ZNIEFF 220220026
VALLÉE DE L'OISE DE HIRSON À THOUROTTE

(n° régional : 02NOY201)

Commentaires généraux

DESCRIPTION

A l'aval de son débouché français, à Macquenoise, l'Oise traverse des terrains primaires en Thiérache (schistes, grès, marnes...), puis des affleurements de craies sénonienne et turonienne, entre Guise et La Fère, et, enfin, des terrains tertiaires sableux (sables thanétiens et cuisiens) et argileux (argiles sparnaciennes), entre La Fère et Thourotte.

Le fond de vallée est recouvert d'alluvions anciennes et récentes, déposées notamment par les crues inondantes au fil des millénaires, alluvions constituées de lits de galets de silex ainsi que de sables et de limons d'épaisseur et de disposition très variables.

Un secteur tourbeux s'individualise vers Marest-Dampcourt et Abbécourt, à cheval sur la limite entre les départements de l'Aisne et de l'Oise, dans une cuvette séparée du lit majeur de l'Oise par une butte sableuse. L'alimentation de sources par la nappe de la craie y a généré des engorgements des sols, favorisant la formation d'horizons tourbeux alcalins.

La rivière Oise est alimentée par un bassin-versant très vaste, remontant jusqu'aux Ardennes belges, où l'Oise prend sa source, par la nappe de la craie et la nappe alluviale. Ces dernières sont en interaction.

Le profil en long de la rivière est caractérisé par une pente forte, en amont d'Hirson (aspect localement torrentueux), qui s'adoucit en aval, notamment avec une rupture de pente au niveau de La Fère. Au-delà de ce seuil s'ouvre, entre La Fère et Tergnier, la plus vaste plaine alluviale inondable de Picardie, large de plusieurs kilomètres.

Le fond de vallée est occupé par une mosaïque de milieux prairiaux plus ou moins inondables, de bois, de haies et de cultures, traversée par les cours de l'Oise et de ses affluents (Thon, Noir Rieux, Serre, Ailette...). Ces cours d'eau sont bordés par des lambeaux de ripisylve (saulaies, frênaies-chênaies à Orme lisse...).

Les pratiques pastorales de fauche et de pâturage, relativement extensives, ont façonné ces milieux depuis des siècles et sont un bel exemple d'adaptation de l'agriculture à une zone humide.

Bon nombre de prairies sont valorisées au travers d'un système mixte, combinant une première intervention de fauche, en juin, et une mise à l'herbe des animaux à partir de l'été.

Les prairies de fauche sont dominées par le groupement du Senecio erratici-Oenanthetum silaifoliae, en aval de Vendeuil. Les pâtures sont plus proches de l'Hordeo secalini-Lolietum perennis.

Les inondations régulières, outre leur fonction fondamentale d'écrêtement des crues par étalement dans un lit majeur parfois large, génèrent une fertilisation des sols, par dépôts des sels biogènes dissous dans l'eau et des matières fines en suspension.

De plus, la proximité de la nappe et le caractère argilo-limoneux des sols favorisent la croissance de la végétation prairiale, même en plein été quand les prairies des plateaux souffrent plus largement d'un déficit de précipitations.

INTERET DES MILIEUX

Les caractéristiques physiques et agricoles, uniques dans le nord de la France, de cet ultime système bien conservé de prairies de fauche inondables permettent la présence d'habitats, ainsi que d'une flore et d'une faune caractéristiques, menacés et d'intérêt international dans sa portion médiane.

A la suite des difficultés de l'élevage, les prairies de fauche inondables extensives sont aujourd'hui relictuelles et en voie de disparition à l'échelle des plaines du nord de l'Europe.

Les systèmes de haies, de fossés et de mares sont également des témoins de systèmes agraires adaptés aux contraintes du milieu.

La proximité de grands massifs forestiers favorise les échanges faunistiques notamment, permettant une complémentarité importante forêts/zones humides pour les mammifères, les batraciens, l'avifaune...

La rivière et les milieux aquatiques annexes, de bonne qualité (dépressions humides, mares, bras-morts...), permettent la reproduction de nombreuses espèces de poissons, de batraciens, d'insectes et d'oiseaux de grand intérêt.

La vallée inondable de l'Oise constitue une entité, à la fois géomorphologique et hydrologique, fonctionnelle et de grande étendue, unique en Picardie.

INTERET DES ESPECES

Flore

Dans les bras-morts, dépressions humides et bois alluviaux :

- le Séneçon des marais (Senecio paludosus*) ;

- la Germandrée des marais (Teucrium scordium*) ;

- la Pulicaire vulgaire (Pulicaria vulgaris*), dans ses ultimes stations connues de Picardie ;

- l'Inule des fleuves (Inula britannica), présentant également ses seules stations connues de Picardie ;

- la Grande Berle (Sium latifolium*) ;

- la Stellaire des marais (Stellaria palustris*) ;

- la Véronique en écus (Veronica scutellata*) ;

- l'Orme lisse (Ulmus laevis*)...

