6110-1 - Pelouses pionnières des dalles calcaires planitiaires et collinéennes

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Étages planitiaire, collinéen et montagnard inférieur (jusque vers 800 m).
Climat océanique plus ou moins atténué ou à tendance semicontinentale.
Situation topographique : plateaux, plus rarement corniches, vires rocheuses.
En dehors des zones horizontales, expositions variées, mais très souvent au sud.
Roches-mères : calcaires durs d’âges divers.
Sol très peu épais, squelettique, parfois finement sableux, souvent riche en calcaire actif et en matières organiques, se desséchant rapidement.
Pelouses parfois primaires, mais le plus souvent disséminées au sein de systèmes pastoraux extensifs liés au pâturage ovin, bovin ou caprin, favorisées par le surpâturage.
Action importante des lapins (lorsqu’ils sont encore présents).

Variabilité

L’habitat étant répandu dans une grande partie de la France, il en découle une importante variabilité, de type géographique, mais aussi de type édaphique et topographique.

Variations de type climatique et géographique :
- climat à tendance continentale (Alsace, Lorraine, Haute-Marne, Bourgogne, Jura, vallée du Rhône, Tertiaire parisien oriental, Avesnois) : dalle à Céraiste nain (Cerastium pumilum) [Cerastietum pumili], avec : Minuartie rouge (Minuartia rubra), Orpin doux (Sedum sexangulare), Orpin des rochers (Sedum rupestre), Trèfle des champs (Trifolium campestre), Arabette hérissée (Arabis hirsuta) ; en plus, en Alsace : Arabette auriculée (Arabis auriculata) et Potentille cendrée (Potentilla cinerea);
- idem mais plus rigoureux (Ardenne primaire) : groupement voisin mais dépourvu des espèces ci-dessus, riche en Luzerne naine (Medicago minima) et Hornungie des pierres (Hornungia petraea); -climat subatlantique (Loir-et-Cher, Essonne, Loiret) : dalle à Céraiste nain [Cerastietum pumili], dépourvue de Minuartie rouge, d’Orpin doux, mais avec la Fétuque marginée (Festuca marginata) et le Trèfle strié (Trifolium striatum);
- climat subatlantique assez chaud (Berry) : dalle à Euphorbe tronquée et Cladonie symphicarpe (Cladonia symphycarpa) [Euphorbio truncatae-Cladonietum symphicarpae] et dalle à Peltigère roussâtre (Peltigera rufescens) et Ail à tête ronde (Allium sphaerocephalon) [Peltigero rufescentis-Allietum sphaerocephali] avec : Catapode raide (Catapodium rigidum), Sabline controversée (Arenaria controversa), Vulpie unilatérale (Vulpia unilateralis), Fétuque marginée et, pour le premier groupement, Cardoncelle molle (Carduncellus mitissimus) et Euphorbe fluette var. tronquée (Euphorbia exigua subvar. truncata).

Principales variations de type édaphique :
- dalles rocheuses recouvertes d’une fine pellicule argileuse, humides l’hiver (Bourgogne et sud du Jura) : dalle à Pâturin de Baden [Poetum badensis], avec : Pâturin de Baden (Poa badensis), Euphorbe fluette (Euphorbia exigua), Mouron des champs (Anagallis arvensis);
- sommets de vieux murs (partout) : dalle à Saxifrage à trois doigts (Saxifraga tridactylites) et Pâturin comprimé (Poa compressa) [Saxifrago tridactylites-Poetum compressae] ; ce type est cependant expressément exclu de la directive (cf. fiche générique).

