3110-1 - Eaux stagnantes à végétation vivace oligotrophique planitiaire à collinéenne des régions atlantiques, des Littorelletea uniflorae

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

L’habitat est développé aux étages planitiaire à collinéen, sous climat de type thermo-atlantique à sub- et nord-atlantique.
Les situations topographiques caractéristiques sont surtout les eaux plus ou moins profondes des lacs, étangs, petites mares, dépressions dunaires, plus rarement les bords de ruisseaux des tourbières.
Les substrats sont toujours oligotrophes, souvent acides, parfois basiques (dépressions dunaires), grossiers (sables) à fins (limons).
Le niveau de l’eau est obligatoirement variable, la durée d’exondation contribuant à la variabilité de l’habitat amphibie et le niveau étant au plus bas en été et début d’automne ; le courant d’eau est quasi nul (petites vagues) à légèrement fluent (ruisselets des tourbières) ; l’eau est très peu minéralisée, oligotrophe, acide, rarement basique (dépressions dunaires).
L’habitat est plutôt optimal en pleine lumière.
Les influences biotiques sont nulles à extensives (piétinement peu important).

Variabilité

Cet habitat présente une très grande variabilité en fonction essentiellement de la texture du substrat (sables, limons, enrichissement ou non en matières organiques), du niveau et de la qualité de l’eau, ainsi que du marnage.

Sur alluvions anciennes en climat eu-atlantique : communautés à Isoète à spores hérissées et Lobélie de Dortmann [Isoeto lacustris-Lobelietum dortmannae variante à Isoetes echinospora].
Sur sables acides des lacs landais en climat thermo-atlantique à déficit hydrique :
- communautés à Scirpe piquant et Lobélie de Dortmann [Scirpo americani-Lobelietum dortmannae], avec variations type (typicum) et à Scirpe à tiges nombreuses de niveau topographique supérieur (eleocharitetosum multicaulis) ;
- communautés à Isoète de Bory [Isoetetum boryanae] avec variations de niveau topographique inférieur à Lobélie (lobelietosum dortmannae) et type (typicum).

Sur substrat sableux autre non enrichi en matières organiques :
- acide : communautés à Scirpe des marais et Littorelle [Eleocharo palustris-Littorelletum uniflorae], communautés à Littorelle et Isoète à feuilles ténues [Littorello uniflorae-Isoetetum tenuissimae] peu connues ;
- alcalin des dépressions dunaires : communautés à Samole de Valerand et Littorelle [Samolo valerandi-Littorelletum uniflorae], avec variations type (typicum), de niveau supérieur à Laiche à trois nervures (caricetosum trinervis) et acidicline à Scirpe épingle (eleocharitetosum acicularis) ; ces communautés doivent être traitées préférentiellement par le code UE 2190 qui est spécifique aux végétations des dépressions humides intradunales (cf. tome « Habitats côtiers »).

Sur substrat limoneux non enrichi en matières organiques : communautés à Pilulaire à globules [Pilularietum globuliferae], avec variations à Ache inondée (apietosum inundati), type (typicum) et à Scirpe épingle (eleocharitetosum acicularis).

Sur substrat organique, selon un gradient d’inondation du plus aquatique au moins inondé :
- communautés à Scirpe flottant [Scirpetum fluitantis, vers l’eau libre, syntaxon parfois inclus dans le suivant en tant que sous-association] ;
- communautés à Élodès des marais et Potamot à feuilles de renouée [Hyperico elodis-Potametum polygonifolii] ;
- communautés à Scirpe à tiges nombreuses [Eleocharitetum multicaulis, communautés amphibies de niveau supérieur, en limite des bas-marais], avec variations de niveau inférieur à Élodès des marais (hypericetosum elodis), type (typicum), à Sphaignes (sphagnetosum auriculati).

Il faut signaler aussi l’existence de communautés pauvres en espèces et surtout réduites à des populations de Littorelle ; le climat régional et les habitats associés peuvent permettre d’interpréter ces communautés et de les rapprocher des associations décrites.

Physionomie, structure

Cet habitat occupe des surfaces très variables (jusqu'à quelques dizaines de mètres carrés) ; il se présente toujours comme un fin gazon peu stratifié d’herbes souvent très peu élevées, les plus caractéristiques étant plutôt des dicotylédones et des ptéridophytes à feuilles linéaires. Ce gazon est presque toujours ouvert, laissant apparaître le substrat, ce qui permet parfois, lorsque le substrat est minéral, l’infiltration de quelques espèces annuelles supportant peu la concurrence des espèces vivaces. Compte tenu des conditions stationnelles, la phénologie est tardive et beaucoup d’espèces, tout en se maintenant bien à l’état végétatif sous l’eau, ne forment des spores ou des fleurs et fruits qu’en période d’exondation.

Confusions possibles

L’habitat est souvent bien distinct ; quelques formes en limite topographique supérieure peuvent être confondues avec des bas-marais acidiphiles (par exemple l’Eleocharitetum multicaulis par rapport au Deschampsio setaceae-Agrostietum caninae, UE 6410) qui s’en distinguent par une meilleure participation des espèces oligotrophiques simplement hygrophiles.

