ZNIEFF 220004977
HÂBLE D'AULT, LEVÉES DE GALETS, PRAIRIES ET MARAIS ASSOCIÉS

(n° régional : 80LIT117)

Commentaires généraux

DESCRIPTION

Compris entre la Baie de Somme et les falaises d’Ault, le Hâble d’Ault et ses environs occupent la partie des bas-champs de Cayeux incluse dans le triangle "Cayeux-sur-mer-Brutelles-Ault". Jusqu’au XVIème siècle, le Hâble d’Ault était une lagune communiquant avec la mer par un chenal accessible aux bateaux, d'où le nom de Hâble, dérivé de "Hâvre", qui signifie port. La combinaison de la forte sédimentation marine et de la construction de digues, délimitant des renclôtures (jusqu’au XIXème siècle), ont permis de soustraire ce territoire à la mer.

Séparé de la mer par un cordon de galets, formant une digue haute d’environ huit mètres, le site est caractérisé par un paysage plat (altitude moyenne d’environ quatre mètres) et ouvert. Il se compose de prairies, de marais, de milieux aquatiques (mares de chasse, anciennes gravières, canaux, fossés, bras-morts...), de milieux dunaires et de cultures.

Parmi les nombreux groupements végétaux représentés sur le site, citons :

- différentes végétations halophiles pionnières, à salicornes des Thero-Salicornietalia ;

- diverses communautés végétales annuelles halonitrophiles des Cakiletalia maritimae ;

- la végétation à Crambe maritima*, du Crithmo-Crambetum et du Lathyro japonicae-Crambetum fragmentaire ;

- la pelouse de sables interstitiels, en cours de stabilisation à Armeria maritima ;

- la pelouse dunaire à Fléole des sables et à Tortule (Phleo arenarii-Tortuletum ruraliformis) ;

- la dune à Hippophae rhammoides (Ligustro-Hippophaeion) ;

- l’herbier aquatique pionnier à Characées (Charetalia hispidae) ;

- la végétation amphibie de bas niveau à Samole (Samolo valerandii-Littorelletum uniflorae) ;

- la végétation aquatique flottante à Renoncule de Baudot (Ranunculetum baudotii) ;

- la roselière saumâtre à Scirpe maritime (Scirpetum compacti) ;

- la prairie mésophile du Lolio-Cynosuretum cristati ;

- la prairie mésohygrophile de l’Hordeo secalini-Lolietum perennis ;

- le groupement prairial à Festuca arundinacea ;

- la prairie hygrophile du Pulicario dysentericae-Juncetum inflexi (variante type et variante subhalophile) ;

- le pré inondé de l’Eleocharo palustris-Oenanthetum fistulosae (variante type et variante subhalophile).

INTERET DES MILIEUX

Le site présente une très grande diversité de milieux remarquables : des végétations des levées de galets, des pelouses graveleuses, des prairies présentant divers gradients d’humidité et de salinité, des eaux douces et saumâtres.

Certains groupements végétaux sont rares et menacés à l’échelle européenne. Il s’agit, notamment, des végétations des levées de galets, des végétations dunaires, du Samolo-Littorelletum. Signalons en particulier, l'importance spatiale des groupements de végétation vivace des levées de galets à Crambe maritima*, de l'Honckenyo peploidis-Crambion maritimae.

La faune présente également un intérêt européen grâce à la présence de nombreux oiseaux d’eau tant pour la nidification que pour l’hivernage et les haltes migratoires. Les cordons de galets permettent la nidification de plusieurs espèces exceptionnelles pour la Picardie.

L’intérêt de ce site est reconnu par de nombreux inventaires et mesures de protection : Zone d’Importance Communautaire pour les Oiseaux (ZICO), zone humide d’intérêt international inscrite à la convention de Ramsar...

