Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats
Communautés végétales des bas-marais neutro-alcalins, présentes en France des étages planitiaire à subalpin. On les rencontre essentiellement dans les régions calcaires où elles occupent des positions topographiques variées : bas-marais fluviogènes ou d’origine lacustre, tourbières de pente en moyenne montagne, dépressions humides dunaires… Elles se développent sur des substrats divers, rarement minéraux, le plus souvent humiques ou holorganiques (tourbe noire dite « à hypnacées »), parfois au voisinage de dépôts tufeux. Cet habitat est étroitement dépendant de son alimentation hydrique, tant en termes qualitatifs que quantitatifs. Le sol, à drainage souvent difficile, est en effet constamment gorgé d’une eau de type bicarbonatée-calcique, méso- à oligotrophe et de pH généralement compris entre 6 et 8. La nappe peut être stable ou connaître quelques fluctuations saisonnières (rabattement toujours temporaire). Elle ne se trouve jamais éloignée du niveau du sol, même en été, et des périodes d’inondation sont possibles.
La plupart de ces communautés végétales se rencontrent dans des tourbières basses alcalines où les processus d’élaboration et d’accumulation de la tourbe, infra-aquatiques (c’est-à-dire que la turbification a lieu sous le niveau de la nappe), sont assurés en premier lieu par un cortège de petites espèces muscinales, neutro-calcicoles, comme Tomentypnum nitens, Campylium stellatum et C. elodes, Calliergon stramineum et C. giganteum, Palustriella commutata, Drepanocladus cossonii et D. revolvens, Scorpidium scorpioides… regroupées dans les mousses dites hypnacées ou pleurocarpes.
Cet habitat regroupe une grande diversité de communautés végétales organisées au sein de deux alliances bien distinctes. On peut ainsi observer :
- des communautés de bas-marais alcalins eu- et nord-atlantiques : celles-ci correspondent dans la classification phytosociologique à l’alliance de l’Hydrocotylo vulgaris-Schoenion nigricantis. Elles sont présentes en France dans les régions sous influence atlantique, du Nord-Pas-de-Calais au Bassin aquitain, en passant par la Normandie, les Pays-de-la-Loire, l’essentiel du Bassin parisien et le Massif central occidental. Ces communautés abritent un cortège d’espèces caractéristiques des régions occidentales, avec une composante atlantique marquée : Hydrocotyle vulgaris, Cirsium dissectum, Samolus valerandi, Oenanthe lachenalii, Juncus subnodulosus, Anagallis tenella ou Carex trinervis ;
- des communautés de bas-marais alcalins médioeuropéens et des montagnes moyennes : celles-ci correspondent à l’alliance du Caricion davallianae. On les rencontre en Lorraine, en Champagne orientale et en Bourgogne (montagne châtillonaise notamment), dans le Jura et les Alpes, dans les Pyrénées ou encore dans les Causses. Ces communautés se distinguent des précédentes par la rareté ou l’absence des espèces atlantiques, et a contrario par la présence, voire l’abondance, d’espèces continentales-montagnardes typiques comme Schoenus ferrugineus, Carex davalliana, Primula farinosa, Swertia perennis, Eriophorum latifolium, Tofieldia calyculata, Dactylorhiza traunsteineri, Gymnadenia odoratissima, Bartsia alpina ou Parnassia palustris. La composition floristique de ces communautés végétales varie selon les régions, avec par exemple une composante subméditerranéenne dans les Causses (présence caractéristique de Scirpoides holoschoenus au sein des bas-marais caussenards), la rareté ou l’absence des espèces médioeuropéennes (Juncus subnodulosus, Liparis loeselii, Carex hostiana…) dans les Pyrénées orientales, ou encore la progression d’espèces boréales dans les bas-marais d’altitude (Alpes), ceux-ci faisant la transition avec les formations alpines du Caricion incurvae (UE 7240*).
