Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats
Végétations hygrophiles et turfigènes se trouvant à l’interface spatiale et/ou dynamique entre les végétations de tourbières basses et de tourbières hautes où elles occupent une position intermédiaire entre, d’une part, les stades aquatiques et les stades terrestres et, d’autre part, les groupements de bas-marais et ceux de hauts-marais, leur alimentation étant mixte, à la fois minérotrophique (la végétation est alimentée par la nappe d’eau libre ou la nappe du sol) et ombrotrophique (alimentation par les précipitations de végétaux, telles les Sphaignes, qui s’affranchissent de l’alimentation de la nappe).
Ces végétations se développent dans des zones très humides, parfois aquatiques, au sein de bas- ou de hauts-marais, par exemple en bordure des gouilles et chenaux des tourbières hautes où elles assurent la transition entre les groupements aquatiques et la végétation ombrotrophe des buttes de Sphaignes dans les complexes buttes/gouilles. On les rencontre également à la surface de certaines pièces d’eau où elles forment des radeaux flottants intervenant dans les processus de genèse de tourbières de type limnogène. Elles se développent également fréquemment dans les anciennes fosses d’extraction de tourbe où elles constituent une végétation cicatricielle secondaire essentielle aux processus de régénération de la végétation des tourbières hautes.
Cet habitat, dont le développement requiert des précipitations suffisantes pour assurer la transition de la végétation depuis des groupements minérotrophes vers des groupements ombrotrophes, se rencontre principalement dans les zones de montagne (de 600 à 2000 m) où il présente ses formes les plus développées et les plus diversifiées et devient plus sporadique dans le reste du pays où l’habitat s’appauvrit à quelques rares groupements.
Ces végétations sont souvent liées à la présence d’eau libre, stagnante ou légèrement fluente (plan d’eau, chenaux en réseau, mare ou gouille…), dans des valeurs de pH comprises entre 4,5 et 7,5, oligotrophe à mésotrophe. Certaines formes de ces végétations flottent à la surface de l’eau (radeaux flottants), d’autres se développent sur une tourbe toujours très spongieuse, gorgée d’eau, plus ou moins liquide. Dans ces formes les plus terrestres, la nappe est toujours affleurante et des périodes d’inondation sont possibles.
La variabilité de cet habitat s’organise essentiellement selon deux axes : sa répartition biogéographique et le pH de ses eaux d’alimentation. Ainsi, certains groupements se rencontrent partout en France, d’autres sont surtout médioeuropéens et montagnards, d’autres enfin sont uniquement médioeuropéens et montagnards (d’influence boréale) et se trouvent parfois très localisés. Du point de vue du pH des eaux d’alimentation, certains groupements sont plutôt baso-neutrophiles, d’autres plutôt neutrophiles ou acidiphiles alors que certains sont assez indifférents au pH.
Groupements présents partout en France :
Groupements neutrophiles (pH 6,5-7) : Caricetum rostratae à hypnacées diverses.
Groupements acido-neutrophiles (pH +/- 5,5) : Caricetum rostratae « intermédiaire » à Sphaignes basiphiles (Sphagnum squarrosum, S. teres, S. warnstorfii…).
Groupements acidiphiles (pH 4-5,5) : Sphagno-Caricetum rostratae à Sphaignes acidiphiles (Sphagnum angustifolium, S. gr. recurvum, S. denticulatum…) ; radeaux flottants du Sphagno-Eriophoretum angustifolii à Eriophorum angustifolium et Sphagnum cuspidatum, S. gr. recurvum… ; groupements du Sphagno acutifolii-Rhynchosporetum albae à Rhynchospora alba, R. fusca, Lycopodiella inundata, Sphagnum tenellum…
Groupements assez indifférents au pH : groupements à Menyanthes trifoliata, Potentilla palustris, Equisetum fluviatile… constituant le radeau flottant le plus fréquemment rencontré (colonisateur ubiquiste).
Groupements plus particulièrement médioeuropéens :
Groupements neutrophiles (pH 6,5-7) : Caricetum diandrae ; Caricetum lasiocarpae à hypnacées (notamment Scorpidium scorpioides) ; tapis de mousses brunes.
