle, Paris, 52 p. (Source)

AAMP (Agence des Aires Marines Protégées) 2012. Natura 2000 en mer – Lot 2 Pertuis charentais et Estuaire de la Gironde : Inventaires biologiques et analyse écologique des habitats marins. 418 p.

Babcock M.M., Harris P.M., Carls M.G., Brodersen C.C. & Rice S.D. 1998. Mussel bed restoration and monitoring, Exvon Valdez Oil Spill Restoration Project Final Report. Restoration Project 95090. National Oceanic and Atmospheric Administration, National Marine Fisheries Service, Auke Bay Laboratory, Juneau, Alaska, 153 p. + annexes

Bajjouk, T., Guillaumont, B., Michez, N., Thouin, B., Croguennec, C., Populus, J., Louvel‐Glaser, J., Gaudillat, V., Chevalier, C., Tourolle, J. & Hamon, D. 2015. Classification EUNIS, Système d’information européen sur la nature : Traduction française des habitats benthiques des Régions Atlantique et Méditerranée. Vol. 1. Habitats Littoraux. Réf. IFREMER/DYNECO/AG/15‐02/TB1, 231 p.

Beaumont A.R.& Budd M.D. 1984. High mortality of the larvae of the common mussel at low concentrations of tributyltin. Marine Pollution Bulletin, 15(11): 402–405. https://doi.org/10.1016/0025-326X(84)90256-X

 Bensettiti F., Bioret F., Roland J. & Lacoste J.-P. (coord.) 2004. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 2 - Habitats côtiers. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 399 p. + cédérom.

 Biseau A., Le Mao P., Sartoretto S., Tourolle J., Menot L., Fabri M.-C., Larnaud P., Drogou M., Morandeau F., Vacherot J.P. & Vermard Y., 2016. Compléments à la réponse à la saisine 2008-1014 sur les pressions potentielles des engins de pêche sur les habitats et espèces listés dans les Directives Habitats (92/43/EEC) et Oiseaux (2009/147/CE), pour les sennes danoises et écossaises ainsi qu’envers.

Buschbaum C., Dittmann S., Hong J.S., Hwang I.S., Strasser M., Thiel M., Valdivia N., Yoon S.P.& Reise K., 2009. Mytilid mussels: Global habitat engineers in coastal sediments. Helgoland Marine Research, 63(1): 47–58.
https://doi.org/10.1007/s10152-008-0139-2

Büttger H., Asmus H., Asmus R., Buschbaum C., Dittmann S.& Nehls G. 2008. Community dynamics of intertidal soft-bottom mussel beds over two decades. Helgoland Marine Research, 62(1): 23-36.
https://doi.org/10.1007/s10152-007-0099-y

Dauvin J.-C., Dauvin L., Gofas S. & Comolet-Tirman J. 1994. Typologie des ZNIEFF-Mer, liste des paramètres et des biocénoses des côtes françaises métropolitaines. Collection Patrimoines Naturels, vol. 12, Paris, Secrétariat Faune-Flore/MNHN, 70 p.

Hily C. & Kerninon F. 2012. Caractéristiques et état biologique - Golfe de Gascogne. Habitats particuliers du médiolittoral. Evaluation Initiale – DCSMM. 14 p.

Hily C. & Kerninon F. 2012. Caractéristiques et état biologique - Manche Mer du Nord. Habitats particuliers du médiolittoral. Evaluation Initiale – DCSMM. 15 p.

Hily C. & Kerninon F. 2012. Caractéristiques et état biologique - Mers Celtiques. Habitats particuliers du médiolittoral. Evaluation Initiale – DCSMM. 10 p.

Le Hir M. & Hily C. 2002. First observations in a high rocky-shore community after the Erika oil spill (December 1999, Brittany, France). Marine Pollution Bulletin, 44(11): 1243–1252. https://doi.org/10.1016/S0025-326X(02)00217-5

Le Mao P., Godet L., Fournier J., Desroy N., Gentil F., Thiébaut É.& Chambers P 2019. Atlas de la faune marine invertébrée du golfe Normano-Breton. Volume 6 : Espèces particulières, 130 p.

Meadows P.S., Meadows A., West F.J.C., Shand P.S. & Shaikh M.A. 1998. Mussels and mussel beds (Mytilus edulis) as stabilizers of sedimentary environments in the intertidal zone. Geological Society Special Publication, 139: 331-347.
https://doi.org/10.1144/GSL.SP.1998.139.01.26

Meirland A. 2016. Seconde note méthodologique sur la définition de l’état de conservation des moulières à Mytilus edulis du nord de la France. Life+ Pêche à pied de loisir, 272 p.

Norling P. & Kautsky N. 2007. Structural and functional effects of Mytilus edulis on diversity of associated species and ecosystem functioning. Marine Ecology Progress Series, 351: 163-175.
 https://doi.org/10.3354/meps07033

OSPAR Commission 2015. Background document on Intertidal Mytilus edulis beds on mixed and sandy sediments. 35 p.

Ragnarsson S.Á. & Raffaelli D. 1999. Effects of the mussel Mytilus edulis L. on the invertebrate fauna of sediments. Journal of Experimental Marine Biology and Ecology, 241(1): 31-43.
 https://doi.org/10.1016/S0022-0981(99)00063-5

 Sauriau P.-G. & Blanchet H. 2018. Habitats marins et estuariens de l’estuaire de la Gironde : bilan des connaissances et cartographie NATURA 2000. XVème Journées Nationales Génie Côtier – Génie Civil, 703–716.

Tagliarolo M., Clavier J., Chauvaud L., Koken M. & Grall J. 2012. Metabolism in blue mussel: intertidal and subtidal beds compared. Aquatic Biology, 17(2): 167-180.
 https://doi.org/10.3354/ab00464

Tillin H.M. & Mainwaring K. 2015. Littoral mussel beds on sediment. InTyler-Walters H. and Hiscock K., Marine Life Information Network: Biology and Sensitivity Key Information Reviews, [on-line]. Plymouth: Marine Biological Association of the United Kingdom. [cited 14-12-2020]

Vollette J. & Thirion, J. 2016. Mise en place d’un suivi écologique des milieux littoraux – estrans sableux, dunes et estrans rocheux – de Saint-Georges-de-Didonne. In Ville de Saint-Georges-de-Didonne, OBIOS, Pont-l’Abbé-d’Arnoult, 163 p.