La ZNIEFF de la Pointe Béhague et de la Baie de l'Oyapock (Type II) est située entre les estuaires des fleuves Approuague et Oyapock. Ceux-ci délimitent la plus vaste zone humide de Guyane (150 000 ha). Elle inclut trois ZNIEFF de type I.
Comme tout le littoral de Guyane, elle est soumise à une forte dynamique côtière due au système de dispersion amazonien. La côte orientée sud est - nord ouest est longée par des courants océaniques de même direction. Ainsi, des millions de m3 de sédiments fins provenant de l'Amazone sont transportés le long des côtes par les courants ; il en résulte un système morphodynamique spécifique avec alternance d'accumulation de sédiments formant des bancs de vases colonisés par la mangrove et d'érosion (cordons sableux ou mangroves en recul).
Les milieux littoraux sont donc soumis à une perpétuelle évolution.
La Pointe Béhague est constituée de dépôts marins quaternaires où dominent les argiles, recouverts d'une couche de matière organique ou " pégasse " (tourbe acide) d'épaisseur variable.
De la mer vers l'intérieur, on distingue plusieurs formations et groupements végétaux. Ils sont directement liés aux types de sols et aux conditions de drainage. La mangrove littorale à Avicenia germinans (palétuviers blancs) à différents stades d'évolution peuple toute la côte de la Pointe. La mangrove d'estuaire à Avicenia germinans et Rhizophora mangle (Palétuvier rouge) borde la Pointe sur les estuaires des deux grands fleuves. Au sud de la mangrove côtière, on trouve d'importantes forêts marécageuses à Palmier pinot (Euterpe oleracea) associé à Yamamadou-marécage (Virola surinamensis). Ce sont des marais mixtes à végétation herbacée et arbustive qui occupent la majeure partie de la Pointe Béhague constitués essentiellement de graminées et de Chrysobalanus icaco (savanes à pruniers). Dans la partie est de la Pointe, on trouve quelques " savanes à Cyperaceae ". La Pointe Béhague est également ponctuée de quelques mares d'eau libre qui subissent, d'importantes fluctuations de niveau d'eau selon les saisons, en fonction de la pluviométrie.
Cette plaine marécageuse présente un fort intérêt écologique et scientifique. En effet, avec les marais de Kaw, elle est en continuité avec le bassin amazonien et constitue la limite de répartition la plus septentrionale pour un certain nombre d'espèces, tout particulièrement pour l'herpétofaune. Les savanes marécageuses et une mare d'eau libre (En ZNIEFF de Type I) accueillent de gros spécimens de Caïman noir (Melanosuchus niger). Cette dernière abrite également régulièrement des ardéidés nicheurs. Bien que de petites dimensions, ce site présente quelques similitudes topographiques avec la mare des marais de Kaw qui abrite la très grosse colonie de hérons, anhingas et cormorans. Une surveillance plus attentive de ce site particulièrement isolé sera méritée dans le futur afin de détecter la présence d’éventuelles autres espèces nicheuses. On peut également y observer le lézard caïman (Crocodilurus amazonicus) et le Dracène (Dracaena guianensis).
Chez les oiseaux, notons la présence de trois espèces d'oiseaux confinées en Guyane à la frange côtière orientale, le Batara demi-deuil (Thamnophilus nigrocinereus) le Toucan toco (Ramphastos toco), le plus grand toucan d'Amérique du Sud que l'on observe dans la mangrove côtière et la Buse ardoisée (Leucopternis schistacea) inféodée aux forêts inondables. La région de la baie de l'Oyapock est également la seule région du littoral guyanais où l'on peut encore observer, à certaines périodes de l'année, des vols relativement importants d'Ara macao et d'Ara ararauna. Elle abrite des populations très importantes d'autres Psittacidés tels que les Amazones aourous (Amazona amazonica) ou les Caïques à queue courte (Graydidascalus brachyurus).
Mais la Pointe Béhague abrite surtout l'un des deux lieux de nidification de la Spatule rose (Platalea ajaja) en Guyane, et accueille la quasi-totalité des effectifs guyanais hors reproduction. Une grande colonie d'Ibis rouge (Eudocimus ruber) est également présente.
Les vasières sont des sites importants pour les limicoles en halte migratoire ou en hivernage, ainsi que pour de nombreuses espèces d'Ardéidés nicheuses telles le Héron cocoi (Ardea cocoi), la Grande aigrette (Egretta alba), l'Aigrette neigeuse (E. thula), l'Aigrette bleue (E. caerulea), l'Aigrette tricolore (E. tricolor), l'Onoré agami (Agamia agami), le Héron strié (Butorides striatus), le Bihoreau violacé (Nyctanassa violacea) et le Bihoreau gris (Nycticorax nycticorax). On peut encore admirer l'Hoazin (Opisthocomus hoatzin), une espèce relictuelle devenue très rare en Guyane, mythique par ses caractères primitifs et unique représentant de sa famille d'un intérêt scientifique exceptionnel.
