ZNIEFF 220004992
MARAIS DE LA VALLÉE DE LA SOMME ENTRE EAUCOURT-SUR-SOMME ET ABBEVILLE

(n° régional : 80VDS102)

Commentaires généraux

DESCRIPTION

Ce tronçon appartient à la grande vallée tourbeuse alcaline de la Somme, unique en Europe. Ce site offre une très grande diversité d’habitats aquatiques et amphibies. Leur développement spatial est ici particulièrement spectaculaire. On y observe notamment :

- des herbiers à Nénuphars du Nymphaeion albae (Myriophyllo verticillati-Nupharetum luteae) ;

- des herbiers de Charophytes du Charion asperae ;

- des herbiers submergés du Potamion pectinati (Potamo berchtoldii-Najadetum marinae, Potametum colorati, groupement à Groenlandia densa, groupement à Myriophyllum verticillatum,...) ;

- des herbiers du Scorpidio-Utricularion minoris (Sparganietum minimi) ;

- divers herbiers submergés des Potametalia pectinati (groupement à Potamogeton pectinatus, à Elodea canadensis, à Ceratophyllum demersum,...) ;

- des herbiers flottants du Lemnion gibbae, du Riccio fluitantis-Lemnion trisulcae et de l’Hydrocharition morsus ranae ;

- des herbiers d’atterrissement de l’Hippuridetum vulgaris ;

- des herbiers semi-sciaphiles du Ranunculion aquatilis (Hottonietum palustris) ;

- des herbiers du Ranunculion fluitantis (Sparganio emersi-Potametum pectinati, groupement à Sagittaria sagittifolia,...) ;

- des groupements amphibies oligo-mésotrophes de l’Hydrocotylo vulgaris-Baldellion ranunculoidis ;

- des banquettes amphibies du Glycerio-Sparganion ;

- les végétations pionnières des rives tourbeuses du Cyperion flavescenti-fusci (Cyperetum flavescenti).

D’autres groupements étaient présents par le passé, mais le potentiel aquatique s’est appauvri consécutivement à la dégradation générale du cours de la Somme. Cela concerne en particulier les herbiers à Oenanthe fluviatilis, à Potamogeton alpinus*, à Nitellopsis obtusa et à Nymphoides peltata*.

Les milieux terrestres sont également originaux et diversifiés avec la présence, en particulier, de prés oligotrophes paratourbeux à tourbeux alcalins atlantiques/subatlantiques, du Selino carvifoliae-Juncetum subnodulosi à Fritillaire pintade*. Les bas-marais tourbeux du Junco subnodulosi-Caricion lasiocarpae sont également représentés. Les roselières tourbeuses du Thelypterido palustris-Phragmitetum, les mégaphorbiaies oligotrophes du Lathyro palustris-Lysimachietum palustris, ainsi que les mégaphorbiaies turficoles du Thalictro flavi-Filipendulion ulmariae, connaissent un certain développement.

Les autres végétations présentes sont les suivantes :

- les roselières du Phragmition (Solano dulcamarae-Phragmitetum) ;

- les mégaphorbiaies eutrophes du Calystegion sepium ;

- les cariçaies rivulaires du Caricetum ripario-acutiformis, du Caricetum paniculatae et du Caricetum pseudocyperi ;

- les cariçaies tourbeuses du Caricion rostratae ;

- les prairies hygrophiles du Mentho aquaticae-Juncion inflexi (Pulicario dysentericae-Juncetum inflexi) ;

- les prés inondés de l’Oenanthion fistulosae (Eleocharo palustris-Oenanthetum fistulosae),

- les prairies mésophiles du Lolio-Cynosurion cristati ;

- les saulaies-aulnaies tourbeuses de l'Alnion glutinosae ;

- les aulnaies-frênaies de l'Alno-Padion (Filipendulo ulmariae-Alnetum glutinosae).

Certains secteurs sont encore entretenus par des activités d’élevage, notamment au niveau des lieux-dits "le Marais Communal", à Mareuil-Caubert, "le Marais d’Epagnette" et "le Grand Marais", à Bray-lès-Mareuil. D’autres secteurs, beaucoup plus ponctuels, font l’objet d’un entretien par la fauche. Les vastes étangs à Nénuphars sont principalement présents sur la commune de Mareuil-Caubert.

