ZNIEFF 210000639
RESERVOIRS SEINE (LAC D'ORIENT) ET AUBE (LACS DU TEMPLE ET AMANCE)

(n° régional : 00810001)

Commentaires généraux

Le réservoir Seine (ou lac d'Orient) et le réservoir Aube (lac d'Auzon-Temple et lac Amance) font l'objet d'une ZNIEFF de type I de près de 6 000 hectares. D'origine assez récente (mise en service en 1966 pour le premier et 1990/91 pour les seconds), ils se présentent comme des plans d'eau à niveau variable selon les saisons, notamment assez bas en fin d'été et en automne (sauf pour le lac Amance).

Ces conditions particulières favorisent une végétation spéciale dont l'agencement est essentiellement déterminé par le gradient d'humidité du substrat : radeaux à potamots (très étendus), radeaux à nénuphars (nénuphar jaune et nymphéa blanc), tapis submergés de Characées (particulièrement abondants sur le lac Amance, où ils peuvent atteindre plus de 5 mètres de profondeur), végétation flottante à utriculaires et à lentilles (caractéristique des baies des lacs), ceintures internes (roselières à massettes et phragmites, phalaridaies, plus localement glycéraies et hippuridaies), ceintures externes (magnocariçaies, baldingèraies, jonçaies).

Des végétations annuelles sur vase exondée ou sur berges, soumises à l'inondation hivernale et au tassement du sol (action mécanique des vagues en hiver et piétinement en été) se développent sur quasiment tout le pourtour du lac d'Orient (mis à part dans le secteur sud) et de façon plus discontinue au niveau du lac du Temple.

Des saulaies à saule cendré et dans les lieux humides une aulnaie-frênaie à prêle d'hiver colonisent également certaines rives des lacs. La forêt environnante est une chênaie-charmaie mésotrophe. Quelques mares forestières à sphaignes (avec deux espèces nouvelles pour le département) font également partie de la ZNIEFF.

De nombreuses espèces végétales peu courantes à très rares pour la région se rencontrent ici (près d'une vingtaine d'espèces protégées et/ou inscrites sur les listes rouges ont été répertoriées). La flore aquatique et celle des zones exondées lors des étiages (surtout au niveau des lacs Temple et d'Orient) est particulièrement intéressante. La flore amphibie comporte deux espèces protégées en France, la pulicaire annuelle (vasières au pied des digues sur le lac d'Orient et au niveau de la Pointe de Charlieu, presqu'île du lac du Temple), autrefois assez commune, mais aujourd'hui en voie de disparition et l'alisma à feuilles de graminée (très rare en France et en extension en Champagne-Ardenne suite à la création des lacs-réservoirs qui constituent pour elle son biotope favorable), ainsi que six espèces inscrites sur la liste rouge des végétaux de Champagne-Ardenne. Il s'agit de la petite renouée (rare dans l'Aube), du crypsis faux-vulpin (très rare espèce annuelle des grèves, située ici à sa limite de répartition vers le nord), du scirpe épingle, de la limoselle aquatique (Pointe de Charlieu sur le lac du Temple), de la salicaire à feuilles d'hyssope (lac d'Orient, zone piétinée) et de la laîche souchet. La flore aquatique abrite cinq espèces de la liste rouge : le potamot à feuilles de graminées (espèce très rare en Champagne sauf au niveau des grands lacs où il s'est implanté, présent ici sur les lacs d'Orient et du Temple), le potamot à feuilles capillaires et le potamot à feuilles obtuses (rare dans l'Aube où on ne le trouve que dans quelques stations dont celles situées sur les lacs d'Orient et du Temple), la renoncule aquatique et la châtaigne d'eau. Au niveau des zones non inondables de la presqu'île de la Pointe de Charlieu s'est développée une végétation particulière de pelouse sèche à humide (selon les saisons) sur substrat argilo-siliceux avec la gesse de Nissol, le gnaphale jaunâtre et le pied d'oiseau délicat, tous les trois étant inscrits sur la liste rouge régionale. Dans les roselières et les cariçaies peuvent s'observer la germandrée des marais, protégée en Champagne-Ardenne et la renoncule grande douve, protégée en France. Dans l'aulnaie-frênaie se rencontrent également l'orme lisse et la prêle d'hiver (liste rouge régionale).

