Le réservoir Marne ou lac du Der-Chantecoq fait l'objet d'une ZNIEFF de type I de près de 6 000 hectares. D'origine assez récente (mise en service en 1974 pour l'ensemble du lac du Der), il se présente comme un vaste plan d'eau (le plus grand réservoir artificiel d'Europe) à niveau variable selon les saisons, notamment assez bas en fin d'été et en automne (il a été créé pour réguler les crues de la Marne). Malgré une prédominance d'un ouvrage bétonné qui ceinture le lac, la pente douce et les nombreux atterrissements le long de ces digues ont permis une colonisation par la végétation palustre et aquatique : ainsi les saulaies et les roselières sont nombreuses sur la côte nord et est du lac. Mais en général, l'agencement de la végétation est essentiellement déterminé par le gradient d'humidité du substrat. On y distingue :
- des herbiers à potamots (avec le potamot de Ziz, le potamot à feuilles de graminée, le potamot à feuilles luisantes, le potamot à feuilles pectinées), des radeaux à renouée amphibie, des radeaux à cératophylles, des radeaux à nénuphars (nénuphar jaune, petit nénuphar, faux nénuphar), très localement des végétations flottantes à utriculaire citrine et à lentilles (petite lentille d'eau, lentille à trois lobes, lentille à nombreuses racines). On y trouve aussi la renoncule à feuilles capillaires, la pesse, la grande naïade et plus rarement le potamot à feuilles perfoliées, l'élodée du Canada, le myriophylle verticillé. L'extension de ces herbiers d'hydrophytes est favorisée par la présence de hauts fonds (nombreux dans le secteur est du lac). L'extrême pointe du réservoir (queue du Der) se distingue par la formation d'un radeau particulièrement dense et impénétrable de rorippe amphibie flottant à la surface de l'eau.
- une ceinture interne avec des roselières (à phragmite, germandrée des marais, oenanthe aquatique, rorippe amphibie, séneçon des marais, etc.), des phalaridaies (à patience des eaux, iris faux-acore, renouée amphibie...) et plus localement des glycériaies et des typhaies.
- une ceinture médiane avec des magnocariçaies (à laîche des rives, laîche des marais et laîche aiguë).
- une ceinture externe avec des "prairies" de l'Agropyro-Rumicion (avec la menthe des champs, le plantain d'eau à feuilles de graminées, le plantain d'eau lancéolé, la laîche distique, la laîche hérissée...).
Les végétations annuelles sur vase exondée ou sur berge, soumises à l'inondation hivernale et au tassement du sol (action mécanique des vagues en hiver et piétinement en été) se développent sur quasiment tout le pourtour du lac à partir de juillet jusqu'en novembre (elles peuvent alors couvrir 20% de la superficie du réservoir). Elles sont de deux types : végétation amphibie à scirpe de Sologne et plantain d'eau à feuilles de graminées et groupement d'exondation à crypsis faux-vulpin, scirpe épingle, limoselle aquatique, patience maritime, patience des marais, pulicaire vulgaire, chénopode rouge, potentille couchée (groupement du Bidention).
Au niveau du réservoir de Champaubert et autour des bassins nautiques, à niveau d'eau plus constant, les rives sont bordées par une saulaie dense qui limite l'extension de la végétation aquatique. Les saules les plus couramment observés sont le saule cendré, le saule blanc, le saule à trois étamines et le saule des vanniers.