Variations de type topographique :
- vires rocheuses étroites à sol très peu épais (Haute-Marne, Côte-d’Or) : sous-association à Mélique ciliée (Melica ciliata) de la dalle à Céraiste nain [Cerastietum pumili subass. melicetosum ciliatae] avec davantage de Mélique ciliée, de Fétuques gr. ovine (Festuca gr. ovina), d’Ail à tête ronde et l’Holostée en ombelle (Holosteum umbellatum);
- vires rocheuses étroites à sol très peu épais (Côte-d’Or, Saôneet-Loire) : dalle à Minuartie à grand bec [Minuartietum mutabilis] avec davantage de Mélique ciliée, de Fétuques gr. ovine, d’Ail à tête ronde et avec la Minuartie à grand bec (Minuartia rostrata) et l’Hornungie des pierres ;
- vires rocheuses étroites à sol très peu épais (Berry, Haute-Normandie) : dalle à Vulpie unilatérale et Catapode raide [Vulpio unilateralis-Desmazerietum rigidae] avec la Guimauve hérissée (Althaea hirsuta) et davantage d’Orpin âcre (Sedum acre), de Catapode raide et de Vulpie unilatérale ;
- vires rocheuses à sol très peu épais (Calvados) : dalle à Trèfle des champs et Catapode raide [Trifolio campestris-Desmazerietum rigidae].

L’habitat est également présent sur les calcaires et pépérites d’Auvergne, sur les calcaires durs de Touraine, du Poitou, des Charentes, du Périgord et du Quercy, plus rarement sur les terrasses alluviales graveleuses des grands fleuves comme la Loire. L’étude typologique précise de la végétation des dalles calcaires de ces régions reste cependant à faire.

Physionomie, structure

Pelouses rases, écorchées, peu recouvrantes (25 à 60 %, rarement 80 %), dominées par les thérophytes et les chaméphytes crassulescents (divers Orpins), plus rarement par certaines Fétuques (Festuca marginata, F. lemanii, F. burgundiana, F. longifolia subsp. pseudocostei).
Grande importance de la strate des mousses et des lichens, rarement étudiée (sauf dans le Berry).
Diversité floristique importante avec un pic de floraison surtout printanier (mars-mai) ; de nombreuses espèces printanières deviennent méconnaissables en été.
Grande variabilité de l’aspect physionomique suivant les années : depuis l’absence des thérophytes les années les plus sèches à une grande abondance de ces dernières les années pluvieuses.

Confusions possibles

Avec les végétations pionnières de dalles calcaires montagnardes dans les régions de contact [Alysso alyssoidis-Sedion albi, code UE : 6110*].
Avec les pelouses équivalentes des dalles siliceuses sèches et chaudes parfois floristiquement très proches mais qui renferment toujours des espèces acidiphiles [Sedo albi-Veronicion dillenii, code UE : 8230].
Avec les pelouses pionnières riches en thérophytes des lithosols sur rochers calcaires [Trachynion distachyae, code UE : 6220*].
Avec les pelouses xérophiles du Diantho gratianopolitani-Melicion ciliatae, du Seslerio caeruleae-Xerobromenion erecti ou du Xerobromenion erecti qu’elles côtoient souvent [code UE : 6210] ; ces dernières sont pauvres en thérophytes et toujours dominées par les hémicryptophytes.

Dynamique

Pelouses parfois primaires, mais résultant le plus souvent de la déforestation de différents types forestiers (chênaies pubescentes, hêtraies xérophiles, chênaies-charmaies calcicoles, etc.).

Spontanée :
Ces pelouses peuvent s’installer sur des surfaces dénudées artificiellement comme des fonds de carrières.
Certaines pelouses karstiques semblent stables à l’échelle humaine.
Après diminution de la pression des lapins ou/et abandon pastoral (chèvres, moutons, bovins) : densification très lente du tapis graminéen et chaméphytique, réduction progressive des secteurs dépourvus de végétation pérenne favorables aux thérophytes ; le sol devient peu à peu plus épais.
Passage progressif à une pelouse herbacée relevant suivant les régions et les transects du Xerobromenion erecti [code UE : 6210], du Seslerio caeruleae-Xerobromenion erecti [code UE : 6210] ou du Mesobromion erecti [code UE : 6210].

Liée à la gestion :
L’intensification du pâturage induit l’extension de l’habitat, initialement confiné aux dalles mais qui peu à peu s’étend aux dépens de la pelouse herbeuse proprement dite.
L’érosion liée au surpâturage ou au passage de véhicules (chemins) favorise la création de cet habitat.

