DESCRIPTION
Inscrit dans des affleurements de craies sénonienne et turonienne, en amont de La Fère puis dans les terrains tertiaires sableux (sables thanétiens et cuisiens) et argileux (argiles sparnaciennes), le fond de vallée de l'Oise, entre Thourotte et Brissy-Hamégicourt, est recouvert d'alluvions anciennes et récentes.
Ces matériaux, déposés notamment par les crues inondantes au fil des millénaires, sont constitués de lits de galets de silex, de sables et de limons d'épaisseur et de disposition hétérogènes.
Un secteur tourbeux est individualisé, vers Marest-Dampcourt et Abbécourt, au sein d'une cuvette séparée du lit majeur de l'Oise par une butte sableuse. L'alimentation de sources par la nappe de la craie y a généré des engorgements des sols, favorisant la formation d'horizons tourbeux alcalins, par accumulation de végétaux non décomposés.
La rivière Oise est alimentée par un vaste bassin-versant, s'étendant jusqu'aux Ardennes belges où l'Oise prend sa source, ainsi que par la nappe de la craie et la nappe alluviale, qui sont toutes deux en interaction.
Son profil en long présente une pente relativement faible dans ce tronçon, avec une rupture de pente notable au niveau de La Fère. A l'aval, s'ouvre ainsi la plus vaste plaine alluviale inondable de Picardie, large de plusieurs kilomètres, entre La Fère et Tergnier.
Le fond de vallée est occupé par une mosaïque de milieux prairiaux plus ou moins inondables, mêlés de bois, de haies et de cultures, et traversée par les cours de l'Oise, de la Serre aval et de l'Ailette aval. Ces cours d'eau sont localement bordés par des lambeaux de ripisylve (saulaies, frênaies-chênaies à Orme lisse...).
Les pratiques pastorales de fauche et de pâturage, relativement extensives, ont façonné ces milieux depuis des siècles et sont un exemple d'adaptation de l'agriculture à une zone humide et au fonctionnement hydraulique capricieux du fait des inondations.
La majorité des prairies sont valorisées par le biais d'un système mixte, combinant une première intervention de fauche, souvent en juin, et une mise à l'herbe des animaux à partir de l'été.
Les prairies de fauche sont dominées par le groupement du Senecio erratici-Oenanthetum silaifoliae. Les pâtures sont plus proches de l'Hordeo secalini-Lolietum perennis.
Les inondations régulières, outre leur fonction essentielle d'écrêtement des crues par étalement dans un large lit majeur, génèrent une fertilisation des sols, par dépôts des sels biogènes dissous dans l'eau et par sédimentation des matières fines en suspension.
De plus, la proximité de la nappe et le caractère argilo-limoneux des sols favorisent la croissance de la végétation prairiale, même en plein été, quand les prairies des plateaux souffrent plus nettement d'un déficit de précipitations.
INTERET DES MILIEUX
Les caractéristiques physiques et agricoles, uniques dans le nord de la France, de cet ultime système bien conservé de prairies de fauche inondables permettent la présence d'habitats, ainsi que d'une flore et d'une faune caractéristiques, menacés et d'intérêt international.
A la suite des difficultés de l'élevage, les prairies de fauche inondables sont aujourd'hui relictuelles et en voie de disparition à l'échelle des plaines du nord de l'Europe.
Les systèmes de haies, de fossés et de mares sont également des témoins de systèmes agraires adaptés aux contraintes du milieu.
La vallée inondable de l'Oise constitue une entité, à la fois géomorphologique et hydrologique, fonctionnelle et de grande étendue, unique en Picardie.
La proximité de grands massifs forestiers favorise les échanges, grâce à la faune notamment, permettant une complémentarité importante forêts/zones humides pour les mammifères, les batraciens, l'avifaune...
La rivière et les milieux aquatiques annexes, de bonne qualité (dépressions humides, mares, bras-morts...), autorisent la reproduction de nombreuses espèces de poissons, de batraciens, d'insectes et d'oiseaux de grand intérêt.
