ZNIEFF 210000640
FORETS ET LACS D'ORIENT

(n° régional : 00810000)

Commentaires généraux

La grande ZNIEFF de type II des forêts et lacs d'Orient constitue l'un des sites majeurs du département de l'Aube. D'une superficie de 14 960 hectares, elle est composée aujourd'hui par le massif forestier d'Orient (qui regroupe forêt domaniale et bois privés), les trois réservoirs (Seine et Aube) et une série d'étangs situés au sud-est et au nord-est de la zone. Trois ZNIEFF de type I sont incluses du site : elles concernent les lacs-réservoirs d'une part et les étangs d'autre part.

La forêt est un des plus grands massifs du département : elle est constituée par la chênaie-charmaie mésotrophe (sur sol limoneux), la chênaie-hêtraie acidophile (sur sol sableux), l'aulnaie-frênaie et l'aulnaie (sur les sols engorgés). Le massif est riche en secteurs humides (mares à sphaignes et petits ruisseaux) et montre des lisières forestières très intéressantes.

La chênaie-charmaie mésotrophe est le type dominant. La strate arborescente comprend les chênes sessile et pédonculé, le charme, le tilleul à petites feuilles (très abondant), le merisier, le bouleau verruqueux, l'orme champêtre. Le taillis est composé par le troène, le camerisier, le noisetier, l'aubépine épineuse, le rosier des champs, etc. Le tapis herbacé, très varié, est constitué par la fétuque hétérophylle, la laîche fausse-brize (espèce d'Europe centrale, rare dans l'Aube), la laîche à nombreuses racines, la primevère élevée, le lamier jaune, la ficaire, la renoncule tête d'or, la gesse des montagnes, le millepertuis velu, la laîche des bois... On y trouve assez fréquemment deux orchidées : la néottie nid d'oiseau et l'épipactis violacé, rare dans l'Aube (où elle n'est présente qu'en Champagne humide et, plus rarement, dans le Pays d'Othe). Ses effectifs n'excèdent pas quelques centaines de pieds et elle souffre localement de cueillettes intempestives lors de sa floraison.

La chênaie-hêtraie silicicole se rencontre principalement sur sols sableux. Le chêne sessile est l'essence dominante au sein de la futaie, il est accompagné par le sorbier des oiseleurs, le bouleau et le châtaigner. La strate arbustive se caractérise par la présence du néflier, du genêt à balais, du houx, du chèvrefeuille des bois et de la bourdaine. La strate herbacée est peu recouvrante mais très diversifiée (molinie bleue, germandrée scorodoine, callune, muguet, laîche pâle, luzule des bois, luzule poilue, épervière de Savoie, millepertuis élégant). En lisière se développent le genêt à balais et la fougère aigle.

L'aulnaie-frênaie à orme lisse (inscrit sur la liste rouge régionale) forme la ripisylve des rus, se rencontre en bordure des lacs et des étangs et au niveau des sols engorgés de la forêt. Il s'y développe la fougère de Borrer (rare dans l'Aube), la fougère femelle, la laîche penchée, la laîche espacée et la prêle d'hiver (rare en plaine, inscrite sur la liste rouge régionale).

Sur les talus herbeux et dans certaines lisières se rencontre une espèce rarissime en France (où elle n'est signalée que dans quelques stations du nord-est) : la campanule cervicaire, accompagnées par l'aigremoine odorante et l'épervière des prés. Protégée sur l'ensemble du territoire français, la campanule cervicaire figure dans le livre rouge de la flore menacée de France (à l'annexe I, liste des espèces prioritaires) et est inscrite sur la liste rouge régionale. La cervicaire fait l'objet d'une convention amiable entre le Parc Naturel Régional de Champagne-Ardenne et la DDE, afin que les talus qui l'accueillent soient fauchés à des dates qui permettent sa reproduction

Certaines mares forestières se remarquent sur le territoire de la ZNIEFF (plus d'une centaine) : la plupart sont d'origine anthropique (extraction des limons, points d'eau pour le bétail) et se sont boisés (principalement par l'aulne glutineux) suite à leur abandon. Leur principal intérêt botanique réside dans la présence de nombreuses sphaignes : sphaigne bateau, sphaigne hérissée, sphaigne pointue, avec certaines espèces nouvelles pour l'Aube (Sphagnum rubellum et Sphagnum flexuosum)... On peut également y observer l'orchis de Fuchs, la véronique à écus, l'utriculaire citrine et la laîche allongée.

