3290-2 - Aval des rivières méditerranéennes intermittentes

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

L’habitat est développé à l’aval des cours d’eau méditerranéens intermittents dans trois types de milieux le plus souvent fortement anthropisés : sur substrats basiques, sur substrats acides, sur milieux alluviaux et dans ce cas, on a souvent des pertes à l’aval de cours d’eau permanents, notamment en Corse.
Il s’agit de milieux présentant de fortes irrégularités de profondeur, avec des vasques importantes, entrecoupées de zones pouvant être en assec lors de l’étiage ; mais aussi de canaux et grands fossés associés aux cours d’eau principaux.
L’habitat correspond à des eaux de trophie et de pH variables, marquées par de très fortes variations thermiques.

Variabilité

La flore et les groupements représentés dans ces milieux et leurs facteurs de distribution sont mal connus, si bien que les remarques présentées nécessitent encore des validations tant floristiques que phytosociologiques.
Les facteurs de variation majeurs sont :

La nature géologique du substrat et la trophie des eaux :
Ce facteur permet la dissociation de phytocénoses acidiclines et basiclines, notamment au niveau des Renoncules et des bryophytes, bien qu’il y ait souvent de fortes similitudes de flore à l’aval des cours d’eau.

La précocité et la durée de la rupture d’écoulement :
Selon la précocité et la durée de la rupture d’écoulement ou de l’assec, la végétation aquatique sera plus ou moins bien représentée, à l’inverse de la végétation pionnière colonisatrice durant la phase d’assec. Cette précocité dépend notamment de la position au sein du réseau hydrographique et de la géologie.

L’éclairement :
Dans les milieux éclairés, le développement des phanérogames est important ; les espèces héliophiles comme les Potamots ou les Renoncules dominent, ainsi que les algues vertes.
Dans les milieux ombragés (à proximité des berges ou lorsque la ripisylve est développée), les recouvrements des macrophytes sont réduits et ils colonisent des biotopes moins profonds. On y retrouve des espèces plus tolérantes à l’ombrage comme la Petite lentille d'eau ou le Cératophylle immergé.

La profondeur et les vitesses d’écoulement :
En milieu profond, association avec des nymphaéides (comme le Nénuphar jaune, Nuphar lutea), présence du Potamot pectiné, de Cératophylles.
En milieux plus superficiels et courants, développement de la strate des macrophytes flottants.
Colonisation fréquente par des hélophytes de berges.

La granulométrie des fonds et l’importance de l’envasement :
Phase en eau :
- sol minéral alluvial, zones peu profondes : Vallisnérie spiralée (Vallisneria spiralis) ;
- sols envasés : Cératophylles ;
- rochers : bryophytes, Cladophores.
Phase en assec :
- sols limoneux : communautés du Paspalo-Agrostion verticillatae, hélophytes (Canne de Provence, Arundo donax, Roseaux, Massettes, Holoschoenus commun, Scirpoides holoschoenus) ;
- bancs de galets : annuelles pionnières (présence de vase entre les galets) ou substrat nu.

Physionomie, structure

Très fréquemment, ces milieux sont très ouverts et assez peu colonisés par la végétation ; le caractère plus épars de la végétation est un critère de différenciation de cet habitat par rapport aux rivières pérennes.
On distingue deux phases :

- Phase en eau
La colonisation végétale y est irrégulière, avec des végétaux différents selon les faciès d’écoulement. La végétation des vasques est dominée par des Potamots à feuilles larges, des Myriophylles, la Vallisnérie spiralée, mais aussi par des macrophytes flottants. Les recouvrements peuvent y être importants. Celle des zones plus courantes comprend souvent plus de bryophytes et des végétaux plus rhéophiles (notamment absence de nymphaéides).
Quatre strates végétales principales peuvent coexister, surtout dans les vasques, les végétations submergées disparaissant l’été dans les zones asséchées :
- une strate submergée constituée de Potamots, Myriophylles, Cératophylles, mais aussi parfois de characées ;
- une strate épiphytique, avec des Cladophores, des Spirogyres, Hydrodictyon reticulatum ;
- une strate flottante constituée de Lentilles d’eau, parfois des feuilles flottantes de Nénuphars ou de la Renouée amphibie ;
- une strate émergée correspondant à la colonisation par les hélophytes des berges (qui ne caractérisent pas l’habitat) ou par la forme émergée de la Renouée amphibie.
- Phase en assec
Phase d’assec (éventuellement partiel avec seulement rupture de l’écoulement - pertes dans les bancs de galets - et de présence d’eau - avec une végétation plus ou moins strictement aquatique). Si la rupture d’écoulement est tardive et/ou exceptionnelle, les végétations vernales à Renoncules (Renoncules flottante, en pinceau, calcaire) peuvent (pourraient -) être bien présentes dans les zones fluentes. Si cette rupture d’écoulement est précoce, les hydrophytes des milieux soumis aux assecs sont peu présentes et développent des formes d’émersion souvent temporaires.
Très forte variabilité saisonnière, en raison des phénomènes d’assèchement, mais aussi des variations thermiques entraînant des proliférations algales.
La colonisation des bancs de galets est souvent très éparse.
Sur sables, possibilité de présence d’éléments du Chenopodion rubri (surtout dans les zones supraméditerranéennes).
Quand il y a des limons, présence de végétation nitrophile (Paspalo-Agrostion, Bidention tripartitae…).

