Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats
L’habitat est développé dans deux types de milieux le plus souvent fortement anthropisés :
- les canaux et rivières lentes planitiaires à submontagnards eutrophes, auxquels il faut rajouter les bras morts plus ou moins déconnectés des grands fleuves ;
- les fossés de marais eutrophes, parfois littoraux.
L’habitat correspond à des eaux eutrophes à hypertrophes, à pH neutre à basique, avec une grande richesse variable en orthophosphates. Assez souvent, ces milieux peuvent être très légèrement saumâtres.
Les variations de température, notamment dans les canaux et fossés peuvent être importantes, avec une forte augmentation au sein des herbiers, notamment dans la couche des Lentilles d’eau.
Le type de végétation est pleinement réalisé en eau stagnante, et on se reportera pour la variabilité aux fiches 3150-1, 3150-2 et
3150-3.
Les facteurs de variation majeurs sont :
La largeur des cours d’eau et la connexion au cours d’eau principal
En cours d’eau larges, les macrophytes enracinés et/ou submergés sont dominants.
En fossés, les macrophytes libres flottants sont souvent très recouvrants.
L’éclairement
Dans les milieux éclairés, le développement des phanérogames est important et les espèces héliophiles comme le Potamot luisant dominent.
Dans les milieux ombragés (à proximité des berges ou lorsque la ripisylve est développée), les recouvrements des macrophytes sont réduits et ils colonisent des biotopes moins profonds. On y retrouve des espèces plus tolérantes à l’ombrage comme la Petite lentille d'eau ou le Cératophylle immergé.
La profondeur et les vitesses d’écoulement
En milieu profond : association avec des nymphaéides (comme le Nénuphar jaune, Nuphar lutea), présence de Potamot luisant, et le Potamot noueux.
En milieux plus superficiels : développement de la strate des macrophytes flottants.
Régression des macrophytes libres flottants lorsque le courant est sensible, selon les milieux ou les périodes du cycle hydrologique.
La granulométrie des fonds et l’importance de l’envasement
Sol minéral alluvial, zones peu profondes : Myriophylle verticillé, Vallisnérie spiralée (Vallisneria spiralis).
Sol tourbeux peu profond : Utriculaires, Hottonie des marais (Hottonia palustris).
La minéralisation, le pH, la salinité et la trophie des eaux
La minéralisation et le pH des eaux déterminent des différences entre les communautés, spécialement pour les characées, mais aussi la végétation flottante.
Une gradation existe des eaux méso-eutrophes (présence par exemple de Grande naïade, développement de la Lentille d'eau à trois lobes ou des Utriculaires) aux systèmes hypertrophes (présence de cladophores, d’Entéromorphe intestinale, de Cératophylle submergé, de Lentille gibbeuse).
Les zones légèrement saumâtres sont marquées par la Zannichellie pédicellée (Zannichellia palustris subsp. pedicellata), l’Entéromorphe intestinale, voire la Renoncule de Baudot (Ranunculus baudotii).
Il s’agit d’une végétation dominée par des Potamots à feuilles larges et des Myriophylles, mais aussi par des macrophytes flottants. Les recouvrements y sont en général très importants.
En rivières lentes et canaux assez larges, il y a une grande importance des macrophytes submergés ou flottants entre deux eaux, sous réserve que la profondeur ne soit pas trop élevée.
En fossés, ces groupements sont souvent très recouvrants, formant des herbiers submergés paucispécifiques car, suite à la compétition interspécifique, il y a une dissociation latérale des populations, qui se répartissent en taches monospécifiques. En revanche, la couche de macrophytes libres flottants est souvent composée de plusieurs espèces de Lentilles d'eau, d’Azolla, voire d'Hydrocharis des grenouilles.
Quatre strates végétales principales (au sens de couches végétales) peuvent donc coexister :
- une strate submergée constituée de Potamots, Myriophylles, Cératophylles, mais aussi parfois de characées et d’Élodées ;
- une strate épiphytique, avec des cladophores, des spirogyres ;
- une strate flottante constituée des feuilles de Potamots, mais aussi parfois du Rubanier simple, des feuilles du Nénuphar jaune, et de Lentilles d’eau ;
- une strate au-dessus de l’eau constituée des feuilles émergées des alismatides, dont la Sagittaire, mais aussi des hélophytes transgressives (Myosotis) et du rare Stratiotès faux-aloès (Stratiotes aloides).
Normalement, les milieux et communautés sont assez faciles à distinguer. Toutefois, certaines communautés sont peu différenciées et forment des transitions avec des groupements mésotrophes. Enfin, le gradient de salure des eaux se traduit par le remplacement dans des eaux plus salées par les communautés de la classe des Ruppietea maritimae.
En rivière et canaux lents, confusion et mélange avec les groupements du Nymphaeion albae, qui peut être évitée en constatant l’absence de Potamots et la dominance des nymphaéides.
Spontanée :
Une dynamique saisonnière importante est notable, associée aux cycles hydrologique et thermique :
- relative stabilité pour les rivières profondes et grands canaux, avec un éventuel rajeunissement des communautés associé à des remaniements de substrats lors des crues ;
- très fortes variations pour les bras morts non alimentés par des nappes et déconnectés du cours principal, ainsi que pour les fossés.
L’évolution naturelle des milieux eutrophes peu profonds est le comblement par production végétale à la fois des macrophytes aquatiques et des hélophytes, mais aussi par l’envasement. Seul ce dernier est à craindre pour les milieux plus profonds.