Les milieux aquatiques sont bien représentés dans la ZNIEFF par les étangs et les lacs-réservoirs (le réservoir Seine constitué par le lac d'Orient et le réservoir Aube constitué par le lac du Temple et le lac Amance). Ils se présentent comme des plans d'eau à niveau variable pour les lacs (notamment assez bas en fin d'été et en automne), plus constants pour les étangs. Ces conditions particulières favorisent une végétation spéciale dont l'agencement est essentiellement déterminé par le gradient d'humidité du substrat : radeaux à potamots et à nénuphars (nénuphar jaune et nymphéa blanc), tapis submergés de Characées, végétation flottante à utriculaires et à lentilles, ceintures internes (roselières à massettes et phragmites, phalaridaies, plus localement glycéraies et formations à pesse), ceintures externes (magnocariçaies, baldingèraies, jonçaies). Dans les roselières et les cariçaies peuvent s'observer la germandrée des marais, protégée en Champagne-Ardenne et la renoncule grande douve, protégée en France.

La flore aquatique abrite six espèces de la liste rouge : le potamot à feuilles de graminées (espèce très rare en Champagne), le potamot à feuilles capillaires et le potamot à feuilles obtuses (rare dans l'Aube où on ne le trouve que dans quelques stations), la renoncule aquatique, le callitriche pédonculé et la châtaigne d'eau.

Des végétations annuelles sur vase exondée ou sur berges se développent sur quasiment tout le pourtour du lac d'Orient (mis à part dans le secteur sud) et de façon plus discontinue au niveau des étangs et du lac du Temple. La flore amphibie comporte deux espèces protégées en France, la pulicaire annuelle (autrefois assez commune, mais aujourd'hui en voie de disparition) et l'alisma à feuilles de graminée, une espèce protégée en Champagne-Ardenne, l'élatine à six étamines (Etang de Fort en Paille) ainsi que huit espèces inscrites sur la liste rouge des végétaux de Champagne-Ardenne. Il s'agit de la petite renouée (rare dans l'Aube), du crypsis faux-vulpin (très rare espèce annuelle des grèves, située ici à sa limite de répartition vers le nord), du scirpe épingle, de la limoselle aquatique, de la laîche souchet (Etang du Parc aux Pourceaux), du scirpe de Sologne (Etang de Fort en Paille), du faux-riz et de la salicaire à feuilles d'hyssope.

Au niveau des zones non inondables de la presqu'île de la Pointe de Charlieu sur le lac du Temple s'est développée une végétation particulière de pelouse sèche sur substrat argilo-siliceux avec la gesse de Nissol, la canche caryophyllée, le gnaphale jaunâtre et le pied d'oiseau délicat (tous les quatre étant inscrits sur la liste rouge régionale), la jasione des montagnes (très rare dans l'Aube), etc. En limite de certains bois et cultures, dans les secteurs humides exondés en été, on rencontre la centenille, le gypsophile des moissons, la salicaire à feuilles d'hyssope, le chénopode glauque et la sagine apétale, les trois premiers étant inscrits sur la liste rouge régionale des végétaux.

La population entomologique est importante et variée, liée à la diversité des milieux (lacs, mares, différents stades herbeux et forestiers). De nombreux coléoptères peuvent observer dans la ZNIEFF et notamment certaines espèces rares, comme le capricorne ponctué (unique localisation française de l'espèce).

Les mares à sphaignes abritent le rare Ilybius gittiger et Hydroporus neglectus, qui ne peuvent subsister que dans des eaux pures non polluées (même à une échelle très réduite).

Les Odonates ont été particulièrement bien répertoriés : près d'une quarantaine d'espèces a été recensée dont douze font partie de la liste rouge régionale, avec deux demoiselles (agrion mignon et agrion gracieux) et dix libellules (grande aeshne, cordulie à taches jaunes, aeshne printanière, aeshne isocèle, libellule fauve, gomphe vulgaire, gomphe à pinces, sympétrum méridional, orthétrum bleuissant et orthétrum brun).

