2330-1 - Pelouses ouvertes pionnières des dunes sableuses intérieures

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Étages planitiaire et collinéen.
Climat subcontinental à subatlantique à pluviosité moyenne (700 à 900 mm/an).
Situations topographiques : pentes très variables associées soit à des crêtes ou bourrelets de dunes sableuses d’origine éolienne, soit à des plages de sable nu massives, ponctuelles ou encore intersticielles parmi les chaos gréseux, soit très rarement en contexte fluviatile à des terrasses alluviales rarement inondées (fortes crues hivernales) des niveaux moyens à assez élevés du lit majeur :
- roches mères : sables siliceux purs (sables du grès vosgien, sables thanétiens, bartoniens et stampiens du Tertiaire parisien, sables miocènes de Sologne), rarement alluvions sableuses acalciques ;
- sols squelettiques peu évolués à caractère arénacé déterminant, constitués principalement de sables siliceux très acides (pH = 5,5), plus ou moins mobiles, à très faible teneur en matière organique, à très faible capacité de rétention en eau, subissant un échauffement rapide en été ;
- milieux associés principalement aux systèmes dunaires intérieurs d’origine éolienne à caractère pionnier et primaire, bien que leur maintien soit également souvent partiellement tributaire des usages pastoraux et des lapins ; ailleurs, milieux relictuels secondaires hérités pour une part des traditions de parcours pastoraux ou d’exploitation des landes, aujourd’hui plus souvent ponctuels et associés à diverses perturbations anthropiques (piétinement, décapage, carrière, exploitation forestière…) entretenues ensuite par le vent, la fouille des lapins, voire parfois taupes ; parfois, en contexte alluvial, milieux associés partiellement aux perturbations hydrodynamiques des grands fleuves ;
- action très importante et souvent déterminante des lapins qui affectionnent les substrats sableux propices au creusement de terriers.

Variabilité

Diversité typologique principale selon les régions, mais encore insuffisamment connue et caractérisée (difficulté d’analyse typologique des complexes de pelouses sur sables).

On peut actuellement distinguer deux types majeurs :
Sur sables du nord-est de la France et du Tertiaire parisien :
pelouse à Spergule printanière et Corynéphore blanchâtre [Spergulo morisonii-Corynephoretum canescentis], avec : Spergule printanière (Spergula morisonii), Corynéphore blanchâtre (Corynephorus canescens), Teesdalie nudicaule (Teesdalia nudicaulis) ; il existe diverses variantes géographiques qui restent à caractériser précisément ; on retiendra provisoirement :
- une variante continentale (Lorraine, Alsace) ;
- une variante subatlantique (Tertiaire parisien), enrichie en éléments thermophiles comme la Mibore minime (Mibora minima), la Tubéraire à gouttes (Xolantha guttata);
- une variante atlantique (Perche) à Spergule à cinq étamines (Spergula pentandra) ;
- une variante à caractère plus méridional (val de Saône) sans Spergule printanière, à Plantain scabre (Plantago scabra), Spergule à cinq étamines, Orpin de Forster (Sedum forsterianum), annonçant le type suivant ;

Sur sables atlantiques de la Brenne, de la basse vallée de la Seine, des corynéphoraies occidentales encore mal caractérisées, proche du type précédent mais à tonalité thermophile atlantique marquée, décrites comme pelouse à Tubéraire à gouttes et Corynéphore blanchâtre [Tuberario guttatae-Corynephoretum canescentis] et distinctes par l’absence de la Spergule printanière et la présence de la Tubéraire à gouttes ;

Sur sables de Sologne, du val de Loire et de Gascogne :
pelouse à Astérocarpe blanchâtre et Corynéphore blanchâtre [Asterocarpo clusii-Corynephoretum canescentis], plus thermophile que le précédent, surtout distincte par la présence supplémentaire d’Astérocarpe blanchâtre (Sesamoides purpurascens), de la Biscutelle controversée (Biscutella controversa), d’Anarrhinum à feuilles de pâquerette (Anarrhinum bellidifolium), de Tubéraire à gouttes ;

Variabilité secondaire en relation avec la mobilité des sables et le développement de la strate bryo-lichénique, parfois aussi la présence légère de bases. On peut reconnaître deux phases dynamiques successives en relation avec la fixation progressive des sables, parfois considérées comme des types bien distincts :
- phase pionnière sur sables mobiles (dune blanche sur sables vifs) à Corynéphore blanchâtre (optimum à ce stade), thérophytes pionniers abondants et tapis végétal très ouvert ;
- phase post-pionnière sur sables semi-fixés (dune grise) à Corynéphore blanchâtre, Bryophytes (Racomitrium canescens, Polytrichum piliferum) et Lichens (Cladonia, Cornicularia aculeata) ; le tapis végétal tend à se fermer avec le développement concomitant d’une strate bryolichénique diversifiée et l’apparition d’espèces annonçant le passage aux pelouses pérennes sur sables.