INTERET DES ESPECES

Flore remarquable avec les espèces suivantes :

- l’Arroche de Babington (Atriplex glabriuscula*), espèce halophile exceptionnelle en Picardie ;

- la Leyme des sables (Leymus arenarius*), espèce des dunes embryonnaires ou en voie de fixation, très rare en Picardie ;

- le Crambe maritime (Crambe maritima*), espèce en danger en Picardie et protégée au niveau national ;

- l’Eleocharide pauciflore (Eleocharis quinqueflora*), espèce exceptionnelle en Picardie ;

- la Littorelle des étangs (Littorella uniflora*), espèce menacée d’extinction en Picardie ;

- la Glaucière jaune (Glaucium flavum), sur les levées de galets ;

- le Panicaut maritime (Eryngium maritimum), espèce des dunes mobiles ;

- la Bette maritime (Beta vulgaris subsp. maritima), typique des laisses de mer ;

- l’Atropis maritime (Puccinellia maritima), inféodée aux prés salés ;

- la Calystégie soldanelle (Calystegia soldanella), en danger en Picardie ;

- la Silène conique (Silene conica), rare en Picardie ;

- l’Armérie maritime (Armeria maritima subsp. maritima), sur pelouses graveleuses ;

- l’Armoise maritime (Artemisia maritima), exceptionnelle en Picardie ;

- la Ruppie maritime (Ruppia maritima), espèce aquatique des eaux saumâtres ;

- le Trèfle scabre (Trifolium scabrum), très rare en Picardie.

Signalons la disparition de la Gesse maritime (Lathyrus japonicus subsp. maritimus*), qui se développait sur les levées de galets, ainsi que celle du Botryche lunaire (Botrychium lunaria*), exceptionnel en Picardie.

Citons également quelques bryophytes intéressantes : Tortella flavovirens, espèce littorale ; Scorpidium circinatum, espèce uniquement connue des bas-champs de Cayeux (donnée ancienne), et Pottia heimii, présente uniquement sur le littoral.

Avifaune remarquable :

Le Hâble d’Ault constitue un site d’intérêt très élevé pour les oiseaux d’eau. Plus de deux cent soixante espèces ont déjà été observées sur le site, sur les quatre cent cinquante identifiées en Europe.

* Avifaune nicheuse

- De nombreux anatidés se reproduisent, parmi lesquels : le Canard souchet (Anas clypeata), rare en Picardie ; la Sarcelle d’été (Anas querquedula), en danger en France ; le Fuligule milouin (Aythya ferina), très rare en Picardie ; le Fuligule morillon (Aythya fuligula), peu abondant sur le site ; la Sarcelle d’hiver (Anas crecca), très rare en Picardie ; le Canard chipeau (Anas strepera), également très rare ; le Tadorne de Belon (Tadorna tadorna), qui niche dans les zones sableuses, et le Cygne tuberculé (Cygnus olor), relativement abondant sur le site

- Les limicoles nicheurs sont également bien représentés avec, en particulier, les trois espèces de gravelots : le Grand Gravelot (Charadrius hiaticula), qui ne niche, pour toute la Picardie, que sur les levées de galets des bas-champs de Cayeux ; le Gravelot à collier interrompu (Charadrius alexandrinus), en danger en Picardie et le Petit Gravelot (Charadrius dubius), assez rare en Picardie. Parmi les autres espèces de limicoles remarquables, citons le Vanneau huppé (Vanellus vanellus), qui présente des effectifs variables suivant les années ; l’Huîtrier-pie (Haematopus ostralegus), très rare en Picardie ; l’Avocette élégante (Recurvirostra avosetta), exceptionnelle en Picardie et l’Echasse blanche (Himantopus himantopus), occasionnelle sur le site.

- Pour les passereaux, signalons la Mésange à moustaches (Panurus biarmicus), exceptionnelle en Picardie ; la Rousserolle turdoïde (Acrocephalus arundinaceus), en régression en Picardie ; la Gorgebleue à miroir blanc (Luscinia svecica), inscrite à l’annexe I de la directive "Oiseaux" de l’Union Européenne et le Traquet motteux (Oenanthe oenanthe), régulier sur le site et relativement abondant, qui trouve ici son seul site de nidification pour toute la Picardie.

- Parmi les rapaces, citons le Busard des roseaux (Circus aeruginosus), inscrit à la directive "Oiseaux".

- Enfin, le Butor étoilé (Botaurus stellaris), ardéidé en très forte régression, se maintient certainement au Hâble d’Ault.

