Le Camp de Suippes est le plus grand des quatre camps militaires de la Champagne crayeuse ; il constitue un très vaste ensemble semi-naturel isolé au milieu d'un paysage de grandes cultures. Territoire militaire depuis la fin de la première guerre mondiale, la végétation y a évolué assez librement depuis 75 ans.
Cette ZNIEFF de type II de plus de 13 700 hectares comprend de vastes pelouses calcaires entrecoupées de broussailles calcicoles et de pinèdes de pins noirs ou de pins sylvestres, d'origine humaine (plantées) ou spontanées (implantation naturelle par essaimage des pins). Le camp est traversé par une petite rivière (la Dormoise qui prend sa source à l'intérieur de la ZNIEFF) et les ruisseaux de la Goutte et de Marson, bordés par des boisements riverains bien développés et des petits marais. D'autres biotopes sont à noter et notamment des zones érodées peuplées par une végétation pionnière et des petits éboulis crayeux.
La richesse floristique est grande, liée à la diversité des milieux. Les pelouses sont typiques et bien caractéristiques des savarts autrefois nombreux dans la région : dominées par diverses graminées adaptées aux sols crayeux (brome dressé, fétuque ovine, brachypode penné, brize intermédiaire), accompagnées de nombreuses orchidées (épipactis brun-rougeâtre, orchis pourpre, orchis moucheron, orchis pyramidal, platanthère à deux feuilles et listère ovale) et par l'anémone pulsatille, l'euphorbe de Séguier (rare en Champagne-Ardenne), la chlorette perfoliée, le lin à feuilles ténues, la gentiane germanique, la gentiane ciliée, le thym serpolet, la germandrée petit-chêne, etc. De nombreuses espèces rares et/ou protégées s'y rencontrent : dans les zones érodées des petits éboulis calcaires, le sisymbre couché, figurant dans le livre rouge de la flore menacée en France, protégé en Europe par la convention de Berne, inscrit dans les annexes II et IV de la directive Habitat et sur la liste rouge des végétaux menacés de Champagne-Ardenne, le diplotaxis des murs, le lin français (espèce subatlantique, en régression considérable dans la région et menacée de disparition à moyen terme), dans la pelouse proprement dite, l'orobanche élevée (espèce très menacée et en très forte régression), l'orobanche de la germandrée et la gesse de Nissol. Toutes ces espèces sont inscrites sur la liste rouge régionale et la presque totalité (mise à part la dernière) est protégé au niveau régional.
Les pinèdes constituent également un milieu biologique remarquable, elles possèdent une flore très riche rassemblant certains éléments de la pelouse, diverses espèces liées aux pins (comme la goodyère rampante par exemple) ainsi que d'autres issues des forêts feuillues. Elles abritent la pyrole à fleurs verdâtres : elle est liée à la survivance des pinèdes et bois clairs de cette région de Champagne (seule région, avec l'Alsace, où cette espèce est recensée en plaine), elle est en très forte régression suite aux déboisements qu'a connu cette région naturelle et bénéficie d'une protection régionale.
Les groupements riverains de la rivière et des ruisseaux montrent des milieux bien caractéristiques : saulaies basse à saule cendré, aulnaies à populage des marais, ficaire fausse-renoncule, pâturin trivial, renoncule rampante, iris faux-acore, fusain d'Europe, des roselières abritant une avifaune variée et des prairies plus ou moins humides proches du Molinion avec le brachypode penné, l'ail des vignes, l'ornithogale en ombelle, la danthonie décombante, la succise des prés, la laîche bleuâtre, etc.
