JA - Substrats artificiels du supralittoral et médiolittoral

Typologie nationale des habitats marins benthiques de la Manche, de la Mer du Nord et de l'Atlantique (NatHab-Atl)

Source de l'ajout à la typologie

L’habitat JA et le sous-habitat JA-1 ont été ajoutés dans la version 3 de la typologie (Michez et al., 2019) (source de l’ajout : Michez N., Thiébaut E. et Viard F., 2018).

Facteurs abiotiques

Étage : Supralittoral/Médiolittoral
Nature du substrat : Artificiel
Répartition bathymétrique : <0m (intertidal).
Hydrodynamisme : Faible à fort
Salinité : Milieu marin
Température : Eurytherme
Lumière : Système phytal
Régime trophique : /

Caractéristiques stationnelles

Cet habitat se caractérise par des substrats artificiels tels que des ouvrages de protection (enrochements, digues, brise-lames, ...), des piliers de ponts, des pontons portuaires, des balises, des bouées, des structures des concessions conchylicoles, etc… découvrant à marée basse. Ces substrats peuvent être de nature extrêmement différente en roches naturelles, en béton, en acier, en bois ou en matières synthétiques. En fonction de leur localisation, ils sont exposés à un hydrodynamisme extrêmement variable.
Comme sur les substrats rocheux naturels (A1), les espèces colonisant les substrats artificiels se répartissent selon les différents étages de la zone intertidale et en fonction des conditions hydrodynamiques. On retrouve des algues brunes (Pelvetia canaliculata, Fucus spp.), des algues vertes Ulva spp., des algues rouges telles que des Corallinacées, des balanes (Balanusspp., Chthamalus spp.), des gastéropodes (Patella spp., Littorina spp.em>Gibbula spp.), et localement des moules Mytilus spp.
Lorsqu’ils sont construits avec des roches naturelles, ces substrats artificiels se rapprochent des roches ou blocs supralittoraux (A1-1) et médiolittoraux (A1-5). Cependant les espèces mobiles les plus grosses (gastéropodes et échinodermes) tendent à être moins abondantes sur les substrats artificiels.
Les substrats artificiels peuvent être le lieu privilégié de colonisation d’espèces non-indigènes, ces dernières ayant tendance à les préférer aux substrats naturels. Ils peuvent donc être des supports pour des espèces comme l’huître creuse Magallana gigas, la balane , les ascidies Corella eumyota, Botrylloides violaceus ou Didemnum vexillum ou l’algue brune Undaria pinnatifida.

Variabilité

La biocolonisation d’un substrat nu se caractérise par différentes étapes d’installation d’organismes. Quelques heures après la mise à l’eau de la structure, un film bactérien se met en place, permettant l’installation dans les jours qui suivent des premiers organismes unicellulaires phototrophes (diatomées épibenthiques). Après quelques semaines, les organismes pluricellulaires s’établissent suite à la sédentarisation de postlarves ou de plantules qui vont se développer et croître, jusqu’à atteindre un équilibre dynamique qui varie dans le temps et dans l’espace sous l’influence des conditions environnementales, des saisons, de la compétition entre espèces, de la prédation ou de mécanismes de facilitation.
La communauté des substrats artificiels constitue souvent une mosaïque plus ou moins complexe, composée d’assemblages d’organismes à différents stades de développement.

La structure des communautés varie dans l’espace et dans le temps en fonction de paramètres physico-chimiques et biologiques, d’origines naturelles ou anthropiques qui sont : l’hydrodynamisme, la nature du substrat, la complexité de l’habitat, l’inclinaison et l’orientation du substrat, et la mobilité de la structure.

