5130-2 - Junipéraies secondaires planitiaires à montagnardes à genévrier commun

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Étages planitiaire à montagnard.
Situations topographiques extrêmement variées correspondant aux systèmes secondaires agropastoraux oligotrophes de pelouses, landes, parfois bas-marais et moliniaies…, généralement sur pentes ou sur plateaux (Causses, par exemple).
Gamme de sols très large, depuis les sols pionniers (lithosols, rendzines…) jusqu’à des sols plus évolués (sols bruns calcaires ou calciques, podzols…), ayant en commun un caractère oligotrophe à oligo-mésotrophe.
Populations de Genévrier commun correspondant à la sous-espèce communis.
Habitats secondaires associés aux systèmes pastoraux extensifs hérités des traditions de parcours (surtout ovin et caprin) et de pâturage maigre (bovin) ; dans de nombreux secteurs collinéens et montagnards, des situations primaire et secondaire coexistent et peuvent être étroitement intriquées.

Variabilité

Diversité typologique en relation avec les systèmes de pelouses et de landes associés, au sein desquels les genévriers forment une communauté arbustive pionnière particulière et dépendante de la relation pastorale. Ils ont, par le passé, été souvent confondus avec les manteaux et fourrés arbustifs de recolonisation qui s’installent après abandon pastoral et qui constituent une étape de dégradation des junipéraies secondaires à Genévrier commun. Très nombreuses situations pouvant globalement se superposer à l’ensemble des communautés de pelouses calcicoles (Festuco valesiacae-Brometea erecti, Festuco-Seslerietea caeruleae), de pelouses acidiphiles (Nardetea strictae), de landes (Calluno vulgaris-Ulicetea minoris) et plus rarement de bas-marais (Scheuchzerio palustris-Caricetea fuscae) ou de tourbières (Oxycocco palustris-Sphagnetea magellanici). En réalité, pour des raisons probablement historiques et de préférence édaphique, ces voiles de junipéraies secondaires sont principalement développés dans les systèmes de pelouses calcicoles. La diversité floristique de ces communautés de junipéraies est souvent faible et réduite au seul Genévrier commun, mais s’enrichit progressivement en contact ou à l’approche des foyers primaires supraméditerranéens.

On distinguera pratiquement :
- des junipéraies calcicoles mésophiles à méso-xérophiles en voile des pelouses calcicoles planitiaires à montagnardes des Festuco valesiacae-Brometea erecti [surtout les alliances : Potentillo montanae-Brachypodion rupestris, Gentianello amarellae-Avenulion pratensis, Mesobromion erecti] et de l’aile mésophile et montagnarde des pelouses orophiles des Festuco-Seslerietea caeruleae ; ces voiles arbustifs sont souvent pauvres en espèces et fréquemment réduits au seul Genévrier commun, parfois accompagné de l’Ajonc d’Europe (Ulex europaeus) dans les climats les plus atlantiques ;
- des junipéraies calcicoles xérophiles en voile des pelouses calcicoles xériques des Brometalia erecti [surtout les alliances : Xerobromion erecti, Koelerio macranthae-Phleion phleoidis], des Festucetalia valesiacae, des Ononidetalia striatae et de l’aile xérophile et montagnarde des pelouses orophiles des Festuco-Seslerietea caeruleae ; ces voiles arbustifs sont souvent enrichis en arbrisseaux et arbustes supraméditerranéens, comme le Nerprun fétide (Rhamnus saxatilis subsp. infectoria), la Spirée d’Espagne (Spiraea hispanica), le Buis (Buxus sempervirens)… ; sur les sols bruns calciques des plateaux caussenards à affinités méditerranéo-atlantiques de la bordure septentrionale du bassin aquitain, le Genévrier commun s’associe à la Bruyère à balais (Erica scoparia) pour former des manteaux pionniers acidiclines sur plateau calcaire très originaux [Erico scopariae-Spiraetum obovati et Rhamno saxatilis-Ericetum scopariae] ;
- des junipéraies acidiphiles sèches à semi-sèches en voile sur pelouses acidiphiles des Nardetea strictae ou landes sèches à fraîches des Calluno vulgaris-Ulicetea minoris, et dans ce dernier cas, souvent enrichies en arbrisseaux pionniers des Cytisetea scopario-striati, notamment et selon les régions Ajonc d’Europe, Genêt à balais (Cytisus scoparius), Genêt purgatif (Cytisus oromediterraneus);
- des junipéraies méso-hygrophiles à hygrophiles des bas-marais (Scheuchzerio palustris-Caricetea fuscae) et moliniaies (Molinietalia caeruleae) principalement dans les systèmes acidiphiles, parfois au niveau des landes tourbeuses des Oxycocco palustris-Sphagnetea magellanici ; la Bourdaine (Frangula alnus) accompagne alors souvent le Genévrier commun dans ces communautés arbustives pionnières méso-hygrophiles à hygrophiles.

