ZNIEFF 220013891
BOCAGE POLDÉRIEN DE FROISE

(n° régional : 80LIT104)

Commentaires généraux

DESCRIPTION

Compris entre le massif dunaire du Marquenterre, à l’ouest, et les marais arrière-littoraux, à l’est, le bocage poldérien de Froise se distingue par un paysage tout à fait original. Il comprend un réseau de haies relativement dense avec de vieux saules taillés en têtards, entourant des prairies pâturées. De nombreux fossés et chenaux aux contours sinueux témoignent de l’origine du site. En effet, cette structure noueuse est directement héritée de la sédimentation naturelle des mollières, qui existaient jadis à cet endroit.

Ce territoire correspondait, il y a moins de 2 000 ans, à une vaste zone inondée, à la fois par les eaux de mer et les eaux douces de la Somme, de la Maye et de l’Authie. L’édification concomitante de digues et de canaux, évacuant les eaux vers la mer, a permis de conquérir progressivement des terres sur la mer et, ainsi, de constituer les bas-champs du Marquenterre.

Depuis une trentaine d’années, des actions de drainage, le retournement de prairies permanentes et l’élimination des haies ont dégradé l’intérêt écologique du site. Il ne reste plus aujourd’hui que quelques noyaux de prairies avec des haies relativement âgées qui mériteraient parfois d’être renouvelées. Le caractère humide du secteur a également diminué.

Parmi les groupements végétaux, ce sont les groupements aquatiques et amphibies qui sont les plus diversifiés :

- herbiers à Characées des Charetalia hispidae ;

- herbiers du Ceratophyllum submersi ;

- herbiers du Ranunculetum baudotii ;

- herbiers du Ranunculion aquatilis (herbiers à renoncules aquatiques et à Callitriches) ;

- herbiers du Potamion pectinati ;

- banquettes amphibies relictuelles de l’Hydrocotylo-Baldellion ;

- scirpaies du Scirpetum compacti ;

- roselières du Scirpo-Phragmitetum.

Les prairies appartiennent essentiellement aux prairies sèches du Lolio-Cynosuretum cristati et aux prés subhygrophyles de l’Hordeo secalini-Lolietum perennis.

INTERET DES MILIEUX

L’existence de nombreux gradients écologiques (salinité, hydromorphie, sable, matière organique), superposée à une mosaïque de biotopes tels que les haies, les prairies, les mares et les dépressions, crée des conditions favorables à une importante biodiversité.

En particulier, la flore aquatique, amphibie et subhalophile est particulièrement intéressante. Citons notamment les herbiers à Characées, inscrits à la directive "Habitats" de l’Union Européenne, le groupement à Myriophyllum alterniflorum* et le groupement du Ceratophyllum submersi, du Ranunculetum baudotii et du Scirpetum compacti, qui sont remarquables pour la Picardie.

Ces milieux aquatiques hébergent des batraciens et des insectes rares.

Le bocage permet, quant à lui, d’accueillir une avifaune nicheuse menacée en Picardie. Les prairies inondées sont utilisées par de nombreux limicoles et anatidés en migration.

Enfin, les prairies de l’Hordeo-Lolietum sont rares en Picardie.

INTERET DES ESPECES

Flore :

De nombreuses espèces remarquables sont présentes, parmi lesquelles :

- le Myriophylle à fleurs alternes (Myriophyllum alterniflorum*), qui n’est présent qu’en plaine maritime picarde pour toute la Picardie ;

- le Potamot graminée (Potamogeton gramineus*), espèce exceptionnelle en Picardie ;

- le Butome en ombelle (Butomus umbellatus), espèce très rare en Picardie qui occupe plusieurs fossés sur le site ;

- la Guimauve officinale (Althaea officinalis), relativement bien représentée sur le site ;

- le Jonc de Gérard (Juncus gerardii), espèce subhalophile plus communément observée au niveau des mollières ;

- le Scirpe de Tabernaemontanus (Scirpus tabernaemontani), assez rare en Picardie ;

- le Scirpe maritime (Scirpus maritimus var. compactus), espèce halophile ;

- la Pesse commune (Hippuris vulgaris), espèce aquatique rare en Picardie ;

- la Samole de Valerandus (Samolus valerandi), observée sur les berges en pente douce de certaines mares ;

- l’Oenanthe fistuleuse (Oenanthe fistulosa), inféodée aux prés inondés ;

- la Rhinanthe à grandes fleurs (Rhinanthus angustifolius), espèce rare en Picardie.

