6210-22 - Pelouses calcicoles méso-xérophiles subatlantiques

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Étages planitiaire et collinéen en climat subatlantique.
Situations topographiques variées selon les types d’affleurements calcaires : pentes fortes (régions à couverture limoneuse épaisse) à faibles (rebords de plateaux calcaires).
Expositions variées, de préférence chaudes.
Roches mères carbonatées : craies sèches et calcaires (lutétiens pour l’essentiel).
Sols squelettiques de type rendzine, rarement sols bruns calcaires peu profonds.
Systèmes pastoraux extensifs hérités des traditions de parcours ovin, plus rarement pâturage bovin herbager semi-extensif ou milieux de substitution (talus routiers ou ferroviaires).
Action souvent intense des lapins, devenue déterminante avec la déprise pastorale, jusqu’à l’arrivée de la myxomatose.

Variabilité

Diversité typologique principale selon les substrats et les climats :
- en climat subatlantique planitiaire et sur craie : pelouse à Avoine des prés et Fétuque de Léman [Avenulo pratensis-Festucetum lemanii] ; particulière aux plateaux de craie picard et haut-normand avec : Koelérie pyramidale (Koeleria pyramidata), Polygale du calcaire (Polygala calcarea), etc. ; plusieurs variations géographiques et édaphiques ;
- en climat subatlantique planitiaire et sur calcaires lutétiens : pelouse à Fétuque de Léman et Anthyllide vulnéraire [Festuco lemanii-Anthyllidetum vulnerariae] avec : Euphorbe faux cyprès (Euphorbia cyparissias), Koelérie à grandes fleurs (Koeleria macrantha)... ;
- en climat subatlantique planitiaire thermophile et sur calcaires sableux : pelouse à Véronique de Scheerer et Koelérie à grandes fleurs [Veronico scheereri-Koelerietum macranthae], plus aride que les pelouses précédentes, faisant le passage d’une part aux pelouses xérophiles subatlantiques [Xerobromion erecti] et, d’autre part, aux pelouses sablo-calcaricoles précontinentales, avec : Véronique de Scheerer (Veronica prostrata subsp. scheereri), Bugrane naine (Ononis pusilla)... ;
- en climat subatlantique collinéen et sur calcaires lutétiens : pelouse à Phalangère rameuse et Pulsatille vulgaire [Antherico ramosi-Pulsatilletum vulgaris], à caractère xérophile et submontagnard accentué.

Variabilité secondaire importante dans la plupart de ces types, notamment :
- variante à chaméphytes en position de prélisière et entretenue par les lapins, à Hélianthème nummulaire (Helianthemum nummularium subsp. nummularium), Épipactis pourpre noirâtre (Epipactis atrorubens) ;
- variante de pelouses encloses pâturées à Pâquerette vivace (Bellis perennis) et Trèfle rampant (Trifolium repens).

Physionomie, structure

Pelouses rases à mi-rases, plus ou moins écorchées, dominées par des hémicryptophytes (75-80 %) et riches en graminées.
Souvent associées à des formations hautes à Brachypode penné (pelouses-ourlets) au sein de complexes structuraux mosaïqués.
Après abandon pastoral ou en cas de sous-pâturage, piquetage arbustif progressif et avancée de lisières forestières aboutissant à des structures verticales complexes de « pré-bois ».
Strate herbacée typiquement associée à un voile de Genévrier commun (Juniperus communis) dans les anciens parcours extensifs [« Formations de Juniperus communis sur landes ou pelouses calcaires », Code UE : 5130].
Diversité floristique importante associée à deux pics principaux de floraison printanier (mai-juin) et tardi-estival/automnal (août-septembre).
Diversité importante des orchidées.

Confusions possibles

Avec des pelouses-ourlets résultant de l’abandon pastoral et de la dynamique de recolonisation préforestière, généralement dominés par le Brachypode penné (Brachypodium pinnatum) et constituant les faciès typiques à Brachypode penné.
Avec des pelouses méso-xérophiles vicariantes dans les régions de contact [Code UE : 6210].
Avec des pelouses xérophiles du Xerobromion erecti ou des pelouses marnicoles sur craies ou calcaires marneux développées en contact [Code UE : 6210].
Avec des prairies calcicoles méso-xérophiles pâturées (Thymo pulegiodis-Cynosurenion cristati) ou fauchées (Centaureo jaceae-Arrhenatherenion elatioris) [Code UE : 6510].

