La ZNIEFF "Inselberg et mont tabulaire de la Trinité" (type I) est incluse dans la grande ZNIEFF de type II "Montagnes de la Trinité", entre les bassins de la Mana et du haut Sinnamary. Cette ZNIEFF met en valeur l'inselberg remarquable de la trinité, ainsi que les savanes-roches, les forêts sommitales et les forêts drainées attenantes, au-dessus de 200 mètres d'altitude.
Cette région accidentée domine un paysage de collines granitiques dit en "peau d'orange", caractéristique de la moitié orientale du plateau des Guyanes. Cette dorsale très accidentée culmine à 630 m (Sommet Tabulaire) et se compose de plusieurs reliefs cuirassés couverts de forêt dense et d'inselbergs en forme de dômes granitiques plus ou moins dénudés.
La confluence des criques Grand Leblond et Petit Leblond, au nord-est de la ZNIEFF, marque le point de plus basse altitude.
Du point de vue géologique, les montagnes de la Trinité se composent de migmatites du complexe protérozoïque inférieur de la série de l'île de Cayenne, reprises successivement par plusieurs phases d’intrusions granitiques, vers la fin de l’orogène transamazonien.
L'élément le plus remarquable de la ZNIEFF, un inselberg, prend la forme d'une barque renversée de 2 km de long et culmine à 460 m.
Les forêts sur sols drainées sont des forêts hautes dont la voûte, aux cimes jointives, est située en moyenne entre 30 et 40 m au-dessus du sol. Parmi elles, à la Trinité, on distingue les forêts hautes sur roches éruptives basiques où le sol argileux à argilo-sableux est profond et où il n'est pas rare d'observer des arbres de 40 à 50 m de haut aux fûts élancés et puissants. Dans cette forêt, les Sapotaceae et les Lecythidaceae dominent, suivies de près par les Chrysobalanaceae et les Fabaceae. Avec une importance bien moindre viennent ensuite les Burseraceae, devant les Clusiaceae, Lauraceae, Fabaceae et Annonaceae (cette dernière famille caractérisant surtout le sous-bois de la forêt) ; au niveau stationnel même, le peuplement forestier montre des variations, les espèces régissant probablement à des variations fines du micro-climat et de la pédologie.
Les forêts hautes sur roches cristallines (granite, microgranite, diorite, etc.) sont le deuxième type de forêts sur sols drainés observé dans cette ZNIEFF. Ce sont des forêts moins hautes et moins majestueuses que les précédentes.
Enfin, La forêt basse d'inselberg est un autre type de forêt sur sols drainés. Elle est caractéristique de ce type de relief. Elle s'étend entre la savane-roche et la haute forêt dense, selon une bande plus ou moins large, en fonction des conditions du milieu et de la dynamique forestière. Elle est caractérisée par un grand nombre d'espèces arbustives ou de petits arbres, à port buissonnant et à troncs multiples, et d'arbres à troncs penchés, la plupart étant orientés dans la même direction ; cela confère au milieu un aspect unique. D'autres arbres ont un tronc bien droit, parfois de gros diamètre, et certains émergent de la voûte (située entre 8 et 15 m de hauteur). Le sous-bois est relativement clair, la canopée étant basse et le feuillage des arbres peu touffu. On trouve au sol un tapis extrêmement dense de plantules et de petites tiges ligneuses. En outre, on trouve dans ce milieu quantités d'épiphytes (en raison des nombreux supports inclinés, de l'humidité ambiante élevée, de l'éclairement relativement important, etc.). Les manchons pendants de mousses autour des branches caractérisent les sites les plus humides, exposés aux vents et aux brouillards (face Nord). Ce sont principalement des forêts à Myrtaceae où dominent les genres Calypranthes, Eugenia et Myrcia mais on y rencontre également des Fabaceae et des espèces des fourrés comme des Clusia.
