7210-1 - Végétations à Marisque

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Rappelons en préambule quelques caractéristiques biologiques et écologiques du Marisque (Cladium mariscus) qui caractérise véritablement cet habitat et qui, notamment par sa forte capacité dynamique, joue un rôle fondamental dans la structuration et l’évolution de l’habitat (les informations sont tirées pour l’essentiel de la synthèse de Walthert, 1987).
Le Marisque est une robuste cypéracée vivace, pouvant atteindre 2,5 m de hauteur (rarement 3 m), à souche traçante dont le rhizome rampant est peu profondément ancré dans le sol, en deçà de 30 cm en général. Il est de ce fait sensible aux variations de niveau de la nappe qu’il ne tolère que modérément : si des périodes d’immersion ne lui sont pas préjudiciables, un abaissement prolongé de la nappe sera mal supporté. Il se développe ainsi dans les zones humides bénéficiant d’une alimentation hydrique régulière tout au long de l’année, sur des sols riches en matière organique, mais également sur des substrats minéraux sableux et graveleux ou à la surface d’eaux libres. Il possède une vaste amplitude écologique et une stratégie monopoliste qui se traduit par l’envahissement de différents groupements végétaux. La multiplication se fait essentiellement par voie végétative grâce à la production de rhizomes qui, en se redressant, forment de nouvelles pousses. La reproduction par voie sexuée est rare sous nos latitudes, les conditions de germination de cette espèce étant particulièrement strictes : la maturation et la germination des akènes nécessitent d’abord la succession d’une période chaude et d’une période froide (nécessaire pour que la graine puisse s’imbiber d’eau), puis l’existence d’un thermopériodisme à paliers thermiques élevés (20 à 30°C) associés à un éclairement régulier, l’ensemble semblant également dépendre de la nécessaire flottaison de la graine puis de son contact avec le sol à la suite d’une décrue. La dissémination des graines se fait essentiellement par hydrochorie à laquelle s’ajoute probablement une dissémination par ornithochorie. La longévité du Marisque est estimée entre 10 et 15 ans.

Formations essentiellement planitiaires à collinéennes (relativement fréquentes dans les grands marais de plaine) pouvant s’élever jusqu’à l’étage submontagnard (maximum 800 m) où elles deviennent alors rares, Cladium mariscus étant une espèce thermophile. Les cladiaies se développent sur des substrats de nature variée, préférentiellement organiques (optimum sur tourbes mésotrophes), mais également sur des graviers fluviatiles gorgés d’eau. La nappe est affleurante ou subaffleurante avec de faibles fluctuations ; des périodes d’inondation sont possibles. Cladium mariscus peut également se développer à la surface d’eau libre de nature variée (mais de faible profondeur, inférieure à 80 cm en général, les racines ayant besoin d’un ancrage dans le sol), alcaline à neutre, où son réseau de racines, associé ou non à celui d’autres espèces (Roseau notamment), est à l’origine de la formation de radeaux flottants. Le pH des tourbes est variable, généralement autour de 6, mais il peut descendre à 4 en surface dans les cladiaies en voie d’acidification.