  • Hydrodynamisme : l’exposition à la houle et aux courants de marée qui varie en fonction des saisons et de la localisation géographique de l’habitat, modifie les assemblages d’espèces. Comme en milieu naturel, les milieux exposés seront principalement colonisés par des balanes alors que les milieux abrités seront plus propices au développement des macroalgues et de certaines ascidies.
  • Nature du substrat (soit le type de matériau) : semble plutôt influencer les premiers stades de colonisation. Cependant certains matériaux sont peu colonisés du fait qu’ils contiennent des substances toxiques.
  • Complexité de l’habitat : les structures construites en matériaux rugueux ou composées de blocs de roches empilées sont davantage colonisées que les structures lisses et compactes, la rugosité favorisant le recrutement des juvéniles ou des plantules. Les enrochements peuvent par ailleurs créer des microhabitats proches de ceux existants dans le milieu naturel.
  • Inclinaison du substrat : la verticalité de la structure joue un rôle sur la composition de la communauté : plus le substrat est vertical, plus la communauté est pauvre. Ainsi les oursins, les étoiles de mer et les gros gastéropodes sont absents des substrats artificiels verticaux.
  • Orientation du substrat : les espèces photophiles se fixent sur le dessus des substrats artificiels afin de bénéficier d’un accès optimal à la lumière alors que les espèces sciaphiles colonisent le dessous des substrats artificiels.
  • Mobilité de la structure : les structures statiques sont plutôt recouvertes par des bryozoaires, des hydraires ou des balanes alors que les structures mobiles le sont par des algues et du biofilm.

Dynamique temporelle

Au-delà des étapes de la colonisation initiale des substrats artificiels déjà évoquées, il n’existe pas à notre connaissance de suivis permettant de décrire la dynamique temporelle de cet habitat.

Habitats pouvant être associés ou en contact

Au même niveau : les habitats meubles ou durs de l’étage médiolittoral sur lesquels sont fixés ou posés les substrats artificiels côtiers.
En dessous : JB - Substrats artificiels de l'infralittoral

Confusions possibles

Aucune confusion possible.

Répartition géographique

Sur l’ensemble des côtes de la Mer du Nord, de la Manche et de l’Atlantique.

Fonctions écologiques

Habitat : les substrats artificiels du supralittoral et du médiolittoral peuvent constituer les uniques habitats de substrats durs dans des régions dominées par des substrats meubles. Ils contribuent ainsi à accroître la diversité régionale et à maintenir des populations viables d’espèces de substrats durs. Dans un contexte de changement climatique, des travaux menés sur les espèces médiolittorales de substrats rocheux en Manche, le long des côtes sud de l’Angleterre, ont suggéré que ces habitats artificiels favorisaient l’expansion de l’aire de distribution des espèces en offrant des habitats relais entre zones d’habitats rocheux naturels.

Rôle trophique : l’organisation trophique de cet habitat peut être extrêmement variable. Alors qu’il est communément admis que les habitats artificiels présentent une organisation fonctionnelle simplifiée, des observations au niveau d’un enrochement en rade de Brest ont mis en évidence une complexité trophique tout à fait comparable à celle d’habitats naturels. De tels résultats soulignent ainsi une diversité d’organisation trophique à mettre en relation avec la variabilité de la complexité physique de cet habitat, et en corollaire, de sa composition faunistique et floristique. Des connectivités trophiques entre habitats artificiels et habitats naturels adjacents ont par ailleurs été observées, par exemple entre une digue rocheuse et un herbier de Zostera dans le bassin d’Arcachon.

Statut de conservation

Cet habitat ne dispose d’aucun statut de conservation.

Tendance évolutive

L’urbanisation croissante des littoraux qui s’accompagne du développement de nouvelles infrastructures pour soutenir le trafic maritime et les activités de plaisance ou contribuer à la protection du littoral contre l’érosion a favorisé au cours des dernières décennies et continuera à favoriser dans le futur l’expansion de cet habitat. Au-delà des impacts locaux des structures artificielles sur les lieux de leur implantation, ces habitats auront également des impacts grandissants à des échelles plus larges en influençant la connectivité démographique ou trophique entre habitats.

Auteur(s)

Lutrand A., Houbin C., Thiebaut E.

Date de rédaction

2020

Bibliographie

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