Groupements acido-neutrophiles (pH +/- 5,5) : Caricetum lasiocarpae « intermédiaire » à Sphaignes neutrophiles.
Groupements acidiphiles (pH 4-5,5) : Caricetum lasiocarpae sphagnetosum recurvae à Sphagnum gr. recurvum, S. angustifolium, S. cuspidatum…
Groupements uniquement médioeuropéens et surtout montagnards :
Groupements assez répandus :
- groupements neutrophiles (pH 6,5-7) : Caricetum limosae hypnetosum à hypnacées diverses ;
- groupements acidiphiles (pH 4-5,5) : Caricetum limosae sphagnetosum recurvae à Carex limosa, Sphagnum gr. recurvum, S. papillosum, S. subsecundum et Scheuchzeria palustris ; tremblants à Eriophorum vaginatum, Sphagnum gr. recurvum et Polytrichum commune (existence en France à vérifier).
Groupements très localisés :
- groupements neutrophiles (pH 6,5-7) : Caricetum heleonastae (quelques stations dans le Jura) ; Sphagno warnstorfii-Caricetum dioicae (buttes des marais de transition mésotrophes jurassiens à Sphagnum warnstorfii) ;
- groupements acido-neutrophiles (pH +/- 5,5) : Drepanoclado revolventis-Caricetum chordorrhizae (quelques stations dans le Jura) ; tremblants à Calamagrostis stricta (quelques stations dans le Jura) ; Trichophoretum alpini (Préalpes du nord, Jura) ;
- groupements acidiphiles (pH 4-5,5) : Calletum palustris (sept stations actuellement connues en France, en Lorraine et Alsace).
De nombreux contacts sont possibles entre ces différentes communautés et des stades intermédiaires, régis par des effets de gradients ou liés à la dynamique, peuvent exister.
Cet habitat peut se présenter à des échelles très diverses, depuis de faibles superficies (quelques décimètres carrés) en bordure de dépressions aquatiques où il occupe de petites surfaces morcelées au sein de bas- ou hauts-marais (gouilles, mares, chenaux d’écoulement superficiel…), jusqu’à de vastes superficies occupées par cet habitat dont la forme la plus représentative est constituée par les radeaux flottants dans les tourbières limnogènes où il participe de manière essentielle à la dynamique d’atterrissement du plan d’eau. Cet habitat peut également occuper de vastes superficies sur des substrats non aquatiques mais tourbeux, toujours très fortement engorgés, où il forme alors des pelouses ou gazons tremblants. Cet habitat se caractérise toujours par la nature instable et vacillante du substrat, tremblant sous le pied. Ce phénomène est particulièrement prononcé dans le cas de radeaux flottants, mais se retrouve également sur les pelouses vacillantes établies sur des substrats fluides ou sur une poche d’eau.
Le fond floristique de ces formations est constitué d’un certain nombre de phanérogames dont la dominance spécifique caractérise assez facilement le groupement (et l’association s’y rapportant, en fonction également du pH du milieu). Parmi celles-ci figurent avant tout des cypéracées, essentiellement des Laiches de plus ou moins grande taille (Carex rostrata, C. lasiocarpa, C. limosa, C. diandra, C. heleonastes, C. chordorrhiza…), mais également d’autres espèces comme les Linaigrettes (Eriophorum angustifolium, E. gracile) ou la Prêle des eaux (Equisetum fluviatile). Elles sont accompagnées d’un cortège mêlé d’autres phanérogames au fort réseau racinaire ou rhizomateux (notamment Potentilla palustris et Menyanthes trifoliata assez constantes). Entre ces phanérogames se développe un tapis bryophytique constitué de Sphaignes (Sphagnum angustifolium, S. gr. recurvum, S. denticulatum, S. flexuosum…) dans les séries acidiclines à acidiphiles et de mousses brunes (Scorpidium scorpioides, Calliergon trifarium, Campylium stellatum, Paludella squarrosa, Drepanocladus spp. …) dans les séries plutôt neutrophiles à basiphiles. Ces bryophytes peuvent constituer un épais tapis duquel émergent les phanérogames citées ci-dessus, mais elles peuvent parfois se développer seules. Les plantes ligneuses sont toujours très peu fréquentes.