Confusions possibles

Normalement, les milieux et communautés sont assez faciles à distinguer, bien que le caractère temporaire des écoulements ne soit pas observable toute l’année et que certains cours d’eau ne soient qu’exceptionnellement temporaires (notamment ceux qui sont marqués par la Renoncule flottante).
La différence avec les têtes de bassin versant et ruisseaux temporaires (habitat 3290-1) se marque par la réduction de la diversité bryophytique (pour les cours d’eau sur substrats acidiclines) et par un changement des espèces de phanérogames, avec l’apparition des Potamots pectiné ou noueux, celle des autres nymphaéides que le Potamot nageant, et la disparition des Callitriches et des petites Renoncules.
La différence avec les cours d’eau permanents (habitats 3260-3, 3260-4 et 3260-5) n’est pas nette, sinon en étiage, lorsqu’on constate les ruptures d’écoulement, voire les assecs ; toutefois, le caractère restreint des recouvrements macrophytiques en été est un bon caractère distinctif.

Dynamique

Spontanée :
Une dynamique saisonnière importante est notable, associée aux cycles hydrologique et thermique :
- relative stabilité pour les vasques, avec un éventuel rajeunissement des communautés associé à des remaniements de substrats lors des crues ;
- très fortes variations pour les zones moins profondes qui s’assèchent plus ou moins à des périodes variables.
Il existe des relations dynamiques en fonction des différents facteurs (qualité de l’eau, éclairement, profondeur) ainsi qu'entre les groupements de ce type d’habitat et les groupements de milieux moins profonds qui sont plutôt caractéristiques des secteurs amont.
L’envahissement par les hélophytes des berges, Roseaux, Canne de Provence, Holoschoenus commun, les Massettes est souvent important, lors des années sèches.

Liée aux activités humaines :
Entretien physique du milieu : divers systèmes de curage permettent un entretien des milieux et de limiter ou de ralentir le comblement des fossés et des biefs. Après entretien, une dynamique de colonisation est observable, mais reste mal connue.
Les pompages réduisant le débit accélèrent la colonisation du lit par les hélophytes et les plantes de berge.
L’hypertrophisation se traduit par des réductions des peuplements macrophytiques submergés, et d’importantes proliférations algales.

Habitats associés ou en contact

Habitats associés :
Rivières à Barbeau (Cor. 24.14) ou à Brème (Cor. 24.15).
Communautés à characées (UE 3140).
Herbiers frangeants : roselières (Cor. 53.1) ou grandes cariçaies (Cor. 53.2).

Habitats en contact :
Cours d’eau méditerranéens pérennes (UE 3280).
Végétation à Renoncules des rivières pérennes (UE 3260).
Végétation hélophytique des berges (Cor. 53).
Mégaphorbiaies eutrophes (UE 6430).
Prairies méditerranéennes à hautes herbes et Joncs (Molinio arundinaceae-Holoschoenion vulgaris) (UE 6420).
Fourrés à Laurier-rose (Nerium oleander, UE 92D0) et notamment bordures à Canne de Provence.

Répartition géographique

Ces rivières intermittentes ou bien à coupure d'écoulement peuvent se rencontrer sur tout le pourtour méditerranéen, d'autant plus que certaines années sèches, des rivières en général pérennes deviennent intermittentes. Certaines têtes de bassin versant peuvent y être également incluses lorsque c'est le cours médian qui est réellement intermittent en zone karstique.

Valeur écologique et biologique

Absence d'informations.

États de conservation

Les états les moins eutrophes sont à privilégier. Tous les états de l’habitat sont néanmoins à protéger, en raison de la relative rareté de cet habitat.

Tendances et menaces

Tendances évolutives :
Une bonne hétérogénéité des faciès d’écoulement est un facteur favorable au maintien de la diversité biologique.
Pour les fossés comme pour les cours d’eau, cet habitat subit une assez forte eutrophisation.
Il existe un renouvellement de l’habitat, avec autocurage, lors des crues.

Menaces potentielles :
Envahissement par les macrophytes proliférants (Jussies, Ludwigia spp., Myriophylle du Brésil, Myriophyllum aquaticum, Sagittaire à larges feuilles, Sagittaria latifolia), avec un risque accru en cas d’entretien mécanique sans récupération des boutures formées.
L’enrichissement trophique des habitats naturellement eutrophes (hypertrophisation) se traduit par une réduction des macrophytes aquatiques submergés.
Naturellement, un envasement important peut intervenir et limiter le développement des macrophytes enracinés submergés.
Une colonisation par les hélophytes et amphiphytes des berges est fréquente et peut amener à la régression des hydrophytes, voire à leur disparition.
Artificialisation complète de ces milieux, notamment avec les travaux de lutte contre les crues.
Des soutiens d’étiage sont parfois réalisés (Salaison aval par exemple), qui se traduisent par la disparition de l’habitat typique.
Bases de loisirs avec régulation du débit.
Extractions de granulats, parfois dans le lit mineur (Gardons), et souvent dans la plaine d’inondation (Ardèche, Durance…).
Pompages diminuant fortement les débits et favorisant les phé- nomènes de proliférations végétales et d’eutrophisation.
Entretien avec des herbicides

Potentialités intrinsèques de production

Aucune, mais ces milieux, avec des crues brutales et soudaines, nécessitent une gestion particulière, impliquant souvent du travail de génie civil. Parmi ces travaux de génie civil, les curages parfois importants, les enrochements de berge, et surtout les barrages régulateurs de crues peuvent aller à l’encontre de la diversité et du fonctionnement hydrologique naturel, irrégulier avec de très fortes variations de débit.

Axes de recherche

Sachant qu’il s’agit probablement de l’un des habitats les plus mal connus, un inventaire de la flore spécifique de ces cours d’eau, ainsi que des suivis réguliers de végétation sont à réaliser en priorité, dans les trois situations géologiques les plus contrastées : substrats solides acides, basiques, et alluvions.
Les modalités de recolonisation végétale par les espèces aquatiques après crues, ainsi que l’équilibre entre végétation des berges et du lit sont des thèmes de recherche nécessaires pour envisager une gestion durable.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)