ZNIEFF 030030023
Montagnes Balenfois

(n° régional : 00290001)

Commentaires généraux

La ZNIEFF des "Montagnes Balenfois" se situe dans la partie nord-est de la Guyane à environ une centaine de kilomètres au sud de Cayenne. Elle met valeur les habitats directement liés à la présence d'un inselberg ainsi que des forêts de transition et les forêts primaires présentes aux alentours, entre des altitudes variant de 150 à 465 mètres. Elle est incluse dans la grande ZNIEFF de type 2 des "Nouragues".

La végétation des inselbergs a été particulièrement bien étudiée sur l'inselberg des Nouragues.

Cette végétation basse et broussailleuse est adaptée à des conditions écologiques rigoureuses : quasi absence de sol, forte sécheresse, ruissellement important en saison des pluies, température très élevée de la roche pendant l'ensoleillement. L'ensemble est discontinu et forme une véritable mosaïque végétale depuis la strate algale recouvrant la roche jusqu’aux groupements herbacés et arbustifs.

Les algues constituent la véritable couverture pionnière du rocher (strate épilithique), lui conférant cette couleur sombre caractéristique. Elles appartiennent presque toutes à la classe des Cyanophycées (ou algues bleues).

Les mares gravillonnaires, temporaires, caractérisées par une végétation subaquatique et très discontinue, sont composées de nombreuses espèces de Lentibulariaceae (Utricularia spp.), Xyridaceae, Cyperaceae, Eriocaulaceae, Rubiaceae et Poaceae.

Les prairies à Graminées et Cyperaceae, temporairement humides également, sont dominées par Axonopus ramosus et Rhynchospora subdicephala (espèces déterminantes).

Les "coussins" de Pitcairnia geyskesii (Bromeliaceae) forment des plages monospécifiques importantes ou plus diversifiées floristiquement, selon les conditions écologiques.

Enfin, les groupements arbustifs, formés de fourrés plus ou moins denses, sont composés principalement de Clusiaceae (Clusia minor et C. nemorosa), et de Myrtaceae (Myrcia saxatilis, M. guyanensis, M. fallax, etc .).La forêt basse d'inselberg est un autre écosystème très caractéristique de ce type de relief. Elle s'étend entre la savane-roche et la haute forêt dense, selon une bande plus ou moins large, en fonction des conditions du milieu et de la dynamique forestière. On la retrouve également sur l'inselberg au niveau des petits îlots forestiers qui occupent le sommet et quelques versants, ainsi que sous forme d'enclaves dans le massif forestier périphérique. Enfin, la végétation des éboulis rocheux d'inselberg s'apparente généralement en physionomie et en composition floristique à la forêt basse.

Elle est caractérisée par un grand nombre d'espèces arbustives ou de petits arbres, à port buissonnant et à troncs multiples, et d'arbres à troncs penchés, la plupart étant orientés dans la même direction ; cela confère au milieu un aspect unique. D'autres arbres ont un tronc bien droit, parfois de gros diamètre, et certains émergent de la voûte (située entre 8 et 15 m de hauteur). Le sous-bois est relativement clair, la canopée étant basse et le feuillage des arbres peu touffu. On trouve au sol un tapis extrêmement dense de plantules et de petites tiges ligneuses. En outre, on trouve dans ce milieu quantités d'épiphytes (en raison des nombreux supports inclinés, de l'humidité ambiante élevée, de l'éclairement relativement important, etc...). Les manchons pendants de mousses autour des branches caractérisent les sites les plus humides, exposés aux vents et aux brouillards (face nord).

Les deux espèces de Clusia déjà citées (C minor et C nemorosa; Clusiaceae), ainsi que Myrcia sawtilis (Myrtaceae) composent l'essentiel de la lisière de la savane-roche. En retrait, côté forêt, on trouve surtout Eriotheca surinamensis (Bombacaceae), mais également Micrandra elata (Euphorbiaceae) et Terminalia amazonia (Combretaceae) ; certaines espèces sont plus localisées comme Ternstroemia dentata (Pentaphylacaceae) et le palmier Syagrus stratincola (espèce déterminante, Arecaceae). En forêt basse proprement dite, de nombreuses espèces arborescentes et souvent originales par rapport à la haute forêt dense avoisinante sont présentes.

La végétation liée au substrat rocheux (affleurements, blocs) et aux écoulements est particulièrement développée en forêt basse ; certaines espèces la composent habituellement, telles Pitcairnia sastrei, (Bromeliaceae), Phragmipedium lindleyanum (Orchidaceae), Stelestylis surinamensis (Cyclanthaceae), Anthurium jenmanii (Araceae), Lembocarpus amoenus (Gesneriaceae), Selaginella radiata et S. producta (Selaginellaceae).

