La ZNIEFF de la Savane-Roche de la Borne Frontière n°4 (type I) se situe à l'extrême sud de la Guyane, marquant la limite entre le bassin Amazonien et les bassins versants des rivières Marouini et Tampock.
Cette ZNIEFF s'inscrit dans l'ensemble des reliefs granitiques du sud de la Guyane, dans une situation géographique intermédiaire entre le massif des Tumuc-Humac à l'ouest et celui des monts de la haute Camopi à l'est.
Il s'agit ici d'un inselberg culminant à 374 mètres, émergeant ainsi du couvert forestier environnant ce qui lui confère un caractère tout à fait remarquable sur le plan paysager.
Les inselbergs résultent de l'affleurement de roches granitiques très anciennes (2,2 milliards d'années) formant le socle du Bouclier des Guyanes s'étendant du Venezuela à l'Amapa. Le relief actuel est le résultat de phases d'aplanissement et d'érosion physico-chimique engendrées par les alternances entre les phases climatiques sèches et humides et les variations du niveau des mers accompagnant les cycles glaciaires. Lors de ces dernières grandes périodes de refroidissement climatique, la diminution de la pluviométrie a déterminé une réduction très importante de l'étendue de la forêt au profit de grande zone de savanes qui réunissaient alors ces sommets. Cette extension des milieux ouverts de savanes (maximale vers - 18000 ans) a permis à certaines espèces d'étendre leur aire de répartition, puis, lors de la reconquête de l'espace par la forêt, celles-ci ont pu se maintenir dans certains sites ponctuels répondant jusqu'à ce jour à leurs exigences écologiques. L'ensemble de ces savanes-roches constitue donc de véritables systèmes insulaires, refuges d'espèces présentes sous la forme de populations isolées et relictuelles, témoignant de ces phases climatiques sèches anciennes. Les peuplements isolés les uns des autres par le massif forestier peuvent ainsi présenter des originalités propres à chaque inselberg ou groupe d'inselbergs ; différences pouvant s'observer même entre des sites proches. Cette particularité présente un intérêt scientifique très important. La ZNIEFF constitue ainsi un véritable laboratoire pour comprendre l'histoire des forêts en offrant l'opportunité d'aborder plusieurs questions fondamentales concernant l'évolution des espèces et des milieux.
Parmi les 500 taxons végétaux détectés sur cette ZNIEFF, plus de 50 sont des espèces déterminantes de la qualité des habitats en Guyane.
En plus des milieux liés aux inselbergs, la zone regroupe divers écosystèmes forestiers allant de la forêt dense et haute de basse altitude, jusqu'aux forêts marécageuses et ripicoles des vallées alluvionnaires.
Les formations végétales directement liées aux affleurements granitiques vont de la forêt basse de transition à la savane-roche proprement dite.
La savane-roche est une formation herbacée basse et discontinue, laissant apparaître des plaques de roche nue, tapissée seulement d'algues bleues (Cyanophycées) qui lui donnent sa couleur noire et jouent un rôle fondamental dans l'altération du granite et sa colonisation ultérieure par les végétaux. Au niveau botanique, cette savane-roche se distingue par une forte communauté de plantes particulièrement rares en Guyane et caractéristiques de cet habitat : Furcraea foetida (Agavaceae), Hippeastrum elegans (Liliaceae), Marsdenia altissima (Asclepiadaceae), Matelea sastrei (Asclepiadaceae), Clusia minor (Clusiaceae), Scleria staheliana (Cyperaceae), Syngonanthus caulescens (Eriocaulaceae), Chamaecrista nictitans (Fabaceae), Genlisea filiformis (Lentibulariaceae), Spigelia flemmingiana (Loganiaceae), Heteropterys oligantha (Malpighiaceae), Calathea squarrosa (Marantaceae), Clidemia attenuata (Melastomataceae), Ernestia rubra (Melastomataceae), Psidium sartorianum (Myrtaceae), Cyrtopodium andersonii (Orchidaceae), Panicum arctum (Poaceae).
En ce qui concerne la faune, la savane-roche de la Borne Frontière n°4 s’illustre par un cortège d’oiseaux liés aux ouvertures granitiques, dont quatre sont déterminants : sporophile curio (Oryzoborus angolensis), tangara à galons rouges (Tachyphonus phoenicius), bruant chingolo (Zonotrichia capensis) et jacamar à ventre blanc (Galbula leucogastra). Cet habitat est également occupé par deux amphibiens rares et caractéristiques de cet habitat rocheux : Leptodactylus longirostris et Leptodactylus myersi.