Dynamique

Spontanée :
Végétations secondaires issues de déforestations historiques anciennes, inscrites dans des potentialités soit de forêts neutrocalcicoles du Carpinion betuli, soit de hêtraies calcicoles thermophiles enrichies en éléments des chênaies pubescentes et relevant du Cephalanthero rubrae-Fagion sylvaticae.
Après abandon pastoral, processus dynamiques de reconstitution forestière de vitesse variable et pouvant présenter des seuils dynamiques prolongés (comme les pelouses-ourlets à Brachypode penné).
Principales étapes dynamiques : densification par colonisation et extension rapide du Brachypode penné (parfois d’autres espèces), piquetage arbustif et/ou arboré progressif aboutissant à la formation de fourrés coalescents ou de complexe préforestier de type « pré-bois » (mêlant pelouses, ourlets, fourrés et couvert arboré, manteaux forestiers) aboutissant rapidement à la constitution de jeunes forêts diversifiées en essences calcicoles.
Phases dynamiques internes au niveau des pelouses elles-mêmes : phase pionnière souvent riche en chaméphytes bas, phase optimale à structure pelousaire horizontale ouverte et présentant donc une niche de régénération fonctionnelle des espèces à vie courte, phase de fermeture de la pelouse avec perte de la niche de régénération, phase de vieillissement avec élévation du tapis végétal et extension d’espèces d’ourlet (en particulier le Brachypode penné).

Liée à la gestion :
Par intensification du pâturage, généralement accompagnée d’amendements accrus (situation classique en enclos herbager, plutôt avec des bovins ou des équins), passage d’abord à des variantes piétinées à Pâquerette et Trèfle rampant, puis à des prairies calcicoles pâturées plus fertiles.
Boisement artificiel fréquent (résineux : Pin d’Autriche généralement, parfois feuillus) conduisant à une dégradation et une destruction progressive des pelouses.

Habitats associés ou en contact

Voile de Genévrier commun (Juniperus communis) sur pelouses calcicoles [Code UE : 5130].
Groupements bryolichéniques terricoles thermophiles en limite d’aire vers le nord à Fulgensia fulgens, Toninia caeruleo-nigrescens, Psora decipiens...
Communautés pionnières de dalles à Alysson faux alysson
(Alyssum alyssoides), Orpin âcre (Sedum acre)... [Code UE : 6110]. Éboulis et pierriers crayeux à Laitue vivace (Lactuca perennis) et Épervière maculée (Hieracium maculatum) [Code UE : 8160].
Pelouses-ourlets et ourlets méso-xérophiles subatlantiques à Brachypode penné (Brachypodium pinnatum), Origan vulgaire (Origanum vulgare), Centaurée du gr. Jacée (Centaurea subg. Jacea) présentant des variations parallèles aux pelouses associées (plusieurs types) [Code UE : 6210].
Pelouses-ourlets et ourlets thermo-xérophiles à Limodore à feuilles avortées (Limodorum abortivum) et Gentiane croisette (Gentiana cruciata), riches en orchidées de lisière (plusieurs types) [Code UE : 6210].
Manteaux arbustifs préforestiers calcicoles à Viorne lantane (Viburnum lantana), Prunier de Sainte-Lucie (Prunus mahaleb), divers rosiers (Rosa pl. sp.) (plusieurs types).
Hêtraies calcicoles subatlantiques à Daphné lauréole (Daphne laureola) ou hêtraies-acéraies champêtres à Mercuriale vivace (Mercurialis perennis) [Code UE : 9130].
Hêtraies-chênaies pédonculées calcicoles précontinentales à
Hordélyme d’Europe (Hordelymus europaeus) [Code UE : 9130]. Hêtraies thermo-calcicoles submontagnardes, enrichies en espèces des chênaies pubescentes, à Grémil pourpre bleu (Lithospermum purpureocaeruleum), Chêne pubescent [Quercus humilis (= pubescens)], Anémone sylvestre (Anemone sylvestris), etc. (plusieurs types) [Code UE : 9150].

