La ZNIEFF du Marais et de la Crique Yiyi (Type I) se situe au centre de la bande côtière de la Guyane, entre Sinnamary et Iracoubo. Elle est incluse dans la ZNIEFF de type II Bassin versant et plaine côtière de la crique Yiyi.
Cette zone humide s'inscrit entre les premiers contreforts du socle antécambrien et la mangrove de front d'océan. Elle s'étend ainsi sur la plaine côtière constituée de plusieurs dépôts quaternaires. Les différents cordons sableux agencés parallèlement à l'océan attestent de ces dépôts successifs au cours du Pléistocène et de l'Holocène. La limite sud de la ZNIEFF est constituée par des migmatites caraïbes et des micaschistes du socle antécambrien. La roche cependant n'affleure que rarement du fait de l'importance du manteau d'altération. Quelques pointements du socle sont cependant visibles et forment de petites savanes roches de quelques m² de superficie, les plus spectaculaires étant visibles dans la Savane Garré. Les marais Yiyi regroupent un ensemble de formations végétales variées souvent imbriquées les unes dans les autres : marais subcôtiers et marais d'eau douce, marécages boisés, savanes hautes et basses, forêt basse sur cordon littoral sableux, forêts marécageuses... La végétation des marais d'eau douce est constituée en majeure partie de macrophytes aquatiques telles Nymphea rudgeana, Cacomba aquatica et Salvinia auriculata. Il s'y forme également des tapis à Eleocharis interstincta. 96% des espèces végétales des groupements d'eau libre de Guyane se rencontrent dans le Marais Yiyi. A l'intérieur de ce marais, différents groupements s'enchevêtrent : des fourrés de Chrysobalanus icaco (pruniers), des formations à Moucou-moucou (Montrichardia arborescens), à Cyperacées et Poacées sur pégasse et des prairies flottantes à Rhynchospora holoschoenoides, Ludwigia torulosa et Fuirena umbellata. Il y aurait une succession végétale " centrifuge " depuis un point fixe, Montricardia arborescens étant progressivement remplacée par une formation de Cypéracées/Poacées qui elle-même serait suivie dans un stade final par un fourré à Chrysobalanus icaco.
Les marais sub-littoraux, situés sur des argiles encore salées, succèdent à la mangrove et précèdent l'installation des marais d'eau douce. Ils sont dominés par des Cypéracées dont Eleocharis mutata, espèce caractéristique des marais d'eau salée et également colonisés par Montrichardia arborescens et les troncs morts d'Avicennia germinans. Ce milieu qu'on désigne localement par le terme "lagune" ne se retrouve en grande étendue en Guyane uniquement à Mana et à Kaw. Il constitue des zones de nourrissage et de reposoirs importantes pour les oiseaux notamment les Limicoles qui retirent de cet écosystème très productif, l'énergie nécessaire à la mue et à l'accumulation prémigratoire de dépôts lipidiques, lesquels sont indispensables à leur longue migration.
Les Marais Yiyi comprennent également des milieux de savanes, situés au nord et au sud de la RN1. La Savane Garré est en étroite relation fonctionnelle et paysagère avec la savane Corossony (ZNIEFF de Type I) avec laquelle elle est en contact sur l'est. Elle correspond principalement à une savane basse sur sols sableux, se présentant sous l'aspect d'une grande étendue de petites herbes en touffes de 10 à 30 cm de haut laissant entre elles des plages de sol nu. Dans cette savane herbacée, la flore y est dominée par des Cypéracées et des Poacées, auxquelles se mêlent principalement des Burmanniacées, Astéracées, Gentianacées, Mélastomatacées, Polygalacées et Lentibulariacées. Ponctuellement, la physionomie est marquée par quelques touffes basses de l'arbuste nain aux grandes feuilles duveteuses caractéristiques, Byrsonima verbascifolia (" z'oreil d'âne "), espèce qui s'est particulièrement bien adaptée aux feux, et émerge du tapis herbacé notamment à proximité des lisières avec les fourrés sclérophylles. Dans les secteurs préservés des incendies, un faciès écologique et paysager non dégradé s'observe, correspondant à une savane haute herbeuse et arbustive, floristiquement plus riche que la savane basse et transitoire avec les groupements paraforestiers périphériques. La flore herbacée est dominée par les Poacées ainsi que des Cypéracées (Rhynchospora barbata caractéristique du milieu) et Rubiacées, alors que Curatella americana domine la flore des buissons et petits arbres, accompagné de Byrsonima crassifolia et de Mélastomatacées et Clusiacées. Dans les secteurs plus humides, la savane basse marécageuse est principalement composée de Poacées, de Cypéracées, accompagnées de Fabacées, Lentibulianacées et Lamiacées. La physionomie de cette formation est marquée essentiellement par les buissons de Rhynchanthera grandiflora, une Mélastomatacée remarquable par ses grandes floraisons violettes, et par les massifs denses d'Heliconia psittacorum, un petit balisier aux bractées rouge orangé.