Des peupleraies et des boisements spontanés de fourrés humides, à base de saules et d’aulnes, complètent le site.

INTERET DES MILIEUX

Ce site présente un intérêt de niveau européen tant pour les groupements végétaux que pour la flore et la faune. Il s’agit, sans conteste, d’un des sites les plus intéressants du département de la Somme. La diversité extrême et le recouvrement spatial des groupements aquatiques, la présence de prés oligotrophes à Fritillaria meleagris* ainsi que la richesse des végétations tourbeuses constituent les points forts de ce site.

Un très grand nombre de groupements végétaux sont menacés au niveau européen et, de ce fait, inscrits à la directive " Habitats ". Citons en particulier :

- le Myriophyllo verticillati-Nupharetum luteae ;

- le Potamo berchtoldii-Najadetum marinae ;

- le Sparganio emersi-Potametum pectinati ;

- l’Hottonietum palustris ;

- l’Hydrocharitetum morsus-ranae ;

- le Lemno-Spirodeletum polyrhizae ;

- le Charion asperae à Chara vulgaris ;

- le Selino carvifoliae-Juncetum subnodulosi ;

- le Junco subnodulosi-Caricion lasiocarpae ;

- l’Hydrocotylo vulgaris-Baldellion ranunculoidis ;

- le Lathyro palustris-Lysimachietum vulgaris ;

- le Filipendulo ulmariae-Alnetum glutinosae.

La mosaïque complexe des habitats représentés permet par ailleurs la nidification d’une avifaune palustre remarquable.

INTERET DES ESPECES

Flore :

De très nombreuses espèces végétales remarquables sont présentes sur le site. On ne citera ici que les espèces légalement protégées :

- la Fritillaire pintade (Fritillaria meleagris*), qui se trouve ici dans son unique secteur pour toute la Picardie. Elle y forme des populations relictuelles, dispersées sur plusieurs micro-sites ; ces stations représentent un remarquable isolat de population ; la diversité morphologique des populations avec une gamme de pieds biflores, triflores et des formes à fleurs blanches exprime probablement une grande diversité génétique ;

- l’Ache rampante (Apium repens*), espèce inscrite à l’annexe II de la directive "Habitats" ;

- l’Orchis négligé (Dactylorhiza praetermissa*), espèce des prairies humides non amendées, en populations très importantes sur le site ;

- l’Orchis incarnat (Dactylorhiza incarnata*), espèce vulnérable en Picardie ;

- l’Ophioglosse commune (Ophioglossum vulgatum*), fougère en forte régression dans la région ;

- la Véronique en écusson (Veronica scutellata*), plante palustre discrète, relativement bien représentée en vallée de la Somme ;

- la Stellaire des marais (Stellaria palustris*), espèce des mégaphorbiaies tourbeuses ;

- la Berle à larges feuilles (Sium latifolium*), assez rare en Picardie ;

- le Mouron délicat (Anagallis tenella*), présent, notamment, sur les berges de certaines mares ;

- la Gesse des marais (Lathyrus palustris*), exceptionnelle en Picardie ;

- la Laîche arrondie (Carex diandra*), espèce circumboréale des bas-marais tourbeux ;

- la Laîche filiforme (Carex lasiocarpa*), espèce fortement menacée en Picardie ;

- l’Eleocharide pauciflore (Eleocharis quinqueflora*), espèce pionnière des tourbières basiclines ;

- la Linaigrette à feuilles étroites (Eriophorum angustifolium*), vulnérable en Picardie ;

- le Ményanthe trèfle-d’eau (Menyanthes trifoliata*), typique des tremblants tourbeux ;

- la Pédiculaire des marais (Pedicularis palustris*), très rare en Picardie ;

- le Rubanier nain (Sparganium natans*), espèce aquatique rare en Picardie ;

- l’Euphorbe des marais (Euphorbia palustris*), espèce typique des mégaphorbiaies tourbeuses, exceptionnelle en Picardie ;

- le Peucédan des marais (Peucedanum palustre*), rare dans la région ;

- la Renoncule langue (Ranunculus lingua*), protégée au niveau national ;

- le Potamot coloré (Potamogeton coloratus*), inféodé aux gouilles et aux fossés tourbeux.