La population entomologique est importante et variée, liée à la diversité des milieux (lacs, mares, différents stades herbeux et forestiers). Les Odonates ont été particulièrement bien répertoriés : près d'une quarantaine d'espèces a été recensée dont dix font partie de la liste rouge régionale, avec deux demoiselles (agrion mignon et agrion gracieux) et huit libellules (grande aeshne, cordulie à taches jaunes, aeshne printanière, aeshne isocèle, libellule fauve, gomphe vulgaire, gomphe à pinces et orthétrum brun). Deux papillons protégés se rencontrent dans la ZNIEFF : la notodonte bicolore et le sphinx de l'épilobe (également inscrit à l'annexe II de la convention de Berne, à l'annexe IV de la directive Habitats et dans le livre rouge de la faune menacée en France).

La faune ichtyologique des réservoirs provient d'origines diverses : peuplement indigène, alevinages, réintroduction sauvage (perche soleil et silure glane). Quatorze espèces différentes ont été dénombrées dans le lac du Temple, neuf dans le lac d'Orient et sept dans l'Amance. L'essentiel du peuplement est constitué du gardon, de la perche, de la brème commune, du rotengle et de la tanche. La carpe (vraisemblablement introduite par les moines au Moyen-Age) et le brochet font l'objet d'une pêche importante. Le sandre a été récemment introduit. D'autres poissons comme l'ablette commune, la brème bordelière, le goujon, la vandoise, le chevaine et la loche d'étang (uniquement dans le lac du Temple) s'y rencontrent de façon plus marginale. La loche d'étang est inscrite sur les annexes II de la directive Habitats et de la convention de Berne, et figure dans le livre rouge de la faune menacée en France.

La large gamme des habitats aquatiques offerts par les trois réservoirs est très favorable à de nombreuses espèces de batraciens. On peut ainsi rencontrer la rainette arboricole, le triton à crêtes et le sonneur à ventre jaune (inscrits à l'annexe II de la convention de Berne, annexes II et/ou IV de la directive Habitats, dans le livre rouge, catégorie "vulnérable"). Ils figurent aussi dans la liste rouge régionale de même que la salamandre tachetée. Le crapaud commun, les tritons alpestre, palmé et ponctué, les grenouilles verte, rousse et agile (menacée) fréquentent également le site. Les reptiles sont représentés notamment par la couleuvre vipérine (qui n'est connue qu'en dix points du département de l'Aube), inscrite sur la liste rouge régionale, la couleuvre à collier, le lézard des murailles.

La configuration des lacs largement ouverts sur la plaine, leur situation géographique, au cœur d'un couloir migratoire important, les rendent très attractifs pour les oiseaux (plus de 250 espèces ont fréquenté au moins une fois les barrages-réservoirs depuis leur mise en eau). La végétation suffisamment dense et la relative tranquillité de certaines anses offrent un milieu très favorable à la reproduction des oiseaux ; les grandes vasières découvertes à l'automne sont des zones privilégiées pour la recherche de nourriture et le repos. On y remarque de nombreuses espèces de limicoles (35 espèces différentes) attirées par les vases exondées en septembre-octobre, dont les rares bécasseaux sanderling et cocorli. On y trouve en grand nombre le bécasseau combattant, le bécasseau variable, le bécasseau minute, la bécassine des marais (inscrite sur la liste rouge française des oiseaux en danger, dans la convention de Berne et la directive Oiseaux), les chevaliers (surtout aboyeur et arlequin), le courlis cendré. Les pluviers (dorés et argentés), le chevalier gambette, les barges (rousse et à queue noire) fréquentent aussi, en plus petit nombre, les vasières. Du mois d'août au mois d'avril, de larges bandes de vanneaux huppés investissent les plans d'eau (avec, certaines années, plus de 15 000 individus lors des migrations),certains nichent sur le site. Le vanneau est inscrit sur la liste rouge des oiseaux menacés de Champagne-Ardenne, de même que le petit gravelot qui se reproduit aussi dans la ZNIEFF.

Au printemps et en automne passent des milliers de canards (canard souchet, fuligule milouin, sarcelle d'hiver, foulque macroule et, en plus petit nombre, nette rousse, sarcelle d'été, tadorne de Belon, macreuse brune) dont une partie hivernera sur place (canards colverts et sarcelles d'hiver qui forment le plus gros des effectifs, canard pilet, canard siffleur, fuligule milouin, fuligule morillon...). Certains nichent sur le site, notamment le canard colvert et plus rarement le canard chipeau. Les réservoirs accueillent régulièrement les grèbes huppés (100 à 200 couples nicheurs chaque année, concentrés principalement sur les zones interdites à la navigation des lacs du Temple et d'Orient), ainsi que les rares grèbes jougris et esclavon. La zone constitue un site d'hivernage régulier, exceptionnel pour un site continental, de plongeon imbrin. C'est une zone de prédilection, les poissons se trouvant piégés dans les poches d'eau lors de l'étiage, pour les hérons cendrés, quelques grandes aigrettes, hérons pourprés (dont la nidification, rare au nord de la Loire, est fortement suspectée ici), et surtout pour la très rare cigogne noire (nidification possible) dont c'est la principale concentration post-nuptiale en France. Le cygne de Bewick hiverne depuis peu sur ces lacs qui sont devenus un des deux sites les plus importants pour cette espèce en France (après la Camargue). Le lac d'Orient est un des rares sites français à avoir accueilli les cinq espèces d'oies européennes (dont la très rare et très menacée oie naine). Parmi elles, deux espèces hivernent traditionnellement sur le site, l'oie cendrée (lac du Temple) et l'oie des moissons (lac d'Orient) en régression sensible et dont les effectifs ne cessent de décroître.