Répartition géographique

Pelouse à Avoine des prés et Fétuque de Léman : intérieur du plateau crayeux picardo-normand de l’Authie au nord jusqu’à la Seine et l’Eure au sud.
Pelouse à Fétuque de Léman et Anthyllide vulnéraire : nord et ouest du massif tertiaire parisien (Île-de-France).
Pelouse à Véronique de Scheerer et Koelérie à grandes fleurs : bordure septentrionale du Tertiaire parisien du Beauvaisis au Laonnois méridional.
Pelouse à Phalangère rameuse et Pulsatille vulgaire : Laonnois occidental.

Valeur écologique et biologique

Pelouses très localisées et en voie de disparition : pelouse à Véronique de Scheerer et Koelérie à grandes fleurs, pelouse à Phalangère rameuse et Pulsatille vulgaire.
Pelouses de distribution plus large, mais en régression spatiale intense : pelouse à Avoine des prés et Fétuque de Léman, pelouse à Fétuque de Léman et Anthyllide vulnéraire.
Diversité floristique importante, forte richesse orchidologique (nombre d’espèces, taille et variabilité des populations) ; diversité entomologique très élevée, notamment dans les complexes structuraux mélangeant pelouses et pelouses-ourlets.
Paysages des pelouses à Genévrier et richesse de la faune associée.
Plantes protégées au niveau national : Anémone sylvestre (Anemone sylvestris), Sisymbre couché (Sisymbrium supinum).
Nombreuses espèces protégées régionalement.
Espèces de l’annexe II de la directive « Habitats » :
Sisymbre couché (Sisymbrium supinum), dans les phases pionnières et souvent tassées de la pelouse à Avoine des prés et Fétuque de Léman en Picardie crayeuse.

États de conservation

États à privilégier :
Pelouse rase à mi-rase ouverte, c’est-à-dire présentant un tapis végétal avec de micro-ouvertures constituant la niche de régénération ; cette structure est obtenue par un pâturage extensif sans amendement, préférentiellement par des ovins.
Selon la conduite pastorale, on peut aboutir soit à une structure homogène du tapis végétal, soit à une structure mélangée de phases dynamiques de pelouses et de pelouses-ourlets.
Maintien de faciès à chaméphytes associé aux populations de lapin, en situation de prélisière.
Superposition à la pelouse d’un voile de Genévrier, associé aux pratiques pastorales.
Autres états observables :
Pelouses rases pâturées par bovins.
Pelouses rases et piétinées pâturées par équins.
Pelouses fauchées avec fauche estivale ou automnale.

Tendances et menaces

Disparition spatiale continue depuis le début du XXe siècle avec accélération très forte depuis 1960 ayant pour causes principales l’abandon pastoral et la reconstitution de boisements (en moins d’un demi-siècle dans certains cas), la plantation massive de résineux (généralement le Pin d’Autriche), la transformation agricole en prairie intensive (plus rarement en culture ou vignoble), l’ouverture et l’extension de carrières (pour l’amendement ou la pierre calcaire)...
Menaces fortes d’extinction totale pour les deux types de pelouses très localisés du Laonnois occidental et de la bordure septentrionale du Tertiaire parisien ; maintien souvent précaire pour les autres types dans le cadre d’exploitation agricole herbagère semi-intensive par bovins en Picardie occidentale et Haute-Normandie, ou dans le cadre de gestion conservatoire et agri-environnementale.

Potentialités intrinsèques de production

Systèmes pastoraux extensifs hérités des traditions de parcours ovins, répandus dans le Bassin parisien.
Valeur économique moyenne à très faible pour l’agriculture, selon l’état actuel du milieu : la production fourragère peut être assez bonne dans les meilleurs cas (pente faible, microclimats les moins secs, possibilité d’apport d’engrais). La production annuelle de fourrage est comprise entre 1.5 et 3 t de MS/ha/an.
Pour les éleveurs bovins, ces secteurs sont particulièrement adaptés au pâturage des génisses et des bœufs.
Possibilité de pâturage ovin, caprin, équin : certains troupeaux de moutons itinérants valorisent encore ces milieux de façon extensive aujourd’hui.
Outre leur valeur économique, ces pelouses ont une valeur organisationnelle sur l’exploitation, en offrant des degrés de liberté supplémentaires dans la gestion du troupeau.

Axes de recherche

Affiner la connaissance de l’impact du pâturage extensif (date de pâturage et chargement) et de la fauche sur l’évolution des espèces remarquables.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliography

 Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 2. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 487 p. + cédérom. (Source)