Variabilité

On rencontre deux principaux types de cladiaies fort différents du point de vue tant de leur origine, que de leur dynamique, de leur physionomie et de leur structure.
Les cladiaies-radeaux, d’une part, se développent à la surface d’eaux libres par la progression centripète d’un radeau flottant constitué de l’enchevêtrement des rhizomes de Cladium formant un lacis racinaire, pouvant lui-même servir de support au développement d’autres espèces végétales. Dans la plupart des cas, ces cladiaies-radeaux pionnières sont d’emblée très denses et paucispécifiques, voire monospécifiques. Le Marisque peut être accompagné d’autres espèces à forte production de biomasse, par exemple le Roseau commun qui participe lui aussi, à l’aide de ses rhizomes, à la structuration du tapis flottant, ou diverses Laiches telles que la Laiche élevée, la Laiche à utricules velus, la Laiche terminée en bec… Les hydrophytes accompagnent également souvent le Marisque dans ces formations flottantes.
Les cladiaies que nous qualifierons de terrestres, d’autre part, se développent selon une dynamique d’envahissement de groupements végétaux préexistants, notamment à la suite de leur abandon. Le Marisque est une espèce peu sténoèce et les cladiaies présenteront de ce fait une certaine variabilité en fonction des paramètres physico-chimiques initiaux des groupements végétaux qu’il aura pénétrés : il s’agira tantôt de bas-marais alcalins relevant du Caricion davallianae (groupements continentaux-montagnards) ou de l’Hydrocotylo vulgaris-Schoenion nigricantis (groupements planitiaires atlantiques), tantôt de groupements de tourbières de transition relevant du Caricion lasiocarpae, tantôt de groupements de prairies à Molinie bleue (Molinia caerulea) relevant du Molinion caeruleae… dans des formes initialement peu denses où le cortège initial d’espèces caractéristiques peut s’exprimer, puis de plus en plus denses jusqu’à pouvoir constituer des groupements monospécifiques. Une forme particulière de ces cladiaies terrestres est constituée par les cladiaies neutro-alcalines en voie d’acidification où s’individualisent des buttes de Sphaignes préfigurant l’évolution du système vers des groupements de tourbières acidiphiles et où Cladium mariscus pourra côtoyer des espèces de tourbières hautes actives, voire de landes tourbeuses.

Physionomie, structure

C’est en premier lieu la densité du Marisque qui imprime à la végétation sa physionomie et sa structure. Celle-ci est extrêmement variable, allant des cladiaies ouvertes, riches en espèces, avec quelques pieds de Marisque disséminés ici où là pouvant ne pas dépasser quelques dizaines de centimètre de hauteur si le milieu est géré (par la fauche par exemple), jusqu’à des cladiaies très denses, hautes (plus de 2 m), impénétrables, dans lesquelles une très grande quantité de litière s’est accumulée et où la diversité spécifique végétale peut être extrêmement pauvre. C’est d’ailleurs l’une des particularités des cladiaies denses que de posséder une importante litière végétale constituant un tapis dense, épais d’une quarantaine de centimètres, formant une frontière suspendue au-dessus du sol (ou du niveau d’eau dans le cas des cladiaies-radeaux) différenciant deux espaces aux caractéristiques fondamentalement différentes : une strate supérieure, aérienne, thermophile et héliophile, au-dessus de cette litière sciaphile et plus ou moins hygrophile en profondeur constituant un espace peu propice au développement de la vie. Cette structuration verticale des cladiaies denses, en deux strates bien distinctes, est caractéristique et constitue l’une des particularités de cet habitat, à l’origine du développement de communautés vivantes (notamment invertébrés) tout à fait particulières.
Entre ces deux extrêmes se rencontrent des cladiaies intermédiaires dans lesquelles le Marisque est bien développé, mais forme un milieu qui reste ouvert, avec peu de litière accumulée, dans lequel, à côté des tiges de Marisque qui atteignent 1 m à 1,50 m, un cortège de petites espèces basses, héliophiles, peut encore se développer.

Espèces "indicatrices"

La seule présence du Marisque suffirait à définir l’habitat qui, lui-même, n’existe qu’en présence de cette espèce. Cependant, du fait de sa stratégie invasive, un certain nombre d’espèces l’accompagnent en général, caractéristiques résiduelles des groupements en cours de colonisation, et dont nous citerons les principaux représentants (ce cortège d’espèces compagnes peut être extrêmement réduit, voire absent, du fait de leur élimination par le Marisque).

