ZNIEFF 030120015
Marais et montagne de Kaw

(n° régional : 00200000)

Commentaires généraux

Située au nord-est de la Guyane, la grande ZNIEFF des marais et de la Montagne de Kaw (Type II) est limitée au nord par la côte et par l'estuaire du Mahury, à l'est l'Approuague et au sud par la montagne de Kaw et le mont Inéri. Cette ZNIEFF inclut, dans sa partie est, les îlets de l'Approuague, et intègre sept ZNIEFF de type I qui se focalisent sur les biotopes remarquables.

Les habitats présents dans cette ZNIEFF sont extrêmement variés, depuis la mangrove jusqu'aux forêts sommitales sur cuirasse, en passant par des marais et des savanes.

La plaine de Kaw est constituée de dépôts marins quaternaires où dominent les argiles, recouverts d'une couche de matière organique ou " pégasse " (tourbe acide) d'épaisseur variable. Elle est drainée principalement par deux rivières : la rivière de Kaw et la rrique Angélique. L'influence de la marée s'y observe sur la quasi-totalité de leur cours. La plaine est également ponctuée de mares d'eau libre qui subissent, elles aussi, d'importantes fluctuations de niveau d'eau selon les saisons, en fonction de la pluviométrie. Celle-ci, d'une moyenne annuelle comprise entre 3 500 et 4 000 mm avec des maxima en décembre-janvier et surtout en mai et un minimum d'août à novembre, est parmi les plus élevées de Guyane.

Plusieurs formations et groupements végétaux peuvent être distingués. Ils sont directement liés aux types de sols et aux conditions de drainage. L'uniformité du climat, dans toute la plaine dépourvue de reliefs, ne joue, en effet, aucun rôle sur la distribution de ces groupements.

La majeure partie de la plaine de Kaw est occupée par des marais à végétation herbacée .

Au niveau et en amont du village de Kaw, ces formations bordent la rivière de Kaw et composent un ensemble relativement uniforme de prairies herbacées à dominante graminéenne sur une largeur inférieure à deux kilomètres. Ces " savanes à graminées " sont constituées principalement de Poaceae sur couche de pégasse mince, avec, par endroits, des groupements isolés de moucou-moucou (Montrichardia arborescens et Montrichardia linifera – Araceae -) et des buissons arbustifs épineux denses formés par Machaerium lunatum (Fabaceae).

Au centre de la plaine de Kaw, on distingue deux autres faciès. Le premier (" savanes à pruniers "), sur une couche de pégasse d'épaisseur moyenne, se localise surtout dans la partie nord du marais et est constitué principalement par un tapis arbustif de Chrysobalanus icaco (prunier – Chrysobalanaceae -). Le deuxième faciès (" savane tremblante " ou " savanes à Cyperaceae ") se trouve au centre du marais sur une couche de pégasse épaisse. Sur cette zone, nommée " savane Angélique ", un effondrement des sols entraînant la disparition d'une partie du chenier semble avoir formé une cuvette vers laquelle convergent toutes les rivières. Cette formation constamment inondée est riche en Cyperaceae et en Onagraceae. L'uniformité de cette savane est interrompue par des alignements de palmiers-bâches (Mauritia flexuosa). De petites mares d'eau libre à nénuphars sont disséminées ça et là dans le marais et forment des réserves d'eau permanentes.

A l'ouest et à l'est de la plaine de Kaw, les anciens polders ont été colonisés par les pruniers au centre et par les palmiers pinots sur les bordures.

Les forêts marécageuses sont composées principalement par les palmiers pinots (Euterpe oleracea) pour la strate basse, de manil-marécage, Symphonia globulifera (Clusiaceae), de yayamadou-rivière, Virola surinamensis (Mysristicaceae) et de Calophyllum brasiliense (Clusiaceae) pour la strate haute. Elles occupent de grandes surfaces à la périphérie du marais central au pied des montagnes de Kaw et Gabrielle. Cette forêt ripicole pousse sur des argiles grises recouvertes de pégasse. Elle borde toute la rivière de Kaw jusqu'à l'apparition de la mangrove.

Enfin, la mangrove peuple toute la côte du marais (mangrove côtière) ainsi que l'estuaire de la rivière de Kaw (mangrove ripicole).

La mangrove côtière est exclusivement constituée de palétuviers blancs (Avicennia germinans – Avicenniaceae -) à différents stades d'évolution.

L'estuaire et l'arrière mangrove sont peuplés principalement par le palétuvier rouge (Rhizophora mangle – Rhizophoraceae -) associé aux palmiers pinots et au moucou-moucou (Montrichardia arborescens).

Comme toute la bande côtière de la Guyane, la côte de la ZNIEFF de la plaine de Kaw est soumise à des fluctuations causées la migration des bancs de vase depuis l'Amazone en longeant la côte en direction du nord-ouest.