Dans les formes pionnières de ces groupements, sur tourbe dénudée, la végétation est dominée par de petites espèces rases, avec Eleocharis quinqueflora, Anagallis tenella, Hydrocotyle vulgaris et Samolus valerandi dans les communautés atlantiques, et leurs vicariantes continentales-montagnardes Triglochin palustre, Parnassia palustris, Blysmus compressus et Schoenus ferrugineus dans les autres régions.
Un passage progressif s’opère entre ces deux alliances vicariantes (atlantique et continentale-montagnarde) avec une proportion variable d’espèces atlantiques, continentales et montagnardes selon l’influence biogéographique de la région dans lesquelles elles se trouvent. Toutes les transitions sont possibles dans les régions intermédiaires.
Au-delà de ces communautés qui constituent la végétation typique des bas-marais neutro-alcalins, cet habitat regroupe également un certain nombre de communautés moins caractéristiques, dérivant de celles-ci. C’est ainsi que les « bas-marais à hautes herbes » (Cor. 54.2I), constitués de Peucedanum palustre, Eupatorium cannabinum, Cicuta virosa, Symphytum officinale, Lysimachia vulgaris, Cladium mariscus, Phragmites australis, Glyceria maxima, Calamagrostis canescens sont inclus dans cet habitat. Il s’agit de formations méso-eutrophes que l’on rencontre fréquemment dans les marais de plaine ; ils sont par exemple abondants dans la plaine picarde. Parmi ces commu- nautés peuvent notamment être cités le Thelipterido palustris-Phragmitetum australis et le Lathyro palustris-Lysimachietum vulgaris. Il faut alors interpréter la directive d’une manière bien précise et ne retenir ces groupements comme appartenant à cet habitat que dans les seuls cas où ceux-ci dérivent des communautés typiques précédemment décrites (atterrissement, enrichissement) et où des éléments caractéristiques de ces communautés persistent, constituant un potentiel de régénération qu’il faudra exploiter en vue d’une restauration de l’habitat. En revanche, les cladiaies (formations à Cladium mariscus) riches en éléments des bas-marais alcalins ne doivent pas être retenues ici, mais être traitées dans l’habitat UE 7210*.
Selon la classification CORINE, cet habitat regroupe également les communautés de bas-marais alcalins des dépressions dunaires nord-atlantiques à Carex trinervis (Cor. 54.2H). En effet, de grandes similitudes se rencontrent entre ces communautés et celles des bas-marais alcalins typiques, car elles se développent dans des dépressions d’origine éoliennes (pannes ou lettes) alimentées par une nappe d’eau douce à légèrement saumâtre, dans lesquelles un fin dépôt de matière organique se forme en surface du sable, favorisant l’installation d’espèces turficoles. On y rencontre ainsi Schoenus nigricans, Samolus valerandi, Parnassia palustris, Hydrocotyle vulgaris, Epipactis palustris, Carex trinervis, Juncus subnodulosus, Gentianella uliginosa… Bien que figurant sous le code de cet habitat, ces communautés des dépressions dunaires nord-atlantiques (sous-alliance du Caricenion pulchello-trinervis, alliance de l’Hydrocotylo-Schoenion), comme celles des autres régions (littoral armoricain, centre et sud-atlantique, landais) doivent être traitées de préférence par le code UE 2190 (éventuellement en croisement avec celui-ci) qui lui est spécifique en ce qu’il regroupe l’ensemble des végétations des dépressions humides interdunaires (cf. tome « Habitats côtiers »).
Dans leur forme typique, ces communautés, qu’elles soient atlantiques ou continentales-montagnardes, sont caractérisées par la présence, et souvent la prédominance d’un cortège de petites Laiches formant des parvocariçaies avec Carex davalliana, C. hostiana, C. viridula subsp. oedocarpa, C. flava, C. viridula, C. panicea, C. pulicaris ou C. dioica. Une flore souvent très riche d’espèces colorées, notamment de nombreuses orchidées comme Epipactis palustris, Dactylorhiza incarnata et D. traunsteineri, Liparis loeselii, Gymnadenia conopsea et G. odoratissima, Spiranthes aestivalis, Orchis laxiflora subsp. palustris ou Herminium monorchis, accompagne généralement ces espèces, au-dessus d’un tapis plus ou moins dense d’hypnacées.
