ZNIEFF 220320006
COURS DE LA BRESLE ET PRAIRIES ASSOCIÉES

(n° régional : 80VIM108)

Commentaires généraux

DESCRIPTION

Le cours de la Bresle s'étend selon un axe sud/nord dans le département de l'Oise, puis prend un axe général sud-est/nord-ouest dans le département de la Somme. Sa largeur varie de trois mètres en amont d'Aumale pour atteindre quinze mètres en aval. Le fleuve se divise en de nombreux bras et sillonne, au travers de zones pâturées et de nombreuses ballastières, le long d'une vallée assez étroite. La pente assez élevée et localement forte (0,54% en zone des sources) offre des conditions favorables au décolmatage des substrats. Les berges sont parfois dégradées par le piétinement des bovins.

La zone comprend, en plus du lit mineur de la Bresle, plusieurs extensions alluviales dans le lit majeur, réparties le long de la vallée :

- Le secteur de Saint-Germain-sur-Bresle, entre Guémicourt et « le Moulin Bleu », qui comprend des prairies de fauche et des prairies pâturées, entrecoupées de peupleraies et de petits étangs. Le système d'irrigation, avec ses vannages (prés flottés), est encore visible.

- Entre Neuville-Coppegueule, au niveau du lieu-dit "Les Epigneux", et à Sénarpont, au niveau du lieu-dit "Ferme Rotteleux", le tronçon présente un bel ensemble de prés flottés fauchés tardivement, des prairies pâturées mésohygrophiles avec des haies de saules taillés en têtards, d'anciennes gravières revégétalisées et des roselières.

- Entre Nesle-l'Hôpital et Neslette, subsiste un ensemble particulièrement remarquable de prairies hygrophiles de fauche exploitées tardivement. Le système de vannes y est encore fonctionnel. Quelques prairies pâturées, des rangées de saules taillées en têtards, des mégaphorbiaies, des mares et quelques plantations de peupliers occupent également l'espace.

- A Bouttencourt, au niveau des lieux-dits "Le Marais" et "Les Grands Prés" ; à Ansennes et à l'est du ruisseau dit "le Bras Blanc", se maintiennent plusieurs prairies de fauche en voie de densification végétale (évolution vers des mégaphorbiaies et des boisements humides) et des prairies pâturées mésophiles à mésohygrophiles, parfois exploitées de manière relativement intensive.

- Entre Bouvaincourt-sur-Bresle et Oust-Marest, se maintient un bel ensemble de prairies pacagées et de prairies de fauche, parfois remplacées par des plantations de peupliers ou de résineux. Quelques mégaphorbiaies sont également présentes.

- A Mers-les-Bains, quelques prairies mésohygrophiles relictuelles s'observent, insérées entre Eu et Mers-les-Bains, à proximité de zones industrielles et commerciales.

Sur l'ensemble de la zone s'étend un réseau hydrographique bien développé et relativement complexe.

INTERET DES MILIEUX

* Lit mineur de la Bresle :

Le tronçon, situé entre les sources de la Bresle et Sénarpont, présente un grand intérêt pour les zones de frayères qui sont abondantes et fonctionnelles pour la plupart. Cependant, nombre d'entre elles sont seulement potentielles, du fait du cloisonnement du cours d'eau. Ce phénomène limite l'amontaison des grands migrateurs. Les zones de production sont très fréquentes (succession de radiers, de plats et de mouilles) et offrent des conditions optimales pour le développement des Salmonidés.

Le tronçon entre Sénarpont et l'embouchure présente un intérêt élevé pour le passage des migrateurs (la Bresle est classée rivière à migrateurs pour le Saumon et la Truite de mer). Le cloisonnement est moindre que sur le tronçon précédent et la circulation y est assez facile. Les frayères fréquentées par les migrateurs sont assez nombreuses entre Sénarpont et Bouvaincourt-sur-Bresle. Les zones de production sont nombreuses et permettent à la faune piscicole de se développer convenablement.

Outre l'intérêt ichtyologique du lit mineur, signalons également la présence d'habitats aquatiques rhéophiles, du Ranunculion fluitantis à Ranunculus gr. fluitans, et d'habitats lentiques, notamment du Callitrichetum obtusangulae, inscrits à la directive "Habitats" de l'Union Européenne.

* Extensions alluviales dans le lit majeur :

Les prés flottés oligo-mésotrophes, fauchés tardivement, sont des milieux particulièrement remarquables, uniquement représentés en vallée de la Bresle pour tout le département de la Somme. On y observe une flore et une faune particulièrement originales et diversifiées. Certains groupements végétaux relèvent de la directive "Habitats", notamment les prés paratourbeux subatlantiques, du Selino carvifoliae-Juncetum subnodulosi, et atlantiques, de l'Hydrocotylo vulgaris-Juncetum subnodulosi, ainsi que les prairies de fauche de l'Arrhenaterion elatioris.

Les prairies pâturées, souvent d'intérêt patrimonial moindre que celui des prairies de fauche, présentent néanmoins un intérêt fonctionnel important et écologique, lorsqu'elles sont hygrophiles et pâturées extensivement (Mentho aquaticae-Juncion inflexi).

Dans certaines mares, se développent des herbiers à Characées, inscrits à la directive "Habitats".

INTERET DES ESPECES

* Lit mineur de la Bresle :

Les espèces piscicoles remarquables, présentes sur le tronçon 1 (sources à Sénarpont), sont la Truite fario (Salmo trutta fario), le Chabot (Cottus gobio), la Lamproie de planer (Lampetra planeri) et l'Anguille (Anguilla anguilla).

La Truite, le Chabot et l'Anguille sont bien représentés en biomasse ainsi qu'en densité et forment une association caractéristique de la typologie du milieu. La Lamproie de Planer présente des populations modestes. Certains macro-invertébrés benthiques polluosensibles sont abondants.

