Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats
Étage planitiaire en climat subatlantique à subcontinental.
Situations topographiques : pentes des terrils industriels, friches alluviales planes saupoudrées de scories, talus miniers, remblais miniers divers, notamment en berme routière.
Expositions variées ou nulles en système alluvial.
Sols divers caractérisés par d’importantes teneurs en métaux lourds, surtout zinc (jusqu’à plus de 8 g par kg de sol), mais aussi plomb, cuivre et cadmium ; selon l’origine des apports miniers, il s’agit soit de lithosols, soit de sols alluviaux limonosableux pouvant présenter localement des contraintes d’hydromorphie sensibles ; sols oligotrophes, plutôt acides (pH 5 à 7), pauvres en bases échangeables.
Habitat fortement anthropique et artificialisé associé à l’extraction industrielle du zinc (traitement des minerais naturels de zinc, calamine et blende, acheminés par voie fluviale et ferroviaire) ; ils ont pour origine l’accumulation des résidus d’extraction sous forme de terril, ou encore l’épandage de ces résidus (remblaiement, soufflage des scories…).
Toxicité extrêmement forte pour la végétation locale, ayant entraîné l’installation d’une flore très spécialisée, notamment vis-à-vis du zinc (zincophytes).
Action souvent intense et déterminante des lapins, qui peuvent surimposer un microrelief de buttons et de grattis.
Un type principal : pelouse à Armérie de Haller et Cardaminopside de Haller [Armerietum halleri subass. cardaminopsidetosum halleri] avec : Armérie de Haller (Armeria halleri), Cardaminopside de Haller (Cardaminopsis halleri), Silène humble (Silene vulgaris subsp. humilis).
Variabilité secondaire en fonction :
- de la teneur et de la composition en métaux lourds qui ont un rôle sélectif sans doute important ; par exemple, plomb et zinc semblent avoir des effets inverses sur le développement des populations d’Armérie de Haller ; une baisse de la toxicité permet par exemple une meilleure tolérance des plantes non spécialisées et une composition floristique plus étoffée ;
- de l’hydromorphie des sols ; des conditions plus hydromorphes favorisent nettement la Cardaminopside de Haller ;
- de l’enrichissement ponctuel en azote au niveau des buttons parsemés de crottes de lapin (variante nitrophile).
Pelouses rases à mi-rases, souvent tondues par les lapins, de très faible diversité spécifique (3-4 espèces vasculaires dans ses aspects typiques) et fortement structurées par l’Armérie de Haller et la Cardaminopside de Haller ; l’aspect général résulte de la dominance ou de l’absence de l’une ou l’autre de ces deux espèces structurantes.
Tapis herbacé de la pelouse plus ou moins fermé (recouvrement fréquent de 100 %), associé à des tonsures (ouvertures laissant souvent apparaître le sol) où se développe une communauté de cryptogames métallotolérantes associant des bryophytes (Pohlia nutans, Ceratodon purpureus) et des lichens (Cladonia coniocraea, Saccomorpha icmalea, Diploschistes scruposus subsp. muscorum).
Structure biologique herbacée totalement hémicryptophytique.
Flore spécialisée comprenant des « métallophytes » obligatoires capables souvent d’accumuler les métaux lourds en grande quantité (il s’agit soit d’espèces propres aux sols calaminaires, comme l’Armérie de Haller, soit d’écotypes spécialisés d’espèces non spécifiques à ces biotopes, comme l’Agrostide capillaire) et des espèces ou des populations « métallotolérantes » qui tolèrent des teneurs plus ou moins élevées en métaux lourds.
Phénomènes d’accumulation massive des métaux lourds dans les tissus de certaines plantes, en particulier chez l’Armérie de Haller (zinc dans les feuilles et les racines, plomb dans les feuilles).
Physionomie très colorée et spectaculaire au printemps (mai-juin) avec des faciès roses à Armérie de Haller, des faciès blancs à Cardaminopside de Haller et des faciès mixtes de ces deux espèces ; le reste de l’année, l’aspect de la végétation est très morne.
Aucune confusion possible.
Spontanée :
Le lapin joue un rôle considérable dans le maintien et la régénération de la mosaïque structurale pelouse calaminaire/tonsure à cryptogames ; la régression des activités du lapin (myxomatose, forte pression cynégétique) entraîne une densification et une fermeture totale du tapis végétal, à peine compensée par les trouées de dégénérescence des arméries sénescentes.
Processus dynamiques ultérieurs hypothétiques compte tenu de la toxicité élevée des sols et de la possibilité de blocage de la dynamique ; les étapes potentielles observées actuellement se situent en périphérie des zones les plus calaminaires et semblent en relation avec une moindre teneur en métaux lourds ou, tout au moins, d’une moindre efficience de la toxicité ; il est cependant possible que l’élimination progressive des métaux lourds en place conduise à des communautés végétales similaires ; dans ces situations post-pelousaires, le Fromental élevé (parfois remplacé par la Calamagrostide commune) concurrence d’abord l’Armérie de Haller avant de prendre une extension importante aboutissant à la constitution d’une arrhénathéraie calaminaire à Cardaminopside de Haller (Cardaminopsido halleri-Arrhenatheretum elatioris); les étapes ultérieures impliquant des ligneux ne sont pas clairement constituées à l’heure actuelle.