Deux papillons protégés se remarquent parmi les nombreux papillons qui fréquentent la ZNIEFF : la notodonte bicolore et le sphinx de l'épilobe (également inscrit à l'annexe II de la convention de Berne, à l'annexe IV de la directive Habitats et dans le livre rouge de la faune menacée en France). Le thécla du coudrier, inscrit sur la liste rouge régionale, s'y rencontre également.

La faune ichtyologique des réservoirs et des étangs provient d'origines diverses. L'essentiel du peuplement est constitué du gardon, de la perche, de la brème commune, du rotengle et de la tanche. La carpe et le brochet font l'objet d'une pêche importante. La loche d'étang (inscrite sur les annexes II de la directive Habitats et de la convention de Berne et dans le livre rouge de la faune menacée en France) s'y rencontre de façon plus marginale.

La large gamme des habitats aquatiques offerts par les étangs, les mares et les réservoirs est très favorable à de nombreuses espèces de batraciens. On peut ainsi rencontrer la rainette arboricole, le triton à crêtes et le sonneur à ventre jaune (inscrits à l'annexe II de la convention de Berne, annexes II et/ou IV de la directive Habitats, dans le livre rouge, catégorie "vulnérable"). Ils figurent aussi dans la liste rouge régionale de même que la salamandre tachetée (catégorie "en déclin") et le pélodyte ponctué (catégorie "rare"). Le crapaud commun, les tritons alpestre, palmé et ponctué, les grenouilles verte, rousse et agile (menacée) fréquentent également le site. Une opération de protection lors de la migration des batraciens entre leur zones d'hivernage terrestres et leurs sites de reproduction aquatiques a été mis en place depuis plusieurs années, sur une demi-douzaine de sites stratégiques (plus de 150 000 batraciens sont ainsi protégés chaque année). Les reptiles sont représentés notamment par la couleuvre vipérine (rare dans le département de l'Aube et inscrite sur la liste rouge régionale), la couleuvre à collier et le lézard des murailles (stations assez abondantes).

La configuration des lacs, largement ouverts sur la plaine, leur situation géographique, au cœur d'un couloir migratoire important et la proximité de la forêt, rendent la ZNIEFF très attractive pour les oiseaux (plus de 250 espèces ont fréquenté au moins une fois les étangs et les barrages-réservoirs depuis leur mise en eau).

La végétation suffisamment dense et la relative tranquillité de certaines anses offrent un milieu très favorable à la reproduction des oiseaux ; les grandes vasières découvertes à l'automne sont des zones privilégiées pour la recherche de nourriture et le repos. On y remarque de nombreuses espèces de limicoles : on y trouve en grand nombre le bécasseau combattant, le bécasseau variable, le bécasseau minute, la rare bécassine des marais (inscrite sur la liste rouge française des oiseaux en danger, dans la convention de Berne et la directive Oiseaux), les chevaliers (surtout aboyeur et arlequin), le courlis cendré. Le vanneau huppé, la sterne pierregarin et le petit gravelot (inscrits sur la liste rouge des oiseaux menacés de Champagne-Ardenne) reproduisent aussi sur le site.

Au printemps et en automne passent des milliers de canards dont une partie hivernera ou se reproduira sur place. Les lacs accueillent également les hérons cendrés, quelques grandes aigrettes et hérons pourprés (dont la nidification, rare au nord de la Loire, est fortement suspectée ici) et surtout la très rare cigogne noire (nidification possible) dont c'est la principale concentration post-nuptiale en France.

De nombreux rapaces y hivernent, y font une halte lors de leur migration (milan royal, balbuzard pêcheur, pygargue à queue blanche, ces deux derniers étant inscrits à l'annexe I de la directive Oiseaux, à l'annexe II de la convention de Berne, dans le livre rouge de la faune menacée en France et sur la liste rouge régionale) ou se reproduisent à proximité (milan noir).