INTERET DES ESPECES
Flore
- le Séneçon des marais (Senecio paludosus*) ;
- la Germandrée des marais (Teucrium scordium*) ;
- la Pulicaire vulgaire (Pulicaria vulgaris*), dans ses ultimes stations connues de Picardie ;
- l'Inule des fleuves (Inula britannica), présentant également ici ses seules stations de Picardie ;
- la Stellaire des marais (Stellaria palustris*) ;
- l'Orme lisse (Ulmus laevis*) ;
- la Véronique en écus (Veronica scutellata*) ;
- le Plantain d'eau lancéolé (Alisma lanceolatum) ;
- la Ratoncule naine (Myosurus minimus) ;
- l'Oenanthe à feuilles de Silaüs (Oenanthe silaifolia) ;
- l'Oenanthe aquatique (Oenanthe aquatica) ;
- l'Oenanthe fistuleuse (Oenanthe fistulosa) ;
- le Séneçon erratique (Senecio aquaticus erraticus) ;
- la Laîche des renards (Carex vulpina) ;
- le Butome en ombelle (Butomus umbellatus) ;
- la Salicaire à feuilles d'Hyssope (Lythrum hyssopifolia) ;
- la Cuscute d'Europe (Cuscuta europaea)...
Sur les milieux tourbeux, vers Marest-Dampcourt :
- le Potamot coloré (Potamogeton coloratus*),
- le Coeloglosse vert (Coeloglossum viride*),
- les Dactylorhizes incarnat et négligé (Dactylorhiza incarnata* et D. praetermissa*),
- la Grande Douve (Ranunculus lingua*),
- la Gentiane pneumonanthe (Gentiana pneumonanthe*),
- l'Inule des saules (Inula salicina*),
- la Laîche bleuâtre (Carex panicea),
- la Laîche tomenteuse (Carex tomentosa),
- le Cirse disséqué (Cirsium dissectum),
- l'Orchis bouffon (Orchis morio)...
Plusieurs espèces exceptionnelles n'ont pas été revues ces dernières années, bien que certains milieux leur soient encore favorables :
- le Plantain d'eau à feuille de graminée (Alisma gramineum*),
- l'Aconit napel (Aconitum napellus subsp. lusitanicum*),
- le Gnaphale jaunâtre (Gnaphalium luteo-album*),
- la Limoselle aquatique (Limosella aquatica*),
- l'Orchis des marais (Orchis palustris*),
- la Gesse des marais (Lathyrus palustris*),
- le Saule à feuilles étroites (Salix repens subsp. angustifolia*)...
Faune
Avifaune d'intérêt européen (espèces inscrites en annexe I de la directive "Oiseaux" de l'Union Européenne) :
- le Râle des genêts (Crex crex), dont la population, supérieure à vingt couples, atteint ici un seuil d'importance internationale ;
- la Cigogne blanche (Ciconia ciconia), qui tente de nicher de temps à autres ;
- la Gorgebleue à miroir blanc (Luscinia svecica) ;
- la Pie-grièche écorcheur (Lanius collurio) ;
- le Hibou des marais (Asio flammeus) ;
- la Bondrée apivore (Pernis apivorus) ;
- le Busard des roseaux (Circus aeruginosus) ;
- le Martin-pêcheur (Alcedo atthis).
Maintes autres espèces de la directive "Oiseaux" fréquentent le site, en migration ou en hivernage : la Grue cendrée, les Cygnes sauvage et chanteur, la Grande Aigrette, la Spatule blanche, l'Aigrette garzette, la Cigogne noire, le Butor étoilé, le Héron pourpré, l'Avocette élégante, le Combattant varié, l'Echasse blanche, le Faucon pèlerin, le Milan royal, le Balbuzard pêcheur, le Faucon émerillon....
Les secteurs inondés accueillent d'importantes populations d'oiseaux d'eau en halte migratoire : canards, oies, hérons, chevaliers, pluviers, bécassines...
Autres espèces nicheuses rares et menacées :
- le Courlis cendré (Numenius arquata), seule population stable en Picardie ;
- le Tarier des prés ou Tarier d'Europe (Saxicola rubetra) ;
- la Sarcelle d'été (Anas querquedula) ;
- le Rougequeue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus) ;
- le Canard souchet (Anas clypeata) ;
- la Vanneau huppé (Vanellus vanellus) ;
- la Bécassine des marais (Gallinago gallinago) ;
- la Pie-grièche grise (Lanius excubitor)...