Très souvent, ces bas-marais se voient colonisés par des schoenaies. Le Choin noirâtre est présent sur l’ensemble de l’aire de distribution de cet habitat, à l’exception des zones d’altitude. En revanche, le Choin ferrugineux n’est présent que dans les communautés continentales-montagnardes, avec parfois leur hybride Schoenus x-intermedius. Ces deux espèces et leur hybride constituent généralement sur ces bas-marais des populations en touradons (à moins d’un entretien régulier, par exemple par la fauche), de taille réduite chez le Choin ferrugineux mais pouvant être importante pour le Choin noirâtre. C’est entre ces touradons que se développe le cortège de petites espèces herbacées caractéristiques des bas-marais.
Dans certains cas, le Jonc noueux peut être dominant et imprimer à la végétation une physionomie prairiale. Dans les communautés continentales-montagnardes, c’est le Scirpe gazonnant qui peut être prédominant, alors que le Trichophore des Alpes peut l’être dans les formes d’altitude. Dans tous ces cas, le fond floristique, même appauvri, demeure caractéristique.
Lorsque les espèces caractéristiques de cet habitat sont présentes, formant le fond floristique typique des bas-marais alcalins maintenus dans un bon état de conservation, les confusions avec d’autres types d’habitats sont difficiles. En particulier, la présence du cortège de petites Laiches caractéristiques, la couverture muscinale développée sur un substrat gorgé d’eau, souvent tourbeux, la présence des nombreuses espèces compagnes à la fois neutro-calcicoles, hygrophiles et turficoles, la présence, voire dans certains cas la dominance, des Choins autorisent généralement peu de confusions.
Cependant, cet habitat ne se trouve pas systématiquement sous sa forme caractéristique et des confusions sont possibles dès lors que le cortège de référence s’appauvrit et que des espèces caractéristiques de groupements voisins prennent davantage d’importance, voire se mettent à dominer la végétation. Des confusions sont ainsi parfois possibles avec la végétation des roselières (Cor. 53.1), certaines formations à grandes Laiches (Cor. 53.2), les marais à Cladium mariscus (UE 7210*), les prairies à Joncs (notamment des prairies à Jonc noueux, Cor. 37.218) ou les moliniaies alcalines (UE 6410), lorsque des éléments respectivement du Phragmition communis, du Magnocaricion elatae, du Juncion acutiflori ou du Molinion caeruleae transgressent dans les bas-marais. Dans ce cas, seules les formations demeurant riches en éléments des bas-marais neutro-alcalins (cf. liste des espèces « indicatrices ») peuvent conserver le code UE 7230, mis à part les formations à Cladium mariscus, dont le caractère prioritaire est renforcé par l’attribution d’un code particulier (UE 7210*).
Spontanée :
Les processus dynamiques affectant les bas-marais alcalins sont aussi divers que le sont les communautés qui constituent ce milieu. Ils dépendent de la nature même de ces communautés, selon notamment qu’elles se développent en plaine ou en montagne, d’un certain nombre de facteurs abiotiques les caractérisant : nature du sol, pH et minéralisation des eaux d’alimentation, fluctuations de la nappe…, ou encore du degré de naturalité de ces communautés et notamment de la nature des actions anthropiques les affectant. Il n’est pas possible de présenter dans le détail l’ensemble des processus dynamiques susceptibles d’affecter ces communautés, d’autant moins que les mécanismes et les facteurs régissant ces processus sont encore pour certains très mal connus. Dans tous les cas, une étude chronologique de la végétation se révélera nécessaire pour déceler les éventuelles tendances évolutives de la végétation.