Faune :

La batrachofaune est particulièrement riche et diversifiée avec, notamment, le Crapaud calamite (Bufo calamita), très abondant ; la Rainette verte (Hyla arborea), espèce vulnérable en France ; le Triton crêté (Triturus cristatus), espèce inscrite à la directive "Habitats" de l'Union Européenne ; le Triton alpestre (Triturus alpestris), vulnérable en France et le Triton ponctué (Triturus vulgaris), assez rare en Picardie.

Les secteurs bocagers permettent la nidification de la Chevêche d’Athéna (Athene noctua), espèce menacée en Picardie. La complémentarité des vieux saules avec des cavités pour nicher et des prairies pâturées pour chasser, permet à cette chouette d’être présente, avec des densités relativement élevées. L’Hypolaïs ictérine (Hippolais icterina) profite, quant à lui, des grands arbres. C’est une espèce vulnérable en Picardie. Les cultures sont utilisées comme milieux de substitution pour la nidification par le Vanneau huppé (Vanellus vanellus), vulnérable en Picardie, et l’Huîtrier-pie (Haematopus ostralegus), nicheur très rare en Picardie.

Le Courlis cendré (Numenius arquata) s’est déjà cantonné sur le site, mais sans succès. La Cigogne blanche (Ciconia ciconia) fait partie, depuis peu, de l’avifaune nicheuse du site (espèce exceptionnelle en Picardie). La Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica), espèce inscrite à la directive "Oiseaux" de l’Union Européenne, profite des micro-roselières, présentes sur les abords des mares et dans les fossés, pour nicher.

Concernant les odonates, signalons la présence de l’Agrion scitulum (Coenagrion scitulum) et de l’Agrion délicat (Ceriagrion tenellum), espèces rares en Picardie.

Pour les lépidoptères, citons la Timandre changée (Scopula emutaria), espèce subhalophile rare en France et très rare sur le littoral picard ; la Leucanie paillée (Mythimna straminea) ; l’Herminie crible (Macrochilo cribrumalis) et la Nonagrie rubanée (Archanara dissoluta).

FACTEURS INFLUENCANT L’EVOLUTION DE LA ZONE

- Le bocage est globalement en voie de vieillissement. Cependant, il conviendrait, dès à présent, de planter de nouveaux arbres dans les espaces libres de certaines haies, voire de planter de nouvelles haies avec des essences locales, afin de renouveler progressivement le bocage. En effet, en l’absence de telles actions, le patrimoine naturel de ce bocage pourrait disparaître, à moyen terme, avec la mort des vieux arbres.

- Plusieurs secteurs ont vu le retournement des prairies se réaliser au profit des cultures, ainsi que la destruction de nombreuses haies. Le territoire du Marquenterre a souffert des exigences de l’agriculture productiviste à partir des années soixante. Les surfaces en prairies ont été réduites de plus de 50%. Il a été constaté la réduction des effectifs nicheurs de certains oiseaux d’eau, des stationnements printaniers de canards et de petits échassiers ainsi que des stationnements hivernaux d’oies et de canards.

- Un grand nombre de fossés et de canaux, à caractère drainant, entraînent l’assèchement des prairies. Les espèces hygrophiles ont fortement régressé.

N.B. : les espèces végétales dont le nom latin est suivi d’un astérisque sont légalement protégées.

Commentaires sur la délimitation

La zone correspond au secteur bocager situé entre Rue, Quend et Saint-Quentin-en-Tourmont. La densité de haies et de prairies y est plus élevée que dans les secteurs alentours. De nombreuses espèces végétales et animales remarquables s'y observent. Le site est limité à l'ouest par les dunes du Marquenterre et à l'est par les marais arrière-littoraux. Au nord et au sud, le bocage fait peu à peu place à de vastes secteurs cultivés.