6170-6 - Pelouses arcto-alpines des crêtes ventées, neutro-basophiles et cryophiles, des Alpes et des Pyrénées

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Étages subalpin (horizon supérieur) et alpin (2 000-2 800 m).
Crêtes, croupes et couloirs soumis au vent, entraînant un fort déficit d’enneigement hivernal et des conditions microclimatiques très contrastées (marquées surtout par de très basses températures minimales).
Pentes modérées, principalement aux expositions froides (parfois en adret aux plus hautes altitudes).
Substrat calcaire, ou tout au moins riche en bases (certains schistes ou roches cristallines basiques).
Selon la situation topographique, sol allant du type rendzine squelettique au sol humo-calcique profond, riche en matière organique ; mull carbonaté à mésotrophe traduisant une tendance à l’acidification progressive en surface (pH compris entre les valeurs extrêmes de 7,5 à 5,5).

Variabilité

Diversité typologique en rapport avec la localisation géographique (Alpes, Pyrénées) et l’altitude.

Dans les Alpes, pelouse à Laîche noirâtre et Élyne fausse queue de souris [Carici atratae-Elynetum myosuroidis].

Dans les Pyrénées :
- au niveau du subalpin supérieur (2 000-2 400 m), en stations rocailleuses et sur sol squelettique, pelouse à Laîche à bec court et Oxytrope de Foucaud [Carici brevicollis-Oxytropidetum foucaudii];
- à l’étage alpin, sur sol profond, pelouse à Élyne fausse queue de souris et Oxytrope de Haller [Elyno myosuroidis-Oxytropidetum halleri], à laquelle s’associe la Laîche courbée (Carex curvula), par sa sous-espèce baso-neutrophile (subsp. rosae).

Physionomie, structure

Pelouses non disposées en gradins (à l’inverse de celles à Seslérie bleuâtre) formant, en fonction de l’abondance de l’Élyne (variable selon les types), des gazons drus et raides, à aspect de brosse et de coloration brunâtre.
Recouvrement variable, maximal dans le type des Alpes (80100 %), nettement plus faible dans les types pyrénéens, particulièrement pour les pelouses à Laîche à bec court (30 à 60 %), à caractère écorché.
Large prédominance des hémicryptophytes (surtout Cypéracées et Poacées), auxquels s’associent divers petits chaméphytes.
Fréquente abondance des lichens (nombreuses espèces des genres Cetraria et Cladonia, principalement) et, à un degré moindre, des bryophytes.

Confusions possibles

Avec certains types de pelouses à Laîche courbée (Carex curvula) [Caricion curvulae ou Festucion supinae, code Corine : 36.34] développés sur substrat carbonaté, où l’Élyne fausse queue de souris peut présenter une abondance-dominance élevée et intervenir comme différentielle. En particulier : -dans les Alpes : faciès à Élyne fausse queue de souris de la sous-association à Laîche toujours verte [subass. caricetosum sempervirentis] de la pelouse à Fétuque de Haller [Festucetum halleri, code Corine : 36.342], sous-association à Élyne fausse queue de souris [subass. elynetosum myosuroidis] de la pelouse à Laîche courbée [Caricetum curvulae, code Corine : 36.341] ; -dans les Pyrénées : variante à Élyne fausse queue de souris de la pelouse à Laîche courbée et Liondent des Pyrénées [Carici curvulae-Leontodontetum pyrenaici, code Corine : 36.341].

Dynamique

Spontanée :
Pelouses à caractère quasi permanent en raison des fortes contraintes stationnelles, principalement liées au vent (incidence microclimatique et action mécanique : érosion et abrasion).
Dans les stations les moins exposées à ce facteur, possibilité d’une lente évolution (par acidification du sol) vers les pelouses à Laîche courbée [Caricion curvulae dans les Alpes, Festucion supinae dans les Pyrénées, code Corine : 36.341].

Liée à la gestion :
Néant.