Par sa situation intermédiaire, cet habitat contient souvent des espèces transgressives des bas-marais acides ou neutro-alcalins ou des hauts-marais. C’est ainsi que l’on rencontrera en contact avec les bas-marais acides des espèces comme Carex nigra, C. echinata, C. curta, Narthecium ossifragum (atlantique) ou Eriophorum angustifolium ; en contact avec les bas-marais alcalins, Liparis loeselii et un important cortège de mousses brunes pleurocarpes ; en contact avec les végétations de hauts-marais, Drosera rotundifolia, Drosera intermedia, Vaccinium oxycoccos, Andromeda polifolia et diverses Sphaignes à tendances plus ombrotrophes.
Certaines formes de cet habitat sont très aquatiques et se développent au sein de chenaux, de cuvettes aquatiques, en bordure de plans d’eau… où de l’eau libre subsiste (parfois fluente comme dans le cas de chenaux) et permet le développement de cortèges d’espèces aquatiques se mêlant aux groupements de transition. D’autres formes, au contraire, notamment les plus évoluées d’un point de vue dynamique, sont simplement hygrophiles et leur fort taux de recouvrement (par le développement du tapis bryophytique, notamment) empêche les communautés aquatiques de se développer. Les premières formes aquatiques peuvent évoluer vers les secondes simplement hygrophiles par les processus naturels d’atterrissement, de fermeture et d’ombrotrophisation du milieu et tous les stades intermédiaires existent. Au sein même des tremblants et pelouses vacillantes, il existe souvent une microtopographie caractéristique associant des dépressions aquatiques (d’autant plus nombreuses que l’on se situe vers le plan d’eau dans le cas de tremblants lacustres), des buttes de Sphaignes (dans les zones généralement plus éloignées du front de croissance centripète du radeau), des zones où le substrat est mis à nu (Rhynchosporion albae notamment) et des zones plus ou moins colonisées par les ligneux. Tout cela justifie le terme de transition car les conditions hydrologiques y varient assez rapidement dans l’espace.
Les différentes formes de cet habitat sont constituées d’espèces permettant généralement de qualifier assez facilement le groupement (diverses espèces de Laiches et espèces associées). Cependant, des confusions sont possibles dans la mesure où cet habitat se trouve à l’interface et en contact étroit, spatial et dynamique, avec des végétations turficoles de bas- et de hauts-marais dont il possède un certain nombre d’éléments, mais également parce que ces végétations forment une transition entre les groupements aquatiques et les groupements terrestres, présentant ainsi des caractéristiques intermédiaires. Les confusions possibles concernent dans ce cas :
La végétation des tourbières hautes actives (UE 7110*) :
Des éléments de cet habitat peuvent se retrouver au sein des tourbières de transition, notamment dans les stades où s’individualisent des buttes de Sphaignes au sein du marais de transition, buttes dites d’ombrotrophisation, préfigurant l’évolution du système vers des végétations de hauts-marais. L’analyse des espèces de Sphaignes constituant ces buttes peut renseigner sur le code à attribuer à l’habitat, notamment par la présence d’espèces mésotrophes comme Sphagnum warnstorfii, S. teres ou S. contortum caractérisant les tourbières de transition en phase d’acidification et d’ombrotrophisation, dans des systèmes dont le sol reste toujours très instable, mouvant, tremblant. Si des espèces plus acidiphiles et ombrotrophes (Sphagnum magellanicum, S. rubellum, S. subnitens…) se développent au sein du marais de transition et deviennent très recouvrantes, avec un cortège d’espèces associées caractéristiques des végétations de hauts-marais, il sera possible de croiser le code des tourbières de transition avec celui des tourbières hautes actives afin de préciser la tendance à l’ombrotrophisation marquée du marais de transition (UE 7140 x UE 7110*). Par ailleurs, la végétation des dépressions des tourbières hautes actives (Cor. 51.12 et Cor. 51.13 notamment) est très semblable à certaines formes de la végétation des tourbières de transition (notamment le Caricetum limosae et le Rhynchosporetum albae). Si ces communautés se développent dans de petites dépressions au sein d’un haut-marais, il faut préférer l’utilisation du code des tourbières hautes actives. Si ces communautés se développent au sein d’un bas-marais ou sur un marais de transition, préférer alors le code des tourbières de transition. Là encore, un croisement de codes est possible.
