ZNIEFF 220320014
MÉANDRES ET COURS DE LA SOMME ENTRE BRAY-SUR-SOMME ET CORBIE

(n° régional : 80VDS115)

Commentaires généraux

DESCRIPTION

Ce tronçon appartient à la grande vallée tourbeuse alcaline de la Somme, unique en France et formant une entité écologique à part entière. Cette zone des méandres des moyenne et haute vallées de la Somme constitue un formidable corridor fluviatile, parsemé de nombreux étangs tourbeux et favorable aux flux migratoires de multiples espèces végétales et animales.

Ce tronçon se caractérise par une dynamique évoluant vers le vieillissement quasi-généralisé du fond de vallée, conduisant à la fermeture des milieux par boisement, par envasement et par disparition des dernières prairies tourbeuses.

Le paysage, qui était autrefois façonné par l’extraction de la tourbe à des fins de combustible domestique, se traduisait par une vallée composée d’étangs, de tourberies, ainsi que de marais fauchés et pâturés. Aujourd’hui, cette vallée est constituée de tremblants, de roselières et de forêts alluviales (bois tourbeux à saules, aulnes et bouleaux).

Cette dynamique entraîne, localement, un processus d’acidification de la tourbe basique et permet la formation d’un complexe d’habitats acidoclines à acidophiles original.

Le tronçon, de Bray-sur-Somme à Corbie, présente une succession d’unités assez bien individualisées :

- de Bray-sur-Somme à la jonction canal-Somme : les plans d’eau sont étroits et surtout voués à la pêche ; les roselières y sont peu développées et la vallée est étroite ;

- le méandre de Proyart est caractérisé par de vastes plans d’eau, des grandes peupleraies et un nombre réduit de HLL (Habitats Légers de Loisirs) ;

- le marais d’Etinehem est peu accessible et ouvert par de grands étangs ;

- le marais du Moulin et des Parts, à Méricourt-sur-Somme, est ouvert par de nombreuses fosses de pêches, accolées à de très grands étangs aux rives peu colonisées par la végétation (les HLL sont très nombreux) ;

- le méandre de Morcourt est caractérisé par des étangs richement végétalisés, des peupleraies plantées sur des prairies et un secteur de roselières atterries, près de Chipilly ;

- entre Chipilly et Sailly-Laurette, alternent des grandes peupleraies et des grands étangs bordés de roselières en cours de boisement ;

- entre Sailly-Laurette et Sailly-le-Sec, on trouve de grands étangs bordés de ceintures hélophytiques diversifiées, des peupleraies et des prairies mésophiles relictuelles (Sailly-le-Sec) ;

- de Sailly-le-Sec à Vaux-sur-Somme, les étangs sont de taille plus réduite, leur fréquentation est très importante (nombreux HLL à proximité) et des prairies hygrophiles grasses subsistent ;

- de Vaux-sur-Somme à Corbie, s’étendent, d'une part, une grande zone d’étangs, récemment recreusés et peu fréquentés (Marais de la Barette), et, d'autre part, des étangs de pêches communaux (Hamelet).

Les milieux aquatiques et amphibies de ce secteur sont très diversifiés. On notera la présence dans les étangs et les fossés :

- des herbiers pionniers à Characées (Charetalia hispidae) ;

- des herbiers bryophytiques flottants du Riccietum fluitantis ;

- des voiles de Lentilles d’eau (Lemnion gibbae) ;

- des herbiers aquatiques du Myriophyllo verticillati-Nupharetum luteae ;

- des herbiers du Potamo berchtoldii-Najadetum marinae ;

- des groupements submergés à Cératophylle (Ceratophyllum demersum) ;

- des herbiers nageants de l’Hottonietum palustris ;

- des herbiers nageants de l’Hippuridetum vulgaris ;

- des herbiers nageants de l’Hydrocharietum morsus-ranae ;

- des herbiers du Lemno trisulcae-Utricularietum vulgaris, dans les vasques des tremblants ;

- des herbiers des rivières lentes eutrophes à Potamot pectiné (Potamogeton pectinatus) ;

- des herbiers flottants du Sparganietum minimi ;

- des herbiers des vasques tourbeuses du Potametum colorati,

Les ceintures hélophytiques comprennent :

- les roselières avancées du Scirpo lacustris-Phragmitetum ;

- les roselières tourbeuses du Thelypterido palustris-Phragmitetum ;

- les roselières atterries du Solano dulcamarae-Phragmitetum ;

- les cariçaies rivulaires du Caricetum elatae, du Caricetum ripario-acutiformis, du Caricetum paniculatae et du Caricetum pseudocyperi ;

- les cariçaies continentales du Cicuto virosae-Caricetum pseudocyperi ;

- la végétation pionnière de rives exondées du Cyperetum flavescenti-fusci.