Une petite zone a été notamment ajoutée à la ZNIEFF initiale, il s'agit de la hêtraie relictuelle du Bois de la Garenne situé sur le territoire de Fontaine-en-Dormois. Elle se présente comme une futaie de hêtres en tache isolée reliée par du taillis simple avec de l'alisier blanc, des érables champêtre et sycomore, du frêne, du charme, de l'orme champêtre, du tilleul à petites feuilles, du tamier commun et du chèvrefeuille des jardins
La variété des papillons est exceptionnelle avec 67 espèces différentes, dont une protégée en France et quatorze inscrites sur la liste rouge des insectes de Champagne-Ardenne : l'azuré du serpolet (qui bénéficie d'une protection nationale depuis 1993) inscrit dans l'annexe II de la Convention de Berne et dans l'annexe IV de la directive Habitats, figure dans le livre rouge de la faune française (dans la catégorie en danger d'extinction) et sur la liste rouge de Champagne-Ardenne, en compagnie de l'azuré de la sarriette, de l'azuré de la croisette, du flambé, du grand damier, du damier du plantain (ou déesse à ceinturons), de deux mélitées dont la mélitée des digitales, de l'agreste, du fadet de la mélique, du cuivré écarlate, de l'ermite (espèce très rare en plaine), du mercure (ou petit agreste, en limite nord de son aire de répartition) et du thécla du coudrier.
Les orthoptères sont également bien représentés avec une trentaines d'espèces de sauterelles et criquets divers, dont neuf sont inscrits sur la liste rouge régionale, avec par exemple le criquet italien (en limite nord de répartition), le dectique verrucivore, les decticelles, l'oedipode bleu, le plactycléis à taches blanches, etc.
On y rencontre le lézard des souches, totalement protégé en France depuis 1993, inscrit à l'annexe IV de la directive Habitats, à l'annexe II de la convention de Berne et dans le livre rouge de la faune menacée en France (absent du pourtour méditerranéen et de l'ouest de la France, en déclin dans le nord et le nord-est).
La très vaste étendue du camp est favorable à certaines espèces d'oiseaux qui trouvent là un des derniers refuges et sites favorables à leur nidification ou à leur alimentation. Ainsi, sur les 114 espèces d'oiseaux recensées sur le site, onze sont considérées comme des nicheurs rares et en régression et de ce fait inscrits sur la liste rouge des oiseaux de Champagne-Ardenne, avec un très bel oiseau en limite d'aire septentrionale de répartition dans la région, la huppe fasciée, en régression préoccupante, l'outarde canepetière, autrefois un des oiseaux les plus représentatifs de la Champagne crayeuse et en déclin catastrophique aujourd'hui, le pouillot de Bonelli, le plus méridional des pouillots régionaux (nicheur très rare et en régression), l'engoulevent d'Europe, le pigeon colombin, le tarier d'Europe, le torcol fourmilier (nicheur rare en régression), la pie-grièche grise (nicheur peu commun), la pie-grièche écorcheur (nicheur un peu plus commun, mais en régression), l'alouette lulu (qui a subi une très forte régression dans les années 70/80) et le traquet motteux (nicheur très rare).
De nombreux rapaces diurnes ou nocturnes survolent les grandes étendues du camp : milans noir et royal, buse, bondrée apivore, faucons, busards et éperviers divers, hibou des marais et hibou moyen-duc, chouette effraie et chouette hulotte.
D'autres oiseaux sont de passage (avec par exemple la bécasse des bois, la grue cendrée, la gélinotte des bois, le vanneau huppé, occasionnellement le merle à plastron, etc.).
Les mammifères forestiers sont bien représentés : grand gibier, chat sauvage, blaireau, martre, écureuil ainsi que la musaraigne aquatique (protégée en France) et le putois inscrits sur la liste rouge régionale. La loutre a été observée : intégralement protégée en France depuis 1981, elle figure à l'annexe II de la convention de Berne et aux annexes II et IV de la directive habitats.
Cette ZNIEFF, constituant un très beau milieu naturel (identifiée par le Muséum National d'Histoire Naturel comme susceptible d'être intégrée au réseau Natura 2000 au titre de la directive Habitats) est dans un très bon état de conservation.
La délimitation de la zone suit principalement les contours du camp militaire, mis à part une petit secteur situé en limite nord-est de la ZNIEFF qui prend en compte un secteur très riche aussi bien du point de vue floristique que faunistique.