7150-1 - Dépressions sur substrats tourbeux du Rhynchosporion

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Végétation hygrophile circumboréale à caractère subatlantique, constituant un stade initial de la série des groupements des landes humides et des tourbières acidiphiles.
Se développe de l’étage planitiaire à montagnard, sur des substrats oligo-mésotrophes acides (pH compris entre 4 et 5 généralement) holorganiques, humiques ou minéraux. Il s’agit soit de tourbe, soit de sables généralement grossiers (graveleux) et humifères.
Le substrat, constamment humide, connaît souvent une phase temporaire d’immersion hivernale accompagnée systématiquement d’une phase d’exondation durant l’été. L’alimentation hydrique est assurée soit par le biais d’une eau légèrement fluente (sources, suintements), soit par la présence d’une nappe restant toujours très proche de la surface.
Cet habitat se rencontre en mosaïque au sein de la végétation des landes humides, des tourbières hautes et des tourbières de couverture (limitées à l’ouest de la Bretagne) dans des secteurs au sol mis à nu par l’action de l’homme (décapage/étrépage), des animaux (bauges, piétinement) ou par érosion naturelle (ruissellement, gel). Il s’agit ainsi de groupements de cicatrisation. On rencontre également cet habitat dans les zones d’atterrissement de certaines pièces d’eau, au niveau des zones de fluctuation des mares et étangs oligotrophes sur substrat sablonneux.

Variabilité

Cet habitat présente une extraordinaire constance dans toute son aire de distribution, le cortège végétal caractéristique montrant une grande homogénéité. Dans la littérature, trois communautés sont décrites au rang d’associations ou de sous-associations selon leurs auteurs. Il s’agit :
- des communautés à Rossolis intermédiaire et Rhynchospora blanc [Drosero intermediae-Rhynchosporetum albae] ;
- des communautés à Lycopode inondé et Rhynchospora brun-rougeâtre [Lycopodiello inundatae-Rhynchosporetum fuscae] ;
- des communautés hyper-atlantiques à Sphaigne de La Pylaie et Rhynchospora blanc [Sphagno pylaisii-Rhynchosporetum albae], présentes en Basse-Bretagne uniquement.

Physionomie, structure

Végétation pionnière, héliophile, constituée principalement d’hémicryptophytes accompagnées de quelques géophytes rhizomateuses. Le recouvrement est généralement faible, laissant des espaces de sol dénudé. La strate herbacée, peu développée et discontinue, abrite un nombre limité d’espèces, celles-ci étant cependant caractéristiques et souvent exclusives. Lorsque les brosses de Rhynchospora sont bien développées, la végétation prend une physionomie herbeuse. La strate muscinale est toujours mince, abritant parfois quelques Sphaignes clairsemées, celles-ci étant peu développées car concurrentielles des espèces du Rhynchosporion. Dans les zones dénudées, le sol est parfois recouvert d’un fin voile algal formé par l’algue filamenteuse Zygogonium ericetorum, accompagnée de petites hépatiques. L’activité turfigène est toujours très faible ou nulle.

Confusions possibles

Par sa physionomie et la présence d’espèces caractéristiques souvent exclusives, la confusion avec d’autres types d’habitats est difficile. Cependant, des communautés végétales très semblables sur le plan de la composition floristique peuvent être rencontrées au sein des tourbières hautes actives, correspondant aux groupements pionniers présents dans les gouilles et cuvettes peu profondes de ces tourbières, remplies temporairement ou en permanence par l’eau de pluie. L’origine de ces communautés est différente, s’agissant là de groupements primaires et non de groupements secondaires de cicatrisation. Ces communautés des gouilles doivent être classées au sein des tourbières hautes actives dans l’habitat UE 7110* (Cor. 51.122).

Dynamique

Cet habitat a souvent une origine anthropozoogène : l’exploitation de la tourbe ou de la terre de bruyère, telle qu’elle était autrefois pratiquée de manière artisanale par le biais de décapages et d’étrépages manuels, permettait de dégager et d’entretenir des espaces dénudés. Des décapages involontaires (enlisement de tracteur, piétinement...) permettent encore aujourd’hui de maintenir ponctuellement des surfaces à nu. Les animaux, notamment le grand gibier (Sanglier, Sus scrofa) ou le bétail (piétinement), ont une action similaire.
Les groupements pionniers colonisateurs de ces surfaces dénudées (groupements secondaires dits de cicatrisation) ont une existence éphémère. Ils peuvent se développer à partir des banques de semences viables contenues dans le sol (cryptopotentialités pouvant subsister plusieurs dizaines d’années dans la tourbe), par multiplication végétative ou par dissémination de diaspores. Supportant difficilement la concurrence, les espèces du Rhynchosporion se trouveront ensuite rapidement supplantées par des espèces plus agressives préfigurant une évolution vers la tourbière (progression de coussins de Sphaignes) ou vers la lande (développement de Bruyère à quatre angles, Erica tetralix, Molinie bleue, Molinia caerulea, Ajonc, Ulex spp. ...). Dans la plupart des cas, le Rhynchosporion ne subsiste pas au-delà d’une dizaine d’années face à la dynamique progressive de la végétation.
Ce groupement fugace est étroitement dépendant de l’alimentation hydrique. L’humidité est une condition sine qua non et un assèchement du substrat, naturel ou provoqué (drainage), condamne son existence. On observe alors un durcissement superficiel du sol (formation d’un pélosol) incompatible avec son développement.

