6210-28 - Pelouses calcicoles xérophiles atlantiques, psammophiles et thermophiles

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Étages planitiaire et collinéen (de 100 à 250 m).
Climat atlantique atténué de transition, globalement de type ligérien, associé à un déficit de pluviosité (en général moins de 600 mm de précipitations annuelles moyennes).
Situations topographiques : pentes variées, faibles à fortes (jusqu’à 45°), parfois nulles.
Expositions chaudes et ensoleillées : essentiellement sud-ouest à sud-est.
Roches mères carbonatées diverses, généralement à texture plus ou moins sableuse ou se désagrégeant facilement en surface : calcaires gréseux et sableux du Turonien supérieur (Touraine), calcaires jurassiques bajociens et bathoniens (Poitou), ailleurs calcaires grossiers lutétiens, calcaires meuliers chattiens, calcaires ludiens, rarement craies sèches.
Sols peu évolués de type rendzines ou pararendzines, à caractère arénacé souvent déterminant, parfois lithosols ou rendzines initiales au niveau d’affleurements rocheux et sur les replats des pentes.
Milieux relictuels secondaires hérités des traditions de parcours ovin, rarement milieux d’installation récente suite à l’abandon d’anciennes cultures (vignes en particulier).
Action complémentaire des lapins importante, devenue déterminante avec la déprise pastorale, jusqu’à l’arrivée de la myxomatose.

Variabilité

Diversité typologique principale régionale selon les climats et les substrats :

Suur le millarges du Chinonais : pelouse à Laîche à utricules lustrés [Caricetum nitidae], avec : Laîche à utricules lustrés (Carex liparocarpos), Sabline à grandes fleurs (Arenaria grandiflora), Thésion divariqué (Thesium divaricatum), Renoncule graminée (Ranunculus gramineus)... ;

Dans le Tertiaire parisien et environs immédiats : pelouse à Fumana couché et Laîche humble [Fumano procumbentis-Caricetum humilis], avec : Fumana couché (Fumana procumbens), Laîche humble (Carex humilis)... ; ensemble assez hétérogène rassemblant provisoirement plusieurs variations édaphiques et mésoclimatiques majeures (certaines pourraient être plus fortement individualisées) :
- méso-xérophile et submontagnarde, particulière à la vallée de l’Essonne, à Violette des rocailles (Viola rupestris), Raiponce délicate (Phyteuma orbiculare subsp. tenerum)... [subass. violetosum rupestris] ;
- psammophile des calcaires lutétiens et chattiens, enrichie en espèces des pelouses sablo-calcaires avec : Koelérie à grandes fleurs (Koeleria macrantha), Fléole de Boehmer (Phleum phleoides), Scabieuse blanchâtre (Scabiosa canescens), Véronique en épi (Veronica spicata)... [subass. koelerietosum macranthae] ; - thermophile à caractère méditerranéen accentué, sur calcaires ludiens du sud-parisien, à Koelérie du Valais (Koeleria vallesiana), Aster linosyris (Aster linosyris), Cardoncelle molle (Carduncellus mitissimus)... [subass. koelerietosum vallesianae] ; on rapprochera de cet ensemble un noyau original de pelouses du Xerobromion erecti sur craie sèche de la moyenne vallée de l’Eure à Fumana couché, Koelérie du Valais, Trinie glauque (Trinia glauca), Scorzonère d’Autriche (Scorzonera austriaca) ;

En climat à tendance thermo-atlantique et sur calcaires jurassiques du Poitou (Thouarsais, Mirebalais, Montmorillonais) : plusieurs ensembles de pelouses du Xerobromenion erecti encore peu connues, qui présentent diverses affinités avec les deux associations précédentes et un certain nombre d’espèces différentielles comme l’Hélianthème à feuilles de saule (Helianthemum salicifolium), le Lin raide (Linum strictum), le Lin en corymbe (Linum corymbulosum), la Véronique couchée (Veronica prostrata)...

Variabilité secondaire soit de type édaphique (lithosols des pointements rocheux), soit de type dynamique et structural, notamment associée aux faciès riches en chaméphytes suffrutescents et aux activités des lapins :
- variante pionnière à Hélianthème des Apennins (Helianthemum apenninum), Hélianthème blanchâtre (Helianthemum oelandicum subsp. incanum) des pointements rocheux ;
- variante à chaméphytes en position de prélisière et entretenue par les lapins, à Hélianthème nummulaire (Helianthemum nummularium subsp. nummularium) ;
- variante psammophile faisant transition avec les pelouses sablo-calcaires du Koelerio macranthae-Phleion phleoidis.

