8110-1 - Éboulis siliceux alpins à nivaux à éléments moyens et gros des Alpes

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Étages alpin et nival, principalement au-dessus de 2 500 m. Éléments moyens (de 0,2 cm à 20 cm) et gros (supérieurs à 20 cm) de mobilité assez faible.
Pente faible à assez forte (jusqu’à 40 %).
Principalement aux expositions froides, car certaines conditions d’humidité et de température sont nécessaires à la formation du substratum de cet éboulis (issu de la décomposition de la roche cristalline). Aux expositions plus chaudes, cette décomposition se ralentit rendant le substratum moins favorable et la colonisation du pierrier par la végétation faible ou nulle.
Sol squelettique présentant environ 80 % de gravier et 20 % de terre fine avec un pH de l’ordre de 6 à 6,5.

Variabilité

Diversité typologique principalement basée sur la granulométrie (l’augmentation de la granulométrie créant des conditions de plus en plus humides entre les pierres), puis sur la nature du substrat.
Éléments moyens : éboulis à Oxyria à deux stigmates [Oxyrietum digynae], avec en plus : Benoîte rampante (Geum reptans), Renoncule des glaciers (Ranunculus glacialis).
Éléments (moyens) gros :
- sous-association à Adénostyle à feuilles blanches (Cacalia leucophylla) de l’éboulis à Oxyria à deux stigmates [Oxyrietum digynae adenostyletosum leucophyllae] ;
- éboulis à Doronic de Clusius et Adénostyle à feuilles blanches [Doronico clusii-Adenostyletum leucophyllae], caractérisé en plus par : Polystic en forme de lance (Polystichum lonchitis), Achillée herbe trouée (Achillea erba-rotta), Cardamine de Plumier (Cardamine plumieri), Allosore crispée (Cryptogramma crispa) ; se développe le plus souvent sur roches vertes ;
- éboulis à Adénostyle à feuilles blanches et Achillée herbe trouée [Adenostylo leucophylleae-Achilleetum erbae-rottae], avec en plus : Renouée des Alpes (Polygonum alpinum), Sisymbre à feuilles de tanaisie (Hugueninia tanacetifolia).

Physionomie, structure

La végétation est très clairsemée avec moins de 10 % de recouvrement et dominée par les hémicriptophytes et les chaméphytes.
L’abondance et la sociabilité des espèces sont faibles.
Les conditions favorables d’humidité et de température régnant entre les blocs permettent à des espèces de grande taille (surtout dans les éboulis à gros éléments), telles que l’Adénostyle à feuilles blanches, le Doronic de Clusius, le Doronic à grandes fleurs (Doronicum grandiflorum), de se développer à côté d’espèces rampantes adaptées aux conditions mouvantes du substrat (lithophytes migrateurs, ascendants et recouvreurs) telles que la Benoîte rampante, la Renoncule des glaciers.
Les lichens jaunes du genre Rhizocarpon parsemant les pierriers siliceux donnent à ceux-ci une couleur verdâtre.

Confusions possibles

Avec les éboulis calcaires à éléments moyens à Tabouret à feuilles rondes (Noccaea rotundifolia) [Thlaspietum rotundifolii ; Code UE : 8120, Code Corine : 61.22].
Avec les éboulis calcaires à éléments gros des situations fraîches de l’Allosuro crispi-Athyrion alpestris des Alpes et du Jura [Code UE : 8120, Code Corine : 61.3123], différenciés, outre par la composition floristique, par l’absence des lichens du genre Rhizocarpon.
Avec les remontées à l’étage alpin des éboulis subalpins siliceux, des stations fraîches de l’Allosuro crispi-Athyrion alpestris [Code UE : 8110, Code Corine : 61.114], se distinguant au premier abord par l’importance des fougères.

Dynamique

La végétation de cet habitat colonise les moraines (peu mobiles) et les éboulis issus de l’altération des falaises siliceuses.
Cet habitat présente un caractère permanent sous certaines conditions :
- aux expositions chaudes, où la destruction de la roche et l’accumulation de matériaux fins sont faibles ;
-à très hautes altitudes où les pelouses ne peuvent se développer.
Dans les situations les plus humides et les plus froides (où l’altération des roches est la plus importante), l’accumulation de terre fine et de graviers entre les blocs permet le passage aux éboulis siliceux à éléments fins à Luzule rouge-brun [Luzuletum spadiceae ; Code UE : 8110, Code Corine : 61.113].
Par la suite, avec l’édification d’un sol, passage possible aux pelouses acidophiles des combes à neige du Salicion herbaceae (Code Corine : 36.111) ou aux pelouses à Renoncule de Küpfer (Ranunculus kuepferi) et à Vulpin de Gérard (Alopecurus alpinus) méso-hygrophiles du Nardion strictae [Code UE : 6230*, Code Corine : 36.313].
Dans les microclimats moins humides où la durée d’enneigement est plus faible, passage aux pelouses mésophiles du Caricion curvulae (Code Corine : 36.34), en particulier aux pelouses à Fétuque de Haller (Festuca halleri) [Festucetum halleri ; Code Corine : 36.342].

