8130-16 - Éboulis carbonatés subalpins à alpins à Crépide naine, des Pyrénées

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Habitat des étages subalpin et alpin, colonisant les pierriers carbonatés formés d’éléments polyèdriques ou en plaquettes de taille moyenne à grossière (5 à 40 cm), à toute exposition.
Les pierriers sont en général assez mobiles, la pente pouvant atteindre 30° (cas d’éboulis de gravité fonctionnels, plus ou moins assistés par l’action de la neige, des isards ou des ovins) est en général plus faible (15 à 25°).
Le microclimat régnant au sein de l’habitat est rude, très contrasté, en dehors de la période hivernale au cours de laquelle une protection est assurée par le manteau neigeux.
Des fractions fines (de pH en général légèrement basique : 7 à 7,5), constituant une matrice située à faible profondeur sous les débris rocheux, facilitent la germination et l’enracinement des végétaux.

Variabilité

Habitat relativement homogène sur l’ensemble de son aire, représenté par l’association à Crépide naine [Crepidetum pygmaeae], avec en plus : Doronic à grandes fleurs (Doronicum grandiflorum), Campanule à feuilles de cranson (Campanula cochleariifolia), etc.
Deux sous-associations sont distinguées en fonction de l’exposition :
- sous-association à Saxifrage inaperçue (Saxifraga praetermissa) [saxifragetosum praetermissae], occupant les expositions fraîches où la neige persiste, avec en plus : Fétuque des glaciers (Festuca glacialis), Pissenlit des Alpes (Taraxacum alpinum), Saxifrage faux aïzoon (Saxifraga aizoides) ;
- sous-association typique [typicum], aux autres expositions, dépourvue d’espèces chionophiles.

Physionomie, structure

Végétation extrêmement ouverte de recouvrement généralement faible (de 5 à 30 %), sauf dans les stations colonisées par des espèces pelousaires (dynamique naturelle traduisant la stabilisation de l’éboulis) où le recouvrement peut dépasser 30 %.
La flore est composée presque exclusivement d’hémicryptophytes, mais présente également quelques géophytes [comme la Renoncule à feuilles de parnassie (Ranunculus parnassifolius)].
Étant donné l’écologie particulière de l’habitat, les espèces se montrent très nettement spécialisées face aux contraintes du milieu (nature, granulométrie, mobilité du substrat, microclimat, phénomènes cryonivaux…). On y rencontre des espèces de pierriers longtemps enneigés et relativement peu mobiles : Fétuque des glaciers, Pissenlit des Alpes, Pritzelago des Alpes (Pritzelago alpina), Saxifrage inaperçue…, et des espèces de pierriers plus mobiles : Crépide naine, Doronic à grandes fleurs, Linaire des Alpes (Linaria alpina), Renoncule à feuilles de parnassie, Rumex à écussons (Rumex scutatus). Ces espèces lithophiles présentent diverses stratégies leur permettant de résister aux contraintes imposées par les mouvements se produisant au sein des pierriers. L’organisation morphologique et anatomique de leur système végétatif (notamment souterrain) permet à ces espèces lithophiles de suivre et de subir ou non, le mouvement des pierriers, d’où les diverses stratégies distinguées :
- stratégie migratrice : lithophytes migrateurs par allongement et régénération (Crépide naine, Campanule à feuilles de cranson, Rumex à écussons), lithophyte migrateur par multiplication végétative (Doronic à grandes fleurs), lithophyte indépendant (Renoncule à feuilles de parnassie), lithophyte migrateur à système racinaire fasciculé adhérant fortement au substrat (Fétuque des glaciers) ;
- stratégie sédentaire : lithophytes édificateurs à système aérien stabilisateur (Saxifrage faux aïzoon, Saxifrage inaperçue).

Confusions possibles

Les éboulis calcaires à Ancolie des Pyrénées (Aquilegia pyrenaica) et Dioscorée des Pyrénées (Borderea pyrenaica) [Aquilegio pyrenaicae-Bordereetum pyrenaicae ; Code UE : 8130], des Pyrénées centrales.
Les éboulis calcaires à Ancolie hirsutissime (Aquilegia viscosa subsp. hirsutissima) et Xatardie scabre (Xatartia scabra) [Aquilegio hirsutissimae-Xatardietum scabrae ; Code UE : 8130], des Pyrénées orientales.
Les éboulis calcaires fins à Fétuque des glaciers et Fétuque des Pyrénées (Festuca pyrenaica) [Festucetum glacialis-pyrenaicae ; Code UE : 8130].
Les éboulis calcaires à Linaire des Alpes et Minuartie à feuilles de céraiste (Minuartia cerastiifolia) [Linario alpinae-Minuartietum cerastifoliae ; Code UE : 8130].
Les éboulis carbonatés subalpins et alpins à éléments fins, des Pyrénées, à Ibéris spatulé (Iberis spathulata) et Renoncule à feuilles de parnassie [Code UE : 8130].
Les éboulis calcaires thermophiles [Stipion calamagrostis ; Code UE : 8130], d’écologie différente.