Physionomie, structure

Peuplements de Genévrier commun associés ou non à d’autres essences arbustives basses, d’allure variable ; en voile agropastoral, les junipéraies sont souvent pures ou de faible diversité spécifique, de densité variable depuis les voiles épars jusqu’aux massifs impénétrables de junipéraies vieillies (cas très rares, observés notamment sur les craies de Picardie) ; dans certains types, d’autres espèces peuvent jouer un rôle physionomique majeur en combinaison avec le Genévrier commun : Ajonc d’Europe, Bruyère à balais (« brande à Genévrier commun »), Nerprun fétide, Spirée d’Espagne…

Confusions possibles

Avec les junipéraies primaires ou subprimaires des corniches et vires rocheuses des étages collinéen et montagnard [code UE : 5130].
Avec, dans les Alpes méridionales, les fourrés xérophiles primaires à Genévrier thurifère (Juniperus thurifera) qui possèdent également le Genévrier commun et qui appartiennent au groupe des fourrés xériques calcicoles primaires riches en Amélanchier à feuilles ovales [Berberidenion vulgaris] ; ces fourrés très originaux (Amelanchiero ovalis-Juniperetum thuriferae) constituent un habitat à part de la directive « Habitats » [code UE : 9560*].
Avec les fourrés à Genévrier commun à caractère méditerranéen [groupe d’associations supraméditerranéen du Berberidenion vulgaris (= Lonicero etruscae-Rhamnenion catharticae), code UE : 5210], assurant le passage vers les communautés arbustives méditerranéennes associées au Chêne vert (Pistacio lentisci-Rhamnetalia alaterni).

Dynamique

Spontanée :
Les junipéraies secondaires de Genévrier commun associées aux systèmes agropastoraux s’inscrivent dans les différentes potentialités forestières de ces systèmes [Querco roboris-Fagetea sylvaticae].
La place dynamique du Genévrier commun et des junipéraies secondaires qu’il constitue dans les successions végétales post-pastorales, est particulièrement précise. Essence héliophile par excellence, le Genévrier commun ne supporte pas la concurrence arbustive et se trouve rapidement éliminé dans les phases de coalescence et de développement des manteaux arbustifs préparant l’installation de la forêt.
Deux aspects sont importants à considérer ici :
- le déficit de pollinisation et de production de graines viables qui croît avec la densification des manteaux arbustifs ;
- la recherche de conditions héliophiles et d’ouverture du tapis végétal pour la régénération et l’établissement des juvéniles.
Cet optimum héliophile associé à des conditions de régénération au sein d’un tapis végétal ouvert ainsi qu’à une maturité sexuelle tardive du Genévrier commun (10 ans environs) restreint considérablement la niche d’occupation de l’habitat dans le temps et dans l’espace. Son développement et son maintien sont ainsi étroitement corrélés à des conditions pastorales suffisamment extensives et pérennes.
Au sein des voiles épars de Genévrier commun, chaque genévrier peut être un foyer dynamique pour l’installation et le développement d’essences arbustives préparant la succession dynamique et l’installation d’un manteau arbustif. Ce rôle « autodestructeur » est d’autant plus vif que le port du genévrier et la présence d’un ourlet herbacé autour créent un microclimat d’ombrage au pied de l’arbuste facilitant l’installation d’autres arbustes ainsi que leur protection. Il est classique d’observer à partir des genévriers en place la constitution de fourrés éclatés dont la coalescence et le développement annoncent la mort de la junipéraie pionnière.
Sous climat sec et sols maigres, le Genévrier commun peut se maintenir dans des pré-bois clairs, notamment de Pin sylvestre (Pinus sylvestris), et participer à une strate arbustive basse éparse.

Liée à la gestion :
Le maintien des junipéraies secondaires passe par un équilibre délicat entre modalités pastorales et dynamique des populations de Genévrier commun ; une intensification du pâturage ne permet plus la régénération des populations, tandis qu’un abandon ou une déprise trop forte accélère les processus de colonisation arbustive néfastes aux junipéraies.
Le développement de vastes junipéraies aux structures d’âge équilibrées est généralement associé à la persistance de pratiques pastorales extensives sur de longues périodes.
Habitat particulièrement sensible aux incendies et en particulier aux feux pastoraux compte tenu de la grande inflammabilité et combustibilité du Genévrier commun (d’où les noms populaires de « pétron » ou de « grillon » et les toponymes qui en dérivent).