Parmi les formations végétales non liées aux substrat rocheux, plusieurs types de forêts ont été décrits :

La forêt haute et dense de basse altitude sur sol argileux, avec ses faciès de pente et de crête occupe la majeure partie de la ZNIEFF. La voûte, aux cimes jointives, est située en moyenne entre 30 et 40 m au-dessus du sol. Dans cette forêt, les Sapotacées et les Lecythidacées dominent, suivies de près par les Chrysobalanacées et les Fabacées. Avec une importance bien moindre viennent ensuite les Burseracées, devant les Clusiacées, Lauracées et Annonacées (cette dernière famille caractérisant surtout le sous-bois de la forêt) ; au niveau stationnel même, le peuplement forestier montre des variations, les espèces régissant probablement à des variations fines du micro-climat et de la pédologie. La forêt est mieux structurée et la voûte plus élevée à l'est de la crique Nouragues, sur des terrains métamorphiques et sur des sols de type ferralitique. A l'ouest de cette crique, sur socle granitique (proximité de l'inselberg), le secteur forestier étudié se distingue assez fortement en composition floristique et en structure, certaines espèces d'arbres y étant très localisées et regroupées, et la hauteur des plus grands arbres y étant inférieure.

On rencontre également deux autres formations végétales rares et localisées dont l'origine et la dynamique sont encore énigmatiques. Il s'agit de la forêt de lianes et des cambrouzes.

La forêt de lianes est plus basse que le massif forestier environnant. Comme son nom l'indique, cette formation est surtout marquée par la présence de plantes lianescentes, très envahissantes, recouvrant les autres plantes et les trouées sur de très vastes espaces.

Les cambrouzes désignent des formations denses, monospécifiques de graminées bambusiformes. Les espèces qui les constituent sont Laciasis ligulata ou Guadua macrostachya (Poacées). L'origine de ces cambrouzes reste mal connue (sols pauvres, affleurements rocheux ?). L'hypothèse d'anciennes zones de cultures, devenues stériles à toute recolonisation forestière, peut également être envisagée, sachant que ces formations sont souvent situées à proximité d'inselbergs, secteurs jadis souvent fréquentés par les populations amérindiennes ; La région des Nouragues était justement habitée il y a encore trois siècles par l'ethnie amérindienne du même nom.

Beaucoup d'espèces végétales présentes aux Nouragues sont d'un grand intérêt phytogéographique parce qu'elles sont rares ailleurs en Guyane ou parce qu'elles occupent, aux Nouragues et dans le reste de la Guyane, des habitats très limités ou très particuliers.

En outre, au cours des derniers millénaires, les fluctuations climatiques ont modifié la répartition des forêts et des savanes et les inselbergs représentent des îlots ayant conservé certaines espèces savanicoles relictuelles d'un grand intérêt (Pitcairnia geyskesii et Ananas ananassoides, Broméliaceae déterminantes).

Comme la flore, la faune des Montagnes Balenfois est d'une grande richesse. On retrouve des espèces d'oiseaux liés aux biotopes de l'inselberg : le Faucon orangé (Falco deiroleucus), le Coq-de-roche orange (Rupicola rupicola), le Moucherolle hirondelle (Hirundinea ferruginea).

Les chaos rocheux représentent également des sites favorables aux chauves-souris. Plus de 70 espèces de Chiroptères ont été recensées parmi lesquelles se retrouvent la majorité du cortège d'espèces strictement cavernicoles, rares et déterminantes en Guyane : Lonchorhina inusitata, Lionycteris spurrelli, Phyllostomus latifolius, Anoura geoffroyi.

Par ailleurs, la situation géographique de la ZNIEFF des Montagnes Balenfois, isolée des voies de communication permet à la faune de la forêt haute de terre ferme d'atteindre sa densité optimale. Des espèces comme les Aras (Ara ararauna, A. macao, A. chloroptera), Amazones (Amazonica farinosa, A. dufresniana), Hocco (Crax alector), Agami trompette (Psophia crepitans), Tapir (Tapirus terrestris), Primates (Ateles paniscus, Cebus olivaceus, Pithecia pithecia…), Cabassou géant (Priondotes maximus), grands félins (Panthera onca, Leopardus tigrinus, Puma concolor…) y sont particulièrement représentées.

Ce secteur remarquable des affleurements rocheux et forêts des Montagnes Balenfois bénéficie de la protection en Réserve Naturelle depuis 1995.

L'existence d'une station scientifique du CNRS installée depuis 1986, située au cœur de la ZNIEFF en fait une des zones forestières les plus étudiées de Guyane. Les thèmes de recherches portent principalement sur les mécanismes du fonctionnement forestier par l'étude des relations plantes-animaux, des types forestiers et des peuplements de vertébrés.

Commentaires sur la délimitation

Le zonage ZNIEFF englobe le sommet des Montagnes Balenfois en suivant la courbe de niveau de 150m (d'après le scan 50 IGN, 2012). Elle est limitée à l'est par le talweg entre les points A et B.

Elle inclut le plateau Balenfois situé au sud des montagnes (délimité également par la courbe de niveau de 150m) et la vallée entre les deux entités.

Coordonnées des points mentionnés (WGS84, UTM 22 nord):

A (314406m; 453999m) - B (314612m; 453824m)