Plusieurs espèces végétales rares en Guyane ont été recensées dans les savanes de la ZNIEFF, en particulier des espèces d'orchidées, Habenaria pratensis et Habenaria trifida inféodées aux milieux de savanes sur sols hydromorphes, et Habenaria longicauda en marais d'eau douce ; Sorghastrum setosum, une Poacée très rare qui a été récoltée en Guyane seulement dans la Savane Mal Ventre (à l'ouest de la ZNIEFF). La richesse en Utriculaires (Lentibulariacées) est par exemple importante avec la présence de 5 espèces déterminantes : Utricularia erectiflora, Utricularia benjaminiana, Utricularia myriocista, Utricularia simulans et Genlisea pygmaea.
Mais le secteur le plus exceptionnel est certainement la savane Rocheau, un petit diverticule de la savane Garré situé tout au sud de la ZNIEFF. Il s'agît d'une savane sur sables blancs en très bon état de conservation car très rarement incendiée. On y trouve un chenier qui forme une petite butte dans la partie ouest de la savane composée de sables grossiers et hébergeant un cortège floristique hors du commun dont la très rare fougère protégée Anemia pastinacaria (Anemiaceae) redécouverte en 2012. Cette fougère, qui rappelle par son port les Botrychium des latitudes boréales, n’était connue de Guyane que par une collecte historique de Jean Hoock en 1962 dans la savane de la Passoura. Notons que cette petite fougère est associée ici à un cortège d’espèces remarquables. Parmi elles, on retiendra Conyza primulifolia (Asteraceae), espèce nouvelle pour la Guyane, mais aussi Dorstenia brasiliensis, Eriosema crinita, Chamaeccrista nictitans var. patellaria ou Selaginella minima. On y recense également 7 autres espèces protégées dont trois orchidées, ce qui est remarquable pour une si petite surface : Galeandra styllomisantha, Habenaria leprieurii, Habenaria schwackei, Ophioglossum nudicaule (Ophioglossaceae), Actinostachys pennula (Schizaeaceae), Schizaea incurvata (Schizaeaceae), Cissus alata (Vitaceae).
Des formations de marécages boisés plus ou moins denses à Pterocarpus officinalis (moutouchi-rivière) aux larges contreforts ondulés constituent un paysage remarquable. Elles longent la Crique Yiyi et forment également des bosquets dans les marais. La forêt basse inondable se trouve également le long de la Crique Yiyi. On retrouve les espèces caractéristiques de ce milieu : le yamamadou-marécage (Virola surinamensis), le Palmier Pinot (Euterpe oleracea), le Manil-marécage (Symphonia globulifera). Des étendues limités de Palmiers bâche (Mauritia flexuosa) s'observent autour des mares temporaires dans les savanes ou le long des criques. Enfin, des îlots de forêt colonisent les cordons sableux de plaine côtière ancienne. Ils sont dominées par Parinari campestris et Protium heptaphyllum, des Licania, Inga, Iryanthera hostmanii et de nombreux palmiers. En sous-bois abondent divers Ischnosiphon, Pipéracées, Melastomatacées, et Phenakospermum guianense qui en marque la physionomie.
L'avifaune des marais tire parti de l'abondance de la nourriture aquatique et l'ouverture de vastes espaces qui facilite la chasse des rapaces. Ainsi, on retrouve les hôtes habituels des zones marécageuses, le Râle grêle (Laterallus exilis), le Râle de Cayenne (Aramides cajanea), la Poule d'eau (Gallinula chloropus), le Jacana noir (Jacana jacana), ainsi que des échassiers comme l'Aigrette neigeuse (Egretta thula) et le Héron vert (Butorides striatus). Parmi les oiseaux remarquables, l'Erismature routoutou (Nomonyx dominicus) ainsi que le Canard musqué (Cairina moschata) y comptent de petites populations. Parmi les rapaces, les Marais Yiyi sont réputés pour abriter la plus importante population nicheuse en Guyane de Milan des marais (Rostrhamus sociabilis). Le Balbuzard pêcheur (Pandion haliaetus), migrateur nord-américain et la Buse pêcheuse (Busarellus nigricollis) sont réguliers en vol au-dessus des grands plans d'eau. D'autres espèces méritent aussi d'être citées car elles démontrent l'intérêt du marais : Grèbe à bec cerclé (Podilymbus podiceps), Grébifoulque d'Amérique (Heliornis fulica), Héron Agami (Agamia agami) et Courlan brun (Aramus guarauna).