Si la flore ne semble pas présenter une grande originalité, les savanes à Cyperaceae abritent des espèces remarquables dont certaines sont uniquement connues des marais de Kaw comme Ipomoea subrevoluta (Convolvulaceae), Eleocharis plicarhachis et Rynchosphora cajennensis (Cyperaceae).

Les écosystèmes de la plaine de Kaw sont uniques en Guyane à la fois par leur étendue et leur richesse.

En effet, cette plaine marécageuse, en continuité avec le bassin amazonien, constitue la limite de répartition la plus septentrionale pour un certain nombre d'espèces, tout particulièrement pour l'herpétofaune.

Ainsi, les marais abritent une belle populations stables de Caïman noir (Melanosuchus niger). Bien que cette espèce soit en principe intégralement protégée, elle est encore chassée pour sa chair et sa peau et reste très vulnérable et menacée d'extinction. Aussi, la majeure partie de la population reste concentrée dans les mares d'eau libre inaccessibles au cœur du marais.

La Tortue Matamata (Chelus fimbriatus), l'Anaconda Eunectes deschauenseei, le Gymnophione Typhlonectes compressicaudus, le Lézard-caïman (Crocodilurus amazonicus), et le Dracène (Dracaena guianensis), également des espèces d'affinités amazoniennes sont observables en Guyane principalement dans les marais de Kaw.

Enfin, notons la présence de deux espèces d'oiseaux confinées en Guyane à la frange côtière orientale, le Toucan toco (Ramphastos toco), le plus grand toucan d'Amérique du Sud que l'on observe dans la mangrove côtière et la Buse ardoisée (Leucopternis schistacea) inféodée aux forêts inondables.

La diversité des milieux humides confère au site une très grande richesse avifaunistique, particulièrement en oiseaux d'eau. La vasière de l'estuaire de la rivière de Kaw est un site important pour les limicoles en halte migratoire ou en hivernage, ainsi que pour de nombreuses espèces d'Ardéidés comme le Héron cocoi (Ardea cocoi), la Grande Aigrette (Egretta alba), l'Aigrette neigeuse (E. thula), l'Aigrette tricolore (E. tricolor), le Héron agami (Agamia agami), le Héron strié (Butorides striatus), le Petit Blongios (Ixobrychus exilis), le Butor mirasol (Botaurus pinnatus), le Bihoreau violacé (Nycticorax violacea), le Bihoreau gris (Nycticorax nycticorax), ainsi que le Cormoran olivâtre (Phalacrocorax olivaceus), l'Ibis rouge (Eudocimus ruber), la Spatule rose (Ajaia ajaja), le Tantale d'Amérique (Mycteria americana), et occasionnellement des espèces encore plus rares comme le Jabiru (Jabiru mycteria) et la Cigogne maguari (Ciconia maguari).

Notons encore la présence d'espèces inféodées aux forêts marécageuses rares en Guyane telle que la Coracine col-nu (Gymnoderus foetidus).Enfin, une espèce relictuelle devenue également très rare en Guyane trouve refuge dans les marais de Kaw : l'Hoazin (Opisthocomus hoazin), espèce mythique par ses caractères primitifs présentant un intérêt scientifique exceptionnel.

Parmi les mammifères remarquables, citons le Lamantin (Trichetus manatus) et la Loutre géante du Brésil (Pteronura brasiliensis) qui occupent respectivement l'aval (jusqu’au canal Roy) et l'amont de la rivière de Kaw.

Enfin, pour accroître encore l'intérêt de cette zone, il convient de signaler que la richesse ichtyologique de la rivière de Kaw est exceptionnelle avec, par exemple, la présence de Lepidosiren paradoxa (anguille tété), de Lithoxus boujardi, Astyanax keithi, Nannacara aureocephalus, Acanthodoras cataphractus, espèces endémiques de Guyane, voire du marais et de ses abords pour la dernière espèce.

La montagne de Kaw-Roura décrit une importante crête en arc de cercle sur plus de 40 km de long entre Roura et le Mahury à l'ouest et Kaw à l'est, bordant, au nord, une vaste plaine marécageuse. Ce relief tabulaire, culminant à un peu plus de 330 mètres, fait partie de la Chaîne Septentrionale, l'une des 3 grandes régions géomorphologiques des terres hautes de la Guyane. Ses particularités font des montagnes de Kaw-Roura une unité géomorphologique et écologique à laquelle sont affiliées d'autres montagnes à cuirasse latéritique (montagne Cacao, montagne Maripa, montagnes Tortues, monts de l'Observatoire).