Habitats associés ou en contact

Communautés pionnières à thérophytes des tonsures (écorchures des pelouses) soit calcicoles [Stipo capensis-Brachypodietea distachyae, code UE : 6220*], soit acidiphiles [Tuberarietea guttatae, codes Corine : 35.3 et 35.2 p.p.].
Communautés pionnières de dalles rocheuses soit calcicoles à acidiclines [Alysso alyssoidis-Sedetalia albi, codes UE : 6110, 8230, 8240*], soit silicicoles [Sedo albi-Scleranthetalia biennis, code UE : 8230].
Pelouses calcicoles xérophiles à méso-xérophiles européennes et ouest-sibériennes [Festuco valesiacae-Brometea erecti, code UE : 6210].
Pelouses calcicoles nordiques et orophiles [Festuco-Seslerietea caeruleae, code UE : 6170].
Pelouses acidiphiles oligotrophes planitiaires à montagnardes [Nardetea strictae, code UE : 6230*].
Bas-marais [Scheuchzerio palustris-Caricetea fuscae] et moliniaies [Molinio caeruleae-Juncetea acutiflori, incluant plusieurs habitats de la directive dont notamment les codes UE : 6410, 6420, 7230].
Pelouses-ourlets et ourlets calcicoles à acidiclines [Trifolio medii-Geranietea sanguinei, code UE : 6210].
Pelouses-ourlets et ourlets acidiphiles [Melampyro pratensis-Holcetea mollis].
Landes acidiphiles, sèches à fraîches, planitiaires à montagnardes à Éricacées et Fabacées [Calluno vulgaris-Ulicetea minoris, codes UE : 4010, 4020*, 4030].
Landes tourbeuses et tourbières acides eurosibériennes [Oxycocco palustris-Sphagnetea magellanici, codes UE : 4020*, 7110*, 91D0*].
Manteaux arbustifs préforestiers [Crataego monogynae-Prunetea spinosae et Cytisetea scopario-striati, code Corine : 31.8, codes UE : 5110, 5120].
Forêts tempérées caducifoliées, planitiaires à montagnardes [Querco roboris-Fagetea sylvaticae, code Corine : 41 (incluant plusieurs habitats de la directive dont notamment les codes UE : 9150 et 9180*)].

Répartition géographique

Junipéraies calcicoles xérophiles à méso-xérophiles en voile des pelouses calcicoles : répandues dans l’ensemble de l’aire non méditerranéenne des Festuco valesiacae-Brometea erecti, ainsi que dans l’aire montagnarde des Festuco-Seslerietea caeruleae, soit presque toute la France, à l’exception des régions méditerranéennes et des massifs cristallins.
Junipéraies acidiphiles sèches à semi-sèches en voile sur pelouses acidiphiles et landes sèches à subsèches : bien représentées aux étages collinéen supérieur et montagnard des grands massifs cristallins (notamment dans le Massif central), rares et souvent très localisées ailleurs.
Junipéraies méso-hygrophiles à hygrophiles des bas-marais, moliniaies et landes tourbeuses : rares et très localisées.

Valeur écologique et biologique

Junipéraies secondaires généralement relictuelles, les types acidiphiles et hygrophiles généralement réduits à un petit nombre de sites de surface restreinte ; dans les systèmes calcicoles secs, les peuplements aux structures d’âge équilibrées sont rares.
Très forte originalité et diversité faunistique associée aux genévriers avec une part importante de phytophages junipérophages soit gallicoles, soit non gallicoles (essentiellement des lépidoptères, hyménoptères, hémiptères, diptères et acariens).
À la valeur intrinsèque des junipéraies secondaires, s’ajoutent dans les systèmes agropastoraux, les intérêts cumulatifs apportés par les habitats associés.
Paysages pastoraux très originaux de junipéraies en voile sur pelouses et landes, notamment en dehors des régions supra-méditerranéennes.
La persistance des squelettes de Genévrier commun mort, en sous-bois des manteaux et des forêts de recolonisation à l’emplacement d’anciens systèmes agropastoraux, ont un grand intérêt pour l’histoire des paysages et des dynamiques de végétation.

États de conservation

États à privilégier :
Junipéraies (pures ou associées à des arbustes de même signification dynamique et structurale) en voile éclaté et possédant une structure d’âge équilibrée et une niche permanente de régénération.
Autres états observables :
Junipéraies denses et vieillies en peuplement quasi pur de Genévrier commun (très rare).
Junipéraies envahies par des essences arbustives préforestières.
Manteaux arbustifs sur junipéraie sénescente.

Tendances et menaces

Disparition spatiale continue des junipéraies secondaires depuis le début du XXe siècle avec accélération très forte depuis 1960 ayant pour causes principales l’abandon pastoral et la reconstitution de boisements, l’ouverture et l’extension de carrières (pour l’amendement, l’empierrement ou la pierre calcaire), l’extension urbaine et industrielle… Localement, le développement important d’une junipéraie équienne suite à l’abandon récent de pratiques pastorales suffisamment intensives pour maintenir jusque-là une présence très réduite de l’arbuste, peut apparaître comme un facteur d’extension de l’habitat, dont il convient cependant de souligner l’aspect déséquilibré et sans avenir à moyen terme pour le peuplement de Genévrier commun.
Menaces fortes d’extinction pour les types de junipéraies secondaires sur landes et bas-marais.

Potentialités intrinsèques de production

Associé aux pratiques pastorales sur le milieu (pâturage ovin, bovin, caprin ou équin), cet habitat peut avoir un intérêt économique direct pour la production de genièvre, destinée aux industries agroalimentaires et à la distillerie.
Le Genévrier commun peut être brouté par le bétail en hiver, lorsque ces arbustes sont la seule ressource disponible.
Il peut participer à des paysages naturels très appréciés par le public, d’où une valorisation économique indirecte.

Axes de recherche

Absence de données.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 1. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 445 p. + cédérom. (Source)