Dans de nombreux sites de plaine, les communautés de bas-marais alcalins soustraites à toute action d’entretien connaissent une évolution progressive qui conduit, sous une échéance plus ou moins rapide, à la progression des formations ligneuses. Celles-ci, constituées principalement de Bourdaine (Frangula alnus), espèce particulièrement envahissante, de diverses essences de Saules (Salix cinerea, S. acuminata, S. caprea…) ou d’Aulne glutineux (Alnus glutinosa) progressent au détriment des espèces caractéristiques des bas-marais dont la pérennité peut se trouver menacée si aucune intervention n’est envisagée. Cette évolution progressive n’est pas systématique et il arrive que des communautés de bas-marais connaissent une grande stabilité, conditionnée en premier lieu par leur fort degré de naturalité (absence de drainage). C’est notamment le cas des formations de moyenne montagne où les conditions stationnelles (température, pluviosité) seront telles qu’une colonisation ligneuse ne sera pas systématique ou restera marginale (bordure des sites). On observera par exemple souvent ce phénomène sur les bas-marais associés aux tufières, sur les tourbières de pente à Choin ferrugineux, ou sur les sites colonisés par le Scirpe gazonnant dont la densité des brosses est peu propice au développement des ligneux.
Dans certains bas-marais neutro-alcalins de plaine, le degré trophique (marais méso-eutrophes) est tel que la dynamique progressive de la végétation est rapide et s’opère en faveur de formations très productives, dominées par des espèces que l’on peut regrouper sous le qualificatif de « hautes herbes », avec notamment le Peucédan des marais (Peucedanum palustre), l’Eupatoire chanvrine (Eupatorium cannabinum), le Lythrum salicaire (Lythrum salicaria), le Liseron des haies (Calystegia sepium), la Ciguë aquatique (Cicuta virosa), la Consoude officinale (Symphytum officinale) ou la Lysimaque vulgaire (Lysimachia vulgaris). La végétation prend alors un caractère exubérant que l’on peut également rencontrer en marge de sites plus oligotrophes localement enrichis par des apports latéraux (ourlets).
Il peut également arriver, notamment sur les sites les plus humides (sol très engorgé, circulation d’eau superficielle), que ces communautés de bas-marais se voient colonisées par des hélophytes à caractère envahissant, comme le Roseau commun (Phragmites australis), le Marisque (Cladium mariscus), diverses espèces de Laiches (Carex spp.) ou de Massettes (Typha spp.), notamment si des porte-graines de ces espèces se trouvent à proximité ou si des semences se trouvent mises à jour par un remaniement du sol. Ces espèces, qui se révèlent parfois monopolistes, peuvent constituer une menace pour les communautés de bas-marais alcalins en ce qu’elles ont tendance à s’y substituer. Une telle dynamique pourra être évitée par la mise en œuvre d’une gestion adaptée.
Enfin, les communautés de bas-marais neutro-alcalins peuvent se voir progressivement colonisées par des Sphaignes, formant des tourbières de transition (UE 7140) lorsque s’individualisent des buttes d’espèces tolérantes aux pH relativement élevés, préfigurant ainsi une évolution possible du milieu vers une tourbière acidiphile (UE 7110*). Ce phénomène n’est pas rare et les Sphaignes, accompagnées éventuellement d’espèces caractéristiques des bas- ou hauts-marais acidiphiles, pourront côtoyer un certain moment le cortège d’espèces des bas-marais alcalins, jusqu’à ce que l’acidification du milieu qu’elles engendreront par échanges ioniques exclût ces communautés neutro-alcalines et ne laissent place qu’aux seules formations acidiphiles.