Depuis la table sommitale jusqu'aux vallées alluviales, on découvre ainsi la forêt basse sur cuirasse, puis une grande forêt sur les pentes plus abruptes et les formations des cascades et des thalwegs étroits qui entaillent le massif. Sur les contreforts se succèdent ensuite, en gradins, des collines estompées portant une forêt moins haute, avec de larges bas-fonds et des criques en sous-bois qui s'étendent alors en de larges plaines marécageuses bordant les rivières majeures de la région.

La montagne de Kaw constitue l'un des premiers reliefs rencontrés depuis la mer par les alizés. Elle est, par conséquent, l'un des secteurs les plus pluvieux de Guyane, avec une moyenne annuelle de précipitations dépassant les 4000 mm, qui pourrait atteindre 8000 mm sur les plus hauts sommets. Les eaux qui descendent de la montagne de Kaw vers le nord se perdent dans la plaine côtière (crique Angélique). Le versant sud alimente les bassins versants de la rivière de Kaw et du Mahury par la rivière Kounana puis l'Orapu.

La montagne de Kaw offre également une grande variété de microclimats : versant nord et sud, haut et bas de pente, thalwegs transversaux creusés par le réseau hydrographique, cascades, falaises, grottes.

La forêt haute sur pente de la montagne de Kaw compte parmi les plus élevées et les plus belles de Guyane et même d'Amérique tropicale. Elle constitue un écosystème complexe relativement fragile. La montagne de Kaw représente l’ une des zones refuges de flore et de faune forestières datant du Pléistocène, reconnues en Guyane comme d'anciens centres de spéciation, fruits d'une longue évolution qui a permis le développement d'un taux d'endémisme et d'une biodiversité remarquables. Ce facteur prépondérant de la richesse floristique et faunistique du site (nombreuses espèces végétales et animales originales, rares ou endémiques, conférant un intérêt biologique tout à fait remarquable), doit être associé ici à la grande variété de microclimats et de biotopes qui peut y être rencontrée.

La Montagne de Kaw constitue ainsi l'une des zones forestières présentant une très grande biodiversité à l'échelle de la Guyane.

Pour la flore, plus d'une centaine d'espèces déterminantes dont une dizaine d’espèces protégées a été détectée. Certaines sont particulièrement rares en Guyane: Caladium schomburgkii (Araceae), Xanthosoma acutum (Araceae), Pausandra fordii (Euphorbiaceae), Heliconia dasyantha (Heliconiaceae), Passiflora exura (Passifloraceae), Passiflora kawensis (Passifloraceae), Caraipa parvifolia (Calophyllaceae), Vochysia cayennensis (Vochysiaceae), Leandra verticillata (Melastomataceae), Raputia aromatica (Rutaceae), Guarea carinata (Meliaceae), Coussarea hallei (Rubiaceae). D’autres sont strictement inféodées à ce massif forestier et aux reliefs avoisinnants, comme Hekkingia bordenavei (Violaceae) et Miconia oldemanii (Melastomataceae).

La diversité spécifique de l'avifaune et de la faune mammalienne révèle l'intégrité de certains secteurs forestiers de la montagne avec notamment la présence d'espèces rares et exclusivement inféodées à la forêt intacte.

Parmi les nombreuses espèces déterminantes contactées sur ce massif, citons le Faucon orangé, la Harpie féroce, la Petite Buse, le Grimpar à longue queue, le Tangara cyanictère, le Moucherolle à bavette blanche, le Pic or-olive et l'Ermite d'Antonie.

Parmi l'herpétofaune, il faut noter particulièrement les batraciens Atelopus flavescens et Dendrobates tinctorius, d'un intérêt scientifique et biologique certain, mais aussi la présence de nombreuses mares favorables aux reproductions explosives d'espèces localisées (Trachycepahlus coriaceus, Osteocephalus leprieuri ou Ceratophrys cornuta par exemple). Par ses nombreux abris sous roche et grottes formés par la cuirasse latéritique, la montagne de Kaw présente un milieu tout à fait original. Ces biotopes présentent une faune invertébrée édaphique ou souterraine et aquatique remarquable avec une grande diversité spécifique, et localement des espèces nouvelles pour la science ont été trouvées. Mais c'est principalement d'un point de vue ornithologique et chiroptérologique que ces habitats rocheux se distinguent, en offrant au Coq-de-roche orange (Rupicola rupicola) et aux chauves-souris (Pteronotus parnellii, Anoura geoffroyi, Lonchorhina inusitata, Furipterus horrens, Lionycteris spurrellii) des sites privilégiés pour leur reproduction. Ces espèces, de par leur rareté et leur association exclusive à ce type de milieu bien particulier et très localisé en Guyane, renforcent de manière indéniable l'intérêt biologique de la montagne.

Parmi les mammifères, la pose de pièges photos en 2010 a permis de mettre en évidence la présence du jaguar (Panthera onca), du puma (Puma concolor), du raton crabier (Procyon cancrivorus), de l’ocelot (Leopardus pardalis) et du chat marguay (Leopardus wiedii).