Sur les milieux tourbeux, vers Marest-Dampcourt :

- le Potamot coloré (Potamogeton coloratus*),

- le Coeloglosse vert (Coeloglossum viride*),

- les Dactylorhizes incarnat et négligé (Dactylorhiza incarnata* et D. praetermissa*),

- la Grande Douve (Ranunculus lingua*),

- la Gentiane pneumonanthe (Gentiana pneumonanthe*),

- l'Inule des saules (Inula salicina*),

- la Laîche bleuâtre (Carex panicea),

- la Laîche tomenteuse (Carex tomentosa),

- le Cirse disséqué (Cirsium dissectum),

- l'Orchis bouffon (Orchis morio)...

Dans la partie amont de la vallée :

- la Seslérie bleuâtre (Sesleria caerulea*),

- la Lathrée écailleuse (Lathraea squamaria*),

- le Buis (Buxus sempervirens),

- le Corydale solide (Corydalis solida),

- la Renouée bistorte (Polygonum bistorta),

- la Dorine à feuilles alternes (Chrysosplenium alternifolium*),

- la Dorine à feuilles opposées (Chrysosplenium oppositifolium)...

Dans le fond de vallée inondable (prairies, cariçaies, bord des eaux...) :

- le Plantain d'eau lancéolé (Alisma lanceolatum),

- la Ratoncule naine (Myosurus minimus),

- l'Oenanthe à feuilles de Silaüs (Oenanthe silaifolia),

- l'Oenanthe aquatique (Oenanthe aquatica),

- l'Oenanthe fistuleuse (Oenanthe fistulosa),

- le Séneçon erratique (Senecio aquaticus erraticus),

- la Laîche des renards (Carex vulpina),

- le Butome en ombelle (Butomus umbellatus),

- la Salicaire à feuilles d'Hyssope (Lythrum hyssopifolia),

- la Cuscute d'Europe (Cuscuta europaea)...

Faune

Avifaune nicheuse d'intérêt européen (espèces inscrites en annexe I de la directive "Oiseaux" de l'Union Européenne) :

- le Râle des genêts (Crex crex), dont la population supérieure à vingt couples atteint, entre Vendeuil et Noyon, un seuil d'importance internationale ;

- la Cigogne blanche (Ciconia ciconia), qui tente de nicher de temps à autres ;

- la Gorgebleue à miroir blanc (Luscinia svecica) ;

- la Pie-grièche écorcheur (Lanius collurio), présente dans toute la vallée ;

- le Hibou des marais (Asio flammeus) ;

- la Bondrée apivore (Pernis apivorus) ;

- la Sterne pierregarin (Sterna hirundo) ;

- le Busard des roseaux (Circus aeruginosus) ;

- le Martin-pêcheur (Alcedo atthis)...

De nombreuses autres espèces de la directive "Oiseaux" fréquentent les prairies inondables, en migration ou en hivernage : la Grue cendrée, les Cygnes sauvage et chanteur, la Grande Aigrette, la Spatule blanche, l'Aigrette garzette, la Cigogne noire, le Butor étoilé, le Héron pourpré, le Faucon pèlerin, l'Avocette élégante, le Combattant varié, l'Echasse blanche, le Milan royal, le Balbuzard pêcheur....

Les secteurs inondés accueillent d'importantes populations d'oiseaux d'eau en halte migratoire : canards, oies, hérons, chevaliers, pluviers, bécassines...

Autres espèces nicheuses rares et menacées :

- le Courlis cendré (Numenius arquata), seule population stable en Picardie, entre La Fère et Chauny ;

- le Tarier des prés ou Tarier d'Europe (Saxicola rubetra) ;

- la Sarcelle d'été (Anas querquedula) ;

- le Rougequeue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus) ;

- le Canard souchet (Anas clypeata) ;

- la Vanneau huppé (Vanellus vanellus) ;

- la Bécassine des marais (Gallinago gallinago) ;

- la Pie-grièche grise (Lanius excubitor) ;

- le Cincle plongeur (Cinclus cinclus), dans la partie amont...

Entomofaune

On rencontre des lépidoptères rares et menacés en France et en Europe (annexe II de la directive "Habitats"), comme le Cuivré des marais (Lycaena dispar*) particulièrement bien représenté dans les milieux pairiaux inondables entre Thourotte et Vendeuil, ou l'Azuré des mouillères (Maculinea alcon alcon*) dans le secteur tourbeux de Marest-Dampcourt.

Odonates : présence, dans la partie médiane, de tous les Lestidés remarquables de Picardie (Lestes viridis, L. virens, L. barbarus, L. dryas, L. sponsa, Sympecma fusca), et d'Epitheca bimaculata, Gomphus vulgatissimus, Coenagrion scitulum, Sympetrum danae, Cordulegaster boltonii, Orthetrum brunneum, Aeshna affinis, Aeshna isoceles, Ischnura pumilio...

