6210-27 - Pelouses calcicoles xéromarnicoles atlantiques et thermophiles

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Étages planitiaire et collinéen (de 10 à 400 m).
Climat atlantique de type aquitain avec des tendances méditerranéennes marquées.
Situations topographiques : pentes généralement moyennes à fortes (jusqu’à 45°), souvent rocailleuses, des serres et collines calcaires, plus rarement des canyons caussenards.
Expositions chaudes : essentiellement sud-ouest à sud-est dans le Quercy et le Périgord, sud-ouest en Saintonge du fait de l’orientation géomorphologique des côtes de Champagne et de Gironde.
Roches mères carbonatées : calcaires tendres et souvent marneux jurassiques, crétacés et tertiaires, marno-calcaires et molasses tertiaires.
Sols peu évolués de type rendzines, parfois sols colluviaux de pente.
Systèmes pastoraux extensifs hérités des traditions de parcours ovin et caprin, rarement milieux de substitution (talus routiers).
Action complémentaire des lapins importante, devenue déterminante avec la déprise pastorale, jusqu’à l’arrivée de la myxomatose.

Variabilité

Diversité typologique principale régionale selon les climats :
En climat à fortes influences méditerranéo-montagnardes des marges septentrionales du bassin aquitain : pelouse à Stéhéline douteuse et Germandrée petit chêne [Staehelino dubiae-Teucrietum chamaedryos] des versants chauds du Quercy à la Charente orientale, avec : Stéhéline douteuse (Staehelina dubia), Fumana fausse bruyère (Fumana ericoides)... ; nombreuses variations géographiques et édaphiques dont l’étude encore incomplète ne permet de présenter que les principales variantes :
- méditerranéo-montagnarde sur calcaires jurassiques des collines du bas-Quercy et des vallées caussenardes avec : Stipe pennée (Stipa pennata), Céphalaire à fleurs blanches (Cephalaria leucantha), Thym vulgaire (Thymus vulgaris), Sarriette des montagnes (Satureja montana), Centaurée tachée (Centaurea maculosa)... [subass. cephalarietosum leucanthae] ;
- méditerranéo-montagnarde sur marno-calcaires du Quercy blanc à Argyrolobe de Zanon (Argyrolobium zanonii), Stipe pennée (Stipa pennata), Genêt d’Espagne (Genista hispanica)... [subass. argyrolobietosum zanonii] ; cet habitat, très proche des garrigues supraméditerranéennes à Aphyllanthe de Montpellier (Aphyllanthes monspeliensis), se situe en limite phytosociologique des pelouses sèches thermophiles du Xerobromion erecti ;
- méditerranéo-atlantique du Périgord à Lavande à feuilles larges (Lavandula latifolia), Liseron plante-de-Biscaye (Convolvulus cantabricus) [subass. lavanduletosum latifoliae] ;
- méso-xérophile à Brome dressé (Bromus erectus), Lin fausse soude (Linum suffruticosum subsp. appressum) [subass. brometosum erecti], introgressée d’espèces du Mesobromion erecti comme le Cirse sans tige (Cirsium acaule), la Brize intermédiaire (Briza media)... ; elle remplace les variantes précédentes en situations plus mésophiles (notamment aux expositions plus fraîches) ;
- variante géographique de transition avec le type suivant particulière aux confins Charente/Dordogne, à caractère plus mésophile et enrichies en espèces de la pelouse à Cupidone bleue et Fétuque marginée [subass. avenuletosum pratensis] ;

En climat thermo-atlantique de Saintonge : pelouse à Cupidone bleue et Fétuque marginée [Catanancho caeruleae-Festucetum timbalii], avec : Cupidone bleue (Catananche caerulea), Astragale de Montpellier (Astragalus monspessulanus), Aster linosyris (Aster linosyris)... ; deux variations géographiques majeures :
- en Saintonge intérieure à Odontitès jaune (Odontites lutea), Globulaire allongée (Globularia bisnagarica), Lunetière de Guillon (Biscutella guillonii), Raiponce délicate (Phyteuma orbiculare subsp. tenerum)... [subass. odontitetosum luteae] ;
- en Saintonge littorale à Lin raide (Linum strictum), Lin en corymbe (Linum corymbulosum), Hysope blanchâtre (Hyssopus officinalis subsp. canescens) [subass. asteretosum linosyris] ;

Variabilité secondaire dynamique et structurale importante dans la plupart de ces types, notamment associée aux faciès de garrigues riches en chaméphytes suffrutescents après abandon ou forte récession des activités pastorales.