Les montagnes de la Trinité sont également composées d'une forêt de moyenne altitude à caractère submontagnard, située à plus de 500 m d'altitude. Elle occupe en Guyane une surface négligeable et est limitée aux massifs sur roches basiques. Elle est bien individualisée du reste du massif recouvrant les versants. L'exposition, la largeur et l'orientation des crêtes, la pente, jouent un rôle tout autant important, ici, que l'altitude dans la diversification des biotopes. Elle est principalement représentée par une forêt basse typique sur cuirasse, correspondant à la "forêt à nuages", noyée dans le brouillard une grande partie de la journée. Sur les pentes les plus abruptes et les versants exposés aux vents, la voûte est généralement disjointe. La cuirasse latéritique, qui affleure ça et là, limite l'enracinement des arbres. La stabilité de ces derniers est également compromise par l'instabilité des sols minces détrempés en permanence et par les vents violents localement à cette altitude, qui soufflent tout particulièrement en saison des pluies. Sur le plateau sommital, la forêt est peu élevée et de structure très irrégulière, au sous-bois dense et broussailleux, riche en lianes. La nébulosité importante sur le plateau sommital élevé, avec la persistance des brouillards, les rosées nocturnes et les précipitations abondantes, favorise la prolifération des épiphytes, des lichens et des mousses. Ces dernières forment d'épais manchons sur les lianes et les troncs et de longues draperies qui pendent des branches, donnant à cette forêt son aspect si caractéristique.
Enfin, les « savanes-roches », milieu caractéristique des affleurements rocheux, sont localisées sur l'inselberg de la Trinité. Le terme local de « savane-roche » désigne la végétation basse et broussailleuse adaptée à des conditions écologiques contraignantes : quasi absence de sol, forte sécheresse, ruissellement important en saison des pluies, température très élevée de la roche pendant l'ensoleillement.
L'ensemble est discontinu et forme une véritable mosaïque végétale de la strate algale recouvrant la roche aux groupements herbacés et arbustifs.
Les algues constituent la couverture pionnière du rocher (strate épilithique), lui conférant une couleur sombre caractéristique. Elles appartiennent presque toutes à la classe des Cyanophycées (ou algues bleues).Les mares gravillonnaires, temporaires, caractérisées par une végétation subaquatique et très discontinue, sont composées de nombreuses espèces de Lentibulariaceae (Utricularia spp.), Xyridaceae, Cyperaceae, Rubiaceae et Poaceae.
Les prairies à Graminées et Cyperaceae, temporairement humides également, sont dominées par Rhynchospora subdicephala.
Les "coussins" de Pitcairnia geyskesii (Bromeliaceae), espèce déterminante, forment des plages mono spécifiques importantes ou plus diversifiées floristiquement, selon les conditions écologiques.
Enfin, les groupements arbustifs, formés de fourrés plus ou moins denses, sont composés principalement de Clusiaceae (Clusia minor et C. nemorosa) et de Myrtaceae (Myrcia saxatilis, M. guyanensis, M. fallax).
Beaucoup d'espèces végétales présentes dans les montagnes de la Trinité sont d'un grand intérêt phytogéographique parce qu'elles sont rares ailleurs en Guyane ou parce qu'elles occupent des habitats très limités ou très particuliers dans cette ZNIEFF et dans le reste de la Guyane.
En outre, au cours des derniers millénaires, les fluctuations climatiques ont modifié la répartition des forêts et des savanes et les inselbergs représentent des îlots ayant conservé certaines espèces savanicoles relictuelles d'un grand intérêt théorique.
Les falaises et les chaos rocheux des bas de pentes constituent également des biotopes particuliers favorables à l'installation d'espèces végétales rares, strictement inféodées à ces milieux telle le Sabot de Vénus (Phragmipedium lindleyanum), espèce protégée en Guyane et reconnue menacée au niveau international, ainsi que Blechnum polypodioides (Blechnaceae) et Hypolepis hostilis (Dennstaedtiaceae).
Certaines espèces sont endémiques de quelques inselbergs de Guyane par exemple Cecropia granvilleana (Cecropiaceae) et Elaphandra moriana (Asteraceae).