La végétation des bas-marais acides (Cor. 54.4) :
Certaines formations de bas-marais acide sont étroitement apparentées aux végétations des tourbières de transition avec lesquelles elles sont souvent en contact et entre lesquelles s’établit un continuum rendant parfois difficile la délimitation des deux entités. Le fond floristique de la végétation des bas-marais acides est constitué d’un cortège de petites Laiches caractéristiques (le plus souvent différentes des espèces constituant le marais de transition), notamment Carex nigra, C. echinata, C. curta, C. viridula subsp. oedocarpa, C. panicea, qu’accompagnent d’autres espèces graminiformes comme Eriophorum angustifolium, Carex rostrata ou Juncus acutiflorus. Cette association d’espèces caractérise les formations de bas-marais, même si certaines espèces (Viola palustris ou Pedicularis palustris par exemple) peuvent se trouver en commun dans les végétations de tourbières de transition.
La végétation des bas-marais alcalins (UE 7230) :
Ici encore, la végétation des tourbières de transition peut être très étroitement liée à celle des bas-marais alcalins dans lesquels elles peuvent se développer, par exemple en bordure des dépressions de ces bas-marais. Leur végétation se distingue de celle des marais de transition par la présence d’un cortège de petites Laiches formant des cariçaies basses (parvocariçaies) caractéristiques à Carex davalliana, C. hostiana, C. viridula subsp. oedocarpa, C. flava, C. viridula, C. panicea, C. pulicaris ou C. dioica et une plus grande richesse en dicotylédones herbacées.
La végétation tremblante de grands hélophytes (Cor. 53.11 & 53.2 p.p.) :
Il peut arriver que certains hélophytes, comme le Roseau commun (Phragmites australis), la Laiche paniculée (Carex paniculata), la Laiche fausse laiche aiguë (Carex acutiformis) ou la Laiche élevée (Carex elata) constituent des roselières ou des magnocariçaies tremblantes en bordure de certains plans d’eau mésotrophes à eutrophes. Ni ces espèces, ni leurs compagnes, ne sont celles rencontrées dans les formations des tourbières de transition et leur position dynamique est sensiblement différente. Par ailleurs, Carex rostrata (à large écologie) peut former des cariçaies en nappe (Cor. 53.2141) au sein de chenaux ou de dépressions aquatiques sans forcément constituer des groupements de transition, les espèces compagnes typiques de ces formations étant alors absentes.
La végétation des dépressions sur substrat tourbeux (UE 7150) :
Les communautés des dépressions sur substrat tourbeux du Rhynchosporion albae sont similaires à celles rencontrées au sein des tourbières de transition à Rhynchospora blanc (Cor. 54.57, Sphagno acutifolii-Rhynchosporetum albae) ou à celles des dépressions des tourbières hautes actives (Cor. 51.122). On préférera cependant réserver le code des dépressions sur substrat tourbeux aux communautés cicatricielles se développant sur des surfaces de tourbe mises à nu, celui des dépressions des tourbières hautes aux communautés de Rhynchospora des hauts-marais se développant sur de petites superficies en bordure de gouilles et, enfin, celui des tourbières de transition aux communautés en nappe se développant à la surface de radeaux flottants ou de tremblants. Dans ce cas néanmoins, il est possible, pour préciser la nature de la végétation du marais de transition, de croiser son code avec celui des dépressions sur substrat tourbeux (UE 7140 x UE 7150).