Physionomie, structure

Pelouses fortement écorchées (40-75 % environ de recouvrement moyen selon les variantes) avec, dans ses aspects typiques, une strate de chaméphytes suffrutescents bien développée (Stéhéline douteuse, Fumana fausse bruyère, Immortelle stoechas (Helichrysum stoechas), Lavande à feuilles larges...) imprimant à la végétation un aspect de garrigue d’autant plus sensible qu’on se rapproche de la région méditerranéenne.
Codominance des hémicryptophytes (55-70 %) et des chaméphytes (15-30 %) ; structure biologique et architecturale diversifiée, à part hémicryptophytique et part graminéenne relativement minorées ; thérophytes discrètes (essentiellement des hémiparasites) et ne constituant pas de communautés particulières aux ouvertures de la pelouse.
Strate herbacée souvent associée à un voile de Genévrier commun (Juniperus communis) dans les anciens parcours extensifs [« Formations de Juniperus communis sur landes ou pelouses calcaires », Code UE : 5130].
Après abandon pastoral ou en cas de sous-pâturage, développement possible de la strate chaméphytique, notamment en Saintonge et dans le Quercy blanc par la colonisation très active de la Dorycnie à cinq folioles (Dorycnium pentaphyllum) qui accentue encore l’aspect de garrigue.
Diversité floristique importante associée à des floraisons colorées et massives, ayant une expression maximale vers la fin du printemps.

Confusions possibles

Avec les formes les plus sèches des pelouses méso-xérophiles marnicoles du Festucenion timbalii développées en contact [Code UE : 6210*].
Avec des pelouses xérophiles marnicoles supraméditerranéennes vicariantes dans les régions de contact (Helianthemo italici-Aphyllanthion monspeliensis) [Code Corine : 32.63].
Avec des pelouses-ourlets résultant de l’abandon pastoral et de la dynamique de recolonisation préforestière, généralement dominés par le Brachypode penné (Brachypodium gr. pinnatum) avec, dans le Quercy blanc et en Saintonge, la Dorycnie à cinq folioles (Geranion sanguinei) [Code UE : 6210*].
Remarque : Les pelouses atlantiques xéro-marnicoles thermophiles constituent une irradiation occidentale dans le domaine atlantique des garrigues marnicoles méditerranéennes (Helianthemo italici-Aphyllanthion monspeliensis), non inscrites à la directive « Habitats ». Dans le Quercy méridional et l’Agennais, elles sont représentées par des termes de passage fortement enrichis en éléments méditerranéens. De ce fait, les limites entres pelouses xérophiles du Xerobromion erecti et garrigues méditerranéennes peuvent être difficiles à établir en l’absence de matériaux phytosociologiques suffisants pour ces secteurs de transition.

Dynamique

Spontanée :
Végétations secondaires issues de déforestations historiques anciennes, inscrites généralement dans des potentialités de forêts thermophiles à caractère méditerranéen du Quercion pubescenti-sessiliflorae, marqué localement par la fréquence et parfois la dominance du Chêne vert (Quercus ilex) (types méconnus à étudier) [Code Corine : 41.711].
Phases dynamiques internes au niveau des pelouses elles-mêmes : phase pionnière souvent riche en chaméphytes (notamment Immortelle stoechas), phase optimale à strate pelousaire horizontale ouverte et présentant donc une niche de régénération fonctionnelle des espèces à vie courte et strate chaméphytique haute, phase de fermeture de la pelouse avec perte de la niche de régénération, phase de vieillissement avec élévation du tapis végétal et extension d’espèces d’ourlet (en particulier le Brachypode penné et la Dorycnie à cinq folioles).
Après abandon pastoral, reconstitution forestière de vitesse variable généralement lente et pouvant présenter des seuils dynamiques prolongés (comme les pelouses-ourlets à Brachypode penné et Dorycnie à cinq folioles).
Principales étapes dynamiques : densification par colonisation et extension du Brachypode penné (accompagné de la Dorycnie à cinq folioles dans certains types), piquetage arbustif et/ou arboré progressif aboutissant à la formation de fourrés coalescents ou de complexe préforestier de type « pré-bois » (mêlant pelouses, ourlets, pré-manteaux, fourrés et couvert arboré) puis à la constitution de jeunes chênaies pubescentes diversifiées en essences calcicoles.

Liée à la gestion :
Par intensification du pâturage ovin, passage à des variantes appauvries mésophiles à strate chaméphytique réduite, voire des pelouses marnicoles méso-xérophiles pâturées plus fertiles (Festucenion timbalii) [Code UE : 6210*].
Suite aux brûlis, déstabilisation de la structure biologique par régression de la part des chaméphytes et, en l’absence de reprise pastorale, accélération des processus dynamiques d’ourlification.

