ZNIEFF 220013426
CAMP MILITAIRE DE SISSONNE

(n° régional : 02CHP104)

Commentaires généraux

DESCRIPTION

Le camp militaire national de Sissonne se situe sur les marges nord-ouest de la Champagne, l’ancienne Champagne pouilleuse dont l’essentiel des territoires se trouve en région Champagne-Ardenne.

Il repose en grande partie sur la craie sénonienne couverte, çà et là, par des dépôts quaternaires peu profonds de sables de Sissonne. Les milieux présents dérivent des immenses parcours à moutons (savarts) et des cultures qui occupaient le territoire du camp avant sa création (fin du XIXème siècle).

Plus de la moitié du camp est couverte par des pelouses calcicoles (Mesobromion), des pelouses-ourlets et des ourlets thermophiles (Geranion sanguinei). Des fourrés lâches de Prunellier occupent localement des surfaces importantes.

Les boisements spontanés sont à rattacher à la hêtraie calcicole médio-européenne et thermomontagnarde du Cephalanthero-Fagion, qui représente également l’aboutissement de l’évolution des autres milieux.

Les activités militaires (passage des chars avec tassement, creusement d’ornières inondables, cratères crayeux,...) favorisent des milieux de superficie restreinte mais de grande originalité :

- situations minérales pionnières thermocontinentales, à rapprocher des éboulis du Teucrio-Galietum fleurotii ;

- pelouses fraîches tassées s’asséchant fortement l’été ;

- ornières hydromorphes proches de l’Elatini-Eleocharition ovatae.

INTERET DES MILIEUX

- Pelouses du Lino leonii-Festucetum lemanii, unité précontinentale champenoise à affinités steppiques, en limite occidentale de répartition et exceptionnelle en Picardie ;

- pelouses ouvertes des éboulis proches du Teucrio-Galietum fleurotii, unité thermocontinentale qui ne trouve sa pleine expression que beaucoup plus à l’est ;

- pelouses calcicoles sablo-calcaires (Koelerio-Phleion phleioidis), rares dans la région et fragmentaires sur le site ;

- ourlets calcicoles thermophiles (Geranion sanguinei), devenus rarissimes en Picardie et habitats d’espèces rares ;

- pelouses-ourlets du Coronillo-Brachypodietum, assez rares en Picardie ;

- massif forestier vaste du Cephalanthero-Fagion de type "Champagne crayeuse", inscrit à la directive "Habitats" et permettant à des vertébrés à grand territoire de s’établir ;

- ornières s’apparentant à l’Elatini-Eleocharition ovatae et s’exondant en cours d’été, habitats d’espèces remarquables.

Cet ensemble, rassemblant les plus vastes surfaces de pelouses calcaires de Picardie, milieux inscrits à la directive "Habitats", permet le maintien de populations viables d’espèces animales et végétales exigeantes. Il représente l'ultime irradiation occidentale des savarts champenois, illustrée par plusieurs végétations originales en limite d’aire.

Le camp de Sissonne incarne l’un des derniers grands ensembles de savarts champenois, presque totalement détruits par l’agriculture, en dehors des camps militaires. Il donne une représentation exemplaire des habitats crayeux et xériques de la Champagne pouilleuse, même si l’abandon des parcours à moutons a ôté le caractère "primaire" aux pelouses calcaires. Ce camp reste un témoin historique des paysages ancestraux de la Champagne et possède, à ce titre, une valeur ethno-écologique remarquable. Il est un "sanctuaire" où se réfugient bon nombre d’espèces exceptionnelles qui ne retrouvent nulle part ailleurs des conditions semblables.

