Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats
Étages planitiaire et collinéen (de 20 à 300 m).
Climat continental à subatlantique.
Situations topographiques : pentes généralement faibles à nulles, parfois plus fortes (jusqu’à 20°) ; en contexte fluviatile : terrasses alluviales régulièrement inondées du lit apparent et terrasses rarement inondées (fortes crues hivernales) des niveaux moyens à assez élevés du lit majeur.
Roches-mères : sables siliceux enrichis en calcaire (débris de coquilles fossiles, apport par éboulement de calcaires susjacents), sables alluviaux riches en bases, plus rarement affleurements de calcaires sableux ou dolomitiques se désagrégeant superficiellement en sables calcaires (cas de certaines assises de calcaires lutétiens).
Sols squelettiques peu évolués à caractère arénacé déterminant (sols rendziniformes).
En contexte alluvial, milieux associés aux perturbations hydrodynamiques des grands fleuves, à présence sub-permanente, bien que leur maintien soit également partiellement tributaire des usages pastoraux et des lapins. Ailleurs, milieux relictuels secondaires hérités pour une part des traditions de parcours pastoraux ou d’exploitation des landes, aujourd’hui plus souvent ponctuels et associés à diverses perturbations anthropiques (piétinement, décapage, carrière, exploitation forestière…) entretenues ensuite par les lapins.
Action très importante et souvent déterminante des lapins qui affectionnent les substrats sableux propices au creusement de terriers.
Diversité typologique principale selon les substrats et les régions, mais encore insuffisamment connue et caractérisée (difficulté d’analyse typologique des complexes de pelouses sur sables, informations fragmentaires sur les espèces des genres Festuca et Koeleria). On peut actuellement distinguer trois types majeurs.
Sur sables de la plaine alluviale rhénane : pelouse à Silène conique et Céraiste à cinq étamines [Sileno conicae-Cerastietum semidecandri], avec : Pétrorhagie prolifère (Petrorhagia prolifera), Luzerne naine (Medicago minima), Silène conique (Silene conica), Silène otitès (Silene otites)…
Sur sables calcaires secs et chauds du Tertiaire parisien : pelouse à Corynéphore blanchâtre et Koelérie à grandes fleurs [Corynephoro canescentis-Koelerietum macranthae], proche du type précédent mais moins continentale, surtout distincte par les Koeléries du groupe albescens/macrantha, la Laîche des sables (Carex arenaria) et plusieurs espèces méditerranéo-atlantiques : Mibore minime (Mibora minima), Hélianthème tacheté (Xolantha guttata), Buplèvre menu (Bupleurum tenuissimum); il existe diverses variantes géographiques qui restent à caractériser précisément.
Sur sables alluviaux ligériens : pelouse à Corynéphore blanchâtre et Fétuque à longues feuilles [Corynephoro canescentis-Festucetum longifoliae], avec : Fétuque à longues feuilles (Festuca longifolia subsp. longifolia), Aïra caryophyllé (Aira caryophyllea subsp. caryophyllea), Porcelle glabre (Hypochaeris glabra), Myosotis raide (Myosotis stricta), Scleranthus polycarpe (Scleranthus polycarpos), Logfie minime (Logfia minima), Ornithope délicat (Ornithopus perpusillus), Jasione des montagnes (Jasione montana), Pâturin bulbeux (Poa bulbosa)…
Aux côtés d’une unité centrale en Loire moyenne, plusieurs variations périphériques sont connues, celle de Loire amont étant fortement individualisée et constituant un type bien séparé :
- Loire amont : variante acidicline et oligotrophe à Astérocarpe blanchâtre (Sesamoides purpurascens), Teesdalie nudicaule (Teesdalia nudicaulis), Flouve aristée (Anthoxanthum aristatum), Véronique de Dillenius (Veronica dillenii)… ; cette variante bien individualisée constitue un type annonçant le passage aux communautés acidiphiles du Corynephorion canescentis ;
- Loire aval et Allier aval : variantes sans Fétuque à longues feuilles ; -Cher : variante à Koeléries du groupe albescens/macrantha, Silène conique (Silene conica).
N.B. : les pelouses alluviales de basse Seine sont intermédiaires entre celles du Tertiaire parisien et celles du bassin de la Loire.