Confusions possibles

Il existe peu de risques de confusion avec d’autres types d’habitat, la présence du Marisque permettant aisément de caractériser l’habitat. Les cladiaies se développant dans les dépressions humides dunaires (berges d’étangs et pannes arrière-dunaires) doivent cependant se voir attribuer le code spécifique UE 2190 correspondant aux roselières et cariçaies dunaires (cf. tome « Habitats côtiers »).
S’il est facile de caractériser les cladiaies dans leurs formes typiques, denses et hautes, quelques nuances doivent être apportées dans le cas de cladiaies très peu denses, très ouvertes, où le gestionnaire pourra s’interroger sur le code le plus approprié à utiliser pour décrire l’habitat - notamment dans le cas d’un stade initial de colonisation d’un habitat par le Marisque - entre celui de la cladiaie et celui de l’habitat en cours de colonisation. Lorsque le Marisque se présente dans une forme très chétive, avec des individus isolés, stériles, il est préférable de ne pas attribuer ce code à l’habitat. En tout état de cause, le contexte régional devra être pris en compte, notamment la rareté des habitats à Marisque dans la région considérée, et sera déterminant dans l’attribution de tel ou tel code. Dans les régions richement pourvues en cladiaies, où le Marisque peut parfois constituer une espèce envahissante, seules devront être retenues les cladiaies dans leurs formes typiques, vigoureuses, les autres devant se voir attribuer le code de l’habitat colonisé (bas-marais alcalin, tourbière de transition…). En revanche, dans les régions pauvres en cladiaies, où la conservation de ces formations représente un enjeu d’importance (sur la base de critères scientifiques pertinents), les cladiaies, même chétives, relictuelles, pourront éventuellement se voir attribuer ce code (UE 7210*).