Dynamique

Spontanée :
Cet habitat est souvent assez stable, le battement de nappe très contraignant pour les végétaux (l’alternance de submersion et de sécheresse pouvant être prononcée sur les sables durant l’été) empêchant le développement de plantes peu adaptées. Les formes sur substrat minéral peuvent dériver vers les formes plus turficoles sous l’effet de l’enrichissement naturel en matières organiques de ce substrat.

Liée aux activités humaines :
En revanche l’habitat est très sensible :
- à l’envasement qui favorise l’arrivée d’espèces moins spécialisées ;
- au piétinement trop intense consécutif aux activités au bord des pièces d’eau ;
- à l’altération de la qualité des eaux (eutrophisation, rejets d’effluents et de biocides) ;
- à la stabilisation du niveau de l’eau.
Ces influences peuvent favoriser l’installation de grandes et petites roselières (notamment à Scirpe des marais) très concurrentielles, et donc la régression des espèces sensibles.

Habitats associés ou en contact

Communautés aquatiques oligotrophiques variées (UE 3140, 3150) vers l’eau libre.
Communautés de dépressions tourbeuses subaquatiques à Utriculaires, Utricularia spp. (UE 3160).
Communautés d’annuelles hygrophiles (UE 3130) pouvant se superposer aux espèces vivaces dans les gazons ouverts sur substrat minéral.
Communautés de bas-marais oligotrophiques acides (UE 6410) ou alcalins (y compris dunaires, UE 2190 et 7230), de landes tourbeuses ou simplement hygrophiles (UE 4010, 4020*) vers les niveaux supérieurs.

Répartition géographique

Cet habitat est typiquement thermo- à eu- et sub-atlantique, étant surtout dispersé sur la moitié occidentale de la France (du Nord-Pas-de-Calais au Limousin et au Pays basque) ; certaines formes peuvent toutefois posséder dans notre pays des aires plutôt réduites :
- communautés à Isoète à spores hérissées et Lobélie de Dortmann : connues seulement du lac de Grand-Lieu (Loire-Atlantique), où elles sont sans doute disparues, et de l’étang de Priziac (Morbihan), où elles sont fragmentaires ;
- communautés à Scirpe piquant et Lobélie de Dortmann, communautés à Isoète de Bory : lacs landais et basques ;
- communautés à Littorelle et Isoète à feuilles ténues : étangs du centre de la France (Brenne, Sologne…) ;
- communautés à Samole de Valerand et Littorelle : littoral atlantique, des Landes de Gascogne au Pas-de-Calais, mais très ponctuelles entre Gironde et Somme.

Valeur écologique et biologique

La valeur patrimoniale de cet habitat est très haute, au moins en ce qui concerne la flore, par la présence d’espèces :
- protégées et/ou menacées (prioritaires ou à surveiller) au niveau national : Isoetes boryana, I. echinospora, I. lacustris, I. velata subsp. tenuissima, Marsilea quadrifolia, Pilularia globulifera, Luronium natans, Eryngium viviparum, Littorella uniflora, Lobelia dortmanna, Caropsis verticillatinundata ;
- protégées dans diverses régions : Carex trinervis, Potamogeton polygonifolius, Eleogiton fluitans, Juncus heterophyllus, Apium inundatum, Antinoria agrostidea, Baldellia ranunculoides, Deschampsia setacea, Juncus bulbosus, Myriophyllum alterniflorum, Hypericum elodes, Ranunculus ololeucos.
Trois formes sont inscrites au livre rouge des phytocénoses littorales : communautés à Samole de Valerand et Littorelle, communautés à Scirpe piquant et Lobélie de Dortmann, communautés à Isoète de Bory. D’une manière générale, c’est un habitat rare et hautement spécialisé à ses conditions de milieu.

États de conservation

On cherchera à privilégier les formes les moins piétinées, les moins envasées et les moins eutrophisées.

Tendances et menaces

Cet habitat fragile, globalement en bon état quoique la qualité floristique tende à diminuer, reste très menacé par diverses activités humaines sur les lacs et étangs, induisant piétinement, aménagements, tendance à l’eutrophisation (développement des espèces du Bidention tripartitae), à l’envasement et surtout à la stabilisation du plan d’eau et la régularisation des rives. Les formes les plus méridionales pourraient être menacées aussi par l’invasion d’espèces aquatiques exotiques (Lagarosiphon major, Ludwigia grandiflora, L. peploides, Egeria densa, Myriophyllum aquaticum).

Potentialités intrinsèques de production

Les potentialités économiques de cet habitat en lui-même sont nulles. Par contre, il est susceptible de s’installer dans des milieux d’intérêt économique ou de loisirs : étangs de pêche, bases de loisirs nautiques, pisciculture… ; son maintien peut dès lors être source de conflit avec les usagers de ces milieux.

Axes de recherche

Accroître les informations fondamentales (phytosociologiques et écologiques) sur quelques formes peu connues de l’habitat, surtout les communautés à Littorelle et Isoète à feuilles ténues, sur la faune associée, sur le fonctionnement de l’écosystème global pour dégager des principes concrets de gestion (en particulier l’effet du rajeunissement du substrat), sur les méthodes de lutte contre les espèces invasives, sur la physiologie reproductive des espèces toujours submergées (notamment les Isoètes).
Profiter des mises en assec proposées pour recueillir des échantillons de vases et les mettre dans de bonnes conditions physiologiques de germination du stock de diaspores afin de mieux connaître l’état potentiel de cette flore.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)