ZNIEFF 030120060
Roches de Mompé-Soula

(n° régional : 00000024)

Commentaires généraux

La ZNIEFF des Roches de Mompé-Soula (type I) est située au sud-ouest de la Guyane, sur le bassin versant du haut Marouini, à 110 kilomètres au sud de Maripasoula.

Elle s'inscrit dans une vaste plaine forestière parsemée de reliefs dont de nombreux inselbergs. Cette ZNIEFF se distingue des autres zones liées à un fleuve par l'importance de la diversité des milieux pouvant y être rencontrés : forêts sur sols drainés, forêts à lianes sur terrasses alluviales, forêts marécageuses et pinotières, formations relictuelles et ponctuelles de palmiers-bâches (Mauritia flexuosa), présents en petits bosquets dans les flats, cours du Marouini avec ses différents faciès (zones lotiques avec faciès rocheux, zones lentiques avec faciès végétal), cambrouzes, ainsi qu'un ensemble de savanes-roches situé sur la rive gauche du Marouini à la hauteur du Saut Akouba Booko Goo Soula.

L'importante mosaïque de milieux et leur intégrité engendrent ainsi une diversité biologique, en faune et en flore, peu courante le long des fleuves guyanais, qui permet la présence également de nombreuses espèces rares.

De nombreuses espèces végétales rares et déterminantes y ont été recensées, notamment dans les milieux liés aux savanes-roches : Ruellia saülensis (Acanthaceae), Anemia villosa (Anemiaceae), Asplenium formosum (Aspleniaceae), Marsdenia altissima (Apocynaceae), Secondatia densiflora (Apocynaceae), Lepidaploa remotiflora (Asteraceae), Ceratosanthes palmata (Cucurbitaceae), Croton cajucara (Euphorbiaceae), Turnera subulata (Passifloraceae), Phoradendron trinervium (Viscaceae), Cissus trigona (Vitaceae). Une espèce de Calathea (Marantaceae) inconnue en Guyane y a été récemment découverte. Il pourrait s’agir de Calathea gardneri, connue de l’Etat de Goias au Brésil, ou d’une espèce nouvelle.

Une des originalité du site est la présence du palmier « awara », Astrocaryum vulgare, dans toutes les forêts basses sommitales et de transition, en lisière des savanes-roches. C’est la seule localité de l’intérieur de la Guyane où l’on observe cette espèce, normalement inféodée à la plaine côtière et aux anciens cordons littoraux.

Remarquons que les formations des affleurements rocheux ont leur physionomie marquée par l'agave (Furcraea foetida) aux énormes rosettes de feuilles dressées, épineuses et charnues. Cette espèce, protégée et déterminante, se rencontre sur la quasi-totalité des savanes-roches du sud de la Guyane, mais toujours en populations restreintes. Elle ne se retrouve sur la côte qu'à la faveur des faciès rocheux du front de mer de l'Ile de Cayenne.

Les savanes-roches de la région, toutefois, se rattachent à un faciès à Poaceae, semblable à celui de la Roche Dachine dans le secteur de Saül, et ne sont donc pas couvertes majoritairement de Bromeliaceae comme c'est le cas sur la plupart des savanes-roches de Guyane. Cette physionomie et les ressources alimentaires qui en découlent ont une incidence directe sur la composition du peuplement animal, comme la présence de certains oiseaux granivores de la famille des Embérizidés.

Ces formations à graminées se révèlent en effet très attractives pour le Sporophile curio (Oryzoborus angolensis) et le Bruant chingolo (Zonotrichia capensis). Notons encore la présence de quelques autres espèces caractéristiques des savanes-roches comme le Pigeon ramiret (Columba speciosa) et le Tangara à galons rouges (Tachyphonus phoenicius).

Les nombreuses savanes-roches disséminées à travers le massif forestier, ainsi que l'importance des lisières liées à ces affleurements, aux cambrouzes et rivières, entraînent un nombre plus important d'oiseaux de milieux ouverts que sur aucun autre site à savanes-roches prospecté en Guyane, dont le très rare Colin huppé (Colinus cristatus).

Parmi l'avifaune, il faut également souligner la présence des trois espèces de grands Aras (Ara chloroptera, Ara macao & Ara ararauna) ainsi que de le Marail à ailes blanches (Pipile cumanensis) espèce ayant subi un fort déclin en Guyane du fait de sa répartition restreinte aux bordures des larges rivières sur flat et terrasses alluviales, favorables à la pénétration humaine. Les espèces gibier présentent d'ailleurs une diversité optimale (Tinamous, Agami trompette, Grand Hocco), ainsi que l'avifaune aquatique : Anhinga d'Amérique (Anhinga anhinga), Héron cocoï (Ardea cocoi), Bihoreau blanc (Pilherodius pileatus), Onoré rayé (Tigrisoma lineatum), Ibis vert (Mesembrinibis cayennensis), Canard musqué (Cairina moschata), Caurale soleil (Eurypyga helias).