Dynamique

La colonisation du Marisque peut s’opérer selon deux dynamiques bien distinctes :
À partir d’un plan d’eau : grâce à son puissant système racinaire, Cladium mariscus peut jouer un rôle déterminant dans les processus d’atterrissement de certaines pièces d’eau (généralement mésotrophes à eutrophes, neutro-alcalines). Le Marisque peut y former des radeaux constitués d’un enchevêtrement de racines flottant à la surface de l’eau et selon une dynamique de progression centripète, en ceinture. Ce phénomène se produit en eaux peu profondes (profondeur inférieure à 80 cm en général) car, si les rhizomes flottent à la surface de l’eau, des racines adventives doivent s’ancrer dans le substrat et ne peuvent le faire au-delà de cette profondeur. Ces cladiaies-radeaux pionnières sont denses, généralement pauvres en espèces, et le Marisque domine largement en compagnie fréquente du Roseau commun ou de la Laiche élevée. Ce radeau flottant croît à la fois vers le centre et vers le fond du plan d’eau. Cette croissance verticale du radeau, son épaississement, entraîne son exhaussement par rapport au plan d’eau. Les groupements aquatiques (à Potamots, Utriculaires, Nénuphars…), initialement présents au sein de la cladiaie pionnière, régressent en même temps que les milieux aquatiques qui tendent à se cantonner à quelques mares au sein de la cladiaie. Petit à petit, le radeau subit moins l’influence des eaux minéralisées car l’élévation du radeau au-dessus de la surface d’eau libre entraîne son affranchissement progressif de son alimentation minérotrophe, en même temps que le radeau piège davantage les eaux météoriques plus pauvres en éléments nutritifs. Cette double alimentation minéro-ombrotrophique s’accompagne d’un changement de végétation, notamment par le développement de groupements de tourbières de transition à Carex lasiocarpa. Le stockage des eaux météoriques par le matelas racinaire favorise l’acidification du milieu qui peut alors permettre l’installation de Sphaignes en même temps qu’apparaissent des acidiphiles telles que Aulacomnium palustre, Drosera rotundifolia sur les buttes de Sphaignes, Drosera longifolia dans les dépressions accompagnée de Carex limosa, Scheuchzeria palustris, Rhynchospora alba… Un tel phénomène de passage progressif d’un plan d’eau neutro-alcalin à une tourbière acidiphile par l’intermédiaire d’une cladiaie-radeau s’observe par exemple sur la tourbière du Grand-Lemps (Isère) où la minéralisation au sein des buttes de Sphaignes du radeau est dix fois inférieure à celle du plan d’eau sur lequel il se développe.
Le Marisque peut également s’implanter au sein de groupements « terrestres » qu’il peut envahir à la suite, fréquemment, de l’abandon de leur entretien (fauche, pâturage). Il s’agit le plus souvent de milieux basiphiles, parfois neutro-basiphiles. En l’absence de gestion, leur colonisation peut être rapide si les conditions du milieu sont favorables au Marisque : c’est le cas des tourbes mésotrophes particulièrement appréciées de l’espèce qui se développe mal en milieux oligotrophes et se voit concurrencée par le Roseau sur les tourbes eutrophes. L’évolution de ces cladiaies dépend en premier lieu du bilan hydrique. Si ce bilan est favorable grâce à d’importantes précipitations, la cladiaie bénéficiera d’une alimentation ombrotrophique croissante, avec des eaux peu minéralisées qui induiront des changements progressifs de la végétation et notamment le développement au sein de la cladiaie de buttes de Sphaignes - dites buttes d’ombrotrophisation - qui préfigureront son évolution vers une tourbière acidiphile. On observera alors une baisse progressive du pH de la surface de la tourbière qui pourra atteindre des valeurs proches de 4. En revanche, si ce bilan hydrique est défavorable, les Sphaignes ne pourront s’installer et c’est une cladiaie dense qui se développera sur ce milieu qui n’évoluera pas vers une tourbière acidiphile. Cette évolution vers l’ombrotrophisation et l’acidification n’est possible que dans les régions les plus humides du secteur thermophile
Ainsi, les cladiaies peuvent se trouver en position dynamique très différente : dans le premier cas, le Marisque est l’espèce colonisatrice en amont du passage à la tourbière de transition alors que dans le second cas il est typique de l’invasion des bas-marais alcalins suite à un abandon (subclimax).
Beaucoup de cladiaies sont stables d’un point de vue dynamique. C’est le cas des cladiaies denses dont l’importante accumulation de litière au-dessus du sol constitue une barrière qui rend extrêmement difficile leur colonisation par d’autres espèces, les semences ayant de grandes difficultés à atteindre le sol et à germer en raison de la quasi-absence de lumière sous la litière. La colonisation des cladiaies denses par les ligneux est pour cette raison difficile et ces formations denses pourront présenter une grande stabilité. Tel n’est pas le cas si les ligneux ont pu germer avant que la densité de la litière ne les en empêche. Dans le cas d’une colonisation simultanée du Cladium et des ligneux (souvent la Bourdaine, Frangula alnus et l’Aulne glutineux, Alnus glutinosa, plus rarement les Saules et Bouleaux…), le Marisque dominera dans un premier temps grâce à son fort pouvoir de croissance, puis se trouvera rattrapé par les ligneux qui ensuite le dépasseront et pourront le supplanter en allant jusqu’à le faire disparaître du taillis tourbeux, Cladium mariscus, espèce héliophile, se maintenant difficilement sous couvert arboré. De même, une ouverture au sein des cladiaies denses, par exemple par l’action de la grande faune dont le piétinement pourra entraîner une déstructuration de la couche de litière, favorisera l’expression d’un cortège diversifié d’espèces végétales mais pourra également favoriser le développement des espèces ligneuses en facilitant leur germination au sein de la cladiaie.
Une baisse du niveau de la nappe, par exemple à la suite d’un drainage, est préjudiciable au maintien de la cladiaie, exigente du point de vue de son alimentation hydrique. Cladium mariscus régresse alors au profit d’espèces mieux adaptées, comme par exemple la Molinie bleue ou le Roseau commun, mais également au profit d’espèces ligneuses colonisatrices telles que la Bourdaine ou l’Aulne glutineux. L’eutrophisation est également néfaste au Marisque qui régresse, souvent au profit du Roseau commun.