La forêt entourant le lac est une chênaie-charmaie mésotrophe fraîche dominée par le chêne sessile, le chêne pédonculé, le merisier, le tremble, le charme et le tilleul à petites feuilles. La strate herbacée renferme, outre le lierre peu recouvrant, la laîche des bois, la luzule poilue, la canche cespiteuse, la fougère femelle, la primevère élevée et sur les sols plus argileux, le groseillier rouge, la laîche pendante et la fétuque géante. Très localement, dans les zones plus marécageuses (en contact direct avec les rives du lac) se développe une aulnaie-frênaie à orme lisse, avec une strate herbacée luxuriante constituée par la laîche des rives, la laîche allongée, l'iris faux-acore, le houblon et par de larges taches de cardamine amère
De nombreuses espèces végétales peu courantes à très rares pour la région se rencontrent ici (plus d'une vingtaine d'espèces protégées et/ou inscrites sur les listes rouges ont été répertoriées). La flore aquatique et celle des zones exondées lors des étiages est particulièrement intéressante. La flore amphibie comporte deux espèces protégées en France, la pulicaire annuelle (autrefois assez commune, mais aujourd'hui en voie de disparition) et l'alisma à feuilles de graminée (très rare en France et en extension en Champagne-Ardenne suite à la création des lacs-réservoirs qui constituent pour elle son biotope favorable). Elles sont inscrites sur la liste rouge des végétaux de Champagne-Ardenne, de même que huit autres espèces. Il s'agit du crypsis faux-vulpin (très rare espèce annuelle des grèves, située ici à sa limite de répartition vers le nord), du scirpe épingle (disséminé tout autour du lac), du scirpe de Sologne (protégé dans la Marne, non revu récemment), de la petite renouée (très rare en Champagne, une seule population localisée sur le lac, face au stade nautique) de la limoselle aquatique (très rare dans la région et disséminée tout autour du lac), de la salicaire à feuilles d'hyssope, de la potentille couchée et de la petite naïade (extrêmement rare ou nulle dans le nord de la France, observée ici au pied de la presqu'île de Larzicourt). La flore aquatique abrite sept espèces de la liste rouge : le faux nénuphar ainsi que six potamots rares à très rares au niveau régional. Il s'agit du potamot à feuilles de graminées (espèce très rare en Champagne sauf au niveau des grands lacs où il s'est implanté, bien représenté ici), du potamot à feuilles capillaires (espèce très localisée), du potamot de Ziz (très disséminé un peu partout autour du lac), du potamot à feuilles flottantes, du potamot à feuilles obtuses et du potamot à feuilles aigües (localisé dans les queues du réservoir). Dans les roselières et les cariçaies s'observent la stellaire des marais (inscrite sur la liste rouge régionale), la germandrée des marais (très commune ici) et le pâturin des marais protégés en Champagne-Ardenne. Au niveau de la tremblaie de bordure se rencontre l'orme lisse (liste rouge régionale).
La population entomologique est importante et variée, liée à la diversité des milieux (lacs, mares, différents stades herbeux et forestiers). Les Odonates ont été particulièrement bien répertoriés : quarante quatre espèces différentes ont été recensées avec une libellule protégée en France, la cordulie à corps fin. Inscrite à l'annexe II de la convention de Berne, aux annexes II et IV de la directive Habitats, elle figure dans le livre rouge de la faune menacée en France (catégorie vulnérable). Elle fait aussi partie de la liste rouge régionale, de même que quinze autres espèces rencontrées sur le site. Il s'agit d'une part, de deux demoiselles (agrion mignon et agrion gracieux) et d'autre part, de treize libellules : aeshne printanière, aeshne isocèle, grande aeshne, libellule fauve, gomphe vulgaire, gomphe à pinces, orthétrum brun, orthétrum bleuissant, sympétrum jaune d'or (espèce montagnarde), sympétrum méridional, cordulie métallique, cordulie à taches jaunes et une grande libellule spectaculaire, la cordulie à deux taches. Les Lépidoptères, et plus particulièrement les papillons de jour, sont particulièrement bien représentés ici (plus d'une cinquantaine d'espèces répertoriées) avec un papillon protégé, le cuivré des marais, inscrit à l'annexe II de la convention de Berne, aux annexes II et IV de la directive Habitats, dans le livre rouge de la faune menacée en France (catégorie "en danger de disparition") et sur la liste régionale en compagnie du nacré de la sanguisorbe, du damier noir et du petit collier argenté.