D’autres types existent notamment dans les systèmes alluviaux (bassin du Rhône, haut et moyen val d’Allier) et peut-être également au niveau des dunes continentales des Vosges du nord, mais ils restent généralement à caractériser précisément et à dissocier des communautés pelousaires associées de l’Armerienion elongatae. Un type au moins est bien différencié : pelouse à Épervière de la Loire et Corynéphore blanchâtre [Hieracio ligerici-Corynephoretum canescentis] des hauts de grève à granulométrie grossière du lit apparent de la Loire et de l’Allier, avec : Épervière de la Loire (Hieracium peleterianum subsp. ligericum), Orpin rougeâtre (Sedum rubens), Holostée en ombelle (Holosteum umbellatum), Micropyrum délicat (Micropyrum tenellum)…
Variabilité secondaire en relation avec la teneur en calcaire ou en bases et la mobilité des sables. On peut reconnaître ainsi avec trois phases successives en relation avec la fixation progressive des sables, parfois considérées comme des types bien distincts :
- phase pionnière sur sables mobiles à Corynéphore blanchâtre (optimum à ce stade), thérophytes pionniers abondants et tapis végétal très ouvert ;
- phase post-pionnière sur sables semi-fixés à Corynéphore blanchâtre, graminées cespiteuses des genres Festuca et/ou Koeleria (Fétuque à longues feuilles, Koeléries du groupe albescens/macrantha), Thyms du groupe serpyllum et thérophytes post-pionniers ; le tapis végétal tend à se fermer avec le développement concomitant d’une strate bryolichénique diversifiée ;
- phase terminale sur sables fixés annonçant le passage aux pelouses pérennes sur sables de l’Armerienion elongatae, marquée par la régression du Corynéphore blanchâtre et des thérophytes pionniers et la fermeture du tapis végétal.
Pelouses rases à mi-rases, écorchées avec un recouvrement herbacé faible à moyen (30-60 %), mais très souvent doublé d’un tapis bryolichénique dense contribuant à la fermeture progressive du tapis végétal (jusqu’à 90-100 % de recouvrement total) ; structure biologique de la strate herbacée très variable selon les phases dynamiques avec une forte présence des espèces à vie courte (jusqu’à 50 %), une progression rapide des hémicryptophytes avec la maturation du tapis végétal (de 15 à 70 % environ) et une participation non négligeable des géophytes (510 %) et des chaméphytes (jusqu’à 40 % dans certains faciès, par exemple à Thyms).
Structure architecturale diversifiée avec souvent une succession de faciès dynamiques : d’abord à « corynéphore » seul, ensuite à « corynéphore/fétuque » ou « corynéphore/koelérie », enfin à « fétuque » ou « koelérie/fétuque » ; les graminées cespiteuses (Corynéphore blanchâtre, Koeléries, Fétuques, Aïra caryophyllé) jouent un rôle essentiel dans la morphologie de la strate herbacée.
Forte représentation des plantes de la famille des Caryophyllacées, notamment les genres Silène (Silene), Céraiste (Cerastium), Pétrorhagie (Petrorhagia), Sabline (Arenaria), Scléranthe (Scleranthus), Minuartie (Minuartia), Spergule (Spergula), Holostée (Holostea)…
Strate muscinale généralement très développée et recouvrante, en particulier dans les phases post-pionnières, à base de grandes pleurocarpes (Hypnum lacunosum, Racomitrium elongatum, Rhytidium rugosum, Brachythecium albicans, Abietinella abietina), d’acrocarpes sociales (Tortula ruraliformis, Polytrichum juniperinum, Ceratodon purpureus) et de divers lichens (Peltigera pl. sp., Cladonia pl. sp., Cornicularia aculeata).
Pelouses généralement développées au sein de mosaïques pelousaires à structure complexe associant des pelouses subatlantiques xériques acidoclines sur sables (Armerienion elongatae), des communautés de dalles calcaires riches en thérophytes et chaméphytes crassulescents (Alysso alyssoidis-Sedion albi), des pelouses pionnières à thérophytes sur sables (Thero-Airion), des communautés terricoles de bryophytes et de lichens thermoxérophiles.
Diversité floristique importante ; floraisons essentiellement pré-vernales et vernales, souvent discrètes ; quelques taches colorées avec les faciès à Épervière de la Loire, Orpin âcre (Sedum acre) ; aspect estival généralement terne marqué par les effets de la sécheresse.