De nombreux rapaces y hivernent (faucon pèlerin, faucon émerillon, busard Saint-Martin), y font une halte lors de leur migration (milan royal) ou nichent à proximité (bondrée apivore, milan noir, éperviers, buses, etc.) Les deux espèces de rapaces inféodés au milieu lacustre y sont représentées : le balbuzard pêcheur (halte migratoire au printemps et en automne) et surtout le pygargue à queue blanche (unique site d'hivernage régulier français, avec le lac du Der). Tous les deux sont inscrits à l'annexe I de la directive Oiseaux, à l'annexe II de la convention de Berne, dans le livre rouge de la faune menacée en France et sur la liste rouge régionale.

Avec le pygargue à queue blanche, l'autre symbole de l'avifaune de ces réservoirs est la grue cendrée (inscrite l'annexe I de la directive Oiseaux, annexe II de la convention de Berne, dans le livre rouge, "catégorie vulnérable" et sur la liste rouge régionale) : en période de migration, entre 500 et 5 000 oiseaux y stationnent quotidiennement lors de leur transit depuis ou vers l'Espagne. Entre 100 et 200 oiseaux hivernent sur la presqu'île de Charlieu et la zone littorale du bois du même nom, chaque année, entre octobre et mars. De plus, l'estivage de quelques oiseaux a été signalé sur le lac du Temple.

Des radeaux de grèves de 9 m² chacun ont été installés dans les zones interdites à la navigation des lacs du Temple et d'Orient et ont ainsi permis la reproduction de la sterne pierregarin (entre 75 et 85 couples nicheurs en 1998, soit plus de la moitié de la population de Champagne-Ardenne) et deux nidifications de goéland leucophée, les premières pour la région.

Les roselières (bien que peu fréquentes sur ces lacs compte tenu de leur gestion hydraulique particulière), les queues des réservoirs (notamment celle du déversoir du lac d'Orient) et les fourrés humides de bordure permettent la nidification de nombreux passereaux comme la rousserolle turdoïde (inscrite dans le livre rouge, catégorie "vulnérable"), le phragmite des joncs et la rousserolle verderolle. La pie-grièche écorcheur et la pie-grièche grise nichent régulièrement sur le site. Toutes ces espèces (mise à part la rousserolle verderolle) sont inscrites sur la liste rouge des oiseaux de Champagne-Ardenne.

Plusieurs espèces de mammifères ont été contactées en bordure des lacs (chevreuil, cerf élaphe, renard roux, musaraigne aquatique, putois). C'est de plus une zone de chasse importante pour certaines chauves-souris (zones d'estivage et d'hivernage protégée située à proximité) comme par exemple la noctule de Leisler, le murin de Bechstein, la pipistrelle de Nathusius...

La ZNIEFF des réservoirs Seine et Aube s'inscrit dans un contexte patrimonial important : elle fait l'objet d'une ZPS (Zone de Protection Spéciale) de 2500 hectares depuis 1986, fait partie de la ZICO CA 02 (lacs de la Forêt d'Orient) et du réseau international des zones humides de la convention de Ramsar (Etangs de la Champagne humide) depuis 1991.Une petite partie du site a également été proposée pour Natura 2000. Un cadre réglementaire est déjà établi sur certaines zones (réserve ornithologique, zones interdites à toutes activités par arrêté préfectoral, réserves de pêche, chasse interdite sur les lacs, forêts soumises au régime forestier). Un projet de réserve naturelle est en cours (depuis la presqu'île de la Petite Italie sur le lac d'Orient jusqu'à la Pointe de Charlieu sur le lac du Temple, avec une partie de la Forêt du Grand Orient). Elle est incluse dans le périmètre du Parc Naturel Régional de la Forêt d'Orient et fait partie de la grande ZNIEFF II de la Forêt d'Orient.

Commentaires sur la délimitation

La délimitation de la ZNIEFF suit en général celle des réservoirs en y incluant certains bois limitrophes associés.