Batrachofaune : espèces les plus remarquables :

- le Triton crêté (Triturus cristatus), en annexe II de la directive "Habitats" ;

- la Rainette verte (Hyla arborea) et le Pélodyte ponctué (Pelodytes punctatus), tous deux rares et menacés en France et en Picardie...

Ichtyofaune : présence de plusieurs espèces de grand intérêt dont :

- le Brochet (Esox lucius), qui trouve ici d'importantes zones de reproduction ;

- le Chabot (Cottus gobio) ;

- l'Anguille (Anguilla anguilla) ;

- la Lote de rivière (Lota lota) ;

- la Loche de rivière (Cobitis taenia) ;

- la Truite fario (Salmo trutta fario)...

Mammalofaune

Dans la partie moyenne de la vallée, présence du Cerf élaphe (Cervus elaphus), de la Martre des pins (Martes martes) et du rare Chat forestier (Felis silvestris), en provenance des massifs forestiers proches.

Les rares Noctules commune (Nyctalus noctula) et de Leisler (Nyctalus leisleri) fréquentent les prairies inondables des environs des forêts de Saint-Gobain et de Laigue-Ourscamps comme terrain de chasse à proximité des massifs forestiers. Le Grand Murin (Myotis myotis), pour sa part, est présent en hiver aux environs de Guise.

La Loutre (Lutra lutra) a été signalée ces dernières années dans la partie la plus haute de la vallée, qui constituerait alors son ultime bastion régional.

FACTEURS INFLUENCANT L'EVOLUTION DE LA ZONE

Les dernières pelouses calcicoles de la partie située entre La Fère et Guise mériteraient une préservation et une gestion adaptée (coupe des buissons envahissants, pâturage extensif...) du fait de leur envahissement par les broussailles.

Dans le secteur Vendeuil-Thourotte, la mise en place de mesures agro-environnementales (Opération locale agriculture-environnement), depuis 1994, favorise les adhésions volontaires des agriculteurs désireux de conserver et de développer des pratiques plus extensives (maintien des surfaces en herbe, réduction des intrants, retard des dates de fauche pour l'avifaune nichant au sol...).

Une Zone de Protection Spéciale a été définie, entre Thourotte (60) et La Fère (02), par le Ministère de l'Environnement. Elle vise à préserver les secteurs les plus remarquables où nichent les Râles des genêts et les autres espèces de la directive "Oiseaux" de l'Union Européenne, tout en maintenant (voire en favorisant) les activités économiques traditionnelles de cette zone humide, essentiellement orientées vers l'élevage.

Certains secteurs périphériques de cette zone, comme d'autres zones situées plus en amont jusqu'à Guise (secteur Origny-Sainte-Benoîte/La Fère), ont été marqués par la multiplication des gravières, aujourd'hui freinée. En effet, sur la quasi-totalité de la vallée entre Hirson et Thourotte, de nouvelles extractions de granulats ne sont plus possibles : les Schémas Départementaux des Carrières les interdisent désormais.

La zone inondable, en abaissant la lame d'eau par étalement dans le large lit majeur, agit comme un réservoir écrêteur de crues, lequel limite l'impact des inondations en aval.

Le maintien de cette inondabilité, tout en prenant les mesures adéquates visant à éviter toute dégradation des installations humaines (habitations, entreprises...), est une condition fondamentale à la préservation de la qualité des milieux, de la flore et de la faune, ainsi qu'à la qualité de l'eau.

En effet, les crues inondantes régulières permettent une importante épuration des eaux de l'Oise et de ses affluents, qui déposent une partie de leur charge en éléments polluants (dont les nitrates, les phosphates, les matières en suspension...) qui peuvent être partiellement recyclés par la végétation.

Il importe donc de définir les solutions permettant à cette zone humide, véritable "infrastructure naturelle" en Picardie, comptant parmi les zones humides les plus importantes de France, d'accueillir des activités économiques viables, tout en maintenant sa richesse à la fois biologique et paysagère ainsi que son caractère de zone d'étalement et d'épuration naturelle pour les crues.

Et ce d'autant plus que cette zone alluviale est située à l'amont des zones densément urbanisées et en pleine expansion du nord de l'Ile-de-France.

N.B. : les espèces végétales et animales dont le nom latin est suivi d'un astérisque sont légalement protégées.

Commentaires sur la délimitation

Les contours de la zone englobent l'ensemble de l'unité géomorphologique valléenne (système alluvial avec lit mineur et lit majeur ainsi que les coteaux adjacents) depuis le débouché des forêts ardennaises jusqu'à la limite des zones régulièrement inondables (secteurs en amont de Thourotte).

Cet ensemble comprend les ZNIEFF de type I suivantes : "Méandre du Moulin Husson et Bois du Catelet", "Haute vallée de l'Oise et confluence du Ton", "Vallée de l'Oise à l'aval de Guise, Côte Sainte-Claire et Bois de Lesquielles-Saint-Germain", "Ensemble de pelouses de la vallée de l'Oise en amont de Ribemont et pelouse de Tupigny", et "Prairies inondables de l'Oise de Brissy-Hamégicourt à Thourotte".