6210-10 - Pelouses calcicoles subatlantiques des mésoclimats froids de l'Est

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Étages collinéen (surtout supérieur) et montagnard jusque vers 1200 m.
Climat à tendance semi-continentale, rarement précontinental.
Situation topographique variée : pentes souvent assez fortes, rarement rebords de plateau ou zones rocheuses à sableuses des plateaux.
Expositions variées, mais rarement au sud (mésoclimat froid).
Roches mères : calcaires graveleux, surtout oolithiques.
Sols peu épais, rendzines, parfois lithosols.
Systèmes pastoraux extensifs liés au pâturage ovin (surtout au XIXe siècle), caprin, bovin, plus rarement milieux primaires constituant de petites clairières au sein des hêtraies.
Action autrefois importante des lapins (presque disparus) ; limitation fréquente des broussailles par les chevreuils et les cerfs.

Variabilité

Étant donnée sa vaste répartition, l’habitat est assez variable, d’abord au niveau géographique, mais aussi pour des raisons climatiques (exposition) et parfois édaphique. Il existe enfin différents stades dynamiques.

Variations principales de type géographique :
- Côte d’Or, Haute-Marne, Yonne : pelouse à Violette des rocailles et Seslérie bleuâtre (Violo rupestris-Seslerietum caeruleae), avec : Hélianthème blanchâtre (Helianthemum oelandicum subsp. incanum), Carline sans tige (Carlina acaulis), Fumana couché (Fumana procumbens), Aster amelle (Aster amellus) ;
- Jura, étages collinéen et montagnard inférieur : pelouse à Koelérie pyramidale et Seslérie bleuâtre (Koelerio pyramidatae-Seslerietum caeruleae), avec : Scabieuse luisante (Scabiosa lucida), Leucanthème brûlé (Leucanthemum adustum);
- Meuse, Ardennes : pelouse à Genêt poilu et Seslérie bleuâtre (Genisto pilosae-Seslerietum caeruleae), appauvrie et dépourvue des espèces les plus caractéristiques comme la Violette des rocailles, le Thésion des Alpes, la Laîche pied d’oiseau, l’Euphraise de Salzbourg.

Variations de type mésoclimatique : versants raides exposés au nord (Haute-Marne, Jura, Côte-d’Or) : pelouse à Lastrée du calcaire et Seslérie bleuâtre (Gymnocarpio robertiani-Seslerietum caeruleae), primaire, constituant des clairières au sein du Dentario heptaphylli-Fagetum sylvaticae, avec : Lastrée du calcaire (Gymnocarpium robertianum), Laîche digitée (Carex digitata), Muguet de mai (Convallaria majalis).

Variations de type édaphique : sur dalles rocheuses (Jura, étage montagnard) : pelouse à Globulaire allongée et Globulaire à feuilles en coeur (Globularietum punctato-cordifoliae), avec : Globulaire à feuilles en coeur (Globularia cordifolia), Fétuque de Patzke (Festuca longifolia subsp. pseudocostei).

Variations de type dynamique :
- sous-associations pionnières colonisant les éboulis avec : Silène de Bosnie (Silene vulgaris subsp. bosniaca), Liondent des éboulis (Leontodon hyoseroides), Ibéride à feuilles de lin (Iberis linifolia), Gaillet de Fleurot (Galium fleurotii) ;
- sous-association préforestière des clairières du Carici albae-Fagetum sylvaticae (surtout Haute-Marne et Châtillonnais) : Daphné camélée (Daphne cneorum), Gentiane jaune (Gentiana lutea), Buphtalme à feuilles de saule (Buphthalmum salicifolium).