Physionomie, structure

Pelouses rases à mi-rases, écorchées avec un recouvrement herbacé faible à moyen (10-50 %), généralement doublé en phase post-pionnière d’un tapis bryolichénique dense contribuant à la fermeture progressive du tapis végétal (jusqu’à 90-100 % de recouvrement total) ; structure biologique de la strate herbacée très variable selon les phases dynamiques avec une forte présence des espèces à vie courte : thérophytes ou pluriannuelles à fertilité précoce et germinations abondantes (Corynéphore blanchâtre), une installation progressive des hémicryptophytes avec la maturation du tapis végétal.
Structure architecturale diversifiée au cours de la succession des faciès dynamiques, notamment en fonction du développement de la strate bryo-lichénique ; presque toujours, le Corynéphore blanchâtre joue un rôle essentiel dans la morphologie de la strate herbacée en raison de ses capacités adaptatives aux contraintes extrêmes de l’habitat (anatomie foliaire, système radiculaire très développé).
Pelouses généralement développées au sein de mosaïques pelousaires à structure complexe associant des communautés acidphiles à acidiclines sur sables plus ou moins fixés [pelouses pionnières à thérophytes (Thero-Airion), pelouses oligotrophes acidiphiles (Galio saxatilis-Festucion filiformis) ou acidiclines (Violion caninae)], et parfois aussi des pelouses sur sables enrichis en base (Armerienion elongatae).
Végétation très spécialisée à diversité floristique faible et fortes fluctuations saisonnières de physionomie ; floraisons essentiellement prévernales et vernales, toutes discrètes ; aspect herbacé général gris bleuté des touffes de Corynéphore soit sur fond minéral (« dune blanche »), soit sur fond sombre de mousses et lichens (« dunes grises ») ; quelques plantes feuvent former des microfaciès internes (Plantain scabre, Thym gr. serpolet…).
Dans les phases post-pionnières de l’habitat, l’Agrostide des sables (Agrostis vinealis) peut prendre un développement important annonçant le passage aux pelouses acidiphiles.

Confusions possibles

Avec des pelouses pionnières à post-pionnières sur sables silicocalcaires à calcaires plus ou moins fixés (Sileno conicae-Cerastion semidecandri) [Code UE : 6120*].
Avec des pelouses calcicoles acidoclines sur sables secs de l’Armerienion elongatae [Code UE : 6210].
Avec des pelouses pionnières à thérophytes sur sables (Thero-Airion) [Code Corine : 35.21].
Avec des pelouses acidiphiles sur substrats sableux non dunaires (Galio saxatilis-Festucion filiformis, Violion caninae) [Code UE : 6230].

Dynamique

Spontanée :
Végétations pionnières associées à des perturbations naturelles ou anthropiques :
- dans le premier cas, il s’agit de processus d’érosion éoliens de systèmes dunaires continentaux (Tertiaire parisien, Vosges du Nord), parfois associés au fonctionnement hydrodynamique des grands fleuves (remodelage régulier des sédiments fluviatiles) qui permettent de créer ou de régénérer plus ou moins régulièrement les conditions pionnières propices au développement de l’habitat ; lorsque les dunes restent « actives », avec déplacement de sable d’origine éolienne, la présence de l’habitat est permanente. Toutefois, le plus souvent, les interventions anthropiques ont conduit à la fixation des dunes et à leur évolution dynamique qui se traduit par une colonisation par des chaméphytes et des nanophanérophytes [Callune vulgaire (Calluna vulgaris), Genêt à balais (Cytisus scoparius), plus rarement (Val de Loire) Genêt purgatif (Cytisus oromediterraneus)], puis par des ligneux [selon les secteurs : Pin sylvestre (Pinus sylvestris), Chêne pédonculé (Quercus robur), Robinier faux-acacia (Robinia pseudacacia);
- ailleurs, l’apparition et la régénération de l’habitat dans les stades de dégradation des forêts acidiphiles sur sables siliceux dépendent de l’existence et de la répétition de perturbations anthropiques favorables ; d’une manière générale, les usages pastoraux et l’activité des lapins contribuent fréquemment à en amplifier ou en soutenir les effets.
Après extinction ou ralentissement des processus érosifs, la fixation progressive des sables conduit soit directement à une lande acidiphile, soit à la structuration progressive de pelouses sèches post-pionnières, puis de pelouses matures soit à caractère acidicline à acidiphile (Galio saxatilis-Festucion filiformis, Violion caninae), soit calcaro-siliceuse (Sileno conicae-Cerastion semidecandri, Armerienion elongatae). Elle se traduit par l’extension des hémicryptophytes pelousaires à rosettes ou rhizomateuses au détriment des plantes à vie courte.
À plus long terme, ces végétations secondaires s’inscrivent généralement dans des potentialités de forêts acidiphiles à acidiclines de chênaies sessiliflores du Quercion roboris [Code Corine : 41.5] ou du Quercion robori-pyrenaicae ; les processus dynamiques préforestiers sont extrêmement complexes et associent des phénomènes de densification de la strate herbacée et d’embroussaillement progressif largement intriqués dans le temps et l’espace (pour la description de ces processus dynamiques, voir les fiches des pelouses acidiphiles concernées). Ils sont souvent artificialisés par des plantations de Pins [Pin laricio (Pinus nigra subsp. laricio), Pin maritime (Pinus pinaster).