* Avifaune hivernante

Plusieurs passereaux nordiques sont régulièrement observés : l’Alouette hausse-col (Eremophila alpestris) et le Bruant des neiges (Plectrophenax nivalis), qui est parfois présent en grand nombre. Plus occasionnellement, on note la présence de la Linotte à bec jaune (Carduelis flavirostris) et du Bruant lapon (Calcarius lapponicus).

Le site est également apprécié du Hibou des marais (Asio flammeus), hivernant rare en Picardie.

* Avifaune migratrice

La Hâble d’Ault constitue un site de stationnement important pour de nombreuses espèces : Fuligules milouin, Fuligules morillon, Canards souchets, Sarcelles d’hiver, Oies cendrés, Mouettes pygmées... Chaque année, des Bécasseaux de Temminck (Calidris temminckii) et des Guifettes moustac (Chlidonias hybridus) sont notés.

Batrachofaune remarquable :

Le Hâble d’Ault représente un site d’intérêt majeur pour les batraciens, avec :

- le Pélodyte ponctué (Pelodytes punctatus), très rare en Picardie ;

- la Rainette verte (Hyla arborea), vulnérable en France ;

- le Crapaud calamite (Bufo calamita), très rare en Picardie ;

- l’Alyte accoucheur (Alytes obstetricans), assez rare en Picardie.

Entomofaune remarquable :

Pour les odonates, citons :

- l’Anax napolitain (Anax parthenope), qui n’a été observé récemment que sur ce site pour toute la Picardie ;

- le Sympétrum de Fonscolombe (Sympetrum fonscolombii), exceptionnel en Picardie ;

- l’Agrion scitulum (Coenagrion scitulum), rare en Picardie.

Parmi les orthoptères, on note :

- le Criquet marginé (Chorthippus albomarginatus) ;

- le Conocéphale des roseaux (Conocephalus dorsalis), espèce des prairies humides ;

- le Tetrix des vasières (Tetrix ceperoi), actuellement très peu rencontré en Picardie.

FACTEURS INFLUENCANT L’EVOLUTION DE LA ZONE

- Le vaste étang bordé d’une roselière, au niveau du lieu-dit "Hable d’Ault", appartient à l’Office National de la Chasse. Il bénéficie du statut de Réserve de Chasse par arrêté ministériel. Le Conservatoire de l’Espace Littoral et des Rivages Lacustres a réalisé l’acquisition de plusieurs parcelles au sein de ce site. La gestion y est assurée par le Syndicat Mixte d’Aménagement de la Côte Picarde.

- La densité de sites de chasse au gibier d'eau limite les potentialités d'accueil de l'avifaune.

- La digue de front de mer a déjà cédé à plusieurs reprises (la dernière rupture date de 1990), provoquant des inondations dans les bas-champs de Cayeux. Du fait de la réalisation d’ouvrages portuaires (jetées de Dieppe et du Tréport), bloquant la remontée naturelle des galets vers le nord, le cordon de galets subit un déficit d’alimentation en matériaux dans ce secteur. Afin de compenser la vulnérabilité des digues, des projets de restauration sont en cours d’élaboration (restauration des épis existants, construction de nouveaux épis...).

- Divers matériaux sont apportés afin de renforcer la digue de front de mer. Certains dénaturent le site d’un point de vue paysager (gravats, déchets) et d'un point de vue écologique (dégradation de la végétation originelle).

- Ce site fait l’objet d’une surfréquentation estivale, dans plusieurs secteurs, peu compatible avec la nidification de plusieurs espèces d'oiseaux remarquables nichant au sol (gravelots).

N.B. : les espèces végétales dont le nom latin est suivi d’un astérisque sont légalement protégées.

Commentaires sur la délimitation

Le site est limité au nord par la ville de Cayeux-sur-mer, au sud par la ville d'Ault et les cultures du Vimeu, à l'est par un ensemble de cultures et de prairies mésophiles, et à l'ouest par la mer. Il correspond à un ensemble bien individualisé au sein des bas-champs de Cayeux qui est particulièrement original. Il comprend des habitats, une flore et une faune d'intérêts européens.