ZNIEFF 210008918
FORETS DES BAS-BOIS ET AUTRES MILIEUX DE PINEY A COURTERANGES

(n° régional : 02390000)

Commentaires généraux

La ZNIEFF de type II des Bas Bois et autres milieux de Piney à Courteranges occupe une vaste dépression située au pied de la Côte crayeuse champenoise, dans la partie ouest du Parc Naturel Régional de la Forêt d'Orient. Par son étendue, son caractère typique, la richesse de sa flore et de sa faune, elle se range parmi les sites majeurs de l'Aube.

Elle forme un ensemble exceptionnel de forêts humides, sur marnes et argiles, qui n'a pas son équivalent en Champagne-Ardenne (zone inondable de plaine et non de vallée, avec nappe affleurante), avec de grandes clairières marécageuses à mégaphorbiaies (résultant de l'abandon d'anciennes prairies), des prairies plus ou moins humides, fauchées ou pâturées, des étangs mésotrophes et des cultures (de maïs surtout). Elle comprend 7 ZNIEFF de type I qui regroupent les milieux les plus intéressants et caractéristiques de la zone.

Les types forestiers sont surtout représentés par la chênaie-charmaie subatlantique du Stellario-Carpinetum sous deux formes :

- une variante neutrophile qui est l'habitat le plus représenté ici : c'est un taillis-sous-futaie de chêne pédonculé, avec le charme et le tremble en sous-étage. Il présente de nombreuses essences secondaires comme par exemple le merisier, le tilleul à petites feuilles, l'érable sycomore et surtout l'érable champêtre. Le tapis herbacé est constitué par l'ornithogale des Pyrénées, l'anémone des bois, la primevère élevée, le gouet tacheté, la laîche des bois, etc. Lorsque l'hydromorphie est importante apparaissent le frêne, le bouleau et de nombreuses laîches (qui font l'originalité des boisements des Bas Bois).

- une variante acidiphile plus localisée : les peuplements sont des taillis sous-futaie de chêne sessile, de chêne pédonculé et de charme. Certaines espèces plus mésotrophes sont présentes (chèvrefeuille des bois, fougère femelle, fougère spinuleuse, fougère mâle).

En bordure de certains cours d'eau ou dans les zones nettement hydromorphes apparaît l'aulnaie-frênaie à orme champêtre et peupliers avec la valériane officinale, la reine des prés, la laîche des marais, la ficaire fausse-renoncule, le lierre terrestre...

Très localement se rencontre des bois mixtes secondaires à pins sylvestres et chênes pédonculés, quelquefois remplacés par des pinèdes de pins noirs, avec une riche flore arbustive calcicole (viorne lantane, clématite, cytise, camerisier à balais, cornouiller sanguin..). Elle abrite à Sacey le narcisse des poètes, plante protégée au niveau régional et inscrite sur la liste rouge des végétaux de Champagne-Ardenne.

Les clairières marécageuses forestières, de type mégaphorbiaie et magnocariçaie, sont constituées par de grandes herbes palustres, avec notamment le cirse des maraîchers, la reine des prés, l'eupatoire chanvrine, l'épilobe hirsute, la baldingère, le liseron des haies, la morelle douce-mère, le roseau commun, le typhe à larges feuilles, la lysimaque commune, le pigamon jaune, de nombreuses laîches (laîche fauve, laîche faux-souchet, laîche des rives, laîche des marais, laîche aiguë), etc. Elles abritent le laiteron des marais et la gesse des marais, protégés au niveau régional et inscrits sur la liste rouge des végétaux de Champagne-Ardenne, de même que l'euphorbe des marais.

Les prairies sont essentiellement représentées par la prairie humide eutrophe. Fauchée ou pâturée, elle est dominée par diverses graminées (vulpin des prés, flouve odorante, crételle, ray-grass, vulpin utriculé, pâturin des marais, fétuque des prés, brome en grappe, houlque laineuse, etc.), accompagnées par des espèces classiques des prairies humides du Bromion racemosi ou de l'Oenanthion fistulosae. On y rencontre ainsi la cardamine des prés, le séneçon aquatique, la centaurée jacée, l'œnanthe fistuleuse, l'achillée sternutatoire, le scirpe des marais, la stellaire des marais, la gratiole officinale, la laîche d'Otruba, la renoncule rampante, la véronique à écussons, etc. Dans les zones moins humides se développe la prairie à avoine élevée, agrostide blanc, trisète dorée, dactyle aggloméré et fétuque des prés qu'accompagnent la berce sphondyle, la carotte, le crépis bisannuel, la grande marguerite, le grand boucage, la primevère officinale... Certaines prairies font l'ojet d'une fauche tardive dans le cadre des OGAF Environnement.

