ZNIEFF 220005032
TOURBIERE DE CESSIÈRES-LANISCOURT-MONTBAVIN

(n° régional : 02LAN108)

Commentaires généraux

DESCRIPTION

En guise de préambule, on se doit de signaler que ce marais a été décrit par M. BOURNERIAS, qui en a révélé les richesses floristiques et phytocœnotiques. La description qui suit doit beaucoup à ses travaux et se trouve réactualisée par les prospections effectuées en 1996-1997.

Le marais de Cessières-Montbavin occupe une vallée insérée entre le massif forestier de Saint-Gobain, au nord-ouest, et la montagne de Laniscourt, au sud-est. Le marais est scindé en deux parties par une rigole dite de dessèchement qui, étant donné la très faible déclivité du thalweg du centre du marais (moins de 4 m sur 3 km de long), a peu d’effet drainant. Ce marais, boisé et inséré entre deux parties de la cuesta d’Ile-de-France, avec une ouverture principale orientée au nord-est, présente une grande originalité mésoclimatique. En effet, les cortèges florofaunistiques montrent des affinités nordiques et montagnardes fortement marquées.

Du point de vue géologique, les parties centrales du marais sont constituées de tourbe, tandis que les pourtours sont principalement installés sur des sables thanétiens. La profondeur de tourbe, pouvant atteindre 10 m, permet de dater l’existence du marais au Tardiglaciaire. L’essentiel de l’alimentation en eaux est basique, puisque provenant des nappes de la craie et du Lutétien. Cependant, la présence de blocs de grès, enterrés profondément, détermine des déviations dans les écoulements de la nappe et implique des zones d’alimentation hydriques d’origine météorique dans le marais (impluvium sableux thanétien). Ces zones sableuses, très acides, portent des tourbières à Sphaignes ombrotrophes, tout à fait exceptionnelles en Picardie.

Les groupements végétaux héliophiles et acidophiles présents vont donc, du plus humide au plus sec :

- gouilles oligotrophes acides du Drosero intermediae-Rhynchosporetum, typiques des stades régressifs et initiaux de la tourbière bombée, fragmentaire et en voie de disparition sur le site ;

- tourbière à sphaignes ombrotrophe du Calluno-Sphagnion papillosi, de caractère boréo-montagnard très net ;

- lande humide du Calluno-Ericetum tetralicis, dans la zone de battement des eaux, souvent envahie par la Molinie bleue (Molinia coerulea), qui forme alors facies ;

- lande sèche du Genisto pilosae-Callunetum, avec les groupements bryo-lichéniques, associés sur les blocs de grès ;

- pelouse mésophile acidophile du Violion caninae à Laîche des sables (Carex arenaria) et hygrophile à Jonc squarreux (Juncus squarrosus) ;

- pelouse acidophile du Spergulo morisonii-Corynephoretum, sur sables fins mobiles ;

- pelouse acidophile de l’Airetum praecocis, sur sables grossiers.

Les groupements forestiers acides se déclinent aussi en fonction de l’humidité du substrat :

- bétulaie à sphaignes du Sphagno palustris-betuletum pubescentis ;

- aulnaie-bétulaie à Violette des marais (Viola palustris), de l’Alno-Padion ;

- chênaie mésotrophe tourbeuse à Osmonde royale (Osmunda regalis), proche de l’Alno-Padion ;

- chênaie acidophile sèche, du Lonicero-Fagetum (Lonicero-Carpinenion), qui présente plusieurs facies, en fonction de la sylviculture ;

- chênaie-bétulaie à Fougère grand-aigle (Pteridium aquilinum), fréquente dans les parties ayant subi des incendies.

A l’est de la zone, au lieu-dit "La Hottée de Gargantua", un chaos de grès très esthétique ne renferme plus que, de façon très fragmentaire, les groupements bryophytiques, typiques de tels chaos. Les boisements alentours s’apparentent à une chênaie mésotrophe du Lonicero-Fagetum, très dégradée à cause de la surfréquentation touristique.

Des plantations de résineux ont été réalisées en amont des zones tourbeuses à sphaignes.

