ZNIEFF 030120038
Nouragues

(n° régional : 00290000)

Commentaires généraux

La ZNIEFF des Nouragues (Type II) se situe dans la partie nord-est de la Guyane à environ une centaine de kilomètres au sud de Cayenne. Elle intègre deux ZNIEFF de type I qui ciblent les deux secteurs à habitas rares, "Montagnes Balenfois" et "Crique Arataye".

La topographie de cette ZNIEFF est essentiellement collinaire et forestière, typique de la pénéplaine qui caractérise les très vieux boucliers.

La rivière Arataye traverse dans son cours inférieur des terrains métamorphiques (migmatites et séries volcano-sédimentairesdu Paramaca). Au sud et au nord de la région de Saut Pararé, les roches volcaniques basiques cèdent la place à un socle constitué de granodiorites auquel correspond un modelé beaucoup plus accidenté. C'est dans ces zones granitiques, recoupées par plusieurs dykes de dolérite, que se situe l'inselberg des montagnes Balenfois, point culminant à 465 mètres.

À l'exception des formations végétales liées aux affleurements rocheux et aux végétations ripicoles, la végétation de la ZNIEFF des Nouragues est exclusivement forestière.

La végétation des inselbergs, de type « savane-roche », est localisée aux deux principaux affleurements granitiques de la ZNIEFF, l'Inselberg des Nouragues, dans les montagnes Balenfois et le Pic du Croissant. Elle a été particulièrement bien étudiée sur l'inselberg des Nouragues. Par contre, le Pic du Croissant n'a jamais été prospecté. Cette végétation basse et broussailleuse est adaptée à des conditions écologiques rigoureuses : quasi absence de sol, forte sécheresse, ruissellement important en saison des pluies, température très élevée de la roche pendant l'ensoleillement. L'ensemble est discontinu et forme une véritable mosaïque végétale depuis la strate algale recouvrant la roche jusqu’aux groupements herbacés et arbustifs.

Les algues constituent la véritable couverture pionnière du rocher (strate épilithique), lui conférant cette couleur sombre caractéristique. Elles appartiennent presque toutes à la classe des Cyanophycées (ou algues bleues).

Les mares gravillonnaires, temporaires, caractérisées par une végétation subaquatique et très discontinue, sont composées de nombreuses espèces de Lentibulariaceae (Utricularia spp.), Xyridaceae, Cyperaceae, Eriocaulaceae, Rubiaceae et Poaceae.

Les prairies à Graminées et Cyperaceae, temporairement humides également, sont dominées par Axonopus ramosus et Rhynchospora subdicephala (espèces déterminantes).

Les "coussins" de Pitcairnia geyskesii (Bromeliaceae) forment des plages monospécifiques importantes ou plus diversifiées floristiquement, selon les conditions écologiques.

Enfin, les groupements arbustifs, formés de fourrés plus ou moins denses, sont composés principalement de Clusiaceae (Clusia minor et C. nemorosa), et de Myrtaceae (Myrcia saxatilis, M. guyanensis, M. fallax, etc .).

La forêt basse d'inselberg est un autre écosystème très caractéristique de ce type de relief. Elle s'étend entre la savane-roche et la haute forêt dense, selon une bande plus ou moins large, en fonction des conditions du milieu et de la dynamique forestière. On la retrouve également sur l'inselberg au niveau des petits îlots forestiers qui occupent le sommet et quelques versants, ainsi que sous forme d'enclaves dans le massif forestier périphérique. Enfin, la végétation des éboulis rocheux d'inselberg s'apparente généralement en physionomie et en composition floristique à la forêt basse.

Elle est caractérisée par un grand nombre d'espèces arbustives ou de petits arbres, à port buissonnant et à troncs multiples, et d'arbres à troncs penchés, la plupart étant orientés dans la même direction ; cela confère au milieu un aspect unique. D'autres arbres ont un tronc bien droit, parfois de gros diamètre, et certains émergent de la voûte (située entre 8 et 15 m de hauteur). Le sous-bois est relativement clair, la canopée étant basse et le feuillage des arbres peu touffu. On trouve au sol un tapis extrêmement dense de plantules et de petites tiges ligneuses. En outre, on trouve dans ce milieu quantités d'épiphytes (en raison des nombreux supports inclinés, de l'humidité ambiante élevée, de l'éclairement relativement important, etc...). Les manchons pendants de mousses autour des branches caractérisent les sites les plus humides, exposés aux vents et aux brouillards (face nord).

Les deux espèces de Clusia déjà citées (C minor et C nemorosa; Clusiaceae), ainsi que Myrcia sawtilis (Myrtaceae) composent l'essentiel de la lisière de la savane-roche. En retrait, côté forêt, on trouve surtout Eriotheca surinamensis (Bombacaceae), mais également Micrandra elata (Euphorbiaceae) et Terminalia amazonia (Combretaceae) ; certaines espèces sont plus localisées comme Ternstroemia dentata (Pentaphylacaceae) et le palmier Syagrus stratincola (espèce déterminante, Arecaceae). En forêt basse proprement dite, de nombreuses espèces arborescentes et souvent originales par rapport à la haute forêt dense avoisinante sont présentes.