Liée à la gestion :
Néant.
Communautés bryolichéniques métallicoles associées.
Arrhénathéraie calaminaire à Cardaminopside de Haller (Cardaminopsido halleri-Arrhenatheretum elatioris) [Arrhenatherion elatioris, code UE : 6510].
Ourlet nitrophile vivace à Ortie dioïque (Urtica dioica) et Cardaminopside de Haller [Galio aparines-Alliarion petiolatae, code UE : 6430].
Type connu en France uniquement de sites artificiels : terrils et espaces miniers du Nord-Pas-de-Calais (Mortagne-du-Nord, Auby, Noyelles-Godault, fragmentaire ailleurs à la suite de remblaiements divers) ; signalé récemment d’un site industriel des Ardennes.
Habitat uniquement connu en France de sites semi-naturels issus de l’exploitation de minerais importés ; d’installation récente, les cortèges floristiques et les structures pelousaires ont cependant atteint un niveau de diversification intéressant, même s’il n’égale pas celui des pelouses semi-naturelles continentales d’Allemagne orientale et de Pologne, noyau principal de l’alliance de l’Armerion halleri.
Bien que l’installation spontanée de l’Armérie de Haller soit encore entourée de doute, ces pelouses calaminaires peuvent être considérés aujourd’hui comme d’intérêt patrimonial élevé, au moins pour les sites les plus significatifs (Mortagne-du-Nord, Auby) ; cet intérêt est encore renforcé par la rareté des sites métallicoles en France, qu’ils soient naturels ou semi-naturels.
Ensemble floristique très original au niveau national de métallophytes et comportant les seules localités françaises d’Armérie de Haller et de Cardaminopside de Haller ; des populations proches de la Violette calaminaire (Viola calaminaria) ont également été observées récemment et leur statut est en cours d’étude ; intérêt génétique complémentaire par l’existence de populations métallicoles spécialisées d’espèces répandues, notamment d’Agrostide capillaire et pouvant également avoir un rôle dans les techniques de traitement des sols pollués.
Diversité de la flore zincophile : Armérie de Haller, Cardaminopside de Haller, Silène humble, Scopelophila cataractae (bryophyte métallicole, très rare en France) et peut-être Violette calaminaire ; présence d’un curieux lichen épiphyte sur d’autres lichens (Diploschistes scruposus subsp. muscorum var. parasiticus).
Une espèce protégée en région Nord-Pas-de-Calais (Armérie de Haller).
États à privilégier :
Pelouse rase ouverte au sein d’une structure pelousaire mosaïquée à deux composantes (pelouse herbacée/tonsure à cryptogames), c’est-à-dire présentant un tapis végétal avec des ouvertures constituant la niche de régénération de la pelouse et colonisées par les communautés de cryptogames métallophytes. Cette structure est maintenue et entretenue par l’activité des lapins.
Autres états observables :
Pelouses fermées à Armérie de Haller.
Phases densifiées à Fromental élevé et Cardaminopside de Haller.
Deux tendances inverses s’opposent concernant les sites seminaturels qui portent des haldes calaminaires :
-extension et colonisation de terrils et de remblais miniers divers, s’accompagnant en général d’une structuration pelousaire et d’une composition floristique qui tend à s’approcher des situations naturelles observées en Allemagne ;
-réduction spatiale du site de Mortagne-du-Nord, le plus caractérisé, par suite d’aménagements et d’extension urbaine (implantation d’un collège, remblaiement, déviation…), représentant une perte de plus de 50 % en trente ans ; cette régression devrait être stoppée par le statut de protection actuel du site et l’intérêt scientifique qu’il suscite.
La toxicité des substrats, la plupart situés en contexte urbain, pose en outre différents problèmes écotoxicologiques et de santé publique, qui ont amené, ces derniers temps, à entreprendre diverses études concernant les flux de métaux lourds, notamment dans leur relation sols/plantes.
Aucun intérêt économique. Les sites ne sont pas pâturés, leur entretien étant assuré par les petits brouteurs (lapins) ou, à défaut, par un entretien manuel occasionnel.
L’Agrostide capillaire est une plante concurrente qui peut étouffer d’autres espèces métallicoles intéressantes. Des expériences pourraient être menées sur l’opportunité d’une coupe de l’espèce relativement tôt, avant sa floraison et d’observer l’impact de ces mesures sur les populations végétales.
Suivi des populations de lapins qui entretiennent le milieu : quel seuil de surpâturage/sous-pâturage - quel niveau de contamination -
Capacités de maintien des métaux lourds dans le sol et conséquences sur le maintien des espèces -
Suivi de recherche de développement par rapport à la phytoremédiation.
Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 1. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 445 p. + cédérom. (Source)