Enfin, chez les mammifères, les forêts marécageuses et les mangroves de la pointe Béhague constitue probablement le bastion du Cerf des palétuviers (Odocoileus cariacou) en Guyane. L'abondance de cette espèce permet au Jaguar (Panthera onca) d'y vivre également.
Plusieurs reliefs sont isolés au milieu des marais, les Monts Karimaré et les Monts Koumarouman sur lesquels on retrouve la forêt de terre ferme haute et dense. La Montagne d'Argent et la Fausse Montagne d'argent sont d'autres reliefs situés à l'est de la Pointe Béhague.
La première forme une presqu'île culminant à 100 m, à l'embouchure de l'Oyapock et constitue un promontoire remarquable. Elle compte parmi les trois seuls sites majeurs de côtes rocheuses de Guyane avec ceux de Kourou et Cayenne, et elle est le seul site avec la Fausse Montagne d'Argent, constituée de schistes en contact avec l'océan. Cette montagne était en réalité un îlet désormais relié par la côte par sédimentation. Les schistes sont sombres et parfois affleurantes sur les versants les plus abrupts. Ils sont mis à nu sur la côte même et forment localement en se dégradant des plages de sable noir. De nombreuses petites paillettes de mica créent une brillance particulière au sol, probablement à l'origine de la toponymie. Les flancs de cette presqu'île plongent directement dans la mer vers l'est, tandis que du côté nord et ouest, le relief se termine en affleurements rocheux dont certains sont à découvert à marée basse. Vers le sud, la presqu'île est reliée aux marais par un cordon constitué de vases et de sables. Située dans une des régions les plus arrosées de Guyane et dotée d'un relief qui accroche d'autant plus les précipitations, la Montagne d'Argent est couverte d'une végétation très dense. Il s'agit pour partie d'une vieille forêt secondaire âgée de 140 ans. On trouve des traces de l'influence anthropique avec les manguiers, les mombins et les Palmiers royaux et une végétation xérophile sur les parties maçonnées. Sur le bas de la montagne, on retrouve les forêts marécageuses à Palmier Pinot et les savanes à Cyperacées et sur la frange littorale nord et sud la mangrove d'estuaire. Malgré un siècle d'abandon, on retrouve sur ce Mont de nombreux vestiges. Parmi eux, ceux des bagnards, les derniers occupants, prédominent. Une mission récente (Oyana, 2012) a mis en évidence les caractéristiques d’une zone qui a été intensément chassée. Six crânes de pécaris ont été trouvés, ainsi qu’une dizaine de cartouches. Les animaux les plus présents sur cette presqu’île ne constituent aucun ou peu d’intérêt cynégétique. Les animaux habituellement chassés (signes hurleurs, agoutis, Cariacou) y sont absents ou représentés en très faibles effectifs, et sont alors extrêmement craintifs. Ce site aux nombreux biotopes (mangrove, pinotière, forêt, estran rocheux…) mériterait d’être davantage préservé, tant les espèces liées à ces différents milieux pourraient être diversifiées.
La seconde se divise en deux reliefs dont l'un forme une île dans la Baie de l'Oyapock. Leur caractère vierge et la luxuriance de leur végétation sur rocher a permis leur classement en ZNIEFF de type I.
Le secteur de la Pointe Béhague ne bénéficie pas de statut de protection bien qu'il ait fait partie des différents projets de création de réserves. Même si son inaccessibilité reste encore sa meilleure protection, une chasse importante des oiseaux d'eau et des Psittacidés au niveau des estuaires de l'Oyapock et de l'Approuague s'y exerce déjà.
La Montagne d'Argent est une propriété du Conservatoire de l'Espace Littoral et des Rivages Lacustres. Elle est inscrite à l'Inventaire des Sites et Monuments Naturels au titre de la Loi 1930. Grâce à ce statut, ce site bénéficie d'investigations archéologiques.
La ZNIEFF est limitée de la manière suivante :
E, N et W: Depuis la rive droite de l'embouchure de l'Approuague (au niveau de Guisan Bourg, point A) jusqu'à la rive gauche de la baie du fleuve Oyapok, à l'embouchure de la Ouanary (point B), la limite suit la ligne des plus basses eaux en incluant mangroves et vasières.
S: Au sud, du point B au point C situé sur la rive droite de la crique Kourouai (au niveau de Guisan Bourg), la limite longe les forêts marécageuses qui la bordent en passant par le nord des reliefs des Monts de l'Observatoire. Puis la limite longe la rive droite de la Kourouaï jusqu'au point A où elle rejoint l'Approuague.
Coordonnées des points mentionnés (WGS84, UTM 22 nord):
A (396519m; 487159m) - B (426765m; 467395m) - C (399190m; 485505m)