Habitats associés ou en contact

Bas-marais alcalins (UE 7230).
Sources et suintements carbonatés (UE 7220*).
Communautés à grandes Laiches (magnocariçaies) (Cor. 53.21).
Roselières s.l. (Cor. 53.1), notamment les phragmitaies (Cor. 53.11).
Prairies à Molinie sur calcaire et argile (Molinion caeruleae) (UE 6410).
Eaux oligo-mésotrophes calcaires avec végétation benthique à characées (UE 3140).
Eaux eutrophes naturelles avec végétation libre ou enracinée (UE 3150).
Bas-marais acides (Cor. 54.4).
Tourbières de transition et tremblants (UE 7140).
Tourbières hautes actives (UE 7110*).
Tourbières hautes dégradées encore susceptibles de régénération (UE 7120).
Landes humides et tourbeuses (UE 4010, UE 4020*).
Prairies humides eutrophes (Cor. 37.2).

Répartition géographique

Cet habitat a une large aire de distribution en France mais trouve son optimum de développement aux étages planitiaire et collinéen du secteur thermophile dans les régions aux roches-mères calcaires. Il se trouve encore bien représenté dans le Bassin parisien, la vallée du Rhône et en Aquitaine, il est par contre absent des massifs cristallins tels que le Massif central ou le Massif armoricain où il se limite presque exclusivement aux étangs arrière-littoraux. Il est relictuel en Crau.

Exemples de sites avec l’habitat dans un bon état de conservation :
Réserve naturelle du marais de Lavours (Ain) géré par l’Entente interdépartementale de démoustication.
Tourbière de Cérin (Ain) gérée par le conservatoire Rhône- Alpes des espaces naturels.
Marais de Pagny-sur-Meuse (Meuse) géré par le conservatoire des sites lorrains.
Marais Vernier (Eure) géré par le parc naturel régional de Bretonne.
Réserve naturelle de la tourbière de Mathon (Manche) gérée par le Centre permanent d’initiatives pour l’environnement du Cotentin.
Réserve naturelle des marais de la Sangsurière (Manche) gérée par le parc naturel régional marais du Cotentin et du Bessin.
Réserve naturelle de l’étang du Grand-Lemps (Isère) géré par AVENIR.
Réserve naturelle de l’étang de Cousseau (Gironde).

Valeur écologique et biologique

Les cladiaies denses maintenues dans un bon état de conservation ont une grande valeur patrimoniale du fait de leur structuration verticale très particulière (épaisse litière accumulée comme suspendue au-dessus du niveau du sol et séparant deux niveaux bien distincts, la zone « frontière » possédant des caractéristiques très originales notamment du point de vue de ses propriétés thermiques). Celle-ci est à l’origine du développement de communautés vivantes inhabituelles dans ce type de milieux, notamment d’espèces thermophiles ayant des affinités méditerranéennes et trouvant à la frontière de cette litière des conditions de vie, thermiques notamment, propices à leur développement et leur permettant ainsi de coloniser des cladiaies dans des régions septentrionales par rapport à leur aire générale de distribution. C’est, par exemple, le cas de certaines espèces de mantes religieuses, d’araignées ou d’orthoptères. Cette compartimentation verticale des cladiaies permet la juxtaposition de sous-espaces aux caractéristiques abiotiques très marquées qui permet à une grande diversité d’espèces, aux affinités très différentes, xérothermophiles, hygrophiles photophiles, hygrophiles sciaphiles…, de se développer. Ainsi si ces cladiaies denses sont souvent très pauvres d’un point de vue floristique, elles présen- tent néanmoins un rôle très important dans la conservation de plusieurs groupes d’invertébrés. Dans le marais de Lavours (Ain), par exemple, les cladiaies ont une importance fondamentale, elles constituent le sous-système le plus riche du site en invertébrés et les espèces nouvelles pour le monde ou la France ont presque exclusivement été découvertes dans cet habitat.
Les cladiaies ouvertes présentent également un réel intérêt lié davantage au cortège d’espèces végétales qui accompagnent le Marisque. Celui-ci se développe en effet au sein de communautés végétales présentant un grand intérêt patrimonial, notamment au sein de communautés de bas-marais alcalins ou de tourbières de transition, toutes deux d’intérêt communautaire. L’intérêt de ces cladiaies ouvertes réside donc davantage dans la diversité des espèces qui accompagnent Cladium mariscus, dont certaines ont une grande valeur patrimoniale reconnue, par exemple par leur protection au niveau national ou leur sélection comme espèce d’intérêt communautaire. Citons, par exemple, le cas du Liparis de Loesel souvent observable au sein des cladiaies se développant en marais alcalins.