Habitats associés ou en contact

Rochers à Potentille caulescente (Potentilla caulescens) [Potentillion caulescentis, code UE : 8210].
Éboulis à Tabouret à feuilles rondes (Noccaea rotundifolia) dans les Alpes [Thlaspion rotundifolii, code UE : 8120], à Ibéris spatulé (Iberis spathulata) dans les Pyrénées [Iberidion spathulatae, code UE : 8130].
Pelouses méso-xérophiles en gradins à Seslérie bleuâtre (Sesleria caerulea) des Alpes [Seslerion caeruleae, code UE : 6170] et des Pyrénées [Festucion scopariae, code UE : 6170].
Pelouses mésophiles climaciques à Laîche courbée [Caricion curvulae ou Festucion supinae, code Corine : 36.341].

Répartition géographique

Alpes du nord, jusqu’à l’Oisans-Briançonnais ; absent ou fragmentaire dans les Alpes méridionales, mais représenté dans les Alpes ligures.
Pyrénées orientales et centro-occidentales.

Valeur écologique et biologique

Type d’habitat constituant, sous ses diverses variantes, des îlots-refuges d’espèces d’origine boréo-arctique (dont l’Élyne fausse queue de souris est un exemple représentatif).
Composition floristique originelle enrichie, dans les chaînes les plus méridionales (Alpes maritimes et ligures, Pyrénées orientales), par des éléments sud-européens parmi lesquels :
-deux espèces protégées au plan national, la Jurinée humble
(Jurinea humilis) et la Laîche faux pied d’oiseau (Carex ornithopoda subsp. ornithopodioides);
-plusieurs espèces rares ou très rares pour la France : Oxytrope de Haller, Oxytrope négligé (Oxytropis neglecta), Laîche à bec court (Carex brevicollis), etc. ;
-certains taxons figurant sur la liste nationale des plantes menacées (Livre rouge national), comme la Potentille à larges stipules (Potentilla crantzii subsp. latestipula) dans les types pyrénéens.

États de conservation

États à privilégier :
Dans les Alpes : pelouses quasi fermées, denses, sur sol évolué profond (meilleure résistance à l’érosion éolienne et au ravinement).
Dans les Pyrénées : aussi bien ce dernier état (au niveau de l’Elyno myosuroidis-Oxytropidetum halleri) que le type écorché (pour l’intérêt floristique du Carici brevicollis-Oxytropidetum foucaudii).
Autres états observables :
Sur les pierriers des versants secs et les crêtes, stade pionnier à Avoine de Seyne ou Dryade à huit pétales (Dryas octopetala).
Sur les rocailles plus fraîches et humides, stade initial à saules nains : Saule à réseau (Salix reticulata) et Saule à feuilles émoussées (S. retusa).

Tendances et menaces

Tendance naturelle à une évolution régressive, plus ou moins localisée (de l’« écorchure » à des plages étendues) et accusée selon la situation topographique, sous les effets de l’érosion éolienne (et des éléments entraînés par le vent).
À l’extrême, dégradation faisant retour vers des pelouses très ouvertes, parfois en gradins, s’enrichissant en Seslérie bleuâtre [Seslerion caeruleae, code UE : 6170], à laquelle s’adjoint, dans les Pyrénées, la Fétuque à balais (Festuca gautieri subsp. scoparia) [Festucion scopariae, code UE : 6170].
Type d’habitat sensible et à faibles potentialités de régénération mais non réellement menacé, sauf dans les zones soumises à la fréquentation touristique importante en période hivernale ou à un éventuel pacage ovin mal contrôlé.

Potentialités intrinsèques de production

Habitat de crête, soumis à l’action du vent, pouvant être inséré dans des unités de gestion pastorales plus vastes que le strict habitat.
Bien que présentant une faible valeur fourragère globale, d’autant plus faible que l’Élyne fausse queue de souris y est abondante, cette formation sera appréciée des ovins qui la pâturent, les crêtes représentant pour eux un relief très attractif.

Axes de recherche

Réaliser un suivi de l’impact des mesures de gestion sur l’habitat.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 1. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 445 p. + cédérom. (Source)