Liée aux activités humaines :
Un entretien régulier de ces formations de bas-marais alcalins par le pâturage ou la fauche, parfois par le brûlis dirigé, permet généralement le maintien de ces communautés dans un bon état de conservation. Certaines actions peuvent cependant les faire évoluer de manière régressive vers les communautés pionnières des bas-marais alcalins. C’est ainsi que la fréquentation naturelle des sites par le grand gibier, le piétinement du sol par le bétail ou la réalisation de décapages favorisent le développement des communautés pionnières des tourbes ou des sols organiques neutro-alcalins dénudés.
Le drainage conduit généralement au développement de moliniaies turficoles dans lesquelles progressent des espèces comme la Molinie bleue (Molinia caerulea), la Succise des prés (Succisa pratensis), la Sanguisorbe officinale (Sanguisorba officinalis) ou la Potentille tormentille (Potentilla erecta)…, ou parfois au développement de formations prairiales à Jonc noueux, encore favorisées par le piétinement.
Les bas-marais alcalins forment souvent des complexes de végétation associant diverses communautés végétales organisées en mosaïque ou en ceintures concentriques, selon différents gradients à la fois d’humidité, de pH, de trophie et selon le stade dynamique de la végétation. Ainsi, les principaux habitats susceptibles d’être rencontrés en contact ou en association avec les communautés des bas-marais alcalins sont :
- les végétations à Cladium mariscus (UE 7210*) ;
- les communautés des sources et suintements carbonatés (UE 7220*) ;
- les prairies à Molinie sur calcaire et argile (Molinion caeruleae) (UE 6410) ;
- les formations herbeuses sèches semi-naturelles et faciès d’embuissonnement sur calcaires (UE 6210*) ;
- la végétation des dunes pour les communautés des pannes, notamment les dunes à Argousier, Hippophaë rhamnoides (UE 2160) et à Saule des sables, Salix arenaria (UE 2170) ;
- les eaux oligo-mésotrophes calcaires avec végétation ben- thique à characées (UE 3140) ;
- les plans d’eau eutrophes avec végétation libre ou enracinée (UE 3150) ;
- la végétation flottante des rivières submontagnardes et planitiaires (UE 3260) ;
- les tourbières de transition et tremblants (UE 7140) ;
- les tourbières hautes actives (UE 7110*) ;
- les tourbières hautes dégradées encore susceptibles de régénération (UE 7120) ;
- les formations alpines pionnières du Caricion incurvae (= Caricion bicolori-atrofuscae) (UE 7240*) ;
- les bas-marais acides (Cor. 54.4) ;
- les prairies humides eutrophes (Cor. 37.2) ;
- les roselières s.l. (Cor. 53.1), notamment les phragmitaies (Cor. 53.11) ;
- les communautés à grandes Laiches (magnocariçaies) (Cor. 53.21).
L’aire de distribution de cet habitat est vaste mais il se concentre préférentiellement dans les régions calcaires, en plaine comme en montagne. Il est encore bien présent dans des régions comme le Jura, les Alpes, les Pyrénées ou le Bassin parisien (vallées picardes notamment), dans une moindre mesure en Champagne, en Bourgogne, en Normandie et dans les Pays-de-la-Loire, en Charente et sur le pourtour du Massif central. Il existe çà et là ailleurs sur le territoire.
Cet habitat compte aujourd’hui parmi les plus menacés de notre territoire. Il a déjà connu une très forte régression en raison du développement d’un certain nombre d’activités anthropiques, et ce malgré son immense valeur patrimoniale, mais aussi fonctionnelle. Les communautés des bas-marais alcalins abritent en effet une multitude d’espèces, animales et végétales, spécialisées, dont certaines sont très étroitement dépendantes de ces milieux pour survivre et dont beaucoup sont aujourd’hui rares, menacées et/ou protégées au niveau national ou européen. Citons par exemple le cas du Rossolis à feuilles longues, du Choin ferrugineux, de la Primevère farineuse, du Liparis de Loesel ou du Spiranthe d’été pour la flore. Quelques espèces animales très menacées - par exemple l’Azuré de la Sanguisorbe (Maculinea teleius) et l’Azuré des paluds (Maculinea nausithous) - sont aujourd’hui exclusivement dépendantes de ces milieux qui abritent également des espèces plus largement dépendantes des zones humides et qui trouveront dans les bas-marais alcalins d’excellentes conditions de reproduction : c’est le cas d’un certain nombre d’espèces d’invertébrés (odonates notamment), de batraciens (Rainettes, Grenouilles, Sonneur à ventre jaune…), de reptiles (Couleuvres à collier et vipérine, Natrix natrix et Natrix maura, Cistude d’Europe), d’oiseaux (notamment dans les faciès « à hautes herbes » pour les fauvettes paludicoles, le Blongios nain, Ixobrychus minutus…) ou de mammifères (Loutre).