Les végétations à Cladium mariscus (UE 7210*) :
Certaines formes flottantes de cladiaies (cladiaies-radeaux flottantes, cf. fiche UE 7210*) peuvent se voir progressivement colonisées par des Sphaignes lorsque le tremblant s’acidifie et s’ombrotrophise. La cladiaie voit alors le développement important des espèces de tourbières de transition (groupements à Rhynchospora, Trèfle-d’eau, Comaret des marais, Laiche à fruits lâches, Laiche des bourbiers…) qui prennent une importance croissante et gagnent, avec les Sphaignes, sur le Marisque (ex.: le marais du Grand-Lemps ou la tourbière de Cérin). Cette évolution dynamique de la cladiaie vers des végétations de tourbière haute active, en passant par des groupements de transition, rend complexe l’attribution de tel ou tel code et c’est bien souvent le recouvrement relatif des espèces présentes (issues des groupements soit de marais à Cladium caractéristiques, soit de tourbières de transition et tremblants, soit de tourbières hautes actives) qui guidera le gestionnaire dans ce choix. En tout état de cause, il est possible, voire même conseillé dans certains cas, de croiser les codes de manière à indiquer que, quel que soit l’habitat décrit, celui-ci est issu de l’évolution d’une cladiaie qui se trouve en voie d’acidification et d’ombrotrophisation (par exemple le croisement UE 7140 x UE 7210* indiquant que la tourbière de transition est issue d’une cladiaie).
Ces groupements de tourbières de transition et tremblants se développent principalement dans trois situations :
- d’une part au contact des tourbières basses alcalines et des hauts-marais acides (tourbières qualifiées de mixtes) dans lesquelles ces végétations assurent la transition spatiale et dynamique entre les deux types de tourbières (en termes tant de pH que de minéralisation ou de mode d’alimentation hydrique) ;
- d’autre part, au sein des tourbières basses alcalines (cf. « Variabilité » pour les groupements concernés) et plus souvent des hauts-marais (en bordure des gouilles ou des fossés, et fréquemment dans des fosses de recolonisation) où elles occupent généralement de faibles superficies et se trouvent disposées en mosaïque avec d’autres groupements de tourbières ;
- enfin dans les processus d’atterrissement des pièces d’eau qui se voient colonisées par un radeau flottant dans lequel ces végétations peuvent occuper de vastes superficies préfigurant l’évolution du système vers une tourbière de type limnogène devenant ombrotrophe.
Quelques rares formes de ces végétations sont relativement stables d’un point de vue dynamique, notamment les groupements d’altitude dans les systèmes oligotrophes ou dans les stations soumises à une eau fluente moins propice à la dynamique progressive de la végétation. Dans la plupart des cas cependant, ces végétations évoluent, lentement, selon une dynamique progressive tendant à la fois vers l’oligotrophisation, l’acidification et l’ombrotrophisation. Ainsi, les communautés de transition baso-neutrophiles voient leur cortège d’espèces caractéristiques évoluer avec l’apparition et le développement progressif d’espèces acidiclines ou acidophiles (Viola palustris, Potentilla erecta, Drosera rotundifolia, voire Vaccinium oxycoccos) qui s’installent en pionnières de l’évolution de la végétation vers des groupements de haut-marais ombrotrophes (si les conditions, notamment pluviométriques, le permettent). Cette acidification du milieu s’accompagne généralement d’une évolution du tapis bryophytique avec l’individualisation de buttes de Sphaignes oligotrophes et acidiphiles (buttes dites d’ombrotrophisation). Dans quelques rares cas (Sphagno warnstorfii-Caricetum dioicae du massif du Jura), il existe un stade intermédiaire dans lequel ce sont d’abord des espèces de Sphaignes mésotrophes qui apparaissent au sein du bas-marais : de petites buttes relativement plates et isolées, riches en espèces basiclines (notamment Sphagnum warnstorfii et S. teres, avec Tomentypnum nitens, Paludella squarrosa et Aulacomnium palustre) se forment (par exemple au sein des groupements du Drepanoclado revolventis-Caricetum chordorrhizae, du Caricetum diandrae et du Caricetum heleonastae), puis s’élèvent et s’acidifient tout en s’enrichissant d’espèces de hauts-marais. Dans les tourbières initialement acidiphiles ou acidiclines, ce processus d’acidification est moins net et le changement d’espèces moins marqué, les espèces acidiphiles étant pour la plupart présentes dès le départ.