INTERET DES ESPECES

Sur les pelouses et les lisières :

- l’Anémone sauvage (Anemone sylvestris*), menacée en France ;

- la Gentiane croisette (Gentiana cruciata*), très rare en Picardie ;

- la Laîche pied-d’oiseau (Carex ornithopoda*), exceptionnelle et en danger en Picardie ;

- l’Ophrys araignée (Ophrys sphegodes*), rare en Picardie ;

- le Polygala chevelu (Polygala comosa*), rare dans la région ;

- l’Inule à feuilles de saules (Inula salicina*), qui se contente des ourlets envahis par le Brachypode,

- le Sisymbre couché (Sisymbrium supinum*), espèce de l’annexe II de la directive "Habitats" de l'Union Européenne ;

- la Germandrée des montagnes (Teucrium montanum*), assez rare en Picardie ;

- l’Armérie des sables (Armeria arenaria*), présente sur les pelouses sableuses, vulnérable en Picardie ;

- le Brachypode rupestre (Brachypodium pinnatum ssp rupestre), très rare, en limite d’aire nord-occidentale.

- le Dectique verrucivore (Decticus verrucivorus), criquet thermomontagnard, exceptionnel en Picardie ;

- l’Ephippigère des vignes (Ephippiger ephippiger), espèce connue uniquement du camp en Picardie ;

- le Damier de la Succise (Euphydryas aurinia*), vulnérable en France et inscrit à l’annexe II de la directive "Habitats" ;

- l’Azuré de la Sariette (Maculinea arion*), en danger en France ;

- l’Azuré de la Croisette (Maculinea alcon rebeli), dont les chenilles se nourrissent exclusivement sur la Gentiane croisette ;

- le Moiré franconien (Erebia medusa), rarissime en Picardie ;

- le Pipit rousseline (Anthus campestris), dont le camp est le site de reproduction le plus septentrional de France ;

- la Pie-grièche grise (Lanius excubitor), espèce menacée en Picardie et dans le nord de la France.

En forêt et sur les lisières :

- le Limodore à feuilles avortées (Limodorum abortivum*), orchidée saprophyte vulnérable en Picardie ;

- le Cerf élaphe (Cervus elaphus), assez rare ;

- la Bondrée apivore (Pernis apivorus), inscrite à la directive "Oiseaux" ;

- le Pouillot de Bonelli (Phylloscopus bonelli), ici dans l’un de ses sites les plus nordiques de France ;

- l’Alouette lulu (Lullula arborea), qui présente ici sa plus forte population de Picardie ;

- la Huppe fasciée (Upupa epops), en danger de disparition en Picardie.

Dans les ornières et les mares :

- la Limoselle aquatique (Limosella aquatica), exceptionnelle en Picardie ;

- le Pélodyte ponctué (Pelodytes punctatus), qui profite des "trous d’homme" creusés par les militaires ;

- Branchipus schaefferi, crustacé très rare en France, profitant des pluies printanières pour amorcer son cycle de développement.

Le camp est également l’unique station pour de nombreux papillons nocturnes et diurnes.

On notera la présence très probable du Plantain-d’eau graminé (Alisma gramineum*) dans les ornières, espèce rare en France.

FACTEURS INFLUENCANT L’EVOLUTION DE LA ZONE

- Contrôle de la recolonisation arbustive par le passage des chars et par le débroussaillage direct, très favorable au maintien des pelouses mais conduisant à leur eutrophisation.

- Création régulière de milieux pionniers (carrières de craie et de sable, ornières,...) permettant la survie d’espèces rares.

- Action régressive des lapins, en population importante sur le camp, générant des facies à Hélianthème obscur et des banquettes à Piloselle.

- Plantations de conifères, déjà anciennes, au détriment des habitats forestiers spontanés.

- Absence de pratiques pastorales sur les pelouses calcaires, qui conduit à la disparition des pelouses les plus rases.

- Pratiques sylvicoles peu intensives, permettant le conservation des hêtraies thermophiles.

- Dérangements quasi-permanents liés aux manœuvres militaires, limitant la capacité d’accueil de la grande faune (notamment des rapaces tels que les busards).

- Absence de traitements phytosanitaires et protection des espaces en pelouse vis-à-vis des apports éoliens de biocides, permettant le maintien d’espèces fragiles.

N.B. : les espèces dont le nom latin est suivi d’un astérisque sont légalement protégées.

Commentaires sur la délimitation

Le site reprend les limites du camp militaire, périmètre qui englobe les milieux les plus remarquables.