La végétation liée au substrat rocheux (affleurements, blocs) et aux écoulements est particulièrement développée en forêt basse ; certaines espèces la composent habituellement, telles Pitcairnia sastrei, (Bromeliaceae), Phragmipedium lindleyanum (Orchidaceae), Stelestylis surinamensis (Cyclanthaceae), Anthurium jenmanii (Araceae), Lembocarpus amoenus (Gesneriaceae), Selaginella radiata et S. producta (Selaginellaceae).

Dans cette ZNIEFF est également présente la végétation liée aux sauts rocheux des rivières. Les principaux seuils se trouvent sur la rivière Arataye : Saut Couy, Saut Japigny, Saut Pararé,…) ; ils ponctuent également le cours de criques moins importantes comme la crique Sable. Les rochers émergeant de l'eau sont colonisés par plusieurs espèces de Podostemaceae dont la plus spectaculaire et la plus commune est la "Salade-Coumarou" (Moureria fluviatilis), immergée une grande partie de l'année.

Parmi les formations végétales non liées aux substrats rocheux, plusieurs types de forêts ont été décrits :

La forêt haute et dense de basse altitude sur sol argileux, avec ses faciès de pente et de crête occupe la majeure partie de la ZNIEFF. La voûte, aux cimes jointives, est située en moyenne entre 30 et 40 m au-dessus du sol. Dans cette forêt, les Sapotaceae et les Lecythidaceaes dominent, suivies de près par les Chrysobalanaceae et les Fabaceae. Avec une importance bien moindre viennent ensuite les Burseraceae, devant les Clusiaceae, Lauraceae et Annonaceae (cette dernière famille caractérisant surtout le sous-bois de la forêt) ; au niveau stationnel même, le peuplement forestier montre des variations, les espèces réagissant probablement à des variations fines du micro-climat et de la pédologie. La forêt est mieux structurée et la voûte plus élevée à l'est de la crique Nouragues, sur des terrains métamorphiques et sur des sols de type ferrallitique. À l'ouest de cette crique, sur socle granitique (proximité de l'inselberg), le secteur forestier étudié se distingue assez fortement en composition floristique et en structure, certaines espèces d'arbres y étant très localisées et regroupées, et la hauteur des plus grands arbres y étant inférieure.

La forêt sur cuirasse latéritique, limitée à quelques plateaux tabulaires situés au nord de Saut-Pararé, d'altitude entre 180 et 200 m, n'a pas encore été étudiée.

La forêt ripicole, localisée aux berges des criques les plus larges, comme l'Arataye, est composée d’espèces particulièrement adaptées à ce milieu : les " wapas " (E. falcata et E. schomburgkiana, Caesalpiniaceae), beaucoup d'espèces d'Inga (Mimosaceae), le " moutouchi-marécage " Pterocarpus officinalis (Fabaceae), aux larges contreforts rubanés, le " yayamadou-marécage" (Virola surinamensis) ou encore le " moucou-moucou " (Montrichardia arborescens, Araceae) et le " Cacao sauvage " (Pachyra aquatica, Bombacaceae).

La forêt marécageuse liée aux terrains mal drainés est concentrée essentiellement au niveau des bas-fonds. Quelques espèces arborescentes y sont bien adaptées telle Symphonia globulifera et Virola surinamensis ou encore le Palmier pinot (Euterpe oleracea). Dans ce milieu contraignant (conditions asphyxiantes du sol), les plantes monocotylédones et les fougères sont nombreuses. Les plantes épiphytes monocotylédones sont assez nombreuses par ailleurs dans les Pinotières, notamment les orchidées.

On rencontre également deux autres formations végétales rares et localisées dont l'origine et la dynamique sont encore énigmatiques. Il s'agit de la forêt de lianes et des cambrouzes.

La forêt de lianes est plus basse que le massif forestier environnant. Comme son nom l'indique, cette formation est surtout marquée par la présence de plantes lianescentes, très envahissantes, recouvrant les autres plantes et les trouées sur de très vastes espaces.

Les cambrouzes désignent des formations denses, monospécifiques de graminées bambusiformes. Les espèces qui les constituent sont Laciasis ligulata ou Guadua macrostachya (Poacées). L'origine de ces cambrouzes reste mal connue (sols pauvres, affleurements rocheux ?). L'hypothèse d'anciennes zones de cultures, devenues stériles à toute recolonisation forestière, peut également être envisagée, sachant que ces formations sont souvent situées à proximité d'inselbergs, secteurs jadis souvent fréquentés par les populations amérindiennes ; La région des Nouragues était justement habitée il y a encore trois siècles par l'ethnie amérindienne du même nom.