D'autres espèces déterminantes et particulièrement intéressantes liées à l'inselberg peuvent être citées : Ernestia confertiflora (Melastomataceae), Clidemia attenuata (Melastomataceae), Calathea squarrosa (Marantaceae), Croton hostmannii (Euphorbiaceae), Croton subincanum (Euphorbiaceae), Croton tricolor (Euphorbiaceae), Parodiolyra luetzelburgii (Poaceae), Daphnopsis granitica (Thymeleaceae).
Citons enfin des espèces remarquables inventoriées dans la forêts sur cuirasse latéritique de moyenne altitude, sur le mont tabulaire : Anthurium lanjouwii (Araceae), Asplenium cirrhatum (Aspleniaceae), Dicranopygium pygmaeum (Cyclanthaceae), Elaphoglossum smithii (Dryopteridaceae) récemment découvert et dont c’est ici, à la Trinité, la seule station connue à ce jour en Amérique du Sud, Erythroxylum leptoneurum (Erythroxylaceae), Lindsaea lancea var. submontana (Lindsaeaceae), Aciotis rubricaulis (Melastomataceae), Moranopteris taenifolia (Polypodiaceae), Terpsichore staheliana (Polypodiaceae), Schlegelia parviflora (Schlegeliaceae), Witheringia solanacea (Solanaceae).
Guatteria montis-trinitatis (Annonaceae) découvert dans cet habitat n'est mondialement connu que de cette localité.
Comme la flore, la faune des montagnes de la Trinité est d'une grande richesse.
On retrouve des oiseaux liés aux biotopes d'inselberg : le Faucon orangé (Falco deiroleucus), le Coq-de-Roche orange (Rupicola rupicola), le Moucherolle hirondelle (Hirundinea ferruginea), le Sporophile curio (Oryzoborus angolensis) et le Tangara à galons rouges (Tachyphonus phoenicius).
Se distinguent aussi des espèces directement liées aux forêts d'altitude : Moucherolle à bavette blanche (Contopus albogularis), Tangara orangé (Piranga flava), Araponga blanc (Procnias alba), Pic or-olive (Piculus rubiginosus).
Les oiseaux intimement liés aux habitats ripicoles sont également bien diversifiés le long des rivières. Citons le Caurale-soleil (Eurypyga helias), l'Ermite d'Antonie, le Moucherolle d'Euler (Lathrotriccus euleri), le Synallaxe de McConnell et le Grisin noirâtre (Cercomacra nigrescens).
Enfin, ce massif forestier intact héberge un cortège diversifié de passereaux rares de forêt primaire : Grimpar à gorge tachetée (Deconychura stictolaema), Grimpar à gorge blanche (Dendrocincla merula), Grimpar à longue queue (Deconychura longicauda), Batara à gorge noire (Frederickena viridis), Batara de Cayenne (Sakesphorus melanothorax), Conopophage à oreilles blanches (Conopophaga aurita), Anabate rubigineux (Automolus rubiginosus), Anabate à couronne rousse (Automolus rufipileatus), Sclérure à gorge rousse (Sclerurus mexicanus).
Par ailleurs, l'isolement géographique de cette ZNIEFF permet à la grande faune de la forêt haute de terre ferme d'atteindre sa densité optimale. Des espèces comme le Tapir (Tapirus terrestris), les primates (Ateles paniscus, Cebus olivaceus,…) et les grands félins (Panthera onca, Leopardus pardalis, Puma concolor, Felis wiedii) y sont particulièrement représentées.
Les inventaires chiroptérologiques réalisés sur le secteur mettent en avant la présence d'espèces rares directement liées aux cavités rocheuses : Pteronotus parnellii, Phyllostomus latifolius, Lonchorhina inusitata, Lionycteris spurellii, Anoura geoffroyi.Au niveau herpétologique ce secteur s'illustre par la présence de nombreuses espèces déterminantes : Leptodactylus myersi, Leptodactylus heyeri, Hypsiboas dentei, Scinax proboscideus, Pipa aspera, Osteocephalus cabrerai, Eleutherodactylus gutturalis, Atelopus franciscus, Hamptophryne boliviana.