Physionomie, structure

Pelouses souvent en gradins, rases à mi-rases, le plus souvent écorchées, généralement assez recouvrantes (70 à 90 %), dominées par les hémicryptophytes, surtout la Seslérie bleuâtre (Sesleria caerulea), et les chaméphytes, notamment le Genêt poilu (Genista pilosa), les Germandrées (Teucrium chamaedrys, T. montanum), les Globulaires (Globularia bisnagarica, G. cordifolia).
Parfois une strate arbustive constituée souvent d’arbustes épars : Bourdaine (Frangula alnus), Alouchier (Sorbus aria), Genévrier commun (Juniperus communis), etc.
Diversité floristique importante avec deux pics de floraison (avril-juin et août-octobre).
Variété importante des orchidées, avec notamment la Gymnadénie odorante (Gymnadenia odoratissima) et localement le Sabot-de-Vénus (Cypripedium calceolus).

Confusions possibles

Avec des pelouses méso-xérophiles développées en contact [Code UE : 6210].
Avec des pelouses xérophiles du Xerobromion erecti, qu’elles côtoient en Côte d’Or et en Haute-Marne [Code UE : 6210] ; il ne faut pas se fier au critère d’ouverture de la pelouse pour trancher, mais se baser sur la composition floristique.
Avec des pelouses-ourlets à Gentiane jaune (Gentiana lutea) et Laser à larges feuilles (Laserpitium latifolium) qui constituent le stade dynamique ultérieur : confusion fréquente avec les sous-associations préforestières.

Dynamique

Pelouses parfois primaires, mais résultant le plus souvent de la déforestation de la Hêtraie xérophile à Laîche blanche.

Spontanée :
Après abandon pastoral, densification assez lente du tapis graminéen (Sesleria caerulea), développement des chaméphytes, réduction très progressive de la diversité floristique, passage à l’ourlet à Laser à larges feuilles (Laserpitium latifolium).
Parallèlement, implantation de fruticées par noyaux à partir des arbustes isolés (plus rarement par front, lorsque la pelouse côtoie une forêt). Divers feuillus s’installent, surtout le Hêtre (Fagus sylvatica), l’Allouchier (Sorbus aria), le Chêne sessile (Quercus petraea) dans un premier temps.
À moyen terme un complexe préforestier mosaïqué est obtenu ; il deviendra une hêtraie-chênaie sessiliflore diversifiée en espèces calcicoles en quelques décennies.
Parfois envahissement rapide par le Pin sylvestre ou le Pin noir lorsqu’une plantation existe à proximité : il se forme alors une pelouse-ourlet qui reste longtemps diversifiée.
Ce dernier phénomène, très rapide, est la cause principale de la disparition naturelle de ce type de pelouse à l’étage collinéen.

Habitats associés ou en contact

Éboulis à Ibéride à feuilles de lin (Iberis linifolia), Silène de Bosnie (Silene vulgaris subsp. bosniaca), Liondent des éboulis (Leontodon hyoseroides), Gaillet de Fleurot (Galium fleurotii).
Éboulis à Lastrée du calcaire (Gymnocarpium robertianum) et Cystoptéris fragile (Cystopteris fragilis).
Pelouse à Brome dressé (Bromus erectus) et Gentiane printanière (Gentiana verna) (Jura, étage montagnard).
Ourlet méso-xérophile à Gentiane jaune (Gentiana lutea) et Laser à larges feuilles (Laser latifolium), plusieurs types.
Manteau arbustif préforestier à Prunier de Sainte-Lucie (Prunus mahaleb), Bourdaine (Frangula alnus), Allouchier (Sorbus aria).
Hêtraie calcicole à Laîche blanche (nombreux types).
Hêtraie calcicole à Dentaire à sept folioles (Cardamine heptaphylla).

Répartition géographique

Plateaux jurassiques du nord-est de la France : Haute-Marne (plateau de Langres, Haut-Pays), Meuse, Côte-d’Or (notamment Chatillonnais), Aube et Yonne (très rare dans ces deux départements).
Chaîne du Jura : étages collinéen et montagnard.
Ardennes : très localisé (région de Givet).
À rechercher dans les Préalpes calcaires.