Avec des pelouses pionnières sur sables acides ou décalcifiés, plus ou moins mobiles (Corynephorion canescentis) [code UE : 2330].
Avec des pelouses calcicoles acidoclines sur sables secs de l’Armerienion elongatae [code UE : 6210].
Avec des pelouses pionnières à thérophytes sur sables (Thero-Airion) [code Corine : 35.21].
Avec des végétations de dalles calcaires (Alysso alyssoidis-Sedion albi) [code UE : 6110*].
Spontanée :
Végétations pionnières associées à des perturbations naturelles ou anthropiques :
- dans le premier cas il s’agit essentiellement de perturbations liées au fonctionnement hydrodynamique des grands fleuves et au remodelage régulier des sédiments fluviatiles ; au niveau du lit apparent de ces couloirs fluviaux, un rajeunissement annuel des terrasses alluviales et la création régulière de nouveaux espaces propices contribuent au caractère pérenne de la présence de l’habitat ; au niveau des terrasses alluviales du lit majeur, le maintien ou la régénération de l’habitat était largement tributaire de la fréquence des grandes crues, avec l’aide probable des usages pastoraux et des populations de lapin. Très localement dans les systèmes dunaires continentaux (Tertiaire parisien, Vosges du nord), les processus d’érosion éoliens ont aussi eu une action déterminante ;
- le maintien des pelouses à caractère anthropique est par contre dépendant de la pérennité des perturbations génératrices de l’habitat à laquelle l’exploitation pastorale et la prolifération des lapins ont longtemps contribué.
Après abandon pastoral ou régression des lapins, reconstitution forestière de vitesse variable mais souvent ralentie par la sécheresse, les variations thermiques considérables et pouvant présenter des seuils dynamiques prolongés :
- en situation alluviale, la raréfaction des grandes crues inondant le lit majeur ne permet généralement plus de limiter les processus dynamiques ; on observe alors actuellement en de nombreux points une réactivation de ces processus, avec localement évolution possible vers des boisements alluviaux à Orme champêtre (Ulmus minor), Frêne commun (Fraxinus excelsior), Érable sycomore (Acer pseudoplatanus), Chêne pédonculé (Quercus robur) [Ulmenion minoris, code UE : 91F0] ;
- ailleurs ces végétations secondaires s’inscrivent généralement dans des potentialités de forêts thermophiles soit de chênaies pubescentes du Quercion pubescenti-sessiliflorae (environs de Fontainebleau) [code Corine : 41.711], soit de diverses chênaiesfrênaies calcicoles thermophiles souvent enrichies en éléments des chênaies pubescentes (Tertiaire parisien) [Carpinion betuli ; code Corine : 41.27], soit, sur substrats peu calcarifères, de formes acidiclines des chênaies sessiliflores du Quercion roboris [code Corine : 41.5] ; les processus dynamiques préforestiers sont extrêmement complexes et associent des phénomènes de densification de la strate herbacée et d’embroussaillement progressif largement intriqués dans le temps et l’espace (pour la description de ces processus dynamiques, voir les fiches des pelouses calcicoles concernées).
Parallèlement à la fixation des sables, la structuration progressive d’une pelouse calcaro-siliceuse sèche (Armerienion elongatae) est la première étape du processus dynamique habituel. Elle se traduit par l’extension des hémicryptophytes pelousaires à rosettes ou rhizomateuses au détriment des plantes à vie courte.
Liée à la gestion :
Tapis végétal extrêmement sensible au piétinement et au grattis (lapins), facilement rajeuni par un pâturage léger qui provoque la réapparition de phases pionnières. Un enrichissement trophique aboutit au développement de communautés de friches sablo-calcaires à tendance nitrophile, un tassement (surpiétinement, chemins) à des communautés de dalles calcaro-siliceuses [Alysso alyssoidis-Sedion albi, code UE : 6110*].
Pelouses calcicoles acidoclines sur sables secs de l’Armerienion elongatae [code UE : 6210].
Groupements bryolichéniques psammophiles thermophiles.
Communautés pionnières de sables et graviers tassés de l’Alysso alyssoidis-Sedion albi [code UE : 6110*].
Localement, pelouses pionnières sur sables acides ou décalcifiés, plus ou moins mobiles (Corynephorion canescentis) [code UE : 2330].
Localement, pelouses pionnières à thérophytes sur sables (Thero-Airion) [code Corine : 35.21].