Le tronçon 2 (Sénarpont à l'embouchure avec la mer) accueille le Saumon (Salmo salar) et la Truite de mer (Salmo trutta trutta) en fortes densités. L'Anguille (Anguilla anguilla) est en forte proportion également. Le Chabot (Cottus gobio) et la Truite fario (Salmo trutta fario) ne présentent, en revanche, que des populations modestes et éparses.

* Extensions alluviales dans le lit majeur :

- Odonates :

La vallée de la Bresle constitue actuellement l'une des rares zones du nord de la France où a été observé l'Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale*), qui forme, de surcroît, des populations importantes. Parmi les autres espèces remarquables, citons : le Gomphus à pinces (Onychogomphus forcipatus), exceptionnel en Picardie ; le Caloptéryx vierge (Calopteryx virgo), assez rare en Picardie mais particulièrement abondant ici ; le Leste sauvage (Lestes barbarus), exceptionnel en Picardie ; le CordulÈgastre annelé (Cordulegaster boltonii), rare en Picardie et abondant en vallée de la Bresle ; l'Agrion de Vander Linden (Cercion lindenii), assez rare en Picardie ; l'Agrion nain (Ischnura pumilio), exceptionnel en Picardie, et l'Agrion délicat (Ceriagrion tenellum), rare en Picardie.

- Flore :

De nombreuses espèces végétales remarquables se trouvent dans les prairies humides à paratourbeuses, parmi lesquelles :

- la Renoncule langue (Ranunculus lingua*), rare et vulnérable en Picardie ;

- la Pédiculaire des marais (Pedicularis palustris*), très rare en Picardie ;

- le Dactylorhize négligé (Dactylorhiza praetermissa*) et l'Orchis incarnat (Dactylorhiza incarnata*), deux orchidées inféodées aux prairies humides non amendées ;

- la Benoîte des ruisseaux (Geum rivale), très rare en Picardie et particulièrement bien représentée en vallée de la Bresle ;

- la Scorzonère humble (Scorzonera humilis), rare et en danger en Picardie ;

- le Sélin à feuilles de carvi (Selinum carvifolia), typique des prairies paratourbeuses ;

- la Valériane dioique (Valeriana dioica), qui se développe dans les bas-marais tourbeux,

avec la Laîche bleuâtre (Carex panicea), assez rare en Picardie ;

- la Prêle d'ivoire (Equisetum telmateia), localisée dans le département de la Somme.

- Avifaune :

Citons la nidification du Martin-pêcheur (Alcedo atthis), inscrit à la directive "Oiseaux" de l'Union Européenne et de la Locustelle luscinioïde (Locustella luscinioides), assez rare en Picardie.

- Batrachofaune :

Signalons la présence de l'Alyte accoucheur (Alytes obstetricans) et du Triton ponctué (Triturus vulgaris), assez rares en Picardie.

FACTEURS INFLUENCANT L'EVOLUTION

- La réalisation de nombreuses carrières d'extraction de matériaux dans la vallée de la Bresle a globalement dégradé son intérêt. Une grande partie des prairies de fauche initiales ont été irrémédiablement détruites avec leurs cortèges floristiques et faunistiques remarquables associés. Les prairies relictuelles qui subsistent méritent d'être préservées des différentes menaces qui pèsent sur elles ou qui sont déjà en cours de réalisation : carrières, maïsiculture, plantations de peupliers, plantations de résineux, remblaiement de zones humides, dépôts de déchets divers, extension de zones industrielles ou commerciales, réalisation de terrains de sport,...

- L'entretien parfois intensif ou les pratiques agricoles favorisent les apports et les dépôts de matières en suspension, ainsi que le colmatage des substrats. La pollution diffuse accroît les risques d'eutrophisation. Le cloisonnement important limite l'amontaison des migrateurs vers leurs zones de frayères potentielles. Les ballastières influencent les peuplements piscicoles de la Bresle, en apportant des espèces cyprinicoles dans un milieu salmonicole, en augmentant la température des eaux et le taux de matières en suspension et en modifiant les composantes édaphiques. Le concrétionnement des substrats est important localement et limite l'intérêt au niveau des zones de frayères. Globalement, les peuplements piscicoles sont en deçà des potentialités de la rivière.

- Les pollutions industrielles sont à circonscrire (il serait nécessaire d'améliorer les rendements épuratoires dans l'industrie du verre).

- La réalisation d'un ascenseur à poissons au Tréport permet de favoriser leur migration.

- Certaines prairies pâturées mériteraient d'être extensifiées, afin de favoriser des espèces remarquables (orchidées,...).

N.B. : les espèces végétales et les espèces d'insectes dont le nom latin est suivi d'un astérisque sont légalement protégées.

Commentaires sur la délimitation

La zone comprend d'une part le lit mineur de la Bresle, dont l'intérêt diffère suivant deux tronçons :

* des sources de la Bresle à Abancourt (Oise) jusqu'au barrage de Sénarpont (ce tronçon offre de nombreuses zones de frayères et de production),

* du barrage de Sénarpont jusqu'à l'embouchure (ce tronçon présente un intérêt pour le passage des migrateurs).

D'autre part, le site comprend plusieurs secteurs de prairies relictuelles remarquables :

* à Saint-Germain-sur-Bresle, entre Guémicourt et "le Moulin bleu",

* entre Neuville-Coppegueule au niveau du lieu-dit "les Epigneux" et Sénarpont au niveau du lieu-dit "Ferme Rotteleux",

* entre Nesle-l'Hôpital et Neslette,

* à Bouttencourt,

* entre Bouvaincourt-sur-Bresle et Oust-Marest,

* à Mers-les-Bains.