3240-1 - Saulaies riveraines à Saule drapé des cours d'eau des Alpes et du Jura

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Cet habitat est caractéristique des parties hautes et moyennes des cours d’eau alpins (étage montagnard surtout, et, épisodiquement, étages subalpin inférieur et collinéen) dont le profil longitudinal est souvent assez pentu.
Il s'implante sur les bancs d'alluvions le long de ces cours d'eau (ou sur des îlots). Il s'agit de dépôts grossiers au sein des lits des torrents (galets et sables, parfois recouverts d’éléments plus fins dans les zones abritées) exondés trois à quatre mois pendant l'été, mais alors alimentés par la nappe circulant dans les alluvions. Les stations sont situées entre les niveaux des eaux bas et moyens estivaux.
Les conditions stationnelles sont marquées par les crues périodiques, l'habitat est soumis souvent directement de plein fouet à la force du courant. Les sols sont dépourvus de matière organique (elle est emportée régulièrement par les eaux), il en résulte des sols minéraux.
Le système racinaire de ces Saules oppose une grande résistance à la force du courant. Par ailleurs, le Saule drapé est doté d’une forte capacité à rejeter de souche : il peut ainsi s’étendre dans la partie supérieure du lit mineur (constamment immergée). Sa forte production de graines dispersées par le vent lui permet de jouer un rôle de pionnier, préférentiellement en milieux frais (gravières, carrières, base d’éboulis humides), mais aussi en pelouse mésophile (où il disparaîtra après l’installation d’autres espèces). Ces habitats secondaires ne sont pas à prendre en compte.

Variabilité

Cet habitat correspond à un seul type de communauté : l'association à Saule drapé et Saule faux-daphné [Salicetum elaeagno-daphnoidis].

Variations géographiques
- race jurassienne ;
- race alpine, avec présence d’espèces alticoles apportées par avalaison (descente des semences avec l'eau). Cette race montre des formes altitudinales :
aux étages subalpin et montagnard, avec le Saule drapé, le Saule faux-daphné…,
à l'étage montagnard inférieur, avec le Saule drapé et le Saule pourpre.

Variations selon le niveau de la nappe
- variante typique, là où la nappe est haute ;
- variante xérocline, en s’écartant du cours d’eau, avec l’Argousier, passant peu à peu à une fruticée sèche à Argousier sur les terrasses plus élevées.

Physionomie, structure

Cet habitat est formé par des peuplements arbustifs bas constitués de Saules (2-4 m de hauteur, ne dépassant généralement pas 10 m). Le Saule drapé peut manquer momentanément dans des formations pionnières à Saule pourpre.
La strate herbacée est constituée en grande partie par les espèces des groupements herbacés installés en pionnier sur les alluvions grossières (Épilobes en particulier).

Confusions possibles

Il est possible de confondre ce type d'habitat avec :
- les saulaies à Saule pourpre seul (saulaies à Saule pourpre et Saponaire officinale, Saponaria officinalis, habitat 3280-2) ou les saulaies arbustives à Saule à trois étamines ;
- les fruticées à Argousier propres aux terrasses plus élevées ;
- les saulaies pionnières à Myricaire d'Allemagne (UE 3230).

Dynamique

La saulaie riveraine à Saule drapé fait partie d'un ensemble d'habitats disposés en ceintures, en fonction de la dynamique fluviale et des alluvions qui peuvent subsister face à la force du courant. On observe une dynamique cyclique en cas de fortes crues avec destruction et reconstitution lente.
Une dynamique est possible en cas de changements des conditions de fonctionnement du cours d’eau ; on observe alors la trajectoire suivante :

Habitats associés ou en contact

Végétations ripicoles herbacées diverses en fonction de l’altitude (UE 3220).
Aulnaies blanches ou frênaies-érablaies (UE 91E0*).
Saulaies-peupleraies parfois (UE 91E0*).
Pelouses diverses (UE 6210).
Forêts zonales diverses : pineraies sylvestres (Cor. 42.5), pineraies de Pin à crochets (Pinus uncinata, UE 9430), pessières (UE 9410), sapinières-hêtraies (Cor. 41)…

Répartition géographique

Cet habitat a été défini dans les Alpes (aussi bien dans les Alpes du nord que du sud, des Alpes externes aux Alpes internes) et se retrouve dans le Jura. Son aire de répartition précise reste à définir.

Valeur écologique et biologique

Cet habitat recouvre une surface limitée ; de plus il est soumis aux aléas de la dynamique torrentielle.
Le complexe d’habitats héberge des espèces rares et présente de ce fait une grande valeur patrimoniale.
Il joue un rôle important dans l’ancrage des rives ou des îlots. Son rôle paysager est non négligeable dans des vallées où les bas de versant ont été défrichés.

États de conservation

États à privilégier :
Les mosaïques constituées d'une végétation herbacée, de fourrés à Myricaire, de saulaies arbustives, d'aulnaies blanches.
Les habitats isolés avec Saule drapé. Les éléments résiduels linéaires.
On peut envisager une restauration là où le caractère naturel de la dynamique torrentielle est marqué.

Tendances et menaces

Les menaces sont liées avant tout aux modifications hydrauliques intervenant le long du cours d’eau ; la régularisation entraîne l’évolution vers une forêt riveraine. Ce type d’habitat est donc lié strictement au maintien de la dynamique des crues.
Comme modifications nocives à cet habitat, nous pouvons citer :
- les barrages hydroélectriques qui abaissent le niveau de l’eau et privent les torrents de leur dynamique de crues ;
- les endiguements des cours d’eau (empierrement des rives…) entraînant localement la disparition de l’habitat ;
- les ouvertures de gravières.

Potentialités intrinsèques de production

Elles sont nulles compte tenu de la dynamique torrentielle et de la valeur des essences présentes sur le plan économique.

Axes de recherche

De nouvelles investigations sont nécessaires pour préciser l’aire de ce type d’habitat et surtout sa variabilité écologique et floristique entre le Jura et les Alpes du sud.
Des expérimentations sont à mener pour la restauration de l’habitat, avec la réalisation de travaux de génie écologique (fixation des berges de torrents dont les rives ont été déboisées).

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliography

 Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)