Localement, se remarque une végétation proche du Molinion caeruleae dominé par le sélin et la succise des prés, qu'accompagnent la laîche bleuâtre, l'ail anguleux, l'ophioglosse, le jonc à tépales aigus, la laîche glauque, le gaillet vrai, la scorsonère des prés, la violette naine, de nombreuses orchidées (orchis incarnat, orchis pyramidal, orchis à larges feuilles, orchis bouffon, ophrys abeille, listère ovale, platanthère verdâtre, platanthère à deux feuilles)...

Dans les zones basses des prairies, le long de certains ruisseaux et vers les étangs, se sont développés des groupements marécageux à hautes herbes : mégaphorbiaies (à pigamon jaune, salicaire, reine des prés, épilobe hérissé, eupatoire chanvrine, angélique sylvestre, liseron des haies, euphorbe des marais...), magnocariçaies et roselières (avec la laîche des rives, la laîche des marais, la laîche aiguë, la laîche des renards, la glycérie, la baldingère, la massette à larges feuilles, la germandrée des marais, etc.).

Les étangs sont très anthropisés, mais certains ont gardé de belles végétations riveraines, amphibies et aquatiques (notamment l'Etang des Lavards, intégré à la ZNIEFF depuis 1999) avec la laîche tardive, le plantain d'eau, la petite utriculaire, le nénuphar blanc, le potamot graminée, le rubanier rameux, le jonc des chaisiers, etc. Les zones exondées et les flaques d'eau peu profondes présentent une végétation d'un grand intérêt avec l'alisma fausse-renoncule, le rubanier nain (rarissime dans le département) et la potentille couchée.

La ZNIEFF abrite une flore exceptionnellement riche et variée, avec de nombreuses espèces rares et protégées. Trois espèces bénéficient d'une protection nationale : la gratiole officinale (en très forte régression et très menacée), la renoncule à feuilles d'ophioglosse (une des trois stations de Champagne-Ardenne, très isolées de l'aire de répartition principale de l'espèce) et la violette élevée (en régression spectaculaire). Onze espèces sont protégées en Champagne-Ardenne : l'ail anguleux (espèce en nette régression et fortement menacée dans la région), le pâturin des marais, l'alisma fausse-renoncule (très rare dans l'Aube où elle ne se rencontre que dans quelques stations), l'inule des fleuves, la gesse des marais, l'œnanthe moyenne (espèce très menacée, avec un nombre d'individus réduit sur le site), le laiteron des marais, la petite utriculaire (unique station connue de l'Aube et une des quatre dernières de Champagne-Ardenne), le rubanier nain, le narcisse des poètes (rare en plaine et très menacé) et la germandrée des marais. Mise à part cette dernière, ils sont tous inscrits sur la liste rouge des végétaux de Champagne-Ardenne, de même que la violette naine (une des trois stations de Champagne-Ardenne), la stellaire glauque, l'euphorbe des marais, la petite cuscute (très rare dans la ZNNIEFF, une seule station observée), l'orchis incarnat, le vulpin utriculé, la gesse de Nissol, l'œnanthe de Lachenal, la laîche tardive, le vulpin utriculé, la filipendule, la potentille naine, le trèfle de Paris et une petite fougère, l'ophioglosse (en tout 27 espèces végétales inscrites siur la liste rouge régionale).

Le site abrite une faune diversifiée liée à la complémentarité des prairies et des forêts avec les étangs de la ZNIEFF et les grands réservoirs de la forêt d'Orient. La faune invertébrée, en dépit d'un inventaire non exhaustif surtout centré sur les Odonates et les Orthoptères, est très intéressante : six espèces font partie des listes rouges régionales. Il s'agit d'une libellule, le sympétrum jaune d'or, de deux criquets chanteurs (le criquet marginé et le criquet verte-échine), du criquet ensanglanté, du criquet alliacé (très abondant sur le site) et d'une sauterelle, le conocéphale gracieux (très rare au nord de la France). Ils sont accompagnés par des espèces plus communes comme par exemple la grande sauterelle verte, le phanéroptère porte-queue, le conocéphale bigarré, la sauterelle ponctuée, la decticelle bariolée, la decticelle cendrée pour les sauterelles, le criquet verte-échine, le criquet des pâtures, le criquet mélodieux, le criquet des clairières et le tétrix riverain. Certaines libellules et demoiselles communes des plans d'eau se rencontrent sur le site, notamment le leste vert, l'agrion élégant, l'agrion à larges pattes, l'agrion jouvencelle, l'agrion aux yeux rouges, l'aeschne bleue, l'anax empereur, la libellule déprimée et l'orthétrum réticulé, etc. Les petites dépressions inondables situées au sein des prairies et les petits marais qui leurs sont associés sont très attrayants pour de nombreux insectes liés aux milieux aquatiques (libellules, dytiques, gerris, éphémères, phryganes...) et quelques gastéropodes (planorbes). Les prairies sont également riches en papillons : les machaons sont nombreux (nombreuses chenilles remarquées sur le silaüs des prés), ainsi que les petits argus (demi-argus, azuré de la bugrane. La mante religieuse y a été observée. On peut également souligner la présence rare de la Dolomède, araignée chassant à l'affût dans les marais, de l'épeire fasciée (assez rare en Champagne-Ardenne) et de l'épeire diadème.