D’autres espèces étaient également présentes par le passé mais ne sont plus observées aujourd’hui. C’est le cas du Potamot des Alpes (Potamogeton alpinus*), exceptionnel en Picardie ; du Luronium nageant (Luronium natans*), disparu de Picardie ; de l’Utriculaire naine (Utricularia minor*), exceptionnelle en Picardie et du Faux-nénuphar pelté (Nymphoides peltata*), présumé disparu de Picardie.

Faune :

L’avifaune est particulièrement remarquable avec la nidification de nombreuses espèces palustres parmi lesquelles le Butor étoilé (Botaurus stellaris), espèce vulnérable au niveau national ; le Blongios nain (Ixobrychus minutus), en danger en France ; le Busard des roseaux (Circus aeruginosus), inscrit à la directive "Oiseaux", ainsi que quelques passereaux paludicoles comme la Rousserolle turdoïde (Acrocephalus arundinaceus), inscrite sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de Picardie ; la Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica), inscrite à la directive "Oiseaux" ; la Locustelle luscinioïde (Locustella luscinioides), assez rare en Picardie ; et la Bouscarle de Cetti (Cettia cetti), assez rare en Picardie.

Pour les odonates, citons la présence de l’Agrion délicat (Ceriagrion tenellum), inféodé aux zones tourbeuses ; de l’Agrion joli (Coenagrion pulchellum), peu commun à assez rare en Picardie ; et de l’Aeschne printanière (Brachytron pratense), espèce également peu commune à assez rare en Picardie.

En ce qui concerne les poissons, on observe la Truite de mer (Salmo trutta trutta) ; l’Anguille (Anguilla anguilla), relativement abondante ; le Brochet (Esox lucius) ; et la Bouvière (Rhodeus sericeus), inscrite à l'annexe II de la directive "Habitats".

FACTEURS INFLUENCANT L’EVOLUTION DE LA ZONE

- La Fritillaire semble trouver son optimum sur le site, dans le pré tourbeux alcalin du Selino-Juncetum. L’abandon des pratiques de fauche, se traduisant par la fermeture et la densification du tapis végétal, est préjudiciable à l’espèce. La Fritillaire est, par ailleurs, absente des prairies fortement pâturées de l’Agropyro-Rumicion crispi. Une gestion par le pâturage est donc susceptible d’être néfaste à l’espèce. Enfin, les activités de cueillette et de pillage de bulbes affectent également les populations.

- Les marais se caractérisent par un vieillissement généralisé, avec accélération de la dynamique arbustive et préforestière (boisement des roselières, accroissement des mégaphorbiaies ...). Les espèces remarquables, inféodées aux milieux ouverts, en subissent les conséquences.

- Ces phénomènes de fermeture peuvent être accélérés soit par l'intervention humaine (plantations de peupliers), soit par la non-intervention (abandon des pratiques d'entretien des milieux ouverts telles que l'exploitation de la tourbe et la fauche des roseaux). Les peupleraies ont également pour effet d’entraîner un assèchement du marais et une banalisation de la végétation.

- La qualité des eaux se détériore, conduisant à une régression des espèces aquatiques inféodées aux eaux oligotrophes.

- Les étangs ont tendance à s'envaser. Ce phénomène est provoqué en partie par les limons des plateaux, entraînés dans le cours d'eau par les pluies.

- Le développement des Habitations Légères de Loisirs (HLL) provoque une dégradation à la fois paysagère et écologique des marais.

- Les opérations de curage des étangs sont parfois réalisées aux dépens des milieux palustres rivulaires (dépôts des boues de curage sur les berges...).

N.B. : les espèces végétales dont le nom latin est suivi d’un astérisque sont légalement protégées.

Commentaires sur la délimitation

La zone correspond aux marais de la vallée de la Somme entre Eaucourt-sur-Somme et Abbeville. Ce secteur fait partie des sites les plus prestigieux du département de la Somme (marais de Mareuil-Caubert notamment) qui accueillent un patrimoine naturel exceptionnel, d'intérêt européen.