8210-19 - Rochers calcaires alticoles de Corse

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Les affleurements rocheux calcaires sont très rares en Corse au-dessus de 1 000 m d’altitude. Cet habitat alticole est donc présent, de façon très ponctuelle, depuis l’étage supraméditerranéen supérieur (vers 1 000 m) jusqu’au cryo-oroméditerranéen (environ 1 900 m d’altitude).
L’exposition et la pente sont variables et l’habitat se développe aussi bien sur des crêtes sommitales que sur des parois assez abruptes (de l’ordre de 60 à 70°). Cependant, aux altitudes les plus basses, l’exposition dominante est plutôt celle du nord (nord-est, nord-ouest), alors qu’à l’étage cryo-oroméditerranéen, elle est plus tournée vers le sud, le climat y étant plus rigoureux.
Les températures et les précipitations sont variables selon l’altitude :
- au supraméditerranéen supérieur et à la base du montagnard (vers 1 000-1 200 m), la température moyenne annuelle est d’environ 10 °C, les précipitations sont de l’ordre de 1 500 mm et la saison sèche estivale est toujours présente, mais beaucoup moins marquée qu’à l’étage inférieur (mésoméditerranéen) ;
- au-dessus de 1 200 m d’altitude, le climat est à tonalité alpine, avec des hivers rigoureux, des contrastes de températures saisonniers et quotidiens importants et des précipitations abondantes, en particulier sous forme de neige, qui peut recouvrir certaines années les crêtes de l’étage cryo-oroméditerranéen de novembre à avril.
Le substrat est constitué de calcaire compact (ou éventuellement de schistes calcaires). Les fissures dans lesquelles se développe la végétation sont peu profondes et possèdent un peu de terre (lithosol) pauvre en carbonate de calcium (d’après des analyses faites en altitude), ce qui expliquerait probablement en partie la présence dans cet habitat de plantes peu ou pas calciphiles.

Variabilité

Il existe une variabilité altitudinale et géographique. Ponctuellement, dans les rochers d’un sommet calcaire du sud de l’île, à l’étage cryo-oroméditerranéen (vers 1 900 m d’altitude), se développe une communauté rupicole caractéristique et spécifique à ce site, l’association à Rue-de-muraille (Asplenium ruta-muraria) et Sabline de Bertoloni (Arenaria bertolonii) [Asplenio rutae-murariae-Arenarietum bertolonii] ; outre ces deux espèces, ce groupement, floristiquement assez pauvre, peut aussi être caractérisé par l’Arabette des collines (Arabis collina).
Localement, à plus basse altitude (à l’étage supraméditerranéen supérieur), sur des parois calcaires du centre de l’île, la végétation rupicole est caractérisée par l’association à Ptychotis saxifrage (Ptychotis saxifraga) et Élyme corse (Elytrigia corsica) [Elymo corsici-Ptychotetum saxifragae], dans laquelle on trouve aussi la Seslérie insulaire (Sesleria insularis), l’Épervière visqueuse (Hieracium viscosum), l’Arabette des Alpes (Arabis alpina) et très rarement (dans une seule localité) le Daphné des Alpes (Daphne alpina).

Physionomie, structure

Le recouvrement est inférieur à 15 % (à part la végétation des anfractuosités, la roche est en général complètement nue).
La végétation est essentiellement constituée de petites plantes vivaces (des hémicryptophytes et des chaméphytes), qui poussent dans les fissures des blocs rocheux ou des parois.

Espèces "indicatrices"

Les groupements végétaux liés aux escarpements rocheux de nature calcaire diffèrent bien peu en Corse des types silicicoles correspondants ; la majorité des plantes qui les composent est indifférente à la nature du substrat ; on y retrouve bon nombre d’espèces des roches siliceuses (notamment celles du Potentillion crassinerviae) et les plantes strictement calcicoles (ou simplement préférant le calcaire) sont en petit nombre.

Confusions possibles

Falaises calcaires mésoméditerranéennes à Chou insulaire (Brassica insularis) [Code UE : 8210], mais cet habitat est beaucoup plus thermophile.
Parois siliceuses alticoles de Corse [Potentillion crassinerviae, Festuco sardoae-Phyteumetum serrati ; Code UE : 8220] : certaines espèces indicatrices de ce type d’habitat siliceux (beaucoup plus répandu en Corse) peuvent aussi se trouver dans les falaises calcaires de haute altitude.
Quelques-unes des plantes caractéristiques (comme l’Élyme corse ou la Sabline de Bertoloni) colonisent également certains rochers schisteux riches en carbonate de calcium de la crête du cap Corse (à l’étage supraméditerranéen), mais sans représenter ce type d’habitat de façon caractéristique.

Dynamique

Groupements le plus souvent permanents. Toutefois au supraméditerranéen, il peut exister un risque (faible et local) d’évolution vers des formations arbustives.

Habitats associés ou en contact

À l’étage supraméditerranéen (notamment au centre de la Corse) :
- formations à Buis (Buxus sempervirens) des pentes rocheuses calcaires [Code UE : 5110] ;
- pelouses calcicoles rocailleuses, avec la petite Lentille (Lens ervoides) par exemple [Code Corine : 34.32].
Aux étages supérieurs (notamment dans le massif de Bavella) :
- parois siliceuses alticoles de Corse [Potentillion crassinerviae, Festuco sardoae-Phyteumetum serrati ; Code UE : 8220] ;
- fruticées naines alpines à Genévrier nain (Juniperus sibirica) [Code UE : 4060].

Répartition géographique

Les affleurements rocheux calcaires sont très rares en Corse au- dessus de 1 000 m d’altitude et sont essentiellement localisés en deux sites caractéristiques :
- au supraméditerranéen, au Monte Sant’Angelo de Lano situé vers 1 180 m d’altitude, au centre de la Corse ;
- au cryo-oroméditerranéen, de 1 800 à 1 930 m d’altitude, à la « Punta di u Fornellu », seul sommet calcaire situé dans le massif granitique de Bavella (sud de la Corse).

Valeur écologique et biologique

Il s’agit d’un habitat propre à la Corse, qui héberge :
- des plantes endémiques : l’Élyme corse (espèce protégée au niveau régional), la Sabline de Bertoloni, la Seslérie insulaire ;
- de nombreuses espèces végétales rares dans l’île, comme le Daphné des Alpes (une seule station actuellement connue en Corse), le Ptychotis saxifrage, l’Épervière visqueuse, Rue-de-muraille ou le Prunier rampant (Prunus prostrata).
La faune est mal connue, mais la présence de sites de nidification d’oiseaux rupestres (surtout des aires de rapaces, dans les falaises les plus abruptes) et de mollusques terrestres rares (car inféodés au calcaire) n’est pas à exclure.

États de conservation

Ce type d’habitat étant si peu fréquent, tous ses états sont à conserver.

Tendances et menaces

Il ne semble pas exister de menaces pesant sur cet habitat en altitude. Toutefois à l’étage supraméditerranéen, il peut souffrir des incendies (notamment au pied des falaises).

Axes de recherche

Étudier la faune, notamment les invertébrés et les reptiles (lézards et geckos), qui est encore mal connue.
Étudier la végétation des rochers schisteux riches en carbonate de calcium de la crête du cap Corse.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Herard-Logereau K., Van Es J. & Balmain C. (coord.), 2004. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 5 - Habitats rocheux. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 381 p. + cédérom. (Source)