Valeur économique et sociale :
L’intérêt fonctionnel, économique et social de ces communautés est également important en ce qu’elles participent, seules ou associées, à d’autres types de communautés de zones humides, à la régulation des débits des cours d’eau, à la filtration et l’épuration des eaux, à la production de ressources piscicoles et cynégétiques…
Privilégier les communautés de bas-marais alcalins dans lesquelles le cortège caractéristique (cf. « Espèces indicatrices du type d’habitat ») est bien représenté et diversifié. Certaines espèces (Choins noirâtre et ferrugineux, Scirpe gazonnant notamment) peuvent être largement prédominantes mais il faut s’assurer que les espèces compagnes sont également présentes. Dans la plupart des cas, l’envahissement de ces communautés par des groupements agressifs d’hélophytes (Roseau commun notamment) ou le développement de groupements « à hautes herbes » seront préjudiciables aux communautés typiques des bas-marais et au maintien des nombreuses petites espèces, basses et héliophiles, qui constituent la grande richesse de ces milieux. Cependant, dans certains cas, ces groupements généralement envahissants et signe d’un dysfonctionnement du milieu pourront révéler un intérêt écologique particulier justifiant leur conservation en l’état. C’est par exemple le cas de certains marais « à hautes herbes » des vallées picardes qui présentent un intérêt dans la conservation de populations nicheuses de Blongios nain. Dans tous les cas, un diagnostic préalable s’imposera permettant d’évaluer l’état de conservation de l’habitat et son intérêt écologique, et le principe d’une gestion en mosaïque devra être privilégié pour favoriser la juxtaposition de structures diversifiées où l’expression des différents faciès de l’habitat sera favorisée.
Cet habitat a connu une dramatique régression au cours des dernières décennies. De nombreux marais, principalement en plaine, ont été drainés, asséchés, reconvertis en cultures (maïs) ou pour la populiculture, exploités pour leur gisement de tourbe, ennoyés, mis en décharges, remblayés… Les menaces pèsent encore très lourdement sur ces milieux qui connaissent également aujourd’hui des problèmes liés à l’abandon des usages agricoles traditionnels qui y étaient pratiqués et permettaient le maintien de milieux ouverts et la juxtaposition de strates diversifiées.
La végétation des bas-marais alcalins permet la production d’un certain nombre de ressources naturelles exploitables dans le cadre d’une activité parcimonieuse, extensive, respectueuse de leur caractère renouvelable : ces milieux fournissent encore aujourd’hui dans plusieurs régions foin, litière et zones de pâture pour le bétail.
Poursuivre et améliorer les inventaires et la caractérisation des milieux tourbeux en France.
Poursuivre les actions de conservation et de gestion de ces milieux fragiles dans le droit fil des actions entreprises dans le cadre du programme Life « Tourbières de France ».
Poursuivre les expérimentations et les suivis scientifiques et techniques des méthodes de gestion des écosystèmes tourbeux.
Mettre en œuvre une stratégie nationale de conservation de ces milieux menacés, traitant notamment des problèmes liés au boisement, au creusement de plans d’eau ou à l’extraction indus- trielle de tourbe.
Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)