Habitats associés ou en contact

Voile de Genévrier commun sur pelouses calcicoles [Code UE : 5130].
Pelouses méso-xérophiles marnicoles du Festucenion timbalii développées en contact [Code UE : 6210*].
Pelouse aérohaline thermo-atlantique des falaises de l’estuaire de la Gironde à Dactyle d’Espagne (Dactylis glomerata subsp. hispanica) et Statice de Dodart (Limonium dodartii) [Dactylo hispanicae-Limonietum dodartii, Code UE : 1230].
Pelouses-ourlets et ourlets xérophiles thermophiles (Geranion sanguinei) à Brachypode penné [Code UE : 6210*] ; plusieurs types : ourlet à Inule à feuilles de spirée (Inula spiraeifolia) et Dorycnie à cinq folioles (Inulo spiraefoliae-Dorycnietum pentaphylli) en Saintonge, d’autres types non étudiés encore en Quercy et Périgord.
Pré-manteaux à Genêt cendré (Genista cinerea) et Genêt d’Espagne (Genista hispanica) sur les serres marno-calcaires du Quercy blanc, originaux et de position phytosociologique ambiguë [Code Corine : 32.62].
Manteaux arbustifs préforestiers calcicoles enrichis localement en éléments méditerranéens comme la Corroyère à feuilles de myrte (Coriaria myrtifolia), le Sumac des corroyeurs (Rhus coriaria), le Nerprun alaterne (Rhamnus alaternus)... ; ces manteaux sont très peu connus et non décrits [Berberidion vulgaris, Code Corine : 31.812].
Chênaies pubescentes thermophiles, fréquemment accompagnées par le Chêne vert (Quercus ilex), peu étudiées et non décrites [Quercion pubescenti-sessiliflorae, Code Corine : 41.711, éventualité de Quercion ilicis à étudier].

Répartition géographique

Pelouse à Stéhéline douteuse et Germandrée petit chêne : marges septentrionales du bassin aquitain du Quercy (surtout bas-Quercy) à la Charente orientale, fragmentaire plus au sud jusque dans le Libournais et le Fronsadais ; limites orientales (présence possible dans les causses cévenols septentrionaux) et méridionales (identité et appartenance phytosociologique des garrigues des serres marno-molassiques tertiaires au nord de la Garonne, en particulier dans l’Agennais) à établir ; un noyau original de la sous-association lavanduletosum latifoliae isolé dans la vallée de la Claise entre Abilly et le Grand-Pressigny (37).
Pelouse à Cupidone bleue et Fétuque marginée : aire réduite en Saintonge : côte de Gironde et vallées affluentes, Champagne saintongeoise principalement sur la côte de Champagne.

Valeur écologique et biologique

Pelouse à Cupidone bleue et Fétuque marginée : type original très localisé de la Charente maritime et en voie de disparition.
Pelouse à Stéhéline douteuse et Germandrée petit chêne : type de distribution plus large, mais en régression spatiale accentuée actuellement.
Forte diversité floristique, comportant plusieurs endémiques ou subendémiques françaises : Lunetière de Guillon (Biscutella guillonii), Fétuque de Lahondère (Festuca lahonderei), Hysope blanchâtre (Hyssopus officinalis subsp. canescens) ; diversité orchidologique importante (notamment des Ophrys) ; diversité entomologique encore peu étudiée, mais probablement très élevée, notamment dans les complexes structuraux mélangeant pelouses et pré-manteaux.
Paysages de garrigues et de pelouses à Genévrier commun et richesse de la faune associée.
Plantes menacées en France (Livre rouge national, tome I) : Fétuque de Lahondère.
Nombreuses plantes protégées régionalement.
Plusieurs Reptiles de l’annexe IV de la directive « Habitats » : Lézard vert (Lacerta viridis), Couleuvre verte et jaune (Coluber viridiflavus), Couleuvre d’Esculape (Elaphe longissima).

États de conservation

États à privilégier :
Pelouse ouverte à strate chaméphytique suffrutescente développée ; cette structure est obtenue par un pâturage extensif sans amendement, préférentiellement par des ovins et/ou des caprins.
Selon la conduite pastorale, on peut aboutir soit à une structure homogène du tapis végétal, soit à une structure mélangée de phases dynamiques de pelouses, de garrigues, de pelouses-ourlets et de pré-manteaux.
Superposition à la pelouse d’un voile de Genévrier commun, en relation avec les pratiques pastorales.
Autres états observables :
Pelouses rases plus fortement pâturées et piétinées, à strate chaméphytique suffrutescente réduite.
Phases densifiées à Brachypode penné et, dans le Quercy blanc et en Saintonge, à Dorycnie à cinq folioles, typiques des pelouses vieillies ou incendiées.

Tendances et menaces

Disparition spatiale continue depuis le début du XXe siècle avec accélération très forte depuis 1960 ayant pour causes principales l’abandon pastoral et la reconstitution de boisements, et, en Saintonge, l’extension du vignoble de cognac... Les pelouses du Quercy et du Périgord, longtemps épargnées par la récession des pratiques pastorales de parcours, sont actuellement largement concernées par cette évolution.
Menaces très fortes d’extinction pour la pelouse à Cupidone bleue et Fétuque marginée (Catanancho caeruleae-Festucetum timbalii) en Saintonge ; en outre, plusieurs des sites relictuels de la variante de la côte de Gironde ont été considérablement dégradés par l’usage répété des incendies.
Utilisation pour les loisirs (pique-nique avec feux, moto verte, véhicules tout terrain).

Potentialités intrinsèques de production

Pelouses rases et fortement écorchées, ne présentant qu’une faible ressource pour le bétail.
Ces pelouses peuvent cependant être utilisées en parcours extensif ovin ou caprin, à condition que l’alimentation soit complétée par ailleurs.

Axes de recherche

Absence de données.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 2. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 487 p. + cédérom. (Source)