La partie alcaline du marais se situe à l’est de la rigole de dessèchement. Les groupements héliophiles les plus remarquables sont les suivants :

- schœnaie du Cirsio dissecti-Schoenetum nigricantis (Hydrocotylo-Schoenion), de caractère précontinental, au pré du « Bois Roger » ;

- moliniaie du Cirsio dissecti-Molinietum coeruleae (Molinion), paucispécifique, au pré du « Bois Roger » ;

- prairie du Junco acutiflori-Caricion lasiocarpae aux niveaux acidoclines ;

- prairie du Junco subnodulosi- Caricion lasiocarpae aux niveaux alcalins ;

- groupement à Marisque (Cladium mariscus), paucispécifique, à rattacher au Cladietum marisci, près du « Layon du Sanglier » ;

- roselière du Thelypterido palustris-Phragmitetum vulgaris.

De nombreux fourrés de saules (Salicion cinerea) se développent au détriment des roselières, des prairies tourbeuses et des tourbières alcalines. Le boisement de ces groupements tourbeux s’accompagne d’une acidification superficielle, favorable à la Fougère à crêtes (Dryopteris cristata*). Le groupement se rapproche alors de la bétulaie turficole du Dyopterido cristatae-Betuletum pubescentis.

Cette partie du marais subit de profondes modifications, avec le creusement d’étangs de loisirs. Au sud-ouest du marais, des plantations de peupliers ont été réalisées.

INTERET DES MILIEUX

Nombreux milieux tourbeux acides et alcalins, exceptionnels en Picardie et inscrits à la directive "Habitats" de l'Union Européenne :

- gouilles oligotrophes acides, du Drosero intermediae-Rhynchosporetum, exceptionnelles en Picardie ;

- tourbière à sphaignes ombrotrophe du Calluno-Sphagnion papillosi, unique pour le nord de la France ;

- schœnaie du Cirsio dissecti-Schoenetum nigricantis, en voie de disparition sur le site, du fait du boisement spontané et de l’assèchement corrélatif ;

- moliniaie du Cirsio dissecti-Molinietum coeruleae (Molinion) ;

- prairie, du Junco acutiflori-Caricion lasiocarpae, exceptionnelle en Picardie ;

- prairie, du Junco subnodulosi- Caricion lasiocarpae, exceptionnelle en Picardie ;

- groupement à Marisque du Cladietum marisci, relictuel sur le site ;

- roselière du Thelypterido palustris-Phragmitetum vulgaris, typique du nord de la France.

Groupements acidophiles remarquables, inscrits à la directive "Habitats" :

- lande humide, du Calluno-Ericetum tetralicis, en voie de disparition dans le nord de la France ;

- lande sèche du Genisto pilosae-Callunetum, très rare et en régression en Picardie ;

- pelouse acidophile du Spergulo morisonii-Corynephoretum, propre au bassin Parisien et en voie de disparition.

Groupements forestiers rares et très localisés en Picardie, inscrits à la directive "Habitats" :

- bétulaie à Sphaignes, du Sphagno palustris-betuletum pubescentis ;

- aulnaie-bétulaie à Violette des marais, de l’Alno-Padion, très rare en Picardie ;

- chênaie mésotrophe tourbeuse à Osmonde royale (Osmunda regalis), proche de l’Alno-Padion ;

- bétulaie turficole, du Dyopterido cristatae-Betuletum pubescentis, dont l’essentiel des représentants se trouve dans le nord de la France.

INTERET DES ESPECES

Cortège d’espèces d’intérêt patrimonial exceptionnel pour le nord de la France, parmi lesquelles beaucoup de plantes protégées.

Fort contingent de plantes de répartition boréo-montagnarde :

- la Linaigrette à feuilles étroites (Eriophorum polystachion*) ;

- la Linaigrette à larges feuilles (Eriophorum latifolium*) ;

- la Linaigrette vaginée (Eriophorum vaginatum*) ;

- la Linaigrette grêle (Eriophorum gracile*), non rencontrée ces dernières années ;

- la Canneberge (Vaccinium oxyccocos*).

Plantes turficoles très rares à exceptionnelles en Picardie :

- la Grassette vulgaire (Pinguicula vulgaris*),

- le Ményanthe trèfle d’eau (Menyanthes trifoliata*),

- la Potentille des marais (Comarum palustre*),

- la Laîche filiforme (Carex lasiocarpa*),

- la Fougère à crêtes (Dryopteris cristata*),

- la Laîche puce (Carex pulicaris*),

- la Rossolis à feuilles rondes (Drosera rotundifolia*),

- la Pédiculaire des marais (Pedicularis palustris*),

- la Gentiane pneumonanthe (Gentiana pneumonanthe*)

- la Sphaigne de Magellan (Sphagnum magellanicum).