Dans les prairies résiduelles, se trouvent :

- le Pulicario dysentericae-Juncetum inflexi, dans les prairies pâturées enrichies ;

- le Selino carvifoliae-Juncetum subnodulosi, dans les dernières parties tourbeuses ;

- les bas-marais tourbeux alcalins de l’Hydrocotylo vulgaris-Juncetum subnodulosi ;

- les mégaphorbiaies tourbeuses du Thalictro flavi-Filipendulion ulmariae, dans les zones de déprises.

Les boisements spontanés présents dépendent:

- du Ribo nigri-Alnetum glutinosae, dans les parties tourbeuses ;

- des aulnaies humides à grandes laîches ;

- de l’Alno-Salicetum cinereae pour les fourrés rivulaires ;

- de l’Irido pseudacori-Alnetum sur les sols minéraux et eutrophes.

Les secteurs interstitiels des zones humides sont fréquemment plantés de peupliers (souvent sur d’anciennes prairies).

De l’amont vers l’aval, on remarque que la vallée est de moins en moins encaissée au sein du plateau. Cette caractéristique influe sur la répartition des milieux. En effet, la transition, entre les milieux du fond de vallée et ceux des versants à l’amont du secteur, se fait de façon assez brutale alors que, à l’aval, une frange de prairies, reposant sur des versants peu pentus, existe entre les étangs et les coteaux (même si, aujourd’hui, beaucoup de ces prairies ont disparu).

INTERET DES MILIEUX

Ce corridor naturel, unique en Europe, offre un dégradé de conditions climatiques depuis l’atlantique atténué jusqu’au subcontinental.

Ce tronçon, le plus à l’ouest du secteur de la Haute Somme, subit moins les influences continentales que les secteurs plus amonts (fait illustré, par exemple, par la disparition ou l’appauvrissement du Cicuto-Caricetum), mais bénéficie d’influences atlantiques plus nettes (présence de Cirsium dissectum, par exemple).

La diversité des milieux aquatiques, souvent développés sur des sols tourbeux, confère au site un intérêt national à international. De nombreux milieux présents sont reconnus d’intérêt communautaire et inscrits, à ce titre, à la directive "Habitats" de l'Union Européenne :

- des herbiers pionniers à Characées (Charetalia hispidae) ;

- des voiles de Lentilles d’eau (Lemno-Spirodelletum polyrhizae) ;

- des herbiers aquatiques du Myriophyllo verticillati-Nupharetum luteae, présents uniquement, en Picardie, dans les grandes vallées tourbeuses ;

- des herbiers du Potamo berchtoldii-Najadetum marinae ;

- des herbiers nageants de l’Hottonietum palustris ;

- des herbiers nageants de l’Hippuridetum vulgaris ;

- des herbiers nageants de l’Hydrocharietum morsus-ranae ;

- des herbiers des vasques tourbeuses du Potametum colorati ;

- la végétation pionnière de rives exondées du Cyperetum flavescenti-fusci ;

- les roselières tourbeuses du Thelypterido palustris-Phragmitetum, dont les localités picardes sont les mieux conservées de France ;

- les bas-marais tourbeux alcalins de l’Hydrocotylo vulgaris-Juncetum subnodulosi ;

- le Selino carvifoliae-Juncetum subnodulosi, pratiquement disparu sur le site de Morcourt ;

- les mégaphorbiaies tourbeuses du Thalictro flavi-Filipendulion ulmariae.