Habitats associés ou en contact

Cet habitat forme des complexes en mosaïque au sein des landes humides et des tourbières. Il se rencontre également sur les sables humides de certaines pièces d’eau. Les habitats les plus fréquemment associés sont les suivants :
- les tourbières hautes (UE 7110*, UE 7120) ;
- les tourbières de couverture (UE 7130*), rarissimes, seulement deux sites pressentis en France ;
- les tourbières de transition (UE 7140) et les bas-marais acides (Cor. 54.4) ;
- les landes humides (UE 4010 et UE 4020*) ;
- les gazons courts des bords d’étangs oligo-mésotrophes acidiphiles des Littorelletea uniflorae et des Isoeto durieui-Juncetea bufonii (notamment UE 3110 et UE 3130).

Répartition géographique

Malgré son caractère circumboréal, cet habitat trouve son optimum de développement dans le domaine atlantique. En France, son aire de distribution est large mais il est surtout présent en Bretagne, en Auvergne, dans le Limousin, en Aquitaine et Midi-Pyrénées, ainsi que dans les Vosges où l’influence atlantique est encore sensible.

Valeur écologique et biologique

Malgré une aire de distribution assez étendue en France, cet habitat - qui connaît une forte régression à l’échelle de l’Europe - reste souvent très localisé, certaines stations se limitant à quelques décimètres carrés. Si leur diversité spécifique est assez faible, ces groupements hautement spécialisés abritent des espèces extrêmement exigeantes dont beaucoup sont exclusives de cet habitat. C’est le cas, par exemple, du Lycopode inondé, du Rhynchospora brun-rougeâtre, de la Sphaigne de La Pylaie ou du Malaxis des marais (très rare). Beaucoup de ces espèces possèdent une forte valeur patrimoniale reconnue par leur protection au niveau national ou européen ou encore par leur inscription au livre rouge de la flore menacée en France.

États de conservation

Privilégier les stades ouverts sur substrat humide dans lesquels le recouvrement de la végétation, notamment des Sphaignes, est faible, et où des plages de sol nu permettent aux espèces caractéristiques du Rhynchosporion de s’exprimer pleinement. Des faciès plus évolués, préfigurant l’évolution de l’habitat vers la végétation des tourbières ou des landes humides, sont moins favorables mais un retour aux conditions optimales est possible à tout moment. Les substrats asséchés, induisant une minéralisation de la matière organique, ne permettent pas au Rhynchosporion de se développer et favorisent des espèces plus ubiquistes (Molinie, diverses Laiches Carex spp., Bruyère...).

Tendances et menaces

Cet habitat est étroitement dépendant de la préservation de zones humides très particulières qui ont connu une forte régression depuis le début du siècle et se trouvent aujourd’hui extrêmement menacées : c’est le cas des tourbières, des landes humides, des étangs et mares oligotrophes. Ces écosystèmes ont subi drainage, assèchement, mise en culture, boisement, ennoiement, mise en décharge, comblement, extraction... Cet habitat souffre également de l’abandon des pratiques et usages traditionnels qui avaient cours sur ces milieux et permettaient autrefois d’entretenir des espaces ouverts, voire de créer artificiellement de petites zones décapées favorables aux espèces pionnières. La destruction des zones humides, conjuguée à leur abandon, a participé à la très forte régression des habitats du Rhynchosporion.

Potentialités intrinsèques de production

Aucune.

Axes de recherche

Mener des recherches sur la durée et les conditions de survie des diaspores dans le sol.
Tester différents protocoles d’analyse des banques de semences du sol afin d’optimiser les décapages.
Développer du matériel mécanique léger pour effectuer des décapages.
Mettre en place des protocoles de suivi fins des processus de recolonisation des placettes décapées, sur un réseau de sites de référence.
Porter une attention particulière aux expérimentations, encore peu nombreuses, concernant les communautés des sables organiques humides.
Mener des réflexions sur les possibilités de valorisation des produits issus des décapages.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliography

 Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)