Pour comprendre la biodiversité actuelle et mieux gérer son avenir, il est nécessaire de connaître son évolution récente, en relation avec celle des sociétés humaines. Les données réunies par les naturalistes depuis le XIXe siècle permettent de juger des tendances évolutives de la biodiversité sur quelques décennies. Il est indispensable de disposer d’un recul plus important, à l’échelle de quelques siècles ou millénaire, pour mesurer l’impact de nos sociétés modernes par rapport à celui de sociétés pré-industrielles, voire pré-agricoles.
Pour les vingt derniers millénaires, les sites archéologiques, préhistoriques et historiques, et les textes historiques offrent cette opportunité. Le patrimoine archéologique de la France est à la fois riche et extrêmement varié. Il livre des informations sur l’histoire des sociétés, mais aussi sur celle de leurs environnements et des relations qu’elles ont entretenues avec ces derniers au fil du temps (chasse, pêche, agriculture, élevage, urbanisation, ou même pollutions). Les restes animaux (coquilles, ossements…) ou végétaux (graines, fruits, bois…) accumulés par l’homme dans ces sites, sont porteurs d’informations concernant non seulement l’évolution de la biodiversité, mais aussi celle de l’usage que l’homme en faisait à des fins économiques, sociales ou symboliques.
Pour la France métropolitaine, ces informations se sont considérablement accrues durant les 25 dernières années, grâce aux efforts engagés à l’interface des sciences de l’homme et des sciences de la vie, par plusieurs institutions de recherche, et grâce à l’extraordinaire développement de l’archéologie de sauvetage. Une nouvelle composante de l’archéologie vouée à la reconstitution des environnements anciens, également nommée archéologie des territoires, est née et constitue un des domaines les plus actifs de la recherche archéologique nationale.
Les méthodes qui contribuent à décrire ces paléoenvironnements anthropisés sont nombreuses et recouvrent tous les champs disciplinaires de l’histoire naturelle : géologie (géomorphologie, sédimentologie), paléobotanique (palynologie, anthracologie ou carpologie) et archéozoologie, qui analyse les rapports de l’homme et des animaux.
Au cours de cette histoire longue de plusieurs millénaires, deux éléments majeurs ont marqué les paysages et les faunes : les oscillations climatiques puis l’anthropisation des écosystèmes.
Jusqu’au début de l’Holocène, aux alentours de 9.500 av. J.-C., les cortèges de végétation et les faunes ont été majoritairement contraints par les alternances parfois brutales de périodes glaciaires et d’épisodes tempérés. Les lignes de rivage ont fluctué de plusieurs dizaines de kilomètres au fil des régressions marines glaciaires et des transgressions interglaciaires. Il y a 12 000 ans par exemple, l’Angleterre était encore rattachée à l’Europe. Le niveau d’englacement des sols du territoire métropolitain a également varié considérablement, notamment autour des massifs montagneux. Les associations végétales et animales ont évoluées en conséquence, trouvant refuge dans les régions les plus méridionales du pays aux moments les plus froids, puis recolonisant les zones septentrionales et les versants montagneux lors des phases tempérées. Ces modifications affectant toute l’Europe, elles ont entraîné des extinctions et des invasions d’espèces qui ont façonné des cortèges biogéographiques successifs.
C’est dans ce contexte naturel que l’homme est intervenu, d’abord comme chasseur expérimenté, à la fin des temps glaciaires et au début de l’Holocène, puis comme agriculteur et éleveur villageois à partir de 5500 av. J.-C. L’apparition de l’agriculture et de l’élevage a provoqué d’importantes modifications de la biodiversité, non seulement en raison des déboisements, mais surtout par l’introduction de nouvelles espèces, telles que le mouton et la chèvre, le blé et l’orge. L’impact de cette anthropisation s’est accru considérablement aux périodes gauloises et romaines, provoquant des extinctions, telle que celle de l’aurochs et du bison. Durant les périodes historiques, l’industrialisation, le développement du commerce sur de plus longues distances et surtout la découverte et l’exploration de nouveaux territoires et continents (comme l’Amérique) ont contribué à enrichir le patrimoine naturel de la France par l’importation de taxons alors considérés exotiques comme la tomate ou la dinde.