D’autres milieux présentent un intérêt régional à national :

- les herbiers flottants du Sparganietum minimi, en grande régression en Picardie ;

- les herbiers du Potametum colorati, très menacés par la fermeture des vasques tourbeuses au sein des roselières ;

- les roselières du Scirpo lacustris-Phragmitetum, qui accueillent une avifaune riche ;

- les cariçaies rivulaires du Caricetum elatae, du Caricetum ripario-acutiformis, du Caricetum paniculatae et du Caricetum pseudocyperi ;

- les cariçaies continentales, du Cicuto virosae-Caricetum pseudocyperi, unité subcontinentale rarissime qui ne peut être présente ici que sous une forme très appauvrie.

La vallée de la Somme présente un intérêt très élevé pour l’accueil d’oiseaux nicheurs rares et forme un couloir de passage apprécié des espèces migratrices.

INTERET DES ESPECES

Flore :

Très grande diversité d’espèces palustres remarquables :

- la Renoncule langue (Ranunculus lingua*), rare en France ;

- le Peucédan des marais (Peucedanum palustre*), très régulier en vallée de la Somme, mais rare ou absent ailleurs ;

- le Potamot coloré (Potamogeton coloratus*), typique des gouilles tourbeuses aux eaux alcalines ;

- le Rubanier nain (Sparganium natans*), rare en Picardie ;

- le Ményanthe trèfle-d’eau (Menyanthes trifoliata*), localisé sur les tremblants pionniers et les bourbiers des rives ;

- l’Ophioglosse commune (Ophioglossum vulgatum*), espèce prairiale peut-être disparue en raison de l’abandon des prairies ;

- la Stellaire des marais (Stellaria palustris*), rare et vulnérable en Picardie.

Faune :

- le Cuivré des marais (Thersamolycaena dispar*), non revu depuis les années 70, car la régression des surfaces en prairie lui est fatale ;

- le Sphynx de l’Epilobe (Proserpinus proserpina*), dont la chenille se nourrit dans les mégaphorbiaies ;

- le Busard des roseaux (Circus aeruginosus), rapace inscrit à la directive "Oiseaux" ;

- le Blongios nain (Ixobrychus minutus), inscrit à la directive "Oiseaux", dont les populations picardes sont parmi les plus importantes de France ;

- la Rousserolle turdoïde (Acrocephalus arundinaceus), espèce vulnérable sur le plan national ;

- la Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica), inscrite à la directive "Oiseaux", qui a colonisé la vallée à la fin des années 80 ;

- la Locustelle luscinioïde (Locustella luscinioides), nicheur assez rare en Picardie ;

- la Pie-grièche grise (Lanius excubitor), en voie d’extinction en Picardie, à la suite de la disparition des prairies.

FACTEURS INFLUENCANT L'EVOLUTION

- Dynamique spontanée des milieux qui conduit à la fermeture des espaces dégagés (boisement des roselières, apparition de mégaphorbiaies dans les prairies,…).

- Accélération des phénomènes de fermeture soit par l’intervention humaine (plantation de peupliers), soit par la non-intervention (abandon des prairies).

- Envasement et atterrissement des étangs, provoqués en partie par les limons des plateaux entraînés dans le cours d’eau par les pluies.

- Acidification superficielle des tourbes par les pluies, permettant l’apparition de végétations acidophiles.

- Développement très important des HLL, provoquant des pollutions diffuses (pas de raccordement des habitations aux réseaux d’assainissement), un mitage de l’espace et des dégradations des milieux naturels aux points de forte concentration.

- Disparition des pratiques d’entretien des marais (récolte des roseaux, coupe des saules, bousinage,…), qui entretenaient des stades pionniers de la végétation (souvent remarquables).

- Accélération des processus d’eutrophisation par apport d’éléments nutritifs (azote, phosphore) d’origines urbaine et agricole.

- Opérations de curages des étangs trop souvent réalisées aux dépens des milieux palustres rivulaires (dépôts des boues de curage sur les berges,…).

N.B. : Les espèces végétales et d’insectes dont le nom latin est suivi d’un astérisque sont légalement protégées.

Commentaires sur la délimitation

Le site est délimité par les agglomérations de Bray-sur-Somme et de Corbie. Bray marque la fin du secteur des étangs de la Haute-Somme, limite après laquelle les étangs changent d'origine, et Corbie marque la transition entre la haute Somme et la moyenne Somme (fin du secteur des méandres). Le site comprend la partie des méandres de la Somme où l'extraction de la tourbe a laissé place à de nombreux étangs alimentés par la nappe souterraine et, dans une moindre mesure, par le cours de la Somme.