La richesse du marais et de la montagne de Kaw ici décrite est complétée par la biodiversité remarquable existant dans les savanes de Trésor, la savane Angélique, la crique Gabrielle et le lac Pali, également inclus dans cette large ZNIEFF.

Une partie de la ZNIEFF des marais et de la montagne de Kaw bénéficie de plusieurs statuts de protection. Elle est une zone humide d'importance internationale, inscrite sur la liste des sites Ramsar. Sa majeure partie (toute la plaine sauf la zone des polders Marianne) est classée en réserve naturelle depuis mars 1998. Une Réserve Naturelle Régionale (Trésor) protège une partie du flanc sud de la montagne. Enfin, marais et montagne sont inclus en totalité dans le périmètre du Parc Naturel Régional de la Guyane depuis mars 2001.

Pour plusieurs raisons, ce site présente un fort intérêt scientifique et patrimonial et mérite une attention toute particulière : tout d'abord, il constitue la limite de répartition la plus septentrionale pour un certain nombre d'espèces d'affinités amazoniennes. C'est une zone humide très vaste sans discontinuité, remarquable en Guyane. Ainsi, des formations comme les forêts marécageuses prennent toute leur expansion et abritent des espèces rares et très localisées.

Actuellement, la menace qui pèse encore sur cette zone est le braconnage d'espèces de gibier de forêt et d'oiseaux d'eau sur les marais.

Sur ce site, les activités humaines traditionnelles sont intimement liées au milieu naturel. La pêche de l'Atipa est notamment une des ressources des habitants du village de Kaw. Certaines savanes sont paturées par le zébu, espèce rustique adaptée aux milieux inondés.

Enfin, depuis la création de la Réserve Naturelle, un nombre important d'opérateurs touristiques proposent des activités de découverte du milieu, de la faune et de la flore.

Commentaires sur la délimitation

La ZNIEFF est limitée de la manière suivante :

N: Au nord, le zonage s'étend jusqu'à la limite des plus basses eaux depuis la rive droite du fleuve Mahury au pied des montagnes Anglaises (point A) jusqu'à la rive gauche du fleuve Approuague, au niveau de la tête de l'île Mantouni (point B).

E: La limite est inclue les îles du fleuve Approuague jusqu'à la crique Inéri. Elle traverse le fleuve au point B à la pointe de l'île Mantouni et longe sa rive droite puis celle de l'île Aïpoto jusqu'à la pointe sud de cette dernière (point C). Le tracé traverse l'Approuague jusqu'à la pointe de l'île Jamaïque (point D), la longe par la rive droite jusqu'à la pointe sud (point E), rejoint l'île Caïman (point F), la longe également par la rive droite jusqu'au point G, rejoint la rive droite de l'île aux Sept Chapelets au point H et la suit jusqu'à sa pointe sud (point I). La limite atteint la pointe est de l'île Catalin au point J, le longe par la rive droite jusqu'au point K puis rejoint l'embouchure de la crique Inéri au point L.

S: La limite sud suit la crique Inéri depuis sa confluence (point L) jusqu'à sa source (point M). Elle suit le talweg jusqu'au col, le passe et rejoint la source de la Kounana (point N).

W: A l'ouest,elle longe la Kounana jusqu'à son embouchure dans la rivière Orapu puis dans l'Oyak. Elle longe la rive droite de l'Oyak jusqu'au point O à l'embouchure de la crique de Roura. La limite remonte la rive droite de cette dernière jusqu'au point P sur la Départementale 6 (ou route de Kaw), longe la route jusqu'au point Q où elle rencontre la courbe de niveau des 5m et la suit pour englober la montagne de Tourémé jusqu'à l'affluent de la crique Gabrielle au point R. Ce contour longe cet affluent jusqu'à la crique Gabrielle puis la crique Gabrielle jusqu'au point S où il va rejoindre la courbe de niveau de 5m qui englobe les Montagnes Anglaises jusqu'au point T puis rejoint le point A.

Coordonnées des points mentionnés (WGS84, UTM 22 nord):

A (353675m; 525857m) - B (394162m; 498889m) - C (395569m; 487662m) - D (393305m; 483575m) - E (392440m; 483021m) - F (391319m; 482491m) - G (390101m; 481449m) - H (389640m; 481312m) - I (387665m; 480757m) - J (380403m; 478231m) - K (378629m; 478814m) - L (375809m; 479072m) - M (363091m; 487046m) - N (363299m; 487352m) - O (352816m; 522289m) - P (353637m; 522372m) - Q (354054m; 522639m) - R (354418m; 523491m) - S (353621m; 524298m) - T (353778m; 525668m)