Beaucoup d'espèces végétales présentes aux Nouragues sont d'un grand intérêt phytogéographique parce qu'elles sont rares ailleurs en Guyane ou parce qu'elles occupent, aux Nouragues et dans le reste de la Guyane, des habitats très limités ou très particuliers.

En outre, au cours des derniers millénaires, les fluctuations climatiques ont modifié la répartition des forêts et des savanes et les inselbergs représentent des îlots ayant conservé certaines espèces savanicoles relictuelles d'un grand intérêt (Pitcairnia geyskesii et Ananas ananassoides, Broméliaceae déterminantes).

Comme la flore, la faune des Nouragues est d'une grande richesse. On retrouve des espèces d'oiseaux liés aux biotopes de l'inselberg : le Faucon orangé (Falco deiroleucus), le Coq-de-roche orange (Rupicola rupicola), le Moucherolle hirondelle (Hirundinea ferruginea).

Les chaos rocheux représentent également des sites favorables aux chauves-souris. Plus de 70 espèces de chiroptères ont été recensées parmi lesquelles se retrouvent la majorité du cortège d'espèces strictement cavernicoles, rares et déterminantes en Guyane : Lonchorhina inusitata, Lionycteris spurrelli, Phyllostomus latifolius, Anoura geoffroyi.

Par ailleurs, la situation géographique de la ZNIEFF des Nouragues, isolée des voies de communication, permet à la faune de la forêt haute de terre ferme d'atteindre sa densité optimale. Des espèces comme les Aras (Ara ararauna, A. macao, A. chloroptera), Amazones (Amazonica farinosa, A. dufresniana), Hocco (Crax alector), Agami trompette (Psophia crepitans), Tapir (Tapirus terrestris), Primates (Ateles paniscus, Cebus olivaceus,…), grands félins (Panthera onca, Leopardus tigrinus,…) y sont particulièrement représentées. Notons également la présence du Tatou géant, le Cabassou (Priondotes maximus) et de la Loutre géante du Brésil (Ptenorura brasiliensis), espèces considérées " en danger " au niveau international.

L'herpétofaune a été inventoriée à la station des Nouragues mais également au camp Arataï où la présence d'une mare permet le rassemblement pour leur reproduction de milliers de grenouilles de nombreuses espèces pendant la saison des pluies. Les deux sites confondus, 70 espèces y ont été dénombrées. Comparé aux autres sites d'études en Guyane, la ZNIEFF des Nouragues est un des sites les plus riches. L'observation de certaines espèces a permis d'étendre leur aire de répartition en Guyane. Il s'agit pour les amphibiens de trois espèces : Atelopus flavescens, Leptodactylus myersi et Leptodactylus longirostris.

Des inventaires de poissons ont été réalisés dans la Crique Arataï et ont révélé une ichtyofaune diversifiée et riche. De nombreuses espèces déterminantes y ont été dénombrées notamment des espèces endémiques du bassin de l'Approuague telles Creagrutus planquettei, Moenkhausia aff. grandisquamis, Corydoras approuaguensis, Lithoxus boujardi.

Une partie de la ZNIEFF de type II des Nouragues bénéficie depuis 1995 du statut de Réserve Naturelle.

L'existence d'une station scientifique du CNRS installée depuis 1986, située au cœur de la ZNIEFF en fait une des zones forestières les plus étudiées de Guyane. Les thèmes de recherches portent principalement sur les mécanismes du fonctionnement forestier par l'étude des relations plantes-animaux, des types forestiers et des peuplements de vertébrés.

Même si l'occupation amérindienne a, semble-t-il, eu une influence sur la forêt, actuellement il s'agit d'une région forestière intacte où l'impact de l'homme est négligeable sur les écosystèmes.

Toutefois, malgré l'existence de la Réserve Naturelle, certaines menaces pèsent sur cette zone. Depuis 1999, les permis d'exploitations minières sur des criques affluents de l'Approuague à l'est de la ZNIEFF ont beaucoup augmenté. De plus, à l'intérieur de la réserve, une piste illégale a été créée, des trous de prospections et des layons ont été découverts, traduisant l'existence d'orpaillage illégal. Par ailleurs, la présence humaine non loin de la ZNIEFF peut entraîner une pression de chasse et de pêche importante

Commentaires sur la délimitation

Ce zonage est délimité par le bornage de la réserve des Nouragues, tel que défini dans le décret de création de la réserve (n° 95-1299 du 18 décembre 1995).

La ZNIEFF inclus également une zone de 200m autour de la crique Arataï sur sa portion entre son embouchure dans le fleuve Approuague (point A) et son intersection avec la limite commune des zonages de type II "Saül" et de type I "Pic Matécho et Monts La Fumée" (point B).

Coordonnées des points mentionnés (WGS84, UTM 22 Nord):

A (326737m; 440473m) - B (282088m; 421355m)