Liée à la gestion :
Tapis végétal favorisé ou régénéré par la reprise des envols ou des projections de sable suite au passage, au piétinement léger des troupeaux, au grattis de lapins. Un enrichissement trophique aboutit à la pénétration d’espèces rudérales.

Habitats associés ou en contact

Pelouses sèches acidiphiles (Galio saxatilis-Festucion filiformis) [Code UE : 6230].
Pelouses pionnières à thérophytes sur sables (Thero-Airion) [Code Corine : 35.21].
Localement, pelouses calcicoles acidoclines sur sables secs de l’Armerienion elongatae [Code UE : 6210].
Groupements bryolichéniques psammophiles acidiphiles.
Landes acidiphiles à acidiclines subatlantiques à continentales plantiaires-collinéennes (Vaccinio myrtilli-Genistetalia pilosae) [Code UE : 4030].
Cytisaies pionnières à Cytise à balais et/ou Cytise purgatif [Cytisetea scopario-striati].
Pineraies xérophiles [Code Corine : 42.5212].
Chênaies pédonculées acidiphiles (Quercion roboris ou Quercion robori-pyrenaicae) [Code Corine : 41.51].

Répartition géographique

Pelouse à Spergule printanière et Corynéphore blanchâtre : nord-est de la France où il est très localisé (Alsace, Lorraine [Bitche], Bourgogne [Val de Saône], Tertiaire parisien), fragmentaire et souvent dégradé ailleurs (Hainaut, Basse-Auvergne…).
Pelouse à Astérocarpe blanchâtre et Corynéphore blanchâtre : Sologne, terrasses et alluvions ligériennes (Nivernais, Bourbonnais), landes de Gascogne.
Habitat également présent sous une forme plus atlantique (typologie à préciser) sur les alluvions sableuses de la Seine, dans la Brenne et probablement ailleurs dans l’Ouest.

Valeur écologique et biologique

Tous les types de pelouses sont d’importance patrimoniale majeure, mais réduits aujourd’hui à un petit nombre de sites de surface restreinte et généralement fortement menacés.
Cortèges floristiques peu diversifiés mais originaux (en partie communs aux pelouses pionnières des dunes littorales décalcifiées) à caractère continental ; plusieurs plantes rares en France : Biscutelle controversée (endémique du centre de la France), Spergule printanière ; plusieurs plantes protégées régionalement ; peuplements entomologiques arénicoles spécialisés.
Habitats primaires participant à des systèmes dunaires continentaux représentant un climax édaphique non boisé et exceptionnels en France ; ces systèmes hébergent globalement une flore très originale en France.

États de conservation

États à privilégier :
Complexe pelousaire associant en permanence les deux phases successives de l’habitat (pionnière et post-pionnière), indicateur de biodiversité optimale et de fonctionnement dynamique régulier ; cette structure est largement favorisée par la permanence des perturbations naturelles (remaniements éoliens, lapins) ou anthropiques (piétinement, perturbations mécaniques…).

Tendances et menaces

Disparition spatiale continue depuis le XIXe siècle ayant principalement des causes anthropiques (stabilisations des sables notamment par plantations forestières, urbanisation surtout en région parisienne, loisirs), mais aussi des causes naturelles : régression des lapins avec la myxomatose, embroussaillement et boisement naturel.
Partout menaces très fortes et rapides d’extinction ou d’appauvrissement, l’habitat n’occupant plus que des surfaces extrêmement restreintes et marginales ; urgence de la mise en place de mesures conservatoires et de gestion, accompagnées dans de nombreux cas de mesures strictes de protection.
Utilisation pour les loisirs (pique-nique avec feux, moto verte, véhicules tout terrain…).

Potentialités intrinsèques de production

Constituées d’une végétation rase et représentant de très petites surfaces, ces dunes n’offrent pas un potentiel fourrager suffisant pour y maintenir une activité pastorale viable.
En revanche, du fait de leur caractère très particulier, elles participent à la constitution de paysages de qualité très recherchés par le public, d’où une valorisation économique indirecte au travers d’aménagement de sites touristiques et/ou de sensibilisation à l’environnement.

Axes de recherche

Vitesse de colonisation des dunes.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 2. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 487 p. + cédérom. (Source)