Plantes acidophiles remarquables :

- le Genêt d’Angleterre (Genista anglica*), non revu récemment ;

- la Bruyère à quatre angles (Erica tetralix*) ;

- le Jonc squarreux (Juncus squarrosus*) ;

- l’Osmonde royale (Osmunda regalis*) ;

- la Laîche blanchâtre (Carex canescens*) ;

- la Violette des marais (Viola palustris*).

Plantes basiphiles de grand intérêt :

- le Peucedan des marais (Peucedanum palustre*),

- la grande Douve (Ranunculus lingua*),

- le Saule rampant à feuilles de Romarin (Salix repens ssp. angustifolium*),

- le Séneçon à feuilles spatulées (Senecio helenitis*),

- l’Inule à feuilles de saules (Inula salicina*).

Plantes prairiales :

- l’Orchis négligée (Dactylorhiza praetermissa*),

- l’Orchis incarnat (Dactylorhiza incarnata*),

- le Gaillet boréal (Gallium boreale*),

- la Parnassie des marais (Parnassia palustris*).

Espèces de la flore non revues depuis plus de dix ans :

- la Laîche des bourbiers (Carex limosa*), considérée comme disparue de Picardie ;

- le Rhychospore blanc (Rhynchospora alba*), dont il n’existe plus qu’une seule station en Picardie ;

- le Scirpe cespiteux (Scirpus cespitosus ssp. germinacus*) ;

- le Genêt poilu (Genista pilosa*), qui se maintient difficilement dans ses stations du Laonnois.

A noter la présence de l’Andromède (Andromeda polifolia*), absente originellement du marais, mais qui y a été transférée à la demande des botanistes normands MM. PROVOST et A. LECOINTE, en 1973, du fait de la destruction de la station normande. Cette population correspond très probablement à un écotype collinéen très original, et donc très précieux.

Cortège faunistique remarquable bien qu’insuffisamment étudié :

- le Nacré de la Sanguisorbe (Brenthis ino), papillon des prairies tourbeuses, en grande raréfaction ;

- le Cuivré de marais (Thersamolycaena dispar), papillon légalement protégé en France, non revu récemment ;

- la Vipère péliade (Vipera berus), en raréfaction en Picardie ;

- le Martin-pêcheur (Alcedo atthis), inscrit à la directive "Oiseaux" ;

- la Bondrée apivore (Pernis apivorus), également inscrite à la directive "Oiseaux" ;

- le Caloptéryx vierge (Calopteryx virgo), libellule assez rare en Picardie ;

- le Cordulegastre annelé (Cordulegaster boltoni), libellule rare en Picardie.

Signalons la présence ancienne du Fadet des tourbières (Coenonympha tullia). Il s’agissait de sa dernière station en Picardie. Il a très probablement disparu.

FACTEURS INFLUENCANT L’EVOLUTION DE LA ZONE

Nécessité de la mise en place d’une gestion interventionniste ,à court terme, afin de restaurer et de préserver les milieux encore présents. En effet, les phénomènes suivants sont notés :

- forte évolution de l’ensemble des milieux de la cuvette de Cessière/Laniscourt/Montbavin, depuis les années 1960. De nombreuses espèces de la faune et de la flore ont disparu, et ce processus, au sein de ces milieux tourbeux héliophiles, a actuellement tendance à s’accélérer.

- augmentation du niveau trophique des sols du marais, du fait de l’absence d’entretien régulier, et, donc, d’exportation de la matière organique. Ce changement des caractéristiques trophiques des sols entraîne la disparition des milieux et des plantes héliophiles les plus remarquables ainsi que le boisement spontané du marais ;

- abandon du pâturage sur les dernières prairies paratourbeuses, en périphérie du marais ;

- creusement de mares de loisirs détruisant de manière irréversible les milieux tourbeux initiaux et pouvaant avoir de graves conséquences sur la circulation souterraine de l’eau ;

- plantations de résineux et de peupliers, dans les parties non tourbeuses, pouvant avoir des conséquences négatives sur la circulation des eaux dans les nappes.

Quelques points positifs existent :

- des mesures ponctuelles de gestion ont été tentées sur la tourbière acide, mais les surfaces concernées demeurent faibles ;

-l’ouverture de layons de chasse pallie très localement le manque d’entretien des végétations herbacées et permet la persistance de petites populations d’espèces rares.

N. B. : Les espèces végétales dont le nom est suivi d’un astérisque sont légalement protégées.

Commentaires sur la délimitation

Les contours de la zone englobent les parties boisée et ouvertes du marais, les friches et pâtures connexes et excluent les zones de culture.