Dynamique

Cet habitat provient de la colonisation de pierriers carbonatés à éléments moyens à grossiers. Il est relativement permanent tant qu’un équilibre s’établit entre les processus géomorphologiques (mobilité, phénomènes cryonivaux…) remaniant le milieu et la colonisation par les espèces végétales lithophiles spécialisées.
Les stations les moins mobiles permettent une colonisation de l’habitat par des espèces appartenant aux pelouses rocailleuses calcaires, comme la Fétuque de Gautier (Festuca gautieri) et l’Avoine des montagnes (Helictotrichon sedenense), espèces sociales entrant en concurrence avec les espèces lithophiles de l’habitat, pouvant à terme permettre l’installation d’un stade de pelouse [Code UE : 6170].

Habitats associés ou en contact

Végétation chasmophytique des pentes rocheuses calcaires [Code UE : 8210].
Pelouses écorchées à Fétuque de Gautier [Festucion scopariae ; Code UE : 6170].
Pelouses calcicoles orophiles méso-hygrophiles [Primulion intricatae ; Code UE : 6170].
Pelouses thermophiles à Fétuque paniculée (Festuca paniculata) [Festucion spadiceae ; Code Corine : 36.331].
Pelouses pyrénéennes siliceuses à Gispet (Festuca eskia) [Festucion eskiae ; Code UE : 6140].
Pelouses acidophiles à Nard (Nardus stricta) [Nardion strictae ; Code UE : 6230*].
Landines à Dryade à huit pétales (Dryas octopetala) et Saule des Pyrénées (Salix pyrenaica) [Dryado octopetalae-Salicetum pyrenaicae ; Code UE : 6170].
Landes subalpines à Genévrier nain (Juniperus sibirica) [Juniperion nanae ; Code UE : 4060].
Combes à neige calcicoles [Arabidion caerulae ; Code Corine : 36.12].
Pelouses calcaires à Élyne queue de souris (Kobresia myosu- roides) [Code UE : 6170].
Pelouses calcaires mésophiles climaciques à Laîche courbe (Carex curvula) [Code Corine : 36.341].

Répartition géographique

Habitat endémique pouvant se rencontrer dans l’ensemble des Pyrénées carbonatées.

Valeur écologique et biologique

Habitat endémique assez fréquent aux étages supraforestiers des Pyrénées, pouvant couvrir d’assez grandes surfaces, de grande valeur écologique et biologique par les conditions très particulières du milieu et le nombre d’espèces spécialisées (cf. types biologiques et stratégies dans le paragraphe « Physionomie, structure ») qu’il renferme. Le cortège floristique compte des espèces endémiques des Pyrénées, comme : Chardon fausse carline, Fétuque des glaciers, Saxifrage inaperçue.
Une lacune persiste dans la connaissance de la faune associée à ce type d’habitat (faune du milieu souterrain superficiel notamment). Campagnol des neiges (Chionomys nivalis) et Hermine (Mustela hermina) peuvent occuper cet habitat.

États de conservation

États à privilégier :
Stade optimal de l’habitat.

Autres états observables :
Stades appauvris et stades en voie de colonisation par des espèces pelousaires.

Tendances et menaces

L’habitat, bien que rare et n’occupant que des surfaces réduites, n’apparaît pas globalement très menacé dans les Pyrénées. Toutefois des menaces de destruction directe (créations de pistes et routes, aménagement et extension de domaines skiables, piétinement et pâturage par les troupeaux, piétinement et bouleversement lors de randonnées, érosion…) et indirecte (dynamique naturelle faisant évoluer l’habitat vers des stades de pelouses, changement climatique global éventuel…) existent.

Axes de recherche

Affiner la typologie syntaxonomique des habitats et en préciser la répartition géographique. Réaliser les inventaires de la faune associée à cet habitat.
Il serait intéressant de faire un suivi à long terme de cet habitat afin de connaître son évolution éventuelle lors d’un changement climatique global.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliography

 Bensettiti F., Herard-Logereau K., Van Es J. & Balmain C. (coord.), 2004. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 5 - Habitats rocheux. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 381 p. + cédérom. (Source)