DESCRIPTION
Cette vaste forêt de Thiérache, installée sur des limons de plateau, annonce les grandes forêts des côtes jurassiques du département des Ardennes (région Champagne-Ardenne). La roche mère, qui apparaît localement dans les talwegs, est constituée des marnes bleues du Turonien et des argiles à glauconie du Cénomanien.
Cette zone est située sur une petite crête, ce qui détermine des écoulements vers le nord, en direction de la rivière le Ton, et vers le sud, en direction de la rivière la Serre.
Les ruisseaux à fond argileux sont tapissés de silex issus de la craie. Certains disparaissent dans des pertes.
La forêt comporte principalement des feuillus. Les enrésinements ont une ampleur non négligeable en forêt de la Haye d’Aubenton.
INTERETS DES MILIEUX
Grande forêt représentative du contexte climatique de la Thiérache, cette région est soumise à un climat océanique dégradé faisant transition vers une situation plus continentale. Ces particularités climatiques déterminent la présence de groupements végétaux des forêts fraîches et froides. La végétation présente des combinaisons floristiques intéressantes, marquées par la relative abondance d'espèces continentales, avec plusieurs types de boisements :
- chênaie-charmaie, proche de celle avec Jacinthes ;
- frênaie fraîche à Ail des ours ;
- frênaie calcicole, à Orme des montagnes ;
- aulnaie-frênaie eutrophe
L'ensemble de ces types forestiers est à l'origine de la grande richesse patrimoniale de la zone.
La végétation des banquettes des ruisseaux, associant la Dorine à feuilles alternes (Chrysosplenium alternifolium*), la Dorine à feuilles opposées (Chrysoplenium oppositifolium), la Stellaire des bois (Stellaria nemorum), l'Ail des ours (Allium ursinum) et la Renouée bistorte (Polygonum bistorta) est caractéristique des situations plus continentales.
L'absence de la Jacinthe (Hyacinthoides non-scripta) sur la plus grande partie de la zone est aussi un facteur annonçant le passage vers une forêt médio-européenne.
La forêt, issue des pratiques sylvicoles passées et actuelles, est très favorable pour l'avifaune. Le cortège d'oiseaux s'apparente à celui des forêts médio-européennes.
Les ruisseaux présentent les caractéristiques des zones de frayères à Truite et sont, de ce fait, très favorables à une faune de macro-invertébrés appartenant à l’Epirhitron (zone de source) et au Rhitron (ruisselets frais).
De nombreuses ornières et mares représentent des milieux potentiels pour la ponte des batraciens.
Certains milieux, autrefois connus, ont maintenant disparu : c’est le cas des prairies maigres, à affinités montagnardes à Carvi officinal (Carum carvi*), mentionnées dès le début du XIXème siècle et revues jusqu’en 1967 (BOURNERIAS).
INTERETS DES ESPECES
Flore
On note de nombreuses espèces végétales à tendances montagnardes, dans un secteur de plateau de faible altitude. Elles sont généralement très rares en Picardie et certaines sont protégées :
- la Prêle des bois (Equisetum sylvaticum*),
- La Dorine à feuilles alternes (Chrysosplenium alternifolium*),
- la Nivéole printanière (Leucojum vernum*),
- la Raiponce noire (Phyteuma nigrum*),
- le Scorsonère humble (Scorzonera humilis),
- l’Alchémille vert jaunâtre (Alchemilla xanthochlora),
- le Dactylorhize fistuleux (Dactylorhiza fistulosa),
- la Renouée bistorte (Polygonum bistorta).
Présence également du Séneçon des marais (Senecio paludosus*).
Faune
Parmi les nombreux rapaces et autres oiseaux rares en Picardie :
- l'Autour des palombes (Accipiter gentilis) ;
- la Huppe fasciée (Upupa epops), nicheur rarissime en Picardie ;
- le Pic mar (Dendrocopos medius) ;
- la Bécasse des bois (Scolopax rusticola) ;
- la Pie-grièche grise (Lanius excubitor) ;
- le Grimpereau des bois (Certhia familiaris)...
Présence du Chat sylvestre (Felis silvestris) et du Muscardin (Muscardinus avellanarius), deux mammifères très localisés dans la région picarde.
Le site accueille la reproduction de la Truite fario (Salmo trutta fario), du Goujon (Gobio gobio) et du Chabot (Cottus gobio). Cette dernière espèce est inscrite à la directive "Habitats" de l'Union Européenne.
On note également :
- une faune de macro-invertébrés aquatiques, diversifiée et représentative des ruisseaux de plaine, légèrement alcalins et froids.
- une belle population d'Hémérobe aquatique (Osmylus fulvicephalus), névroptère rare en Picardie et dans une grande partie du bassin Parisien.
- la présence de Metreletus balcanicus (éphéméroptère), sur les argiles de l'Albien, espèce très rare en Europe, ainsi que d'Electrogena quadrilineata, autre éphéméroptère, très peu connu en France.
- la présence de la Cordulie à deux taches (Epitheca bimaculata), odonate à distribution euro-sibérienne, principalement localisée au quart nord-est de la France.
De nombreux gîtes larvaires existent pour les batraciens, avec une belle population larvaire de Salamandre (Salamandra salamandra terrestris), au niveau des petites zones de source.
A citer particulièrement la découverte, en 1996, dans le bois de Plomion, d'un lépidoptère geometridae, rare en France et nouveau pour la Picardie : Ennomos autumnaria. Cette espèce montagnarde renforce le faisceau d'indices permettant de caractériser cette zone comme appartenant au domaine médio-européen. Deux autres espèces submontagnardes sont aussi observées : Nothocasis sertata et Pungelaria capreolaria. La chenille de cette dernière vit sur les épicéas.
FACTEURS INFLUENCANT L'EVOLUTION DE LA ZONE
L'activité sylvicole représente le principal agent d'évolution des milieux de cette ZNIEFF. L'enrésinement de certains secteurs de la forêt est remarquable par son étendue. La disparition de la strate herbacée et ligneuse basse est quasi-totale sous les résineux. Certaines petites zones de sources et banquettes de ruisseaux et de ruisselets, caractéristiques des groupements à Chrysosplenium, ont aussi été enrésinées. Une chute de la diversité des macro-invertébrés aquatiques est constatée au niveau de la zone amont à Truite (frayères), bordée de tels peuplements.
L'extension des coupes rases, suivies de plantations de feuillus (dont le Hêtre), est un indicateur d'une gestion orientée vers la futaie régulière, milieu considéré généralement comme moins favorable à la biodiversité. La végétation buissonnante des coupes et des jeunes plantations est favorable à la Locustelle tachetée et à divers autres passereaux, ainsi qu'au Muscardin.
N.B. : les espèces dont le nom latin est suivi d’un astérisque sont légalement protégées.
Ensemble forestier homogène pouvant être issu des forêts de défenses du Moyen-Age. Le périmètre englobe ce noyau forestier et ses bordures en bocage.