États de conservation

Le choix de privilégier les cladiaies denses ou les cladiaies ouvertes dépendra des objectifs que se sera fixés le gestionnaire, notamment du choix de privilégier plutôt la faune invertébrée ou la flore ce qui supposera qu’un solide inventaire de l’existant ait été réalisé au préalable. En effet, les cladiaies denses abritent souvent des peuplements invertébrés extrêmement diversifiés et très originaux mais une flore très pauvre, contrairement aux cladiaies ouvertes qui s’accompagnent d’un cortège floristique souvent très riche mais de peuplements invertébrés beaucoup moins diversifiés et originaux.
Le gestionnaire pourra ainsi privilégier soit les formations très denses avec une forte accumulation de litière, soit les formations ouvertes dans lesquelles le cortège d’espèces végétales compagnes du Marisque est riche, diversifié et caractéristique des communautés initiales colonisées par l’espèce (végétation des bas-marais alcalins ou des tourbières de transition par exemple). En tout état de cause, si les formations à Cladium mariscus sont suffisamment étendues, il est recommandé de gérer la végétation en mosaïque en favorisant, sur des espaces contigus, l’expression à la fois de formations denses et de formations ouvertes favorables ainsi à la fois à la faune et à la flore.
Dans les régions pauvres en cladiaies, ces formations peuvent revêtir un intérêt particulier. Dans ce cas, tous les stades pourront être à privilégier (y compris les cladiaies chétives ou relictuelles).

Tendances et menaces

L’évolution récente de cet habitat est très variable selon les régions. Sur la majeure partie du territoire, il a connu une forte régression, au même titre que l’ensemble des habitats tourbeux, à la suite de travaux de drainage, de l’intensification des pratiques agricoles, de la pollution des eaux d’alimentation (eutrophisation notamment), de la modification du régime hydrique des cours d’eau, de la mise en décharge ou du comblement de certains sites… L’abandon constitue également une forme de menace sur certains sites soumis à une dynamique de boisement spontané entraînant la fermeture du milieu et la forte régression, voire la disparition de l’habitat sous couvert boisé.
Cependant, dans certaines régions - par exemple dans la vallée du Rhône - cet habitat a connu une très forte extension au cours des dernières décennies du fait de l’abandon récent des pratiques agropastorales qui s’exerçaient sur de nombreux marais de la vallée. Le Marisque, grâce à sa stratégie invasive, a ainsi colonisé de nombreux sites et est aujourd’hui très répandu dans la plaine du Rhône où il n’est pas rare d’observer des cladiaies de plusieurs dizaines d’hectares, au point que son extension y constitue parfois un vrai problème du fait de l’appauvrissement (au moins floristique) des milieux qui l’accompagne. Cet habitat n’est cependant pas à l’abri de certaines menaces, liées notamment aux perturbations du régime hydrique des eaux d’alimentation.

Potentialités intrinsèques de production

Aucune.

Axes de recherche

Engager des recherches permettant de mieux caractériser la variabilité des cladiaies en France, notamment des cladiaies riveraines, les plus mal connues.
Poursuivre et améliorer les inventaires et la caractérisation des milieux tourbeux en France.
Poursuivre les actions de conservation et de gestion de ces milieux fragiles dans le droit fil des actions entreprises dans le cadre du programme Life « Tourbières de France ».
Poursuivre les expérimentations et les suivis scientifiques et techniques des méthodes de gestion des écosystèmes tourbeux.
Mettre en œuvre une stratégie nationale de conservation de ces milieux menacés, traitant notamment des problèmes liés au boisement, au creusement de plans d’eau ou à l’extraction industrielle de tourbe.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)