Habitats associés ou en contact

Pelouses méso-xérophiles à Fétuque de Léman (Festuca lemanii), Thésion couché (Thesium humifusum), Polygale des sols calcaires (Polygala calcarea) (plusieurs types) [Mesobromion erecti, code UE : 6210].
Pelouses xérophiles à Trinie glauque (Trinia glauca), Hélianthème des Apennins, Bugrane naine (Ononis pusilla) (plusieurs types) [Xerobromenion erecti, code UE : 6210].
Pelouses xérophiles des corniches à Anthyllide des montagnes (Anthyllis montana), Œillet des rochers (Dianthus sylvestris), Stipe pennée (Stipa pennata) (plusieurs types) [Seslerio caeruleae-Xerobromenion erecti, code UE : 6210].
Pelouses rupicoles à Mélique ciliée, Germandrée botryde, Germandrée petit chêne [Diantho gratianopolitani-Melicion ciliatae, code UE : 6210].
Groupements rupicoles à Doradilles diverses, parfois à Athamanthe de Crète (Athamantha cretensis), Daphné des Alpes (Daphne alpina) (plusieurs types) [Potentillion caulescentis, code UE : 8210].

Répartition géographique

Ardenne primaire (pointe de Givet) : forme du Cerastietum pumili.
Collines d’Alsace : Cerastietum pumili.
Plateaux calcaires de l’Est depuis la Lorraine jusqu’à la Nièvre et au Mâconnais : Cerastietum pumili, Poetum badensis, Minuartietum mutabilis.
Jura (premier plateau) : Cerastietum pumili, Poetum badensis.
Vallée du Rhône au nord de Montélimar : Cerastietum pumili, Minuartietum mutabilis.
Loir-et-Cher : Cerastietum pumili.
Berry : Vulpio unilateralis-Desmazerietum rigidae, Euphorbio truncatae-Cladonietum symphicarpae, Peltigero rufescentis-Allietum sphaerocephali.
Tertiaire parisien, Avesnois : Cerastietum pumili.
Haute-Normandie (vallée de la Seine) : Vulpio unilateralis-Desmazerietum rigidae.
Basse-Normandie : Trifolio campestris-Desmazerietum rigidae.
Ailleurs : Auvergne, Touraine, Poitou, Charentes, Périgord, Quercy…

Valeur écologique et biologique

Habitat assez rare à très rare selon les régions ; certains types sont très localisés.
Pelouses parfois primaires, ce qui est exceptionnel pour les régions de la plaine française.
Diversité floristique élevée.
Habitat refuge pour de nombreuses espèces annuelles d’origine méditerranéenne en dehors de leur aire principale.
Limite d’aire dans le nord de la France pour beaucoup d’espèces méridionales : Trèfle scabre, Luzerne naine, Buplèvre du Mont Baldo, etc.

États de conservation

États à privilégier :
Pelouse rase, ouverte à très ouverte (souvent maintenue par les lapins).

Tendances et menaces

Habitat toujours très morcelé et donc relictuel, généralement inclus au sein d’ensembles pâturés plus vastes. Il se maintient assez bien dans le cas où il occupe des vires rocheuses étroites (état primaire) ; dans les autres cas (sur les plateaux), il tend à disparaître avec l’abandon du pâturage.
Utilisation des parcours pour les loisirs : pique-niques avec feux, motos vertes, véhicules tout terrain, aires de stationnement pour la varappe, aires de delta-plane (menace liée surtout à l’intensité de la fréquentation).

Potentialités intrinsèques de production

Cet habitat pionnier s’insère dans les systèmes de pelouses ou en corniche, sur des sols squelettiques, en formant ainsi des taches dominées par les plantes grasses.
Ces végétations de dalles rocheuses sont difficilement gérables par l’agriculture. Elles peuvent être cependant disséminées au sein de pelouses du Mesobromion erecti et du Xerobromion erecti, dont la valeur agricole est plus élevée.

Axes de recherche

Influence des déjections animales des troupeaux pâturant autour sur l’évolution du groupement.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 1. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 445 p. + cédérom. (Source)