Signalons enfin parmi les espèces rares et localisées en Guyane, le Geai de Cayenne (Cyanocorax cayanus) et la Coracine rouge (Haematoderus militaris).

Cette richesse spécifique s'exprime également pour l'ichtyofaune avec une biodiversité remarquable, dont une quinzaine d'espèces déterminantes : Anostomus ternetzi, Roeboexodon guyanensis, Lithoxus stocki, Jupiaba maroniensis, Guianacara owroewefi, Geophagus harreri, Cyphocharax spilurus.

En ce qui concerne l'herpétofaune, il faut souligner l'existence d'une petite population de Tropidurus hispidus, constituant la donnée la plus septentrionale de cette espèce de lézard en Guyane, inféodée au massif des Tumuc-Humac.

Enfin, l'éloignement de la zone de toute installation humaine, et donc de pression de chasse importante, permet à la grande faune d'y être bien représentée : Tapir (Tapirus terrestris), Loutre géante (Pteronura brasiliensis), Ocelot (Felis pardalis), Atèle (Ateles paniscus).

Un certain nombre d'espèces recensées dans cette ZNIEFF, végétales ou animales, présentent des populations isolées généralement de petite taille. Une partie d'entre elles sont très largement répandues sur la bande côtière où elles présentent leur optimum de développement, citons ici notamment les palmiers Mauritia flexuosa et Astrocaryum vulgare. D'autres diffèrent quelque peu comme l'agave (Furcrea foetida), de nombreuses autres plantes inféodées aux savanes-roches et le lézard Tropidurus hispidus.

Hormis ces différences, toutes montrent une préférence écologique à des milieux non forestiers. La présence de ces espèces sous la forme de populations isolées et relictuelles sur certains inselbergs de Guyane, constitue le témoignage d'une période (derniers grands refroidissements climatiques) où la diminution de la pluviométrie a déterminé une réduction très importante de l''étendue de la forêt au profit de grandes zones de savanes qui réunissaient alors ces sommets. Cette extension des milieux ouverts de savanes (maximale vers - 18000 ans) a permis à ces espèces d'étendre leur répartition, puis lors de la reconquête de l'espace par la forêt, celles-ci se sont maintenues dans certains sites ponctuels qui ont pu jusqu'à ce jour répondre à leurs exigences écologiques.

La zone des Roches de Mompé-Soula révèle donc des intérêts écologiques remarquables, avec la présence d'espèces rares et une biodiversité animale élevée en relation avec la grande diversité de milieux.

Elle présente également un intérêt scientifique certain par les axes de recherche possibles à développer : prospection des milieux riches en lianes qui y présentent de grandes extensions ; étude de l'écologie particulière des bras anastomosés ainsi que des extensions lacustres du Marouini ; étude de l'interface rivière/forêt inondable avec les variations spatio-temporelles du lit majeur et ses conséquences écologiques ; étude de la distribution de la faune en saison des pluies par rapport aux contraintes de la saison sèche.

Remarquons enfin l'intérêt archéologique de la zone, avec plusieurs sites à polissoirs recensés sur le Saut Akouba Booko Goo Soula, présentant des cupules en fuseau ou circulaires, et témoignant d'une occupation amérindienne ancienne.

Cet espace naturel original bénéficie désormais de la protection du Parc Amazonien de Guyane.

Commentaires sur la délimitation

La ZNIEFF des roches de Mompé-Soula est délimitée comme suit :

N: La limite nord est matérialisée par un affluent en rive gauche de la rivière Marouini, depuis sa source (point A) jusqu'à sa confluence (point B) au nord du saut Mompé-Soula.

E: A l'est, la limite longe la rive gauche de la rivière Marouini jusqu’au point C, confluence sur le Marouini d'un affluent en rive gauche.

S: Au sud, la limite suit le cours de l’affluent en rive gauche de la rivière Marouini du point C jusqu'à sa source (point D).

W: A l'ouest, la ZNIEFF est délimitée par une ligne reliant les points D et A.

Coordonnées des points mentionnés (WGS84, UTM 22 nord):

A (159478m; 288445m) - B (165650m; 291254m) - C (163432m; 283829m) – D (158715m; 287915m)