Au voisinage des zones les plus aquatiques se développent des radeaux constitués d’espèces au système racinaire généralement robuste (Potentilla palustris, Menyanthes trifoliata, Equisetum fluviatile et diverses espèces de Laiches notamment), cet entrelas racinaire servant de support au développement d’espèces de Sphaignes très hygrophiles, notamment Sphagnum cuspidatum et Sphagnum angustifolium (dans certains cas, notamment sur les pièces d’eau de petite superficie, il semblerait que ce soit les Sphaignes qui, en pionnières, peuvent constituer le radeau avant même l’apparition des phanérogames). À mesure que ce tapis végétal va s’épaissir par l’accumulation de matière végétale, il va s’élever au-dessus de la nappe minérotrophe et progressivement s’en affranchir, l’alimentation ombrotrophique prenant alors une importance de plus en plus grande. Dans ces conditions, des espèces à tendances plus ombrotrophes s’implanteront, notamment des espèces de Sphaignes (d’abord Sphagnum palustre, S. fallax, puis Sphagnum magellanicum, S. rubellum, ou S. subnitens par exemple) individualisant des buttes d’ombrotrophisation. Ces buttes, d’abord isolées, vont progressivement confluer pour constituer un tapis continu, véritable matelas turfigène sur lequel d’autres espèces, de plus en plus acidiphiles et ombrophiles, pourront s’implanter ; c’est le cas, par exemple, de la Canneberge, de l’Andromède ou des Rossolis, voire même d’espèces des stades terminaux des tourbières, comme la Callune (Calluna vulgaris), la Bruyère cendrée (Erica cinerea) et la Bruyère à quatre angles (Erica tetralix, en zones atlantiques) ou différentes espèces d’airelles.
Ainsi, lorsque les conditions climatiques sont favorables (forte pluviosité), les groupements de tourbières de transition évoluent, quelles que soient leurs caractéristiques initiales, vers des groupements de hauts-marais (tourbières hautes actives, UE 7110*), souvent de manière très progressive. Des évolutions régressives sont possibles au sein de ces communautés, notamment à la suite de perturbations anthropozoogènes (piétinement, creusement de bauges…), favorisant soit des communautés aquatiques (groupements à Utriculaires, Utricularia spp., Potamots, Potamogeton spp., Nénuphars…), soit des communautés pionnières du Rhynchosporion. Enfin, des phénomènes de boisement des stades évolués de ces communautés sont possibles, avec notamment l’apparition, souvent au sein des végétations les moins hygrophiles, de Bouleaux et Pins dans les communautés acidiphiles, de Saules, Aulne glutineux (Alnus glutinosa) et Bourdaine (Frangula alnus) dans les communautés neutro- basophiles.
Tourbières hautes actives (UE 7110*).
Tourbières hautes dégradées (UE 7120).
Tourbières de couverture (UE 7130*), rarissimes, seulement deux sites pressentis en France.
Végétation à hélophytes moyens ou grands du lagg (cariçaies, phragmitaies, mégaphorbiaies…).
Végétations aquatiques et amphibies, des mares de tourbières (notamment Cor. 22.45).
Bas-marais acides (Cor. 54.4).
Dépressions sur substrats tourbeux (UE 7150).
Moliniaies turficoles (UE 6410).
Jonchaies acidiphiles (Cor. 37.22).
Landes humides et tourbeuses (UE 4010 et UE 4020*).
Bas-marais alcalins (UE 7230).
Végétations à Cladium mariscus (UE 7210*).
Tourbières boisées (UE 91D0*).
Cet habitat se développe sur une large partie du territoire mais trouve son optimum dans les stations de moyenne montagne (entre 600 et 2200 m), notamment dans le Jura, les Vosges, les Alpes du nord, le Massif central ou les Pyrénées, ainsi qu’en Corse (tremblants à Trèfle-d’eau dans les pozzines). En dehors de ces zones, l’habitat est plus sporadique et présente des formes appauvries.
Exemples de sites avec l’habitat dans un bon état de conservation :
Tourbières jurassiennes (Doubs et Jura), notamment dans le bassin du Drugeon et le val de Mouthe (Frasne, lac de Rouges-Truites, Chaffois, Granges-Narboz, Les Rousses, Noël-Cerneux, les Pontets, Malpas, Bellefontaine, Mouthe…).
Tourbière de Machay (Vosges).
Tourbière du lac de Lispach (Vosges).
Lac de Bourdouze (Puy-de-Dôme).