La Savane Garré présente un cortège quasi-complet de l'avifaune caractéristique de cet habitat avec notamment plusieurs espèces emblématiques du fait de leur lien étroit avec ces biotopes : le Bruant des savanes (Ammodramus humeralis), le Sporophile plombé (Sporophila plumbea), le Tangara à camail (Schistoclamys melanolepis), la Sturnelle des prés (Sturnella magna), le Pipit jaunâtre (Anthus lutescens), le Colibri tout-vert (Polytmus theresiae), le Colibri rubis-topaze (Chrysolampis mosquitus), l'Engoulevent minime (Chordeiles acutipennis). Cette savane fait aussi l'objet de données anciennes d'Elénie tête-de-feu (Elaenia ruficeps). Dans les zones les plus humides, il faut souligner la présence des Bécassines géantes (Gallinago undulata) et de Magellan (Gallinago paraguaie). La Buse roussâtre (Buteogallus meridionalis) et la Buse à queue blanche (Buteo albicaudatus) se maintiennent ici en trouvant leur biotope de prédilection non perturbé, les grandes zones ouvertes herbeuses. Ces espèces patrimoniales sont peu communes et leur répartition restreinte en Guyane.
Cette ZNIEFF présente une faune ichtyologique diversifiée en raison de la grande variété des milieux humides qui s'y trouvent. Les marais caractérisés par un ensoleillement important et une couverture végétale immergée de Cabomba aquatica dense abritent de grandes populations d'espèces remarquables telles Hyphessobrycon borealis, Pristella maxillaris, Nannostomus beckfordi et Hyphessobrycon simulatus. Le pripri joue un rôle important pour la reproduction des poissons de mer et ainsi sert de nurserie pour différentes espèces dont le Tarpon (Megalops atlanticus).
Parmi les mammifères, notons que les forêts-galeries bordant la crique Yiyi sont riches en primates dont le Saki à face pâle (Pithecia pithecia). Une famille de Loutre géante (Pteronura brasiliensis) a également été signalée.
La ZNIEFF du Marais et de la Crique Yiyi est dans sa zone nord une propriété du Conservatoire de l'Espace Littoral et des Rivages Lacustres dont la gestion a été déléguée à la commune de Sinnamary. Un aménagement comprenant une maison de la Nature, des sentiers d'interprétation et plusieurs observatoires y a été mis en place permettant ainsi de développer l'accueil du grand public et des scolaires.
La ZNIEFF est limitée de la manière suivante :
N: Au nord, la limite correspond à la limite sud de la grande mangrove (d'après occupation des sols 2008, ONF) qui entoure le Grand Pripris de Yiyi, depuis la rive droite de la rivière Counamama jusqu'au point B sur la rive gauche de la crique Canceler. La limite nord de cette ZNIEFF est commune à la limite sud de la ZNIEFF "Mangroves et vasières de l'Iracoubo au Sinnamary".
E: A l'est, le zonage borde la rive gauche de la crique Canceler, depuis le point B jusqu'à l'aire de détente sur la crique Canceler (point C). La limite continue le long du chemin reliant cette aire de détente au village de Corossony puis à la RN1. Elle longe la RN1 depuis l'intersection avec la piste Corossony en direction de l'ouest sur 650m (point D) pour contourner la zone anthropisée du lieu-dit Corossony (point E). La limite gagne la crique traversant le Pripris Tremblant au point F pour la suivre jusqu'au point G à l'intersection avec la piste reliant la route de Saint-Élie et la crique Yiyi.
S: La ZNIEFF est bordée au sud par la piste reliant la route de Saint-Élie et la rive droite de la crique Yiyi (point H).
W: Depuis le point H, la limite descend la rive droite de la crique Yiyi jusqu'au lieu-dit des Grands Ilets pour inclure les zones de pripris et de marais de la crique Trou Poisson. La limite rejoint la RN1 à son intersection avec cette crique puis longe la RN1 jusqu'au pont sur la Counamama. La limite longe alors la rive droite de la Counamama jusqu'au point A.
Coordonnées des points mentionnés (WGS84, UTM 22 nord):
A (263409m - 603050m) - B (274146m - 601032m) - C (274170m - 600573m) - D (274211m - 598862m) - E (274073m - 598669m) - F (274929m - 597759m) - G (275339m - 594240m) - H (271761m - 594945m) - I (271370m - 597373m)