Typologie nationale des biocénoses benthiques de Méditerranée (NatHab-Med)

Etage : Infralittoral
Nature du substrat : Sableux à sablo-vaseux, caillouteux ou coquillier
Répartition bathymétrique : 0 à 1 m, souvent moins de 0,5 m
Situation : Lagunes peu profondes, en situation souvent abritée, y compris anciens salins à fonctionnement hydraulique proche de l’état naturel
Hydrodynamisme : Nul
Salinité : Eaux saumâtres à salées (8 - 40 (60))
Température : Elevée, eaux fréquemment surchauffées
Lumière : Groupement héliophile
Régime trophique : Oligo-mésotrophe

Les herbiers immergés des lagunes méditerranéennes peu profondes (< 1 m), temporaires (à exondation précoce) et endoréiques. Ces cortèges à développement vernal sont constitués de mosaïques de plantes annuelles (algues Characées, une mousse hépatique Riella helicophylla) et d’herbiers vivaces de petites Potamogétonacées (genres Althenia, Ruppia). Ils se rencontrent également, mais plus rarement, dans des chenaux et fossés de marais saumâtres ou aux embouchures de cours d’eau.
De toute évidence, les paramètres stationnels les plus marquants des lagunes à Lamprothamnium sont l’évolution de la salinité au cours du temps et le régime hydrique, caractérisé par un assèchement estival marqué (lagunes endoréiques). Les espèces qui constituent ce groupement germent à des niveaux de salinité faibles (optimum à moins de 10) pour ensuite se développer et fructifier à des taux de salinité croissant graduellement au printemps, par concentration. Elles se caractérisent encore par leur capacité à entrer en dormance sur de longues périodes, sous forme de rhizomes ou de diaspores, pour ne germer que lorsque les conditions d’inondation du milieu redeviennent favorables. L’inondation doit au minimum durer trois mois pour que les espèces puissent réaliser leur cycle.

Il existe des variantes du groupement où Lamprothamnium se développe en conditions permanentes. Dans ces stations, les herbiers vivaces à Ruppia sont généralement plus développés que dans les lagunes temporaires. D’autres variantes peuvent être observées dans des lagunes à fonctionnement intermédiaire, notamment à proximité des arrivées d’eaux douces. Ces stations intermédiaires sont caractérisées par l’apparition d’autres Characées des genres Chara (C. baltica, C. canescens et C. galioides) et Tolypella (T. glomerata, T. hispanica).

Une dynamique naturelle est régulièrement observée en périphérie des lagunes temporaires : il s’agit d’un atterrissement progressif en lien avec l’installation des sansouires vivaces : les espèces vivaces les plus résistantes aux taux de salinité fluctuants et très élevés en été sont Arthrocnemum glaucum et Sarcocornia fruticosa. Ces espèces peuvent progressivement coloniser les stations périphériques les moins submergées en hiver et ainsi faire disparaître certaines pièces d’eau avec cortège à Althenia et Lamprothamnium.

Parmi les espèces caractéristiques de ce cortège singulier, la Characée en queue-de-renard Lamprothamnium papulosum est l’espèce la plus fréquente. Dans les stations non ou peu altérées, elle est typiquement accompagnée d’autres espèces à développement également annuel et vernal, telles que la Tolypelle des salines (Tolypella salina, Characée) et Riella helicophylla, une minuscule hépatique. En règle générale, le groupement présente une végétation très ouverte, peu recouvrante (10 à 20 %). Dans ses stations les moins profondes et les plus temporaires, Lamprothamnium papulosum se présente sous sa forme naine pouzolsii (2 à 3 cm), parfois peu détectable.

Présence du cortège d’espèces caractéristiques.

Association à Stuckenia pectinata (III.1.1.a.)
Association à Ruppia maritima (Syn. Ruppia spiralis ; Syn. Ruppia cirrhosa)
Association à Zostera noltei (III.1.1.c.)

Le groupement peut être confondu avec les autres herbiers subaquatiques présents dans les lagunes, notamment les associations à Stuckenia pectinata, celle à Ruppia cirrhosa / maritima, ou encore celle à Zostera noltei. La distinction des associations repose sur une détermination précise des espèces présentes. Il est important de signaler que des groupements de transition peuvent exister, avec présence d’espèces caractéristiques de plusieurs associations, il convient dans ces cas de noter la présence de l’ensemble des groupements relevés.

La répartition des « groupements à Lamprothamnium  » au sens large est mondiale. La variante à Althénie et Tolypelle des salines décrite ci-dessus n’est connue qu’en Europe occidentale.
En France méditerranéenne, le groupement est encore relativement répandu, aussi bien dans les complexes lagunaires peu modifiés par l’homme (Camargue laguno-marine, étangs de l’Espiguette, d’Ingril, du Bagnas, de La Palme et de Salses-Leucate) que dans les anciens salins abandonnés ou renaturés après exploitation (Caban à Fos-sur-Mer, ancien salin de Badon en Camargue, salins de Frontignan et d’Hyères, de Villeneuve-les-Maguelone).
En Corse, elle est présente en marge de la lagune de l’étang d’Urbino mais n’a pas été revue depuis longtemps sur les autres lagunes de la plaine orientale (Biguglia, Terrenzana, Diane) en raison de leur eutrophisation. Elle est également présente dans les petits étangs arrière-littoraux du sud de la région entre Porto-Vecchio et Sartène (San Giovanni, Rondinara, Ventilègne, Arasu, Arbitru, Canettu…) et dans le nord du Cap Corse (Barcaggio).

Services rendus et rôle fonctionnel (d’après Collectif 2007) :
- Production secondaire exploitée par des usages professionnels et amateurs (pêche, chasse).
- Prévention des inondations en recevant les eaux de crues des rivières et en amortissant les tempêtes marines.
- Dénitrification.

Végétation relevant d’un habitat d’intérêt communautaire prioritaire en lagunes côtières (1150*) ou, plus rarement, communautaire en situation d’embouchures des cours d’eau (1130) ou de chenaux et fossés de marais saumâtres (1310, 1410, 1420 à confirmer).
Cortège comprenant plusieurs espèces à valeur patrimoniale exceptionnelle, pour lesquelles la France porte une responsabilité maximale de conservation : Althenia filiformis, Riella helicophylla, Tolypella salina.
Sites importants pour la reproduction et le stationnement de l’avifaune : laridés, limicoles, anatidés, flamants roses.

La vulnérabilité et les menaces sur cette association sont celles qui pèsent sur la biocénose de rattachement et notamment les remblaiements, l’urbanisation, le développement d’infrastructures industrialo-portuaires, l’eutrophisation (qui favorise le peuplement algal), l’adoucissement ou au contraire la salinisation excessive du milieu. La modification du régime hydraulique naturel, caractérisé par un assec estival marqué, conduit à la disparition du groupement. On constate par exemple des mises en eau précoces ou permanentes en faveur de quelques espèces de l’avifaune, à des fins aussi bien ornithologiques (sécurisation d’îlots de reproduction) que cynégétiques (attraction du gibier d’eau), voire piscicoles (ouverture forcée des graus…).

Malgré le manque de données historiques, il est certain qu’un nombre significatif de stations a été détruit au cours des dernières décennies. Toutefois, la progression des connaissances à travers des inventaires ciblés notamment dans le cadre des plans de gestion de sites protégés (propriétés Conservatoire du littoral, sites Natura 2000, Réserves naturelles, etc.) permet une meilleure prise en compte de cet enjeu à l’échelle de son aire de répartition en France méditerranéenne.

Klesczewski M., Mouronval J.-B., Fernez T.

2016

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