Habitats associés ou en contact

Falaises siliceuses de l’Androsacion vandellii [Code UE : 8220, Code Corine : 62.211].
Falaises siliceuses du Saxifragion pedemontanae [Code UE : 8220, Code Corine : 62.23] dans les Alpes-Maritimes.
Éboulis siliceux à éléments fins à Luzule rouge-brun [Luzuletum spadiceae ; Code UE : 8110, Code Corine : 61.113].
Pelouses et landines avec principalement :
- en situations froides et humides : pelouses acidophiles des combes à neige du Salicion herbaceae [Code Corine : 36.111], pelouses à Renoncule de Küpfer et à Vulpin de Gérard mésohygrophiles du Nardion strictae [Code UE : 6230*, Code Corine : 36.313] ;
- en situations plus thermophiles : pelouses mésophiles du Caricion curvulae [Code Corine : 36.34], pelouses xéro-mésophiles et mésophiles à Fétuque paniculée (Festuca paniculata) [Code Corine : 36.331], landines du Loiseleurio procumbentis-Vaccinion microphylli [Code UE : 4060, Code Corine : 31.41].

Répartition géographique

Cet habitat est présent dans l’ensemble des Alpes. Les différentes associations, exceptée celle à Oxyria à deux stigmates qui occupe l’ensemble de l’aire de l’habitat, présentent des répartitions plus restreintes :
- l’éboulis à Doronic de Clusius et Adénostyle à feuilles blanches n’est connu que du massif du Queyras (Hautes-Alpes) ;
- l’éboulis à Adénostyle à feuilles blanches et Achillée herbe trouée est présent dans le massif du Mercantour (Alpes-Maritimes).

Valeur écologique et biologique

Cet habitat abrite dans les Alpes sud-occidentales (de la Maurienne au nord jusqu’aux Alpes-Maritimes) une espèce endémique des Alpes occidentales : l’Achillée herbe trouée.
La flore de cet habitat possède deux espèces rares protégées au niveau régional :
- en région Provence-Alpes-Côte d’Azur : Cardamine de Plumier ;
- en région Rhône-Alpes : Cardamine de Plumier, Doronic de Clusius.

États de conservation

États à privilégier :
Les éboulis encore actifs (dont la dynamique n’a pas été modifiée par des aménagements humains) non colonisés par des espèces de pelouses et présentant une flore spécifique d’éboulis (lithophytes migrateurs…).
Les éboulis non pâturés par les troupeaux.

Tendances et menaces

Cet habitat est globalement peu menacé, sauf dans les secteurs concernés par les aménagements de domaines skiables (en particulier dans les Alpes du Nord : Vanoise…). Ces aménagements (créations de pistes de ski et terrassements induits) ainsi que la création de routes, de pistes pastorales, de sentiers de randonnées…, peuvent entraîner la disparition de certaines stations, soit de manière directe en détruisant le pierrier, soit de manière indirecte en empêchant l’apport de matériaux nouveaux. L’éboulis s’immobilise et est colonisé par d’autres habitats (cf. « Dynamique de la végétation »).
Les troupeaux s’écartant des parcours pastoraux peuvent entraîner la raréfaction de certaines espèces (principalement dans les éboulis à éléments moyens).
La création de nouveaux sentiers, en particulier lorsqu’ils sont parallèles à la pente, augmente le ravinement.

Axes de recherche

Mise en place d’un protocole de suivi de l’impact de la fréquentation touristique (piétinement...).
Étudier l’impact d’un pâturage intensif et ponctuel sur les éboulis en cours de colonisation par les pelouses, dans l’optique d’une mise en place d’un plan de pâturage visant à restaurer ou à entretenir les éboulis (maintien de la mobilité des éléments et de la spécificité floristique).

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Herard-Logereau K., Van Es J. & Balmain C. (coord.), 2004. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 5 - Habitats rocheux. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 381 p. + cédérom. (Source)