La ZNIEFF de l' "Inselberg et mont tabulaire de la Trinité" bénéficie du statut de Réserve Naturelle depuis 1996.
Elle occupe une place originale en Guyane car c'est le massif montagneux le plus élevé au nord du département. L'association des habitats, leur diversité et leur richesse floristique placent ces Montagnes parmi les sites les plus intéressants de Guyane.
Par ailleurs, l'isolement géographique de cette zone en fait un lieu d'étude privilégiée. Le gestionnaire de la Réserve, l'Office National des Forêts, a mis en place, dans le cadre d'un plan de gestion quinquennal, un programme d'étude pluridisciplinaire afin d'améliorer les connaissances du patrimoine naturel de la réserve, mais également d'étudier la structure de la végétation en corrélation avec celle des communautés faunistiques.
La ZNIEFF est délimitée de la manière suivante :
N : Au Nord, la ZNIEFF est délimitée par une ligne droite reliant les points A et B, puis par deux affluents de la crique Grand Leblond entre les points B et C. La ZNIEFF traverse ensuite le talweg situé entre les points C et D, suit sur 100m environ un affluent de la crique Grand Leblond entre les points D et E, prend le talweg qui mène au point F et enfin, suit de nouveau, un affluent de la crique Grand Leblond entre les points F et G. La limite traverse ensuite le talweg jusqu’à la prochaine crique, qu’elle suit jusqu’au point H.
E : A l’Est, la limite suit la crique (sans nom) située entre les points H et I, puis prend le talweg jusqu’au point J et enfin continue le long de la crique située entre les points J et K. Au point K, la ZNIEFF suit le talweg jusqu’au point L et se poursuit le long de la crique située entre ce point et le point M, zone de confluence entre deux criques. La limite continue donc le long de l’autre crique du point M au point N, puis suit le talweg jusqu’au point O, continue le long de la crique jusqu’au point de confluence (point P), puis se poursuit sur l’autre crique jusqu’au point Q. La limite est ensuite marquée par le talweg qui mène au point R, puis suit la crique jusqu’à sa source, emprunte de nouveau un talweg jusqu’au point S, source d’une autre crique et suit cette crique jusqu’au point T, emprunte de nouveau un talweg jusqu’au point U et continue le long de la crique jusqu’au point V, situé à la limite de la RN de la Trinité telle que définit dans le décret de création de la réserve (décret n°96-491 du 6 juin 1996).
S : La limite sud de la ZNIEFF est marquée par la limite de la RN de la Trinité telle que définit dans le décret de création de la réserve (décret n°96-491 du 6 juin 1996) qui suit elle-même le cours d’un affluent de la rivière Courcibo. La limite se prolonge donc le long de cet affluent jusqu’au point W, puis continue jusqu’à sa source (point Z) en passant par les points X et Y.
W : A partir du point Z et jusqu’au point A, la limite suit la courbe de niveau des 200m en excluant la partie située autour de la crique Forte (la limite passe au niveau du point côté 160 et rejoint la courbe de niveau des 200m de l’autre côté de la crique Forte).
Coordonnées des points mentionnés (WGS84 UTM 22 nord):
A (243914m; 507548m) - B (244063m; 507436m) - C (245002m; 507241m) - D (245751m; 507105m) - E (245763m; 506996m) - F (246610m; 506926m) - G (248345m; 508197m) - H (251079m; 509755m) - I (250874m; 509000m) - J (251445m; 508738m) - K (250721m; 506412m) - L (250711m; 506058m) - M (250643m; 504679m) - N (248260m; 503851m) - O (248149m; 503234m) - P (249231m; 501964m) - Q (248786m; 501458m) - R (248753m; 500739m) - S (249218m; 496139m) - T (249816m; 495034m) - U (250344m; 495158m) - V (253722m; 493859m) - W (250993m; 492311m) - X (247669m; 494349m) - Y (244436m; 496080m) - Z (242874m; 496053m)