Les batraciens sont également bien représentés, attirés par la proximité des étangs, des ruisseaux, des fossés et petites dépressions temporairement inondés : ainsi plusieurs populations de sonneurs à ventre jaune ont été observées sur le site (protégé en France depuis 1993, il est inscrit aux annexes II et IV de la directive Habitats, à l'annexe II de la convention de Berne, dans le livre rouge de la faune menacée en France (catégorie vulnérable) et sur la liste rouge régionale ; la salamandre (protégée et inscrite sur la liste rouge régionale), les grenouilles verte, rousse et agile sont également bien représentées. La ZNIEFF abrite une population importante de couleuvre à collier (inscrite à l'annexe IV de la directive Habitats). La couleuvre vipérine y a aussi été observée (figurant à l'annexe II de la convention de Berne, elle est inscrite sur la liste rouge régionale).

La population avifaunistique est particulièrement bien représentée ici, bien que de nombreuses espèces rares et prestigieuses aient disparu (en tant qu'espèce nicheuse ou en tant qu'individu), comme par exemple le butor étoilé, le blongios nain, le héron pourpré, divers canards et pies-grièches, le torcol fourmilier, la chouette chevêche, etc. Néanmoins dix espèces inscrites sur la liste rouge des oiseaux menacés de Champagne-Ardenne se reproduisent encore dans la ZNIEFF : la sterne pierregarin (un couple nicheur depuis 1996 sur l'étang de l'Apostole grâce à la pose d'un mini-radeau artificiel), le canard souchet (Etang des Lavards), le fuligule morillon (un couple sur l'Etang Neuf en 19998), le phragmite des joncs et la rousserolle turdoïde au niveau des roselières, la pie-grièche écorcheur (forte régression) et le vanneau huppé dans les prairies et les lisières, le pic cendré (dans le Bois Margot), le pigeon colombin (une seule localité au niveau du Chardonneret) et le milan noir dans les boisements. Une belle héronnière s'est installée depuis plus de 20 ans à la pointe sud de la Forêt Domaniale de Larivour-Piney (154 nids occupés en 1998). La diversité des milieux et la proximité des grands lacs de la forêts d'Orient amène une diversité avienne importante : on rencontre ainsi sur la ZNIEFF des oiseaux forestiers comme les pics (vert, noir, épeiche, mar, épeichette), certaines fauvettes (grisette, des jardins, à tête noire), le rossignol, la tourterelle des bois, le pigeon ramier, le grosbec casse noyaux, la bécasse des bois, le coucou gris, les grives (draine, musiciennes) et les pouillots, le roitelet huppé, le roitelet triple-bandeau, les mésanges (nonnette, huppée), la buse variable (plus de 30 couples nicheurs) et le faucon crécerelle, des oiseaux aquatiques (canard colvert, cygne tuberculé, grèbe castagneux, grèbe huppé, poule d'eau, foulque), des oiseaux des milieux prairiaux tels que le tarier d'Europe, le tarier des prés, le vanneau huppé (autrefois très abondants, plus rare aujourd'hui), la huppe fasciée, le pipit farlouse, le rougequeue à front blanc... Malheureusement de nombreux oiseaux ne nichent plus dans la zone comme par exemple, le tarier d'Europe, la marouette ponctuée, le milan royal, la pie-grièche grise, la pie-grièche à tête rousse, le canard chipeau, la sarcelle d'hiver, la sarcelle d'été...

Le site est fréquenté par de nombreux mammifères (chevreuil, sanglier, chat sauvage, putois, renard, blaireau, etc.).

La ZNIEFF est incluse dans la Z.I.C.O. CA 02 (Lacs de la Forêt d'Orient) de la directive Oiseaux, fait partie du réseau international des zones humides de la convention de Ramsar (Etangs de la Champagne humide) depuis 1991 et a été proposée dans le cadre de la Directive Habitats (site n°64 : forêts et clairières des Bas Bois : prairies de Courteranges). Elle a subit de nombreuses dégradations : recalibrage des cours d'eau pour abaisser le niveau de la nappe, coupes blanches et plantations dans les forêts privées, conversion des prairies en cultures ou en prairies intensives drainées et ressemées (y compris certaines parcelles sous convention de gestion avec le Parc) et qui ont perdu l'essentiel du peuplement avifaunistique qui faisait leur richesse, artificialisation des étangs (recreusement, destruction des roselières et des queues marécageuses, chasse intensive avec multiplication des nichoirs artificiels et introduction d'oiseaux d'élevage), etc.

Commentaires sur la délimitation

La ZNIEFF englobe un ensemble exceptionnel de forêts humides et de prairies fauchées ou pâturées. La délimitatation suit donc les limites des zones les plus riches, en excluant le plus possible les milieux artificialisés (cultures et peupleraies couvrant à elles deux 5% de la ZNIEFF).