La forêt basse d'inselberg (voûte de 5 à 15 mètres de hauteur) se matérialise par une ceinture de quelques dizaines de mètres de large au pied des pentes granitiques dénudées, assurant la transition entre la savane-roche et la forêt haute de terre ferme. Le socle granitique qui affleure çà et là, n'est recouvert que par un sol très peu épais, sableux, formé par les produits d'altération du granite et l'accumulation des débris végétaux fixés par un chevelu racinaire dense et superficiel. Ce milieu, temporairement xérique, n'est guère favorable au développement de grands arbres. Au contraire, cette formation est constituée de petits arbres souvent ramifiés à la base (port buissonnant), tortueux et penchés, portant de nombreux épiphytes à faible hauteur en raison d'un éclairement relativement important. Parmi les nombreuses orchidées peuplant cet habitat, Lepanthes ruscifolia est particulièrement remarquable. Maranta friedrichshaliana (Marantaceae) et Hemionitis palmata (Adiantaceae) sont deux autres plantes rares détectées dans ces massifs de lisière d’inselberg.
Les forêts hautes drainées sont bien représentées dans cette zone de relief et abritent plusieurs plantes déterminantes : Disteganthus lateralis (Bromeliaceae), Abarema curvicarpa (Fabaceae), Hymenolobium flavum (Fabaceae), Machaerium aureiflorum (Fabaceae), Leandra agrestis (Melastomataceae), Miconia sastrei (Melastomataceae), Passiflora exura (Passifloraceae), Peperomia haematolepis (Piperaceae). Certaines de ces espèces présentent des affinités avec les forêts sub-montagnardes supérieures à 500 mètres d’altitude malgré une altitude inférieure.
L’avifaune des forêts drainées du secteur est tout à fait remarquable avec un grand nombre d’espèces rares liées aux massifs primaires non perturbés ainsi que certaines spécialités d’altitude : conopophage à oreilles blanches (Conopophaga aurita), batara à gorge noire (Frederickena viridis), coracine rouge (Haematoderus militaris), harpie féroce (Harpia harpyja), colibri corinne (Heliomaster longirostris), cotinga brun (Iodopleura fusca), ibijau à ailes blanches (Nyctibius leucopterus), pic or-olive (Piculus rubiginosus), coq-de-roche (Rupicola rupicola), grisin à croupion roux (Terenura callinota)
Les forêts marécageuses et ripicoles sont également présentes au sein de cette ZNIEFF mais n’ont pas été spécifiquement prospectées. Quelques espèces peu communes liées à ces habitats forestiers humides y sont présentes : Bromelia agavifolia (Bromeliaceae), ara vert (Ara severa), ermite d’Antonie (Threnetes niger).
Le cortège de chiroptères fréquentant les alentours de l’inselberg s’avère remarquable avec plusieurs espèces notablement rares ou déterminantes : Anoura geoffroyi, Pteronotus gymnonotus, Pteronotus parnellii, Pteronotus personnatus.
Cette ZNIEFF est désormais mieux connue sur le plan de son intérêt biologique et son potentiel est élevé à l'image des autres inselbergs étudiés dans le sud de la Guyane. Le milieu de savane-roche constitue un refuge d'espèces présentes sous la forme de populations isolées et relictuelles, pouvant ainsi présenter des originalités propres. Parmi les nombreuses espèces patrimoniales recensées de la zone, il faut ainsi signaler Ananas ananassoides. La ZNIEFF constitue ainsi une des stations d'ananas sauvages de Guyane, jouant un rôle de banque génétique pour l'espèce.
Enfin, l'éloignement de la zone de toute installation humaine et, donc, de pression de chasse importante, permet aux grands vertébrés d'y avoir des populations préservées, ce qui est notamment le cas pour l’atèle (Ateles paniscus), le tapir (Tapirus terrestris) et les grands aras.
La ZNIEFF de la Savane-Roche de la Borne Frontière n°4 est délimitée de la manière suivante :
N : La limite Nord suit la crique Weti Wata Eoukou, depuis sa source (point A) jusqu'au point B, puis emprunte une ligne droite reliant le point B au point C.
E : A l’est, la ZNIEFF est délimitée par un affluent de la crique Alice jusqu’au point D, puis longe un autre affluent de la crique Alice jusqu’au point E avant de finir par une ligne droite qui relie le point E au point F, situé sur la frontière brésilienne.
S : Au sud, la ZNIEFF longe la frontière brésilienne du point F au point G, en passant par la borne 4.
W : La limite Ouest est une ligne droite orientée nord-sud reliant le point G au point A.
Coordonnées des points mentionnés (WGS84, UTM 22 nord):
A (189852m; 261732m) - B (190789m; 264145m) - C (191923m; 264268m) - D (194100m; 263833m) - E (192414m; 263118m) - F (192089m; 262874m) - G (190580m; 261346m)