Physionomie, structure

Pelouses rases écorchées (40-85 % environ de recouvrement moyen selon les variantes), avec une codominance des hémicryptophytes (55-70 %) et des chaméphytes (15-30 %) ; structure biologique et architecturale diversifiée, à part hémicryptophytique et part graminéenne relativement minorées ; participation significative des thérophytes qui profitent de la relative discontinuité des pelouses, notamment dans les variantes les plus psammophiles.
Structure pelousaire souvent complexe et associée en mosaïque avec des communautés pionnières de dalles riches en thérophytes et chaméphytes crassulescents (Alysso alyssoidis-Sedion albi) et des communautés terricoles de bryophytes et de lichens thermo-xérophiles à Fulgensia fulgens, Toninia caeruleo-nigrescens, Psora decipiens...
Strate herbacée parfois associée à un voile de Genévrier commun (Juniperus communis) dans les anciens parcours extensifs [« Formations de Juniperus communis sur landes ou pelouses calcaires », Code UE : 5130].
Après abandon pastoral ou en relation avec les activités du lapin, développement possible d’une strate bryolichénique dense, riche en Cladonies (Cladonia pl. sp.).
Diversité floristique importante associée à des floraisons colorées et massives, ayant une expression maximale vers la fin du printemps.

Confusions possibles

Avec les formes les plus sèches des pelouses méso-xérophiles du Festucenion timbalii ou du Teucrio montani-Mesobromenion erecti développées en contact [Code UE : 6210*].
Avec des végétations de dalles calcaires (Alysso alyssoidis-Sedion albi) [Code UE : 6110*].
Avec des pelouses sablo-calcaires du Koelerio macranthae-Phleion phleoidis souvent développées en contact [Code UE : 6210*].
Avec des pelouses-ourlets résultant de l’abandon pastoral et de la dynamique de recolonisation préforestière, généralement dominés par le Brachypode penné (Brachypodium gr. pinnatum) [Geranion sanguinei, Code UE : 6210*].

Dynamique

Spontanée :
Végétations secondaires issues de déforestations historiques anciennes, inscrites généralement dans des potentialités de forêts thermophiles soit du Quercion pubescenti-sessiliflorae (Touraine, Poitou, environs de Fontainebleau) [Code Corine : 41.711], soit de hêtraies calcicoles thermophiles enrichies en éléments des chênaies pubescentes et relevant du Cephalanthero rubrae-Fagion sylvaticae (Tertiaire parisien) [Code UE : 9150].
Phases dynamiques internes au niveau des pelouses elles-mêmes : phases pionnières souvent riches en chaméphytes (notamment Hélianthème des Apennins, Germandrée des montagnes...) et thérophytes, phase optimale à strate pelousaire horizontale ouverte et présentant donc une niche de régénération fonctionnelle des espèces à vie courte, phase de fermeture de la pelouse avec perte de la niche de régénération, phase de vieillissement avec élévation du tapis végétal et extension d’espèces d’ourlet (en particulier le Brachypode penné).
Après abandon pastoral, reconstitution forestière de vitesse variable pouvant présenter des seuils dynamiques prolongés (comme les pelouses-ourlets à Brachypode penné).
Principales étapes dynamiques : densification par colonisation et extension du Brachypode penné, piquetage arbustif et/ou arboré progressif aboutissant à la formation de fourrés coalescents ou de complexe préforestier de type « pré-bois » (mêlant pelouses, ourlets, fourrés et couvert arboré), puis à la constitution de jeunes hêtraies thermophiles ou de jeunes chênaies pubescentes diversifiées en essences calcicoles.

Liée à la gestion :
Suite aux brûlis, déstabilisation de la structure biologique par régression de la part des chaméphytes et, en l’absence de reprise pastorale, accélération des processus dynamiques d’ourlification et stimulation du Brachypode penné.

Habitats associés ou en contact

Voile de Genévrier commun sur pelouses calcicoles [Code UE : 5130].
Groupements bryolichéniques terricoles thermophiles.
Communautés pionnières de dalles de l’Alysso alyssoidis-Sedion albi [Code UE : 6110*].
Pelouses méso-xérophiles du Festucenion timbalii ou du Teucrio montani-Mesobromenion erecti développées en contact [Code UE : 6210*].
Pelouses-ourlets et ourlets xérophiles thermophiles (Geranion sanguinei) à dominante de Brachypode penné dans les stades succédant aux pelouses [Code UE : 6210*] ; plusieurs types notamment : ourlet à Aspérule des teinturiers et Dompte-venin officinal (Asperulo tinctoriae-Vincetoxicetum hirundinariae) dans le massif de Fontainebleau, ourlet à Campanule à feuilles de pêcher et Géranium sanguin (Campanulo persicifoliae-Geranietum sanguinei) plus largement répandu dans le Tertiaire parisien.
Manteaux arbustifs préforestiers calcicoles [Berberidion vulgaris, Code Corine : 31.812].