La faune ichtyologique du réservoir provient d'origines diverses : peuplement indigène de la rivière, alevinages, introduction sauvage (perche soleil et silure glane). Treize espèces différentes ont été dénombrées, l'essentiel du peuplement étant constitué du gardon, de la brème commune, de la brème bordelière, du poisson-chat, du rotengle, de la tanche et de la lotte (inscrite dans le livre rouge de la faune menacée en France, catégorie "vulnérable"). La carpe, le sandre, le brochet et la perche font l'objet d'une pêche importante. Les peuplements juvéniles sont riches et variés.
La large gamme des habitats aquatiques offerts par les trois réservoirs est très favorable à de nombreuses espèces de batraciens et de reptiles, avec deux espèces remarquables : le triton à crêtes (inscrit à l'annexe II de la convention de Berne, aux annexes II et IV de la directive Habitats), observé au niveau des bois de Ham et de Braucourt et le lézard des souches (la Cornée du Der, bois de Ham et de Braucourt). Tous les deux sont aussi inscrits dans le livre rouge de la faune menacée en France (catégorie vulnérable). Ils figurent aussi sur la liste rouge régionale de même que la salamandre tachetée. Le crapaud commun, les tritons alpestre, palmé et ponctué, les grenouilles verte, rousse et agile (espèce menacée et en régression), la couleuvre à collier, le lézard des murailles, le lézard vivipare fréquentent également le site.
La configuration du lac (largement ouvert sur la plaine) et sa situation géographique (au coeur d'un couloir migratoire important) le rendent très attractif pour les oiseaux (plus de 250 espèces ont fréquenté au moins une fois les barrages-réservoirs depuis leur mise en eau). La végétation suffisamment dense et la relative tranquillité de certaines anses offrent un milieu très favorable à leur reproduction. On y trouve en grand nombre le bécasseau variable, le bécasseau minute, les chevaliers (surtout sylvain et arlequin), le courlis cendré... Les pluviers (dorés et argentés), le chevalier gambette, le combattant varié, les barges (rousse et à queue noire) fréquentent aussi, en plus petit nombre, les vases exondées. Du mois d'août au mois d'avril, de larges bandes de vanneaux huppés investissent les plans d'eau, certains nichant sur le site. Le vanneau est inscrit sur la liste rouge des oiseaux menacés de Champagne-Ardenne, de même que le petit gravelot et la sterne pierregarin qui se reproduisent aussi dans la ZNIEFF.
Au printemps et en automne passent des milliers de canards (canard souchet, fuligule milouin, fuligule morillon, sarcelle d'hiver, foulque macroule et, en plus petit nombre tadorne de Belon, nette rousse, macreuse noire, macreuse brune) dont une partie hivernera sur place. Les canards colverts et les sarcelles d'hiver forment le plus gros des effectifs des Anatidés hivernant sur le lac du Der. C'est un des principaux sites d'hivernage en France pour la harle piette et la harle bièvre, le premier site continental pour le séjour du canard siffleur (jusqu'à 2000 individus) et une zone d'hivernage de plus en plus importante pour le garrot à oeil d'or, le cygne de Bewick, le cygne chanteur (second site national pour l'hivernage et seul site français occupé chaque hiver). Le réservoir accueille régulièrement les grèbes huppés (troisième site de France avec 100 à 200 couples nicheurs chaque année et plus de 2000 individus hivernants), ainsi que les rares grèbes jougris et esclavon. De nombreuses espèces de canards s'y reproduisent aussi : c'est le cas pour le canard colvert, le canard chipeau, le canard souchet (nicheur exceptionnel) et la sarcelle d'hiver (nicheur irrégulier). Des milliers d'oies fréquentent le lac chaque hiver : parmi elles, trois espèces hivernent régulièrement sur le site, l'oie des moissons (second site français d'hivernage pour cette espèce en régression sensible et dont les effectifs ne cessent de décroître), l'oie rieuse et l'oie cendrée (premier site d'hivernage national pour ces deux espèces).