Étang de Chabannes (Corrèze).
Tourbière de Chambedaze (Puy-de-Dôme).
Tourbière des Sagnes (Lozère).
Tourbière de l’étang du Bourdeau (Creuse).
Réserve naturelle du lac Luitel (Isère).
Réserve naturelle du Grand-Lemps (Isère).
Tourbière de Cérin (Ain).
Tourbière de Sommant (Haute-Savoie).
Marais de Saint-Gond (Marne).
Cet habitat possède une très grande valeur patrimoniale : en mosaïque avec d’autres habitats au sein des tourbières hautes actives ou des bas-marais, il y constitue un stade dynamique essentiel diversifiant les communautés animales et végétales. Dans les tourbières limnogènes où il forme de vastes radeaux flottants, il constitue des écosystèmes d’une très grande originalité, à la frontière entre milieux terrestres et aquatiques.
Cet habitat abrite des communautés animales et végétales extrêmement originales, il est le refuge d’espèces rares et/ou menacées à l’échelle de notre territoire ou de l’Europe, véritables reliques postglaciaires boréo-subalpines ou arctico-alpines : certaines des associations végétales qui le constituent ne se trouvent sur notre territoire qu’en de très rares localités (moins de cinq ou dix sites), c’est également le cas pour certaines espèces végétales (Calla des marais et Saxifrage œil-de-bouc par exemple). Beaucoup des espèces qui s’y développent sont protégées au niveau national ou figurent sur la liste rouge des espèces végétales menacées en France : outre les espèces précitées, la Laiche des bourbiers, la Scheuchzérie des marais, le Rossolis à feuilles longues, le Lycopode inondé, le Liparis de Loesel, le Malaxis des marais…
Le caractère très humide de ces formations leur confère un rôle essentiel pour la reproduction de certaines espèces animales, notamment parmi les invertébrés : c’est par exemple le cas des odonates dont plusieurs espèces trouveront dans ces milieux des conditions de reproduction privilégiées : citons par exemple l’Aeschne subarctique (Aeshna subarctica), l’Aeschne azurée (Aeshna caerulea), la Leucorrhine douteuse (Leucorrhinia dubia), ou encore la Cordulie alpine (Somatochlora alpina) et la Cordulie arctique (Somatochlora arctica).
Tous les états sont à protéger. Privilégier, lorsque cela est possible, les successions végétales en favorisant l’expression de différents stades dynamiques (depuis les stades aquatiques jusqu’aux buttes de Sphaignes ombrotrophes). Il n’y a pas de stade à privilégier a priori, mais on cherchera, dès que cela est possible, à préférer les gradients à la fois d’humidité, d’acidité et de niveau trophique.
Cet habitat a connu une importante régression au cours des dernières décennies, en même temps que les tourbières qui le supportent et qui ont subi, dans cette même période, de nombreuses atteintes d’origine anthropique (drainage, boisement, pollution, eutrophisation, mise en culture…). La moitié des surfaces de tourbières ont disparu au cours des cinquante dernières années, et avec elles nombre d’habitats associés, dont celui des tourbières de transition et tremblants. L’une des menaces pesant particulièrement sur cet habitat provient des modifications des propriétés physico-chimiques de leurs eaux d’alimentation, cet habitat situé à l’interface ombro-minérotrophique étant particulièrement sensible à leur qualité. Par ailleurs, les formations lacustres tremblantes souffrent fréquemment de problèmes liés au piétinement, notamment par les pêcheurs, même si un léger piétinement peut s’avérer favorable, notamment pour les communautés à Rhynchospora et Lycopode.
Aucune.
Poursuivre et améliorer les inventaires et la caractérisation des milieux tourbeux en France.
Poursuivre les actions de conservation et de gestion de ces milieux fragiles dans le droit fil des actions entreprises dans le cadre du programme Life « Tourbières de France ».
Poursuivre les expérimentations et les suivis scientifiques et techniques des méthodes de gestion des écosystèmes tourbeux.
Mettre en œuvre une stratégie nationale de conservation et de réhabilitation de ces milieux menacés, traitant notamment des problèmes liés au boisement, au creusement de plans d’eau ou à l’extraction industrielle de tourbe.
Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)