Valeur écologique et biologique

Habitat très rare, en forte régression spatiale ; tous les types sont aujourd’hui relictuels.
Pelouses parfois primaires résultant de la colonisation d’éboulis (Haute-Marne, Meuse, Jura) ou peuplant de très anciennes clairières forestières (Côte-d’Or).
Diversité floristique élevée avec de nombreuses espèces montagnardes à aire disjointe en plaine comme la Violette des rocailles (Viola rupestris), le Thésion des Alpes (Thesium alpinum), le Buphtalme à feuilles de saule (Buphthalmum salicifolium), des espèces en limite d’aire comme la Raiponce grêle (Phyteuma orbiculare subsp. tenerum).
Plusieurs espèces protégées régionales comme la Violette des rocailles (Viola rupestris) en Champagne-Ardenne.
Grande richesse en Orchidées : Gymnadénie odorante (Gymnadenia odoratissima) assez fréquente, Sabot-de-Vénus (Cypripedium calceolus) dans les stades primaires, Épipactis pourpre noirâtre (Epipactis atrorubens), Ophrys variés, Orchis militaire (Orchis militaris), Acéras homme-pendu (Aceras anthropophorum), etc.
Microtaxons : Petit-cytise de France (Chamaecytisus hirsutus subsp. hirsutus var. gallicus), Gaillet de Fleurot (Galium fleurotii), diverses variétés d’Ibéride (Iberis intermedia var. durandii, var. contejeani, var. violetii).
Diversité entomologique très forte (grande variété des Orthoptères, des Rhopalocères, plusieurs espèces d’Ascalaphes, Mante religieuse, Petite Cigale des montagnes).
Habitat de plusieurs Reptiles : Lézard des souches (Lacerta agi-lis), Vipère aspic (Vipera aspis), Lézard des murailles (Lacerta muralis), Coronelle d’Autriche (Coronella austriaca).
Espèces de l’annexe II de la directive « Habitats » :
Présence possible du Damier de la succise (Euphydrias aurinia).

États de conservation

États à privilégier :
Pelouse rase à mi-rase, mosaïquée avec des fruticées à Bourdaine et des ourlets à Laser à larges feuilles, non pâturée, en situation primaire ou très ancienne au sein des hêtraies calcicoles à laîches et des hêtraies à Dentaire à sept folioles ; ces stades sont entretenus par les cerfs et les chevreuils ; ils sont riches en orchidées.
Pelouse rase à mi-rase, ouverte ; cette structure est obtenue par un pâturage extensif ovin, caprin, rarement bovin (ou mixte), sans fertilisation ni amendement complémentaires ; les lapins jouaient autrefois un rôle important.
Autres états observables :
Pelouse semi-boisée en Pin sylvestre ou en Pin noir (les espèces caractéristiques se maintiennent longtemps sous les pins, surtout sylvestres).
Pelouse secondaire reconstituée suite à l’abattage des pins.

Tendances et menaces

Habitat autrefois rare dans le Nord-Est, actuellement relictuel. En réduction spatiale très forte depuis le milieu du 20e siècle avec une très forte accélération vers 1965 : mises en culture (rares, souvent suite aux remembrements), enrésinements (facteur essentiel), reforestation naturelle après abandon (fréquent), plus rarement ouverture de carrières.
Certains types en situation primaire ou très ancienne sont relativement stables si l’homme n’intervient pas ; utilisation pour les loisirs : pique-nique avec feux, moto verte, véhicules tout terrain.

Potentialités intrinsèques de production

Systèmes pastoraux extensifs à faible productivité et sur pentes assez fortes, liés au pâturage bovin, ovin ou caprin.
Plus rarement milieux primaires constituant de petites clairières au sein des hêtraies.

Axes de recherche

Assurer un suivi des populations de petits herbivores.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 2. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 487 p. + cédérom. (Source)