De nombreux rapaces hivernent (dont le faucon pèlerin avec la moitié de la population hivernale champenoise), ou nichent à proximité du lac (faucon hobereau et busard des roseaux, inscrits sur la liste rouge régionale, bondrée apivore, milan noir à "la Cornée du Der" et dans le Bois des Moines, éperviers, buses, etc.). C'est l'unique site d'hivernage régulier français (avec le lac d'Orient) du pygargue à queue blanche : gravement menacé dans toute l'Europe, il est inscrit à l'annexe I de la directive Oiseaux, à l'annexe II de la convention de Berne, dans le livre rouge de la faune menacée en France et sur la liste rouge régionale.
Avec le pygargue à queue blanche, l'autre symbole de l'avifaune du Der est la grue cendrée (inscrite l'annexe I de la directive Oiseaux, annexe II de la convention de Berne, dans le livre rouge, "catégorie vulnérable" et sur la liste rouge régionale). Principal site migratoire français tant à l'automne qu'en hiver, troisième site européen (et premier site de transit français), il voit passer entre 15 et 50 000 oiseaux chaque saison, soit 20 à 50% de la population ouest-européenne (72 000 en automne 2000, soit près des 3/4 de la population ouest-européenne). Une partie y stationne pendant tout l'hiver (près de 8 500 oiseaux en 1998/99 et 1999/2000, ce qui représente plus du quart des grues hivernant en France).
Le bois de Ham, situé sur la rive sud-est du lac accueille la plus importante colonie de reproduction de hérons cendrés de Champagne (environ 150 couples). De nombreux pics (notamment pic noir, pic épeiche, pic épeichette, pic mar et occasionnellement le pic cendré) y nichent aussi. La rive ouest accueille les rares nidifications du héron pourpré et du blongios nain.
Les roselières et les fourrés humides de bordure permettent la nidification de nombreux passereaux comme la rousserolle turdoïde (inscrite dans le livre rouge, catégorie "vulnérable"), le phragmite des joncs et le bruant des roseaux. Dans les milieux plus ouverts, nichent de rares pies-grièches écorcheurs (la pie-grièche grise ne s'y reproduisant plus qu'exceptionnellement), rougequeues à front blanc, pipits farlouse, tariers des prés...Certaines de ces espèces sont inscrites sur la liste rouge des oiseaux de Champagne-Ardenne.
Plusieurs espèces de mammifères ont été contactées en bordure des lacs (chevreuil, cerf élaphe, renard roux, chat sauvage, musaraigne aquatique et putois, ces deux derniers étant inscrits sur les listes rouges régionale et nationale...). L'espèce la plus communément rencontrée est le ragondin (introduit à la fin des années 60), quasi-omniprésent, le chevreuil, le renard, la martre et le lièvre arrivant loin derrière. C'est une zone de chasse pour certaines chauves-souris (murin de Beichstein, noctule commune, oreillard roux, pipistrelle commune, pipistrelle de Nathusius, vespertilion à moustaches, vespertilion de Daubenton et vespertilion de Natterer). On peut noter ici la présence ponctuelle du castor (introduit à la fin des années soixante dans des petits étangs forestiers à proximité du Lac de Champaubert) dont la survie à terme est très douteuse.
La ZNIEFF du lac du Der s'inscrit dans un contexte patrimonial important : elle fait l'objet d'une ZPS (Zone de Protection Spéciale) de 5 000 hectares depuis 1986, fait partie de la ZICO CA 05 (lac du Der-Chantecoq et étangs latéraux) et du réseau international des zones humides de la convention de Ramsar (Etangs de la Champagne humide) depuis 1991. Une petite partie du site a également été proposée pour Natura 2000. Un cadre réglementaire est déjà établi sur certaines zones (zones interdites à certaines activités par arrêté préfectoral, réserve nationale de chasse, prairies sous OGAF Environnement...).
Les limites de la ZNIEFF suivent les contours (au sens large) du réservoir et de certains milieux riverains qui lui sont étroitement associés (certains boisements et rives du lac situés surtout dans la partie est de la ZNIEFF).