Hêtraies thermo-calcicoles submontagnardes, enrichies en espèces des chênaies pubescentes, à Grémil pourpre bleu (Lithospermum purpureocaeruleum), Chêne pubescent [Quercus humilis (= Q. pubescens)], etc. (plusieurs types) [Code UE : 9150], passant localement (par exemple à Fontainebleau) à des chênaies pubescentes thermophiles à Garance voyageuse (Rubia peregrina) [Quercion pubescenti-sessiliflorae, Code Corine : 41.711].

Répartition géographique

Pelouse à Laîche à utricules lustrés : aire réduite en Touraine confinée aux « puys » du Chinonais et, au nord de la Loire, à la vallée du Changeon (forme appauvrie).
Pelouse à Fumana couché et Laîche humble : aire disjointe en îlots relictuels au sein du Tertiaire parisien : massif de Fontainebleau avec digitations dans les vallées de l’Essonne, du Loing et de la Juine, sud de l’Oise (vallée de l’Automne, Clermontois), Laonnois méridional et Soissonnais ; un noyau isolé dans la moyenne vallée de l’Eure aux environs d’Ézy-sur-Eure.
Xerobromenion erecti du Poitou : coteaux du Thouarsais (vallée du Thouet et affluents aux environs d’Airvault, 79), Mirebalais (env. de Saint-Chartres, 86), Montmorillonais (86) ; présence possible ailleurs en Poitou et Vendée méridionale.

Valeur écologique et biologique

Tous les types de pelouses sont relictuels, réduits à un petit nombre de sites de surface restreinte ; tous sont en voie de disparition et d’importance patrimoniale majeure.
Combinaisons floristiques originales avec une grande diversité de la flore et notamment des lichens ; une plante très localisée en France : Laîche à utricules lustrés (Carex liparocarpos) ; nombreuses plantes protégées régionalement ; diversité entomologique encore peu étudiée, mais probablement très élevée, notamment dans les systèmes plus psammophiles.
Plusieurs Reptiles de l’annexe IV de la directive « Habitats » : Lézard des souches (Lacerta agilis), Lézard vert (Lacerta viridis), Lézard des murailles (Podarcis muralis), Coronelle lisse (Coronella austriaca).

États de conservation

États à privilégier :
Pelouse rase à mi-rase ouverte, c’est-à-dire présentant un tapis végétal avec de micro-ouvertures constituant la niche de régénération ; cette structure est obtenue par un pâturage extensif sans amendement, préférentiellement par des ovins.
Selon la conduite pastorale, on peut aboutir soit à une structure homogène du tapis végétal, soit à une structure mélangée de phases dynamiques de pelouses, de garrigues, de pelouses-ourlets et de pré-manteaux.
Maintien de faciès à chaméphytes soit en situation de prélisière, soit en situation d’affleurement rocheux.
Superposition à la pelouse d’un voile de Genévrier commun, en relation avec les pratiques pastorales.
Autres états observables :
Phases densifiées à Brachypode penné, typiques des pelouses vieillies ou incendiées.

Tendances et menaces

Disparition spatiale continue depuis le début du XXe siècle avec accélération très forte depuis 1960 ayant pour causes principales l’abandon pastoral et la reconstitution de boisements, l’urbanisation en région parisienne, plus rarement l’extension des vignobles (Chinonais)...
Menaces très fortes et rapides d’extinction, notamment en région parisienne, sud de l’Oise, Laonnois et environs de Dreux ; urgence de la mise en place de mesures conservatoires et de gestion.
Utilisation pour les loisirs (pique-nique avec feux, moto verte, véhicules tout terrain).

Potentialités intrinsèques de production

Habitat hérité de parcours traditionnels ovins.

Axes de recherche

Cet habitat est très rare et les données le concernant en matière de gestion sont quasi inexistantes. Compte tenu de sa menace de disparition, il est important que des programmes expérimentaux soient mis en place pour définir au mieux les mesures de gestion à prendre en compte pour sa conservation.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliography

 Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 2. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 487 p. + cédérom. (Source)