Il existe des relations dynamiques en fonction des différents facteurs (qualité de l’eau, éclairement, profondeur) entre les groupements de ce type d’habitat et les groupements de milieux moins profonds (par exemple le Callitrichetum obtusangulae).
Liée aux activités humaines :
Entretien physique du milieu : divers systèmes de curage permettent un entretien des milieux et de limiter ou de ralentir le comblement des fossés et des biefs. Après entretien, une dynamique de colonisation est observable, mais elle reste mal connue.
Les pompages accélèrent la colonisation du lit par les hélophytes et les plantes de berges (Baldingéra faux-roseau, Phalaris arundinacea, Rubanier dressé, Sparganium erectum, Agrostide stolonifère, Agrostis stolonifera...).
L’hypertrophisation se traduit par des réductions des peuple- ments macrophytiques submergés.
Habitats associés :
Grands cours d’eau, canaux et bras morts :
- rivières à barbeau (Cor. 24.14) ou à brème (Cor. 24.15) ;
- communautés à characées (UE 3140) ;
- Nymphaeion albae (Cor. 22.431) ;
- Ranunculion aquatilis (zones moins profondes, Cor. 22.432).
Fossés :
- herbiers frangeants : roselières (Cor. 53.1) ou grandes cariçaies (Cor. 53.2).
Habitats en contact :
Grands cours d’eau, canaux et bras morts :
- groupements eutrophes plus rhéophiles des rivières (habitat 3260-5) ;
- végétation hélophytique des berges (Cor. 53) ;
- mégaphorbiaies eutrophes (UE 6430).
Fossés :
- prairies humides eutrophes (Cor. 37.2) ;
- Ruppietea maritimae (Cor. 11.4).
Pour les deux types de milieux :
- bois marécageux (Cor. 44.9).
Tous les marais planitiaires, aval des cours d’eau (potamon), annexes hydrauliques des grands fleuves. Cet habitat, pouvant se développer dans de nombreux biotopes, au moins à l’état fragmentaire, est extrêmement fréquent.
Fonction corridor essentielle pour de nombreuses espèces de poissons, avec une production parfois importante d’espèces d’intérêt communautaire, aquatiques ou semi-aquatiques.
Zones de reproduction des poissons… (cf. plans d’eau).
Les états méso-eutrophes avec une végétation enracinée ou submergée flottante sont à privilégier.
Tapis de végétation flottante formée par les Lentilles d’eau.
Très fréquemment, des dominances d’une ou de quelques espèces très compétitives s’installent, se traduisant par une réduction de la biodiversité.
Tendances évolutives :
Pour les fossés comme pour les cours d’eau, cet habitat est en nette progression articifielle dans les zones d’agriculture intensive, au détriment des habitats mésotrophes.
L’enrichissement trophique des habitats naturellement eutrophes (hypertrophisation) se traduit par une réduction des macrophytes aquatiques submergés.
Naturellement, un envasement important peut intervenir et limiter le développement des macrophytes enracinés submergés.
Une colonisation par les hélophytes et amphiphytes des berges est fréquente et peut amener à la régression des hydrophytes, voire à leur disparition.
Menaces potentielles :
Pour les deux types de milieux : envahissement par les macrophytes proliférants (Jussie, Myriophylle du Brésil, Myriophyllum aquaticum, hydrocharitacées submergées), avec un risque accru en cas d’entretien mécanique sans récupération des boutures formées).
Cours d’eau et canaux : régression des macrophytes due au batillage.
Fossés :
- envahissement naturel par les hélophytes et comblement ;
- comblement par l’homme ou busage ;
- disparition de l’habitat due à une hypertrophisation ;
- entretien avec des herbicides ;
- régression due au Ragondin (Myocastor coypus) et au Rat musqué (Ondatra zibethicus), mais aussi aux écrevisses introduites (Brière).
Cours d’eau, bras morts et canaux :
- pêche professionnelle et pêche traditionnelle ;
- transport fluvial (touristique ou professionnel).
Fossés :
- systèmes de production naturelle d’Anguilles (Anguilla anguilla), de grenouilles ;
- importance dans l’« assainissement » agricole.
Fossés et petits canaux :
- décryptage phytosociologique à poursuivre, ainsi qu’une analyse structurale de ces communautés de marais ;
- inventaires des communautés de fossés à poursuivre, en incluant les macroalgues et les characées ;
- cartographie détaillée des réseaux des marais ;
- analyse hydrologique et sédimentaire détaillée dans ces fossés, pour déterminer les modalités d’entretien : faut-il curer (ou enlever les bancs sédimentaires) - Si oui, à quel rythme et sur quelles longueurs -
- analyse de la productivité des macrophytes en marais à poursuivre : comment s’effectue la recolonisation végétale - Quel est le déterminisme écologique prévalant à la diversité des communautés de marais -
- examen des effets écologiques des espèces proliférantes (Jussie) dans les fossés ;
- détermination de l’intérêt pour la production de poissons (au sens juridique i.e. anguilles, grenouilles…) de ce réseau des fossés eutrophes.
Bras morts :
- effets écologiques et expérimentation de reconnexion au cours principal.
Grands cours d’eau et canaux :
- gestion écologique des macrophytes et des boues de curage ;
- modalités de gestion des invasions biologiques végétales et animales.
Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)