En période de migration, entre 500 et 5 000 grues cendrées stationnent quotidiennement sur les lacs et entre 100 et 200 oiseaux y passeront l'hiver. Les roselières et les fourrés humides de bordure permettent la nidification de nombreux passereaux comme la rousserolle turdoïde (inscrite dans le livre rouge, catégorie "vulnérable"), le phragmite des joncs et la rousserolle verderolle. La pie-grièche écorcheur et la pie-grièche grise nichent également sur le site. Toutes ces espèces sont inscrites sur la liste rouge des oiseaux de Champagne-Ardenne, sauf le pipit farlouse.

L'avifaune forestière est également bien représentée : les cinq espèces de pics de plaine sont présentes au sein du massif forestier, avec notamment des densités importantes de pic mar et quelques couples des rares pics cendrés (espèce inscrite sur la liste rouge régionale) et pics noirs. On y rencontre également les passereaux typiques des milieux forestiers, avec le pigeon colombin, le pinson des arbres, la sittelle torchepot, le grimpereau des jardins, le grosbec casse-noyaux, le pouillot véloce, le pouillot siffleur, la mésange charbonnière... Dans les parcelles plus ouvertes se rencontrent plutôt la fauvette à tête noire, la fauvette des jardins, le rougequeue à front blanc, la locustelle luscinoïde et la pie-grièche écorcheur (deux espèces au statut de conservation très défavorable dans la région et inscrites sur la liste rouge), l'hypolaïs polyglotte ou encore le gobemouche gris. Il arrive que le busard Saint-Martin nidifie dans les larges clairières où s'installe parfois l'alouette des champs. La buse et la bondrée apivore nichent dans la forêt, de même que l'épervier d'Europe et l'autour des palombes. En période de migration, le bec-croisé des sapins et le sizerin flammé fréquentent la forêt au gré d'invasions irrégulières.

Le cerf élaphe, le chevreuil et le sanglier sont bien répandus dans la forêt, le renard roux fréquente plutôt les lisières et les rives des lacs. La martre des pins est bien représentée, la fouine, la belette, le chat sauvage et l'hermine sont plus rares. Le lérot et le muscardin sont abondants. Trois espèces appartiennent à la liste rouge régionale des mammifères : la loutre (annexe II de la convention de Berne, annexes II et IV de la directive Habitats, livre rouge de la faune menacée en France, catégorie "en voie de disparition), la musaraigne aquatique (protégée) et le putois.

De nombreuses chauves-souris fréquentent le site (présence de sites d'estivage et de gîtes d'hibernation protégés situés au sud-est du Parc Régional). La noctule commune, la noctule de Leisler, le murin de Bechstein, la sérotine commune, le vespertilion de Brandt, le vespertilion de Natterer, le vespertilion à moustaches et le vespertilion à oreilles échancrées peuvent s'observer dans la forêt ou en chasse au dessus des lacs. Toutes ces chauves-souris font patie de la liste rouge régionale.

La ZNIEFF de la forêt et des lacs d'Orient s'inscrit dans un contexte patrimonial important : elle fait l'objet d'une ZPS (Zone de Protection Spéciale) de 2500 hectares depuis 1986, fait partie de la ZICO CA 02 (lacs de la Forêt d'Orient) et du réseau international des zones humides de la convention de Ramsar (Etangs de la Champagne humide) depuis 1991.Une partie du site a également été proposée pour Natura 2000. Un cadre réglementaire est déjà établi sur certaines zones (réserve ornithologique, zones interdites à toutes activités par arrêté préfectoral, réserves de pêche, chasse interdite sur les lacs, forêts soumises au régime forestier). Un projet de réserve naturelle est en cours (depuis la presqu'île de la Petite Italie sur le lac d'Orient jusqu'à la Pointe de Charlieu sur le lac du Temple, avec une partie de la Forêt du Grand Orient). Elle est incluse dans le périmètre du Parc Naturel Régional de la Forêt d'Orient et dans la Z.I.C.O. CA 02 (lacs de la Forêt d'Orient) de la directive Oiseaux.

Commentaires sur la délimitation

Les limites de la ZNIEFFsuivent celles du massif forestier de mla Forêt d'Orient élargies à celles des trois lacs-resevoirs et celles des étangs périphériques situés au sud (fonctionnement et relation d'écosystèmes). Les agglomérations sont exclues du périmètre.