Entomofaune
On rencontre des lépidoptères rares et menacés en France et en Europe (annexe II de la directive "Habitats" de l'Union Européenne), comme le Cuivré des marais (Thersamolycaena dispar*), particulièrement abondant dans les prairies humides, ou l'Azuré des mouillères (Maculinea alcon alcon*) à Marest-Dampcourt.
Odonates : présence de tous les Lestidés remarquables de Picardie (Lestes viridis, L. virens, L. barbarus, L. dryas, L. sponsa, Sympecma fusca) et d'Epitheca bimaculata, Gomphus vulgatissimus, Coenagrion scitulum, Sympetrum danae, Cordulegaster boltonii, l'Orthetrum brunneum, Aeshna affinis, Aeshna isoceles...
Batrachofaune
Espèces les plus remarquables :
- le Triton crêté (Triturus cristatus), en annexe II de la directive "Habitats" ;
- la Rainette verte (Hyla arborea) et le Pélodyte ponctué (Pelodytes punctatus), tous deux rares et menacés en France et en Picardie...
Ichtyofaune
Présence de plusieurs espèces d'un grand intérêt dont :
- le Brochet (Esox lucius), qui trouve ici parmi les plus importantes zones de reproduction de Picardie ;
- le Chabot (Cottus gobio) ;
- l'Anguille (Anguilla anguilla) ;
- la Lote de rivière (Lota lota) ;
- la Loche de rivière (Cobitis taenia)...
Mammalofaune
Présence du Cerf élaphe (Cervus elaphus) en provenance des massifs forestiers proches, de la Martre des pins (Martes martes et du rare Chat forestier (Felis silvestris).
Les rares Noctules commune (Nyctalus noctula) et de Leisler (Nyctalus leisleri) fréquentent la zone inondable comme terrain de chasse, à proximité des massifs forestiers.
FACTEURS INFLUENCANT L'EVOLUTION DE LA ZONE
La mise en place de mesures agri-environnementales (Opération locale agriculture-environnement), à partir de 1994, favorise les adhésions volontaires des agriculteurs désireux de conserver et de développer des pratiques plus extensives (maintien des surfaces en herbe, réduction des intrants, retard des dates de fauche pour l'avifaune nichant au sol...) dans la zone inondable, à la fois pour la conservation des biotopes et des espèces sensibles et pour la préservation de la qualité de l'eau.
Une Zone de Protection Spéciale a été définie entre Thourotte (60) et La Fère (02), par le Ministère de l'Environnement, afin de préserver les secteurs les plus remarquables où nichent les Râles des genêts et les autres espèces de la directive "Oiseaux" de l'Union Européenne, tout en maintenant (voire en favorisant) les activités économiques traditionnelles de cette zone humide, orientées vers l'élevage notamment.
Ce classement n'autorise plus l'exploitation de nouvelles carrières de granulats alluvionnaires. Cette disposition a été reprise dans les Schémas Départementaux des Darrières de l'Oise et de l'Aisne.
Le maintien d'une inondabilité acceptable de cette zone, tout en prenant les mesures adéquates visant à éviter toute dégradation des installations humaines (habitations, entreprises...) est une condition fondamentale à la préservation de la qualité des milieux, de la flore et de la faune, ainsi qu'à la qualité de l'eau.
En effet, les crues inondantes régulières induisent une importante épuration des eaux de l'Oise et de ses affluents, qui déposent une partie de leur charge en éléments polluants (dont les nitrates, les phosphates, les matières en suspension...) qui peuvent être partiellement recyclés par la végétation.
De plus, l'étalement des inondations dans les prairies joue un rôle essentiel d'écrêtement des crues et, donc, de préservation des zones urbanisées situées à l'aval.
Il importe donc de définir les solutions permettant à la fois à cette zone humide, véritable "infrastructure naturelle" comptant parmi les zones humides les plus importantes de France, d'accueillir des populations et des activités économiques viables, et de maintenir ses richesses biologique et paysagère ainsi que son caractère de zone d'étalement et d'épuration naturelle pour les crues, à l'amont de zones densément urbanisées et en plein développement.
N.B. : les espèces de plantes et d'insectes dont le nom latin est suivi d'un astérisque sont légalement protégées.
Les contours de la zone englobent les milieux alluviaux inondables les plus remarquables pour l'intérêt de leurs habitats et de leurs populations végétales et animales.
Les zones urbanisées sont évitées autant que possible, de même que les gravières.