Pelouses calcicoles xérophiles atlantiques, psammophiles et thermophiles sur calcaires sableux du Xerobromenion erecti [code UE : 6210].
Pelouses méso-xérophiles du Teucrio montani-Mesobromenion erecti développées en contact [code UE : 6210].
Agropyraies alluviales mésophiles à Patience à fleurs en thyrse (Rumex thyrsiflorus), pelouses-ourlets méso-xérophiles à xérophiles à Prêle de Moore (Equisetum x-moorei) et hybrides de Chiendents [Falcario vulgaris-Poion angustifoliae].
Friches sableuses alluviales du Dauco carotae-Melilotion officinalis.
Cytisaies pionnières à Genêt à balais et/ou Genêt purgatif [Cytisetea scopario-striati].
Pelouse à Silène conique et Céraiste à cinq étamines : plaine rhénane aux environs d’Haguenau.
Pelouse à Corynéphore blanchâtre et Koelérie à grandes fleurs : aire disjointe en îlots relictuels au sein du Tertiaire parisien : massif de Fontainebleau, Valois, Laonnois méridional, Soissonnais, Vexin français.
Pelouse à Corynéphore blanchâtre et Fétuque à longues feuilles : fleuves et grandes rivières du bassin de la Loire (basse et moyenne Loire de Decize à Angers, bas Allier, Cher).
Pelouse à Épervière de la Loire et Corynéphore blanchâtre : Loire moyenne et Allier.
Habitat également présent (typologie à préciser) sur les alluvions sableuses de la Seine, des bassins du Rhône et de l’Allier, et peut-être au niveau des dunes continentales des Vosges du nord.
Tous les types de pelouses sont d’importance patrimoniale majeure, mais réduits aujourd’hui à un petit nombre de sites de surface restreinte.
Cortèges floristiques très originaux à caractère thermophile et substeppique, enrichis par des apports migratoires le long des corridors fluviaux (pénétration d’espèces méridionales, descente d’espèces montagnardes du Plateau central) ; plusieurs plantes rares en France : Épervière de la Loire (endémique du centre et du sud de la France), Laîche de la Loire (Carex ligerica), Myosotis de Balbis (Myosotis balbisiana), Véronique de Dillenius, Spergule à cinq étamines… ; plusieurs plantes protégées régionalement ; peuplements entomologiques arénicoles spécialisés.
Présence d’espèces des dunes littorales exceptionnelles à l’intérieur des terres : Laîche des sables, Fléole des sables.
États à privilégier :
Complexe pelousaire associant en permanence les trois phases successives de l’habitat (pionnière, post-pionnière et terminale), indicateur de biodiversité optimale et de fonctionnement dynamique régulier. Cette structure est largement favorisée par la permanence des perturbations naturelles (hydrodynamiques, lapins, remaniements éoliens) ou anthropiques (piétinement pastoral adapté, perturbations mécaniques…).
Autres états observables :
Néant.
Disparition spatiale continue depuis le XIXe siècle avec accélération très forte depuis 1960 ayant principalement des causes anthropiques (aménagements divers des lits majeurs, établissement de sablières et de gravières, plantations forestières, cultures, urbanisation surtout en région parisienne), mais aussi des causes naturelles : régression des lapins avec la myxomatose, abandon pastoral, extension des agropyraies, embroussaillement et boisement naturel (phénomènes lents en système alluvial mais accélérés récemment par la raréfaction des grandes crues et l’abandon du pâturage)… ; l’habitat est actuellement presque entièrement détruit en val de Seine.
Partout menaces très fortes et rapides d’extinction, à l’exception des pelouses alluviales de lit apparent ; urgence de la mise en place de mesures conservatoires et de gestion, accompagnées dans de nombreux cas de mesures strictes de protection.
Utilisation pour les loisirs (pique-niques avec feux, motos vertes, véhicules tout terrain…).
Possibilité de valorisation pastorale.
Les tentatives des années passées, ne donnant pas de résultats satisfaisants, l’exploitation forestière devient marginale.
Exploitation secondaire de sablières.
Cet habitat participe également à un paysage très apprécié du public puisque le long des rivières et des fleuves, d’où une valorisation économique indirecte pour les activités de loisirs (motocross, 4 x 4, aires de pique-nique).
Suivi de l